Alcoolisme : rebondissement dans l’affaire du Baclofène

 

C’est officiel : ce médicament n’est plus formellement contre-indiqué. L’Afssaps vient « d’actualiser sa position ». Le feuilleton se poursuit. Combien de temps encore ?   

Nous évoquions il y a peu dans ce blog l’ « abcès alcoolique » que constitue, dans le paysage français de la prise en charge des malades de l’alcool, le Baclofène. Ce médicament est commercialisé sous le nom de Lioresal (ou sous son nom générique) par la multinationale pharmaceutique Novartis.  Remboursé par la sécurité sociale  il  est officiellement classé dans la catégorie des myorelaxants. A ce titre il peut être prescrit  chez les personnes souffrant des contractures douloureuses qui caractérisent certaines affections neurologiques, parmi lesquelles la sclérose en plaques.

Mais nous savons aussi que le Baclofène est depuis quelques années de plus en plus fréquemment prescrit chez des personnes souffrant des diverses formes de la dépendance à l’alcool. En dehors de ses indications, donc. Et ce à des doses massives pour un traitement a priori destiné à être administré à vie. On estime entre 30 000 et 50 000 le nombre des personnes ainsi prises en charge et suivies, le plus souvent, par des médecins généralistes ou non spécialisés en alcoologie. Il y a là tous les ingrédients de l’un de ces scandales médicamenteux potentiels que la France expérimente à échéance régulière et à grands fracas dans les médias.

Pour l’heure cette dimension potentiellement scandaleuse n’a pas encore été semble-t-il pleinement perçue par les médias, du moins par les rubriques qualifiées de santé de ceux dits d’information générale. C’est que l’abcès n’est pas encore collecté. La justice n’est pas saisie. Aucun avocat n’est entré en scène. Aucun procureur n’a dû s’exprimer et aucun juge n’a eu à se confier à des journalistes de sa connaissance. Médiatiquement l’affaire s’est, pour l’heure, très largement circonscrite à un combat personnel, celui du Dr Olivier Ameisen. On a ainsi amplement pu le lire, l’entendre et le voir vanter les mérites et la portée médicale de son auto-découverte : celle des effets « anti-assuétude alcoolique » de cette molécule. Eu égard aux enjeux majeurs de santé publique le rôle des différentes associations oeuvrant dans ce domaine n’a encore eu que bien peu d’échos dans la sphère médiatique généraliste.

Tout ceci explique sans doute, pour une large part, que les responsables de la communauté médicale spécialisée (et les sociétés savantes ad hoc)  restent durablement étrangement peu enclins à en savoir plus dans un domaine qui est précisément le leur. Comment comprendre et justifier que les essais cliniques indispensables tardent (c’est un euphémisme) à être mis en œuvre ? Pourquoi  les autorités sanitaires font-elles, pour user d’une image assez juste, le dos rond ?

L’alcoolisme constitue un des problèmes majeurs de santé publique en France. Les boissons alcooliques y sont (comme partout) très lourdement fiscalisées. Leur production et leur vente constituent un secteur économique de grande importance ; étant bien entendu par ailleurs que la consommation d’alcool n’est pas l’alcoolisme  et qu’il n’y a –hormis précisément la molécule alcool – aucun point commun entre  (pour faire court et français)  les vins d’appellations d’origine contrôlée et les boissons alcooliques d’origine industrielle. Rien de commun (tout au contraire)  entre la culture œnologique (qui aide à maîtriser l’objet de la passion) et le développement des nouvelles intoxications alcooliques collectives à la fois rapides et massives.

C’est dans ce contexte que survient ce qui marquera  une étape dans ce feuilleton : l’annonce faite sous forme de « point d’information » diffusé le mardi 25 avril par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). On en trouvera le texte intégral ici.

Dans les formes il s’agit d’une actualisation du dernier point d’information datant de juin 2011.

Traduisons.

L’Afssaps invoque de « nouvelles données relatives à l’utilisation et à la sécurité d’emploi du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance ». Elle rappelle ainsi d’emblée que   si l’efficacité du baclofène dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance n’est pas encore démontrée à ce jour, de « nouvelles données observationnelles montrent des bénéfices cliniques chez certains patients ». C’est là un évènement.

« Concernant spécifiquement cette utilisation hors du cadre actuel de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), les données de pharmacovigilance sont très limitées mais ne remettent pas en cause la poursuite de ce type de traitement. Cependant, une meilleure connaissance du profil de sécurité d’emploi du baclofène dans ce cadre est absolument nécessaire et justifie de maintenir une surveillance très active de l’Afssaps et des professionnels de santé. » Traduction : la consommation actuelle, à des doses élevées, de Baclofène chez les malades alcooliques ne semble pas avoir pour conséquences des effets secondaires indésirables importants. La surveillance étroite se poursuit.

Dans le même temps  l’Afssaps rappelle « que la prise en charge de l’alcoolo-dépendance implique une approche globale par des médecins expérimentés dans le suivi de ce type de patients dépendants ». Le recours au baclofène doit donc « être considéré au cas par cas et avec une adaptation posologique individuelle afin de garantir dans le temps la dose utile pour chaque patient ». Traduction en forme d’interrogation : qu’est-ce, ici, qu’un médecin expérimenté ? Pourquoi l’Afssaps, qui se nourrit de textes et de règles, ne va-t-elle pas plus loin dans la définition de son qualificatif ? En cas de litige, qui tranchera ?

« Au mois d’avril 2012 l’Afssaps a autorisé le lancement d’un essai clinique contrôlé, chez des patients présentant une consommation d’alcool à haut risque qui seront suivis pendant au minimum un an. Face à l’enjeu de santé publique que représente la lutte contre l’alcoolisme, l’Agence encourage le développement d’autres études que ce soit de la part d’équipes académiques ou d’industriels afin d’optimiser l’emploi de cette molécule. » En clair l’Afssaps vient seulement, en avril 2012, d’autoriser le lancement d’un essai clinique contrôlé qui durera un an (dont on n’aura pas, selon toute vraisemblance,  les résultats avant 18 ou 24 mois. Et faute de pouvoir organiser la puissance publique recommande.

L’Afssaps fera sur ce sujet une nouvelle actualisation « dans un délai de 6 mois ». Rine n’interdit de penser que l’on reparlera du Baclofène d’ici là.

 

PS L’affaire prend de l’ampleur. Ainsi cette dépêche parlante de l’Agence France Presse, signée de Brigitte Castelnau et qui vient d’être mandée de Paris:

« France – PARIS – Le baclofène, un décontractant musculaire, dont l’agence du médicament vient d’admettre prudemment l’utilisation « au cas par cas » dans le sevrage alcoolique sur ordonnance, est déjà pris par des milliers de malades, avec plus ou moins de bonheur.

Principe de réalité, vu la déjà large prescription de ce produit ? Impact de la pression, nouvelle en France, de lobbies de patients gravement dépendants de l’alcool appuyés par des médecins ? 
L’agence du médicament (l’Afssaps) a en tout cas entrouvert la porte au baclofène, qui ne dispose d’aucune autorisation pour traiter la maladie alcoolique, en concédant que ce médicament apporte « des bénéfices cliniques » à certains patients ».
La parution le mois dernier d’une étude préliminaire rétrospective, évoquant un taux de succès de 58%, obtenu avec ce produit vieux de près de quarante ans, a changé la donne.
« Cela marche mieux que ce qu’on a actuellement », avait relevé le Pr Philippe Jaury, auteur principal de ce travail paru dans la revue Alcohol and Alcoholism.
En juin 2011, l’Afssaps se bornait à « une mise en garde » à propos de ce vieux médicament, autorisé depuis 1974 pour soulager des contractures musculaires involontaires d’origine neurologique.
Une position jugée dissuasive qui avait été vivement critiquée par des patients et le Pr Bernard Granger, chef de service de psychiatrie.
« Retarder l’usage d’une molécule indispensable peut être aussi grave que de laisser commercialiser une molécule dangereuse. En nombre de morts, l’affaire baclofène risque d’être bien pire que le scandale du Médiator », s’insurgeait le Pr Granger dans une lettre diffusée par l’association Baclofène.
Un médicament dont la popularité a explosé en 2008 avec la parution du livre « Le dernier verre » d’Olivier Ameisen, cardiologue alcoolique, qui y racontait comment ce médicament, pris à fortes doses, avait supprimé son envie de boire. 
Mais l’Afssaps n’a pas délivré de feu vert généralisé car, insiste-t-elle encore maintenant « l’efficacité du baclofène dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance n’est pas encore démontrée à ce jour ».
L’ordonnance doit donc être rédigée, par des médecins « expérimentés », « au cas par cas » et en adaptant la dose utile à chaque patient. Les doses de baclofène nécessaires sont en effet très variables d’un individu à l’autre.
Plus de 30.000 personnes prennent déjà du baclofène en France, pour des problèmes d’alcool, hors indication officielle de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). 
Le taux de notifications des effets indésirables est « très faible » (moins de 0,5% des cas sont déclarés) et en tout cas très inférieur aux chiffres communément admis, « si on considère qu’il y a entre 20.000 à 50.000 patients traités », note le centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Grenoble dans son rapport national de suivi du baclofène dans le traitement des addictions pour l’année 2011.
Le baclofène reste donc encore à explorer sous bien des coutures, et, ses effets secondaires (somnolence, convulsions, syndrome des jambes sans repos…) doivent être mieux recensés.
Leur « sous-notification est probablement le fait d’une culpabilisation » des médecins amenés à prescrire hors AMM, constate le rapport de Grenoble.
Côté essais cliniques, l’Afssaps souligne avoir autorisé en avril dernier, le lancement d’un essai baptisé « Bacloville » chez des patients présentant une consommation d’alcool à haut risque qui seront suivis pendant au minimum un an.
Le débat se poursuit avec le forum patients/médecins de l’association Audes (www.baclofene.fr) et l’association baclofène.org pour qui « la guerre pour l’AMM est engagée ! ». 
Pour sa part, le psychiatre et addictologue Philippe Patel met en garde ceux qui croient à la molécule miracle: « l’extinction complète de l’envie de boire, je n’y crois pas », lance-t-il dans Libération. « Ce que je vois sur mes patients c’est à peu près 25% qui réussissent : ils boivent moins ou pas du tout ».
BC/jca/bw

AFP – 25/04/2012 – 18:25:28

 

 

 

Prothèses mammaires : le pré-mea culpa de l’administration sanitaire

 
La Direction générale de la santé et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ont remis le fruit unique de leurs enquêtes. Un scoop sur un plateau. Plus que troublant. Se rapprocherait-on petit à petit de la « transparence la plus totale » ?
 
Le journalisme d’investigation, s’il existe, est par nature borné. Rien de tel, parfois, que la fidèle mémoire de l’administration pour éclairer, avec une tragique précision, la genèse et l’ampleur des dessous d’une affaire. Dans celle des prothèses mammaires la démonstration vient d’en être directement fournie, en ce glacial 1er février, par le ministère de la Santé. Une démonstration à ce point exemplaire que l’on vient à se demander si elle ne va pas brutalement tuer dans l’œuf l’énergie médiatique dépensée pour investiguer et révéler une vérité cachée.
 
Nous avons pour partie rapporté ici les fruits des travaux menées dans différents organes de presse pour tenter de comprendre comment on a pu en arriver à cette crise de dimension internationale sans véritable fondement sanitaire de nature dramatique. Et nous avons vu de quelle façon deux théories explicatives pouvaient s’affronter. D’une part un génie de la malfaçon et du trucage. De l’autre une série de failles majeures dans ce que le jargon désigne comme étant la « matériovigilance ». Certains tiraient le portrait de l’improbable Jean-Claude Mas quand d’autres tentaient de coincer l’Afssaps ou les institutions sanitaires qui remplissaient auparavant ses fonctions. Avec ce paradoxe provocateur : le prince déchu de la prothèse accusant l’Afssaps de ne pas avoir su organiser la surveillance qui s’imposait ; avant de reprocher vertement à  Xavier Bertrand, ministre de la Santé, d’avoir pris de manière irréfléchie en non scientifique la décision de recommander l’explantation aux 30 000 Françaises porteuses de prothèses PIP.
 
Or voici que Xavier Bertrand vient de rendre public (comme il s’y était engagé) un rapport consacré à  cette affaire. Intitulé « Etat des lieux des contrôles opérés par les autorités sanitaires sur la société Poly Implant Prothèse » ce rapport a été élaboré conjointement par la Direction générale de la santé et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Il est désormais disponible sur le site du ministère dans sa version complète ainsi que dans une version synthétique
 
Et voici que ce document fournit pour la première fois la chronologie officielle des contrôles effectués par l’administration sanitaire auprès de la société varoise productrice des prothèses mammaires PIP.  Et ce rapport va nettement plus loin –et de manière plus précise, indiscutable- que ce que les investigations journalistiques avaient pu jusqu’ici établi. Etranges instants que ceux qui – à la demande de son ministre de tutelle- voient une administration enquêter sur son passé et contrainte de reconnaître ses insuffisances. On n’ira certes pas jusqu’à assister au mea culpa. Mais on ne saurait mésestimer cet effort imposé par l’urgence. On a sans doute estimé, en haut lieu que, tout bien pesé, l’exposé officiel des faits valait mieux que leur révélation journalistique progressive qui, par le canal croisé des avocats des différentes parties notamment, n’aurait pas tardé.
 
Scoop fourni sur un plateau : Il apparaît aujourd’hui que l’attention de l’administration avait été attirée dès 1996 sur « des risques de malfaçons et de taux de ruptures anormalement élevés ». Elle l’a ensuite été, par différents canaux, jusqu’en 2011 avant que la décision d’interdire la commercialisation de ces implants soit enfin prise.
 
« La société PIP, ayant déjà été inspectée deux fois [avant 2000] n’a pas été inspectée sur la période 2001-2010. Néanmoins, devant cette fraude particulièrement élaborée, il n’est pas évident qu’une inspection, même inopinée, aurait été efficace » écrivent les auteurs du rapport.
 
Il faut lire et relire ces lignes, pré-meaculpa et miracle né de la parfaite maîtrise de la langue française. On appréciera comme il se doit le néanmoins, la fraude et sa qualification ainsi que  le balancement entre l’évidence et sa négation précédant le conditionnel. Quant à l’hypothèse de l’inspection, même inopinée, c’est du grand art, du Courteline, du Rostand (Edmond).
 
On comprend certes ici qu’une administration (en l’espèce sanitaire) ne puisse s’exprimer plus clairement ; dire par exemple, qu’elle n’a pas pleinement rempli sa mission mais que, l’aurait-elle fait, la face du monde n’en aurait pas été changée. Ce serait avouer que cette mission n’est au fond que de peu d’importance.
 
 Laisser entendre sans véritablement dire ? C’est là un exercice de très haute voltige quand on sait que les avocats rôdent et  que l’Afssaps est déjà, depuis quelques heures, poursuivie en justice. Il faut donc reconnaître les faits tout en trouvant une porte de sortie. Ce sera le caractère particulièrement élaboré de la fraude.  Si l’on suit bien seul le génie malin du fraudeur sauvera l’administration sanitaire. Les juges suivront-ils ?
 
En toute hypothèse tous les acteurs décrypteront bientôt les lignes suivantes, extraites de la synthèse du rapport officiel (170 pages) ; un rapport qui « au regard de l’ancienneté de certains faits », « s’appuie exclusivement sur les documents archivés du ministère chargé de la santé et de l’Afssaps.» Lignes et rapport qui seront bientôt des documents essentiels pour tous les acteurs de l’administration sanitaire atant  -et plus peut-être – que pour ceux qui entendent le devenir.
 
Pour sa part, peu après la publication de ce rapport Xavier Bertrand s’est dit favorable – comme dans le cas de l’affaire du Médiator- au lancement de deux missions d’enquête, l’une confiée au Parlement, l’autre à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ; ce  afin de « tirer le maximum d’enseignements » du scandale des prothèses mammaires PIP. Journalistiques ou pas les investigations risquent donc fort de se poursuivre.
 
 
  
 
 
 
 
 
 

Contre le cancer l’Etat ne peut pas tout faire

Procation délibérée? La présidente de l’Institut national du cancer tient publiquement de bien étranges propos. C’était hier, dans le Journal du Dimanche. Rapide éclairage sur l’affaire.

L’entretien est annoncé à la Une de la livraison dominicale du 29 janvier. Un appel discret en oreille. « Santé. Cinq cents nouvelles molécules pour vaincre le cancer ». Renvoi en 18. Quatre colonnes pleine page ;  une photo sur trois. Celle du Pr Agnès Buzyn « dans son bureau à Boulogne-Billancourt, jeudi ». Sans la légende nul ne saurait que nous sommes jeudi et dans le bureau de la présidente de l’Institut national du cancer (INCa). Le Pr Buzyn préside l’INCa depuis mai 2011. Spécialiste d’hématologie et ancienne responsable de l’unité de soins intensifs d’hématologie et de greffe de moelle à l’Hôpital Necker-Enfants malades elle avait tout d’abord été nommée présidente du conseil d’administration de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire en septembre 2008. A l’INCa elle a pris la succession de Dominique Maraninchi parti sous d’autres cieux, plus tourmentés dit-on : ceux de la direction générale de l’Afassps.

Que nous dit donc Mme Buzyn ? L’entretien est un genre journalistique bien convenu, parfaitement codifié et (souvent) passablement ennuyeux. Cela se vérifie un peu plus encore quand il est relu et corrigé par celui/celle que le journaliste interroge. Celui-ci ne semble pas sortir du cadre des entretiens des hauts responsables. Il trouve son actualité dans la prochaine Journée mondiale de lutte contre le cancer. Et de fait le propos est emprunte à la métaphore habituellement guerrière et triomphaliste.

C’est la révolution génétique qui va s’ouvrir sur des traitements personnalisés. Déjà 17 médicaments disponibles et 500 dans les tuyaux. Les taux de guérisons augmentent. La présidente est plus que prudente sur la dernière étude en date concernant les cas de leucémies diagnostiqués chez certains enfants vivant à proximité des centrales nucléaires. Elle pourrait être nettement plus incisive, dire que la science ne peut en rien évoquer une relation directe de cause à effet. Elle ne le fait pas. « Mais je veux rassurer les  Français : le risque, s’il existe, est extrêmement faible » dit-elle.

On ne l’interroge pas, et c’est grand dommage, sur l’autre grande affaire sociétale et sanitaire du moment : celle des prothèses mammaires. Une affaire qui a débuté par des rumeurs de corrélation entre cancers et port de prothèses de confection française et de marque PIP. Une affaire qui s’est développée avec la démonstration que cette corrélation ne pouvait être mise en évidence et les conclusions des experts réunis sous l’égide de l’INCa. Ces derniers soulignaient que rien ne justifiait de recommander l’explantation systématique de ces implants. Recommandation pourtant aussitôt formulée par le gouvernement. On aimerait savoir ici quelle analyse fait la présidente de l’INCa de cette articulation entre évaluation et gestion d’un risque qui n’est pas établi.

Et puis une dernière question sur ce paradoxe qui veut que malgré les progrès de la recherche le nombre des cas de cancers en France (365 000 en 2011) ne cesse de grimper. Mme Buzyn invoque le vieillissement de la population et l’intensification du dépistage. « D’autres facteurs de risque entre en jeu, à commencer par le tabac, responsable de 20% des décès par cancer, ajoute-t-elle. En la matière on n’a fait aucun progrès majeur dans la prévention ces dernières années. Pour nous le tabagisme des jeunes et des femmes et un drame. En dix ans le taux de cancer du poumon chez la femme a été multiplié par quatre. Or c’est l’un des cancers les plus mortels. »

Et cette fin, d’anthologie, ou presque : « Nous, on fait notre travail. Mais les citoyens ne peuvent pas tout attendre des pouvoirs publics et du plan cancer ! Ils doivent prendre leur santé en main. Ce décalage de perception me surprend : on a des craintes un peu fantasmatiques sur les facteurs de risques environnementaux mais on accepte de prendre pour soi-même un risque connu et majeur. »

Surprise ? Faudrait-il donc être surpris du fait que les citoyens (qui comme les salariés de l’INCa font également et majoritairement leur travail) acceptent de prendre – pour eux-mêmes – un risque connu mais refusent un risque qu’on leur impose et ce d’autant qu’il est mal connu ? Le fantasmatique se nourrit pour l’essentiel du non dit sinon du mensonge. Et on pourrait penser qu’il est pourrait précisément être du travail de l’INCa de s’exprimer plus clairement sur ce qu’il en est réellement des risques environnementaux inhérents aux très faibles doses. Et non seulement de s’exprimer solennellement sur ce qu’il en est du cancérogène majeur qu’est le tabac mais aussi de consacrer une partie de son budget (68 millions d’euros en 2008) à lutter contre ce fléau à la fois fiscalement rentable et gouffre sanitaire. Comment justifier que la recherche en cancérologie (raison d’être de l’INCa) ne porte pas sur les mécanismes (économiques, sociologiques et politiques notamment) qui permettrait de réduire l’ampleur de ce premier poste de mortalité prématurée pouvant être prévenue ?

Sans doute est-ce bien au citoyen de prendre sa santé en main (l’image n’est certes pas des plus heureuses). Il n’est pas non plus interdit d’imaginer que les responsables des organismes publics à vocation sanitaire (et donc financés par la collectivité) n’accusent pas les citoyens de ne pas toujours y parvenir. A commencer par ceux qui sont tombés dans le (ont cédé au ?) piège de l’addiction tendu par l’Etat (tous gouvernements confondus) avec le soutien actif des multinationales du tabac.

Fut un temps, en France où quelques mandarins atypiques d’obédiences diverses (Got, Dubois, Hirsch, Tubiana, Grémy notamment) étaient à la manœuvre tant dans les médias d’information générale (Le Monde notamment) que dans les cabinets ministériels (ceux en charge de la santé au premier chef). Soucieux de santé publique ils étaient durablement partis en guerre contre les multiples incitations à la consommation du tabac et des boissons alcooliques. On les appelait, au choix les sages ou les ayatollahs. Sans moyen ou presque, osant tutoyer les responsables politiques et les candidats aux élections présidentielles ils gagnèrent quelques rudes batailles. Avec le temps ils lassèrent. Puis vint l’heure de leur retraite.  

Puis on créa ce groupement d’intérêt public qu’est l’INCa. C’était il y a sept ans. Et qu’apprend-on aujourd’hui, par la voix de sa présidente, et dans Le Journal du Dimanche ? Que le nombre des cancers augmente, que l’on fume de plus en plus en France et cet Institut fait son travail.                 

 

 

Prothèses mammaires : qui savait quoi et depuis quand ?

L’affaire aura bientôt un mois. Les enquêtes journalistiques foisonnent. Le ministre s’est tu. La justice est saisie. L’OMS se réveille. Les questions demeurent. Pas de données nouvelles sur le risque cancéreux

La presse vit de plumes et goûte les miroirs. Rien de nouveau depuis les premières livraisons de la Gazette (1631-1915) du Dr Théophraste Renaudot. (1586-1653). Elle ne déteste pas non plus la mise en abyme, la presse citant la presse. Ainsi en ce 14 janvier cette dépêche de l’AFP. Elle traite d’un témoignage « simultanément diffusé » le même jour sous couvert d’anonymat par France 2 et Le Monde ; le témoignage d’un décidemment bien mystérieux inspecteur de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). C’est cet « anonyme »  qui aurait découvert l’existence de matières premières suspectes dans les prothèses PIP. Et l’agent inspecteur de raconter derrière son masque les  circonstances rocambolesque de sa découverte. Une affaire bien banale au fond mais qui prend ici des allures de secret d’Etat.  

 C’était le 17 mars 2010 au deuxième jour de sa mission dans la désormais célèbre entreprise de la Seyne-sur-Mer (Var).  « Selon Le Monde daté dimanche-lundi, les étiquettes placées sur les fûts suspects portaient la mention « SILOP pour silopren, une huile de silicone non autorisée pour un usage médical » et dont il n’était nulle part fait mention dans les documents examinés la veille, nous raconte l’AFP. Sur France 2, l’inspecteur, dont seules les mains apparaissent à l’écran, poursuit le récit: « Les personnels de production me disent qu’ils ne savent pas ce que sont ces étiquettes, je demande les factures et on ne les sort pas ». « Je monte voir M. Mas [le directeur]et je lui demande ce que sont ces matières premières. Il me dit:

 – On avait prévu de faire du développement+.
– Quel développement?
– Je ne sais plus.
Selon Le Monde – qui précise que « l’épisode est aussi résumé dans le rapport d’inspection que l’agence a remis à la justice et dont il a pris connaissance » – c’est en retournant sans prévenir sur un site déjà visité la veille et où il n’était plus attendu, que cet inspecteur a mis au jour la supercherie.
Le premier jour, le contrôle n’a dévoilé aucune anomalie, écrit le journal.
Mais la deuxième fois, « à travers la clôture, j’ai vu des fûts avec des étiquettes qui faisaient référence à un nom qu’on n’avait jamais vu. On a eu du mal à se faire ouvrir la porte. Et cinq minutes après, on rentre sur le site et les étiquettes avaient disparu… Stupeur », reprend l’inspecteur sur France 2 (…)
Il est décidé de prolonger la mission de l’agence: « On n’a plus confiance du tout. Notre crainte c’est que les stocks disparaissent et soient remis sur le marché dès qu’on aura le dos tourné », se souvient l’inspecteur cité par Le Monde. M. Mas a reconnu ultérieurement devant les enquêteurs que la fraude était organisée depuis des années.
La découverte de l’Afssaps a provoqué l’ouverture d’une enquête judiciaire pour « tromperie aggravée » et devrait donner lieu à un premier procès d’ici la fin 2012. Dans l’intervalle, le scandale s’est étendu au monde entier et concerne des dizaines de milliers de femmes. »

Le Monde a titré cet interminable témoignage : «Prothèses PIP : l’incroyable récit d’une supercherie » et explique que pendant près de vingt ans, Jean-Claude Mas a déjoué tous les contrôles en s’assurant de la complicité de ses salariés. « Déjouer tous le contrôles » ? Certes. On pourrait tout aussi bien expliquer que pendant vingt ans les contrôles et les contrôleurs n’ont pas été suffisamment efficaces pour mettre en évidence ce pourquoi ils étaient les premiers faits, les seconds rémunérés. Faire de M. Mas un lointain cousin de Lupin Arsène n’est pas sans risque. C’est pourtant ce qui est fait : « Il faut au moins lui reconnaître cela, à Jean-Claude Mas, l’ex-patron de Poly implant prothèse (PIP), prince déchu des prothèses mammaires. Un talent de persuasion, un art de la supercherie à rendre jaloux les rois du boniment. Pendant plus de vingt ans, cet ancien visiteur médical passé par le négoce en vin et l’assurance avant de se reconvertir dans les seins en silicone a réussi à embobiner ses salariés en leur faisant croire que son gel maison, non agréé, était « le meilleur » pour doper les poitrines de ces dames, et surtout de « bien meilleure qualité » que le Nusil, le gel médical des Américains. Avec le même aplomb, il a juré durant des années aux inspecteurs venus le contrôler qu’il n’utilisait que du silicone homologué. »

Or voici qu’il parle à la presse le roi des boniments, le prince déchu des prothèses issu du bas-fond des vins négociés. Il vient d’accorder un entretien téléphonique à la chaîne M6 qui l’a diffusé le 17 janvier et dont l’AFP nous donne la quintessence : « ‘’Jamais je n’ai nié que j’ai utilisé un gel non homologué », dit-il joint au téléphone, affirmant par la même occasion que son gel « était meilleur que les autres ». L’entrepreneur réaffirme que son gel n’a pas d’effet néfaste sur la santé: « Il y a l’Afssaps qui a fait un rapport, tous les experts sont unanimes, il n’y a aucun lien possible entre ce gel et des patientes… le cancer, le machin, pourquoi pas les maladies auto-immunes, hein… », poursuit-il. L’homme s’énerve aussi quand il est interrogé sur la décision du gouvernement de recommander aux porteuses de PIP en France de se les faire retirer, s’en prenant au ministre de la Santé Xavier Bertrand. « Qui c’est qui a demandé d’explanter les patientes, et pourquoi? Parce que les experts étaient absents. Parce que M. Bertrand n’est pas, que je sache, un scientifique (…) c’est pas croyable alors qu’il savait que ce gel n’est pas toxique. Vous savez qu’il y a 500.000 patientes maintenant qui se posent des questions! », semble s’étrangler Jean-Claude Mas. »

Faut-il rappeler que M. Mas (« qui n’a pas fait d’apparition publique depuis que le scandale a éclaté » souligne l’AFP) a déjà déclaré avoir trompé de manière délibérée (et pendant des années) TÜV Rheinland (l’organisme allemand certificateur de ses prothèses) sur le contenu du gel de silicone ? « Je savais que ce gel n’était pas homologué, mais je l’ai sciemment fait car le gel PIP était moins cher » avait-il dit aux gendarmes chargés de l’enquête pour « tromperie aggravée ».. Faut-il également rappeler qu’aucun lien n’a été établi à ce stade entre ces implants et la vingtaine de cas de cancer diagnostiqués chez les femmes porteuses de prothèses PIP ? Et faut-il enfin rappeler que la recommandation d’explanter de manière systématique les 30 000 femmes concernées a été formulée par Xavier Bertrand ministre de la santé contre l’avis du collège d’experts constitué pour évaluer au mieux le risque carcinogène.

« L’imposture aurait encore pu durer si les prothèses n’avaient commencé à rompre par dizaines. En 2007, PIP reçoit des appels d’Angleterre, des fax de Colombie, ajoute Le Monde. L’année suivante, trois chirurgiens marseillais s’inquiètent à leur tour d’une recrudescence d’incidents et se retournent vers le fabricant. Nous avons déjà évoqué sur ce blog la situation marseillaise et l’alerte (précoce ? tardive ?) lancée auprès de l’Afssaps par des chirurgiens de la bientôt célèbre clinique Phénicia.

Ce que nous ne savions pas c’est qu’après les premières récriminations la société de M. Mas « s’était contenté -comme dit Le Monde– d’envoyer  une nouvelle paire de seins à la patiente, deux autres au chirurgien, ainsi que  1000 euros ’en dédommagement des frais d’explantation et d’implantation’’ ». Ce que nous ne savons pas (et que la presse tarde à découvrir) c’est la nature exacte des relations commerciales et monétaires entre l’ensemble des chirurgiens esthétiques et l’ensemble des firmes productrices ainsi que les conséquences précises de la concurrence (semble-t-il assez vive) qui règne au sein des deux groupes.  

Dans sa livraison datée du 5 janvier Le Nouvel Observateur  fournit quelques lumières. Sous le titre « Dans la jungle des prothèses mammaires » Jacqueline de Linares et Bérénice Rocfort-Giovanni soulignent qu’un détail rassurait les femmes : les prothèses PIP étaient made in France, low cost certes mais tentantes car certifiées CE. Pas question d’implants chinois ou de matériel de contrebande.  

Pour le reste les enquêtes journalistiques piétinent. Elles moulinent le grain désormais offert. Après les procès verbaux de l’enquête de gendarmerie, l’inspecteur de l’Afssaps parlant sous un masque ce sont les anciens employés de M. Mas qui racontent à qui mieux-mieux (toujours sous couvert de l’anonymat) ce à quoi ils ont participé durant des années. Libération (sous la signature d’Olivier Bertrand) y revient longuement le 16 janvier ; avec force détails. Il est vrai que l’auteur a eu l’opportunité de pouvoir « consulter en intégralité » leurs auditions par  les gendarmes de la section de recherche de Marseille ainsi que « les trois interrogatoires de Jean-Claude Mas ». Le journalisme d’investigation (ici sanitaire) réclame toujours un peu de chance. On y découvre bien des secrets partagés entre patron et salariés avant une (tardive) rébellion des seconds.

Libération toujours complète (le 17 janvier) son dossier. Après s’être procuré (c’est l’une des formules en usage) le rapport de l’inspection de l’Afssaps menée chez PIP en mars 2010. Rien de véritablement nouveau. Dix jours seulement après cette inspection (en avril) les prothèses PIP sont interdites. Certes, mais pourquoi pas plus tôt ? Il faudra encore attendre pour le savoir. Enfin Le Figaro (du 18 janvier) croit savoir que l’éventail des poursuites va s’élargir : des avocats de plaignantes visent désormais TÜV Rheinland.

« Dans un dossier où l’aspect financier est très présent, TÜV est en ligne de mire, écrit Marie-Amélie Lombard-Latune.  ‘’On va là où les poches sont profondes…’’ , résume un avocat. Jean-Claude Mas apparemment insolvable, PIP déclaré en faillite, son assureur Allianz tentant de se dégager de sa garantie, les «poches» ne sont pas si nombreuses. TÜV, solide groupe allemand, en fait partie. D’où les différentes procédures civiles ou pénales qui le visent aujourd’hui. Silencieux jusqu’à présent, l’organisme de certification n’a pourtant pas l’intention de porter la responsabilité du scandale PIP, société contre laquelle il a lui-même porté plainte. Selon les auditeurs de TÜV – qui venaient en principe à deux lors de la visite du site à La Seyne-sur-Mer (Var) pendant un ou deux jours.  PIP était passé maître dans l’art de la dissimulation: le personnel était ‘’briefé’’, le système informatique truqué, les documents papier soigneusement triés. Le contrôle se limitait à vérifier le process qualité au regard des normes européennes, assure-t-on chez TÜV, où l’on répète que l’objectif d’un tel audit n’est pas de rechercher une fraude. Une faille évidente dans la surveillance sanitaire des prothèses, de vastes débats en perspective devant les tribunaux. Dès les auditeurs de TÜV tournaient les talons, le patron de PIP fêtait, dit-on, l’événement au restaurant. »

A restaurant ! Ainsi, après s’être longtemps tu, on dit décidemment bien des choses. C’est aussi le cas de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui depuis son siège de Genève vient pour la première fois de s’exprimer sur le sujet. L’institution onusienne conseille désormais officiellement à toutes les femmes qui dans le monde portent des prothèses mammaires PIP (elles ont entre 300 000 et 400 000 dit-on) de consulter leur médecin ou chirurgien si elles suspectent une rupture, éprouvent une douleur ou bien pour « tout autre souci ». Un bien large spectre.

« Des informations supplémentaires sont nécessaires sur les risques associés à ces implants et sur la comparaison avec les autres implants disponibles sur le marché, sur la distribution, l’utilisation et la surveillance » estime d’autre part l’OMS qui découvre cette pratique. La pose chirurgicale des implants mammaires a commencé à se développer à l’échelon international au lendemain de la seconde guerre mondiale. L’OMS é été crée en avril 1948.

Prothèses mammaires: un avocat parisien et des déclinaisons planétaires

L’affaire ne cesse juridiquement d’enfler. Elle offrira bientôt tous les ingrédients pour une leçon sans précédent de « droit sanitaire comparé ». Qui l’écrira ?

Paris, 10 janvier 2011. On vient d’apprendre que des centaines de Sud-Américaines avaient décidé de se porter partie civile dans l’information judiciaire pour homicide et blessures involontaires ouverte à Marseille sur les prothèses mammaires frauduleuses de l’entreprise française Poly Implant Prothèse (PIP). L’annonce a été faite par Me Arié Alimi, avocat parisien au nom des futures plaignantes.

On aimerait incidemment en connaître un peu plus sur les négociations et multiples tractations qui séparent l’émergence médiatique d’une affaire/scandale sanitaire de l’annonce (également médiatique) des poursuites engagées par des personnes qui s’estiment victimes. Avec cet invariant : la présence d’un (ou plusieurs) avocats plus ou moins spécialisés dans le droit médical mais toujours hyperactifs dans leurs cabinets comme devant micros et caméras. Quand ils ne les convoquent pas, précisément, dans leur cabinet. Ainsi Me Alimi  accordant un entretien à l’Agence France Presse pour assurer (pourquoi donc ?) que la lettre notifiant ces parties civiles à la juge d’instruction Annaïck Le Goff du pôle santé de Marseille serait bien envoyée « dans la semaine ». Est-il si important que cette information soit connue de tous avant que la juge Annaïck Le Goff le soit  par voie postale ?

 « Des centaines » ? C’est beaucoup et c’est bien vague. Me Alimi ne peut-il nous en dire plus ? Oui. L’avocat précise que d’autres victimes potentielles (notamment au Brésil et en Colombie) pourraient suivre. Il précise avoir d’ores et déjà été mandaté par un groupement de cinq cents  victimes argentines, menées par l’avocate Virginia Luna, elle-même porteuse d’implants, ainsi que par une association regroupant autant de femmes vénézuéliennes. Ces plaintes s’ajouteront, assure-t-il, aux deux mille cinq cents qui avaient déjà été reçues à Marseille il y a quelques jours.
Selon l’avocat rien qu’en Argentine quinze mille prothèses mammaires PIP auraient été implantées. Au Venezuela environ 40.000 mammoplasties sont réalisées chaque année, mais aucune estimation du nombre de porteuses d’implants PIP n’a été communiquée.

L’Afssaps et TÜV Rheinland en ligne de mire

Attention : outre celles de PIP, les plaignantes sud-américaines s’interrogent sur « les éventuelles responsabilités » de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et du laboratoire allemand TÜV Rheinland, organisme certificateur. Pour préciser tout cela Me Alimi annonce à l’Agence France Presse qu’il donnera aujourd’hui même une conférence de presse (1) en son cabinet du XVIIème arrondissement de Paris, rue de Courcelles (métros Pereire et Courcelles). Il dira sans doute que ses clientes se porteront partie civile à l’audience dans l’autre volet judiciaire de l’affaire, qui devrait donner lieu en 2012 à un procès devant le tribunal correctionnel de Marseille pour tromperie aggravée sur une marchandise.

« De 400.000 à 500.000 femmes seraient porteuses d’implants PIP dans le monde, ce qui a donné un caractère international à ce scandale sanitaire » rappelle l’ Agence France Presse. De fait. Et c’est ce qui confère à cette affaire une dimension sans réel précédent dans l’histoire, récente et bien fournie des crises/scandales sanitaires. Souvent ces dernières se sont caractérisées par leur dimension strictement nationale. Ainsi en France celles – qui demeurent dans bien des mémoires- – du sang contaminé par le VIH. Une caractéristique à dire vrai toute relative quand on sait que d’autres pays industriels furent concernés, à des périodes identiques, par des faits équivalents.

Protéger les volatiles des poulaillers (ceux de Navarre compris)

 L’affaire de la vache folle eut également une dimension internationale. Mais ses origines étaient géographiquement circonscrite (la perfide Albion au début des années 1980) et les projecteurs furent braqués sur d’autres champs d’investigation. Elle donna toutefois lieu à des comparaisons interrogatives éclairantes. Comme celles concernant les divergences nationales dans les évaluations (scientifiques) et dans les gestions (politique) du risque sanitaire. Pourquoi abattre ou ne pas abattre tout le troupeau ? Pourquoi exclure ou ne pas exclure les ris de veau de l’alimentation humaine ? La menace de la grippe dite aviaire (A/H5N1) donna également lieu à des observations similaires quoique moins directement alimentaire. Fallait-il véritablement, comme le décidèrent les  autorités sanitaires parisiennes, couvrir tous les poulaillers (ceux de Navarre compris) d’un filet séparant les volatiles sauvages de ceux qui ne l’étaient plus ? N’était-il pas discrètement excessif –comme le fit un ministre français de la Santé- de recommander de ne plus, le dimanche, apporter son pain perdu aux gentils canards des jardins publics ?  

L’affaire/scandale des prothèses PIP donnera, elle aussi, matière à des leçons de droit sanitaire comparé. Ceux qui les écriront disposent d’ores et déjà de certains éléments. En Allemagne (où, selon la presse, 7.500 femmes seraient concernées) les autorités sanitaires ont recommandé le 6 janvier le retrait des prothèses mammaires dites défectueuses. Pragmatiques comme toujours (est-ce un trait de l’insularité ?) leurs homologues britanniques ont, pour l’heure, jugée injustifiée une telle recommandation ; et ce en dépit du fait que sur l’île 40.000 femmes sont porteuses de prothèses de ce type.

Spectre étendu

Le spectre étendu de l’activité exportatrice de Poly Implant Prothèse (on estime aujourd’hui que 84% des seins artificiels partaient vers l’étranger, pour l’essentiel en Amérique latine, en Espagne et en Grande-Bretagne) fait que d’autres décisions ou recommandations nationales vont suivre(2). Au Brésil les autorités sanitaires ont annoncé qu’elles allaient dans les prochains jours procéder au recensement des femmes porteuses de prothèses mammaires, une mesure qui devrait permettra d’identifier la marque du silicone et la raison de l’implant ou de son retrait. Une quête rétrospective de traçabilité rétrospective en somme.

Une traçabilité qui semble curieusement comme impossible à organiser en France (3) où le ministre de la Santé Xavier Bertrand vient de faire savoir qu’il fallait accroître le nombre de contrôleurs de matériels médicaux et que leurs inspections devaient s’effectuer « sans prévenir » sur les « lieux d’implantation » (sic). En France où 20 cas de cancers (dont 16 adénocarcinomes du sein) ont été recensés chez des porteuses d’implants PIP, sans qu’un lien de causalité ne soit établi. En France premier pays à recommander, par la voix de son ministre de la Santé, l’explantation des prothèses PIP  aux 30.000 femmes concernées.

(1) Lors de cette conférence l’avocat a pu préciser devant la presse l’action qu’il entend mener.  » Nous demandons au ministère de la Santé et à l’Union européenne la création d’un fonds d’indemnisation des victimes étrangères pour permettre l’explantation de ces prothèses qui peuvent s’avérer dangereuses », a-t-il dit. Toujours par voie de presse il a demandé à être reçu « par le ministère de la Santé ou la Commission européenne. L’avocat a aussi suggéré que ce fonds soit financé par l’industrie pharmaceutique (sic). Il a enfin pointé la responsabilité de l’UE dans cette affaire, en particulier les « carences » du contrôle des dispositifs médicaux, ces produits non soumis à une procédure d’autorisation. « Cette législation est un véritable gruyère et les prothèses ont pu passer dans le monde entier », a-t-il commenté.

(2) Les autorités sanitaires néerlandaises ont recommandé mercredi 11 janvier le retrait des implants mammaires PIP. « Même lorsqu’aucune fissure n’est détectée, il est conseillé (…) de retirer la prothèse », ont indiqué les autorités sanitaires néerlandaises (IGZ) et l’Association néerlandaise de la chirurgie plastique (NVPC) dans un communiqué commun. Expliquant avoir émis cette recommandation « au vu des incertitudes qui ont surgi en raison des diverses publications dans la presse », l’IGZ et la NVPC rappellent qu’il y a, d’après leur évaluation, 1.000 femmes portant ce genre d’implants aux Pays-Bas. Fabriqués par PIP, les implants étaient commercialisés aux Pays-Bas par la société Rofil sous la marque « M-Implants ». Les Pays-Bas avaient interdit l’usage des prothèses PIP dès 2010 et avait déjà recommandé, en septembre 2010, aux femmes de consulter un médecin.

(3) Dans le quotidien régional La Nouvelle République (du Centre -Ouest) de ce 11 janvier le témoignage d’une femme âgée de 52 ans. Elle porte  d’une prothèse PIP après mammectomie, chimio et radiothérapie effectuées au CHU de Tours (Indre-et-Loire). Pose de la prothèse en novembre 2004 dans une clinique privée du XVIème arrondissement de Paris. Septicémie à staphylocoque. Réintervention en juillet 2005, même endroit, même chirurgien. On passe d’une à deux prothèses pour « rattraper la symétrie ». Facture de 4000 euros. Dépassements substantiesl d’honoraires. Reprise d’une vie normale, pratique de la natation. Aucune information en mars 2010 quand l’Afssaps a recommandé aux chirurgiens une surveillance de leurs patientes. C’est elle qui, après les informations parues fin 2011 dans la presse, découvrira que sa prothèse est de marque PIP. Elle appelle la secrétaire de son chirurgien parisien qui lui conseillera la marche à suivre standard après les recommandations gouvernementales: échographie et à court ou moyen terme, explantation. « C’est un scandale dit-elle. Je voudrais bien savoir comment les chirurgien choisissent leur matériel. » Elle rejoindra sous peu les 2.400 femmes qui ont décidé de porter plainte. « C’est la colère qui me pousse. Mon indignation me donne du courage. »

 

 

 

Prothèses mammaires : une histoire marseillaise

 Pas de données nouvelles quant au risque de cancer. La psychose gagne néanmoins le monde. L’Europe et Xavier Bertrand  en appellent à une « plus grande exigence » dans le contrôle des dispositifs médicaux implantables dans les corps humains ». Pourquoi seulement maintenant ? Que s’est-il donc passé à la célèbre clinique Phénicia de Marseille ? Et quel rôle a donc joué l’Afssaps?  

Surtout, ne pas ne pas avoir raison quand il est trop tard. Mais il y a bien pire : avoir raison nettement trop tôt. En art (en médecine) cela ne pardonne guère. Ignace-Philippe Semmelweis (1818-1865) en a su quelque chose. Une affaire du tonnerre  comme l’a couché, à l’encre indélébile, le Dr Destouches (1894-1961) dans sa thèse soutenue le 1er mai 1924 à Paris ; document prophétique publié sept mois plus tard et à compte d’auteur à Rennes (où le bientôt Louis-Ferdinand Céline avait, pour fait de guerre, fait sa médecine en extrême vitesse). On peut en réchapper. Ainsi le peintre Munch (1963-1944) qui, après avoir failli y laisser plusieurs son corps alcoolique, parvint à survivre à ses enfers comme l’évoque à merveille un ouvrage singulier de Dominique Dussidour édité par Grasset. Un opuscule pour alcoologue ? Un bréviaire pour alcoolique ?

Alcool ou pas, on ne pardonne pas facilement à ceux qui voient d’emblée ce que d’autres ne pourront percevoir  que plus tard. Munch y parvint. On peut imaginer que ce ne fut pas trop tard; pour lui.  Mais le pardon devient  impensable quand la vision se double (comme dans le cas de l’obstétricien hongrois) d’une démonstration chiffrée.  De manière rarissime il en va parfois aussi dans cette autre confraternité – cette haine vigilante- que peut être le journalisme. Et tout particulièrement quand il est question de crise sanitaire.

Les crises sanitaires (et les crises collectives d’une manière générale) ont ceci d’assez particulier qu’une fois l’abcès constitué des voix s’élèvent pour dire que si elles avaient été écoutées on n’en serait pas là. Mais ce n’est pas tout d’avoir été au bon endroit au mauvais  moment. Il faut le faire savoir. Et généralement ces voix  y parviennent. C’est trop tard, mais qu’importe. Certes le tonnerre gronde et les premières gouttes sont là. Mais mon dieu, il n’est jamais trop tard pour ouvrir bien grand notre parapluie. Courons bien vite le chercher à la cave des souvenirs. Par précaution.

Prenons aujourd’hui l’exemple du Dr Christian Marinetti. Il exerce la profession de chirurgien et préside au destin d’une clinique marseillaise de chirurgie esthétique. Pas une clinique anecdotique, non. Tout simplement l’une des plus importantes de cette catégorie en France. Elle emploie  dix-sept chirurgiens plasticiens et un assez grand nombre de spécialistes connexes proposés pour les territoires périphériques et autres phanères humain. Un bel endroit. On pourra en apprendre plus sur la clinique Phénicia ici.

Autant dire que le Dr Marinetti était de longue date aux premières loges des agissements de la société Poly Implant Prothèse (PIP) basée dans le Var voisin. A ce propos une incise : on aimerait connaître les étranges et véritables raisons du formidable héliotropisme de la chirurgie dite esthétique. Pourquoi le pourtour méditerranéen et l’Amérique du sud sont-elles à ce point des terres d’élection de la reconstruction corporelle à des fins rajeunissantes ? Joli travail pour enquête en eaux troubles.

« Prothèses PIP: un chirurgien marseillais dit avoir alerté l’Afssaps dès 2008 » titre l’Agence France Presse dans ces premiers jours de 2011. La dépêche résume ce que le Dr Marinetti développe depuis peu à l’envi sur les ondes et les écrans. A savoir qu’il a, dans cette affaire en cours de scandalisation, alerté (par « courriel » il a trois ans) l’ l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Une adresse justifiée selon lui par le constat d’un taux anormal de rupture des prothèses PIP.

« L’Afssaps a été prévenue dès les premières ruptures survenues à partir de fin 2007 par les déclarations que nous sommes obligés de faire pour tout dispositif défectueux, puis par mail courant 2008 », a expliqué à l’AFP M. Marinetti qui exerce à la clinique Phénicia, où sont posées 600 à 800 prothèses mammaires par an. Dans le même temps, il assure que sa clinique a arrêté d’utiliser les implants mammaires PIP, renvoyant le stock à l’entreprise voisine. « Comme rien ne se passait, j’ai téléphoné à l’Afssaps, j’ai dit ‘’nous avons un problème sévère, je tiens à votre disposition les implants rompus pour l’analyse du silicone, nous voulons savoir ce que nous avons introduit dans le corps des patientes. 2009 arrive, nous voyons de plus en plus de patientes arriver avec des ruptures, des réactions inflammatoires jamais vues par le passé, donc j’envoie un recommandé en octobre au directeur de l’Afssaps en lui demandant expressément de faire quelque chose. Est-ce que nous devons convoquer toutes les patientes, les surveiller, les explanter d’office? » N’obtenant aucune réponse, le médecin marseillais renvoie en février 2010 le même courrier à l’agence sanitaire qui annoncera, le mois suivant, le retrait du marché des implants de la société PIP, alors placée en liquidation judiciaire. »

Dr Bernard Dupont, directeur général de Phénicia : « A l’époque, nous avions quatre principales marques, dont PIP, troisième producteur mondial et agréé dans les centres anti-cancéreux. , précise le Dr Bernard Dupont, directeur général de Phénicia. Pour son confrère Marinetti outre l’utilisation frauduleuse d’un gel de silicone non autorisé, au pouvoir irritant, la composition de l’enveloppe des prothèses est en cause. « A partir de 2005-06, PIP avait supprimé la troisième couche, appelée la barrière anti-liquide, précise-t-il.  C’est là que la société a signé son forfait: en 2007 elle a été rattrapée par les anciennes prothèses qui commençaient à se rompre et par les nouvelles qui se détruisaient très vite »

Signé son forfait ? Nous sommes certes à Marseille. Il est tout de même des formules qui sonnent bien étrange quand elles sont prononcées par des médecins. Mais dépassons la formule. Ignorons (ce qui est d’ailleurs le cas) ce qu’il a pu en être ici des relations commerciales entre un gros fabricant et un client qui ne l’était pas moins. Dépassons la formule et posons l’hypothèse que les choses se sont ainsi passées. A qui a été adressé le mail envoyé « courant 2008 » ? Quelle ont été les suites concrètes données à ce courrier ? Que signifie la formule « comme rien ne se passait » ? Quand et à qui le Dr Marinetti a-t-il téléphoné à l’Afssaps ? Où sont les traces du courrier adressé par voie recommandée en octobre 2009 au directeur de l’Afssaps ? Quelles ont été les suites qui ont été donnée ? Jean Marimbert (qui fut directeur général de l’Afssaps de 2004 à mars 2011) conserve-t-il un souvenir de tout ceci?  

Fermons un instant la parenthèse marseillaise 1. Quelles ont été les véritables raisons qui ont conduit la direction de l’Afssaps à diligenter une inspection (début 2010 semble-t-il) dans les locaux de la société PIP ? Est-ce, comme on le murmure en haut lieu, des appels téléphoniques anonymes de chirurgiens esthéticiens en souffrance avec la firme ? Pourquoi les appels marseillais n’ont-ils pas (comme cela semble être le cas) été pris en compte en temps et en heure par l’Afssaps ? Pourquoi cette Agence n’a-t-elle pas procédé à l’analyse des implants explantés que l’on tenait à sa disposition ? Pourquoi, à l’inverse, les médecins et la direction de la clinique Phénicia n’ont-ils pas vigoureusement relancé leur autorité sanitaire de tutelle alors même qu’ils devaient prendre en charge et facturer de nouvelles interventions imprévues chez des patientes que l’on imagine mécontentes ?  Les mêmes causes produisant les mêmes effets ‘et ce depuis 2007) les autres chirurgiens spécialisés français ont-ils également alerté l’Afssaps ? Si oui quand ? Si non pourquoi ?

Ne devient pas lanceur d’alerte qui veut. A fortiori quand personne n’écoute.

1 Dans son édition datée 7-8 janvier le quotidien Libération cite (sans donner son nom) un « ex-reponsable recherche et développement  » de la société PIP qui « n’a pas donné l’alerte à l’extérieur de l’entreprise » mais qui « explique qu’il a essayé de résister, comme quelques autres salariés ». L’anonymat des témoignages (longtemps après les faits) nuit-il à la valeur que l’on peut leur accorder ? 

 

Prothèses mammaires : Xavier Bertrand « veut tout savoir ! »

 Aucune donnée nouvelle quant au risque de cancers. Mais émerge  la psychose d’une sorte d’empoisonnement au long cours par des produits destinés à l’industrie.  Les plaintes de femmes s’accumulent. Le risque politique augmente

« Tout savoir ! » Xavier Bertrand, le « veut ». Qui ne le voudrait ? Et l’on imagine volontiers l’ire grandissante du ministre de la Santé  dans ses étages parisiens de l’avenue de Ségur. « L’affaire des prothèses mammaires tourne au scandale sanitaire » titrait en Une Le Figaro en ce matin du mardi 3 janvier. Est-ce dire que l’affaire se rapproche des responsabilités politiques, les fusibles des agences et des administrations centrales  étant déjà en passe d’êter grillés ? Est-ce dire également qu’il y avait quelque chose d’excessif, de précipité, dans la récente recommandation d’explantation des prothèses PIP faite aux 30 000 femmes concernées en France ? Est-ce dire encore que personne, au cabinet du ministère de la Santé (ou chez les conseillers et autres experts en charge d’aider à les politiques à gérer le risque) n’avait perçu que braquer ainsi les projecteurs tricolore de la précaution confèrerait immanquablement à l’affaire une dimension internationale ? Quand a-t-on su, avenue de Ségur, que l’on estime dans le monde entre 400.000 à 500.000 le nombre de femmes porteuses d’implants PIP, notamment en Amérique latine, en Espagne et en Grande-Bretagne ?

« Ce n’était pas un scandale sanitaire, cela risque de devenir une affaire politique » écrivions-nous sur Slate.fr à la veille de Noël. Dix jours plus tard le risque a, objectivement, considérablement augmenté.   

 Baysilone, Silopren, Rhodorsil, perspiration, explantation

L’année commence aussi mal que s’était achevée la précédente : on vient d’apprendre qu’un additif pour carburants est présent dans le gel des prothèses mammaires controversées ; des prothèses toujours implantées chez 30 000 femmes en France et plusieurs centaines de milliers dans le monde. Un additif pour carburants ?   C’est du moins ce que croit savoir RTL. Selon cette radio les trop célèbres prothèses contiennent  un mélange de substances commandées par la firme PIP à de grands groupes de chimie industrielle et qui n’ont jamais été testés cliniquement quant à leur éventuelle nocivité sur l’organisme.  Parmi eux, un additif pour carburants, le « Baysilone », ainsi que le « Silopren » et le « Rhodorsil », utilisés dans l’industrie du caoutchouc. Des produits qui auraient été à l’origine de la rupture des implants ; et de nouveaux termes qui, après explantation et avant perspiration (nous en reparlerons), viennent enrichir ce dossier décidemment bien tentaculaire.

 Plus ou moins démentie cette information a fait son effet. « D’après l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), on savait qu’il s’agissait d’un gel impropre, plutôt utilisé dans l’alimentaire et l’informatique » a déclaré à l’Agence France Presse le ‘’médecin-conseil’’ d’une association de porteuses d’implants, Dominique-Michel Courtois. « On ne pouvait pas penser que le gel ait pu contenir un additif pour carburants. C’est pourquoi on réclame des analyses de prothèses directement prélevées sur les patientes », a ajouté l’un des avocats des plaignantes, Philippe Courtois. Selon lui les analyses de l’Afssaps n’ont porté que sur des prothèses saisies lors d’une perquisition au sein de l’entreprise PIP en mars 2010. Il estime que des analyses à l’étranger sont aussi nécessaires selon lui, après la révélation dans la presse britannique d’un taux de rupture des prothèses PIP bien plus élevé que la moyenne, puisque « le mélange variait peut-être selon les expéditions ». Jusqu’en mars 2010 la firme produisait jusqu’à 100.000 prothèses par an, dont les 4/5ème étaient exportées notamment vers l’Amérique latine, l’Espagne et la Grande-Bretagne.

 Le cap des 2500 plaintes en France

 Il n’en fallait pas plus pour que la psychose gagne un peu plus.  Et ce ne sont pas les démentis de l’avocat de Jean-Claude Mas, le fondateur de PIP, qui changeront la donne. Ce dernier a assuré que les révélations de RTL « n’avaient pas de sens ». A propos des substances incriminées il a affirmé à l’AFP qu’il « s’agissait de produits alimentaires utilisés dans la composition des produits de beauté ». Répartie de Mme Dominique-Michel Courtois :  « D’après l’Afssaps, on savait qu’il s’agissait d’un gel impropre, utilisé dans l’alimentaire et l’informatique. Mais on ne pouvait pas penser que le gel ait pu contenir un additif pour carburants. C’est pourquoi on réclame des analyses de prothèses directement prélevées sur les patientes ». Près de 2.500 plaintes ont déjà été déposées en France.

La psychose gagne et la transparence, son antidote, est loin d’être faite. C’est dans ce contexte que Xavier Bertrand a annoncé aujourd’hui qu’il était favorable à la création d’une mission parlementaire. Autant dire qu’en matière de crise sanitaire  aussi les mêmes causes produisent les mêmes effets. Simplement ces effets apparaissent de plus en plus rapprochés après le déclenchement de l’affaire.  « Aujourd’hui les éléments nous laissent penser que ces gels  étaient vraiment frelatés. Comment dans ce cas les contrôles ne l’ont pas déterminé ?  C’est cela qui m’intéresse », a-t-il déclaré sur LCI. Je veux tout savoir. J’ai demandé des enquêtes à la Direction générale de la Santé, à l’Afssaps pour savoir ce qui s’est passé, comment ont été faits les contrôles. »  

Vers une mission parlementaire

Xavier Bertrand  s’est par ailleurs déclaré favorable à la création d’une mission parlementaire, comme l’avait d’ailleurs demandé la sénatrice UMP Chantal Jouanno. Sénatrice et ex-ministre des Sports Chantal Jouanno a demandé le même jours lors du Talk Orange-Le Figaro que la commission des Affaires sociales du Sénat institue « dans les plus brefs délais » une mission d’information parlementaire sur ce « problème de santé publique ».

« Problème » et non « scandale » de santé publique. A ce stade les analyses de l’Afssaps, effectuées sur des prothèses saisies lors d’une perquisition dans les locaux de PIP en mars 2010, ont mis en évidence un gel non conforme, au pouvoir irritant mais non génotoxique, avec un risque plus élevé que la moyenne de rupture des enveloppes et de suintement du gel. Producteur lyonnais de silicone Bluestar Silicones a indiqué, toujours le 3 janvier  que ses produits Rhodorsil, qui entraient, avec d’autres, dans la composition des implants mammaires PIP, n’avaient qu’un usage strictement industriel. « Nous n’avions aucun contact avec la société PIP, a affirmé à l‘Agence France Presse  Jean-François Granat, directeur de la communication de Bluestar Silicones. On livrait des produits auprès de nos distributeurs, qui eux-mêmes répondaient à des appels d’offre de la part de PIP. Nous, on ne savait pas ce que PIP faisait de ce composant. »

On découvre aujourd’hui que les livraisons de silicone Rhodorsil à la société PIP se sont étalées de 2001 à 2010. De quelques kilos les premières années, elles ont grimpé jusqu’à une dizaine de tonnes par an, selon M. Granat.
Par ailleurs, le groupe allemand Brenntag, spécialiste de la distribution de produits chimiques, a indiquéle 3 janvier  avoir fourni du silicone à la société PIP, mais dit avoir précisé à l’entreprise qu’il était destiné à un usage industriel. Pour sa part Le Monde (daté du 4 janvier) évoque les insuffisances dont aurait fait preuve la société allemande TUV Rheinland  en charge des missions de contrôle et de certification ; une société qui devait effectuer chaque année un audit de la société varoise et qui déjà porté plainte en 2010 contre PIP estimant que ses experts «ont été trompés manifestement en totalité et constamment par l’entreprise PIP, au détriment des femmes concernées». Certaines de ces femmes annoncent qu’elles vont poursuivre la société allemande.

Personne n’a rien vu pendant dix ans

«L’entreprise PIP pratiquait des fabrications en désaccord total avec leur dossier de mise sur le marché, alors que leur documentation sur les lots fabriqués était conforme. Donc il y avait falsification de la documentation, ce qui rend évidemment les audits très difficiles» a pour sa part plaidé sur TF1/LCI Jean-Claude Ghislain, directeur de l’évaluation des dispositifs médicaux à l’Afssaps.  Pour résumer l’affaire personne n’a rien vu pendant dix ans ; jusqu’au moment où la firme varoise a été dénoncée de manière anonyme auprès de l’Afssaps. On pourrait rêver d’un système sanitaire un peu plus performant.

A l’image du ministre de la Santé nous sommes sans doute nombreux à désirer en savoir plus, sinon tout. Et dans un tel contexte on peut raisonnablement penser, « problème », « affaire » ou « scandale » que les demandes d’explantations en urgence (scénario que le ministère de la Santé voulait à tout prix prévenir) vont se multiplier émanant de femmes redoutant d’être victimes d’une sorte d’empoisonnement chronique par des ingrédients chimiques destinés à l’industrie et nullement à être implantés dans des corps féminins.

Fin 2011 : prothèses mammaires et grippe aviaire

Quand l’année 2012 apportera-t-elle une réponse aux deux questions de santé publique sur lesquelles 2011 s’achève ?  

Sur son blog, qui jouxte, celui-ci Antoine Flahault achève l’année 2011 en traitant d’un sujet sanitaire majeur qui n’a pas eu l’heur de séduire durablement les médias français d’information générale : la menace inhérente aux manipulations expérimentales du trop célèbre A/H5N1 dit aviaire. Quelques heures après la publication de ce billet et du premier commentaire qu’il devait susciter l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se déclarait « profondément inquiète » par ces recherches. Rappelons  que laboratoire néerlandais dirigé par Ron Fouchier au centre médical universitaire Erasmus de Rotterdam avait annoncé en septembre être parvenu à obtenir une mutation de cet agent pathogène susceptible de lui permettre de  se transmettre nettement plus facilement entre des mammifères et notamment des humains. Aux Etats-Unis l’Université du Wisconsin  a également produit une communication similaire à propos de ce virus. Les deux recherches ont été financées par les Instituts nationaux américains de la santé (NIH). L’OMS prend note que  » ces annonces « ont suscité des inquiétudes sur les possibles risques et mauvais usages associés à ces recherches », indique aujourd’hui  l’organisation sanitaire onusienne dans un communiqué mis en ligne en anglais sur son site. L’OMS  est « également profondément inquiète des conséquences potentiellement négatives  de tels travaux ». Et dans un subtil balancement jésuite elle considère que les études menées dans des conditions appropriées doivent continuer «  afin d’accroître les connaissances « nécessaires pour réduire les risques posés par le virus H5N1 ».

 Que sait l’OMS que nous ignorons ?

Quelques heures après cette prise de position les dépêches des agences de presse internationales nous apprenaient, depuis Pékin, qu’un chauffeur d’autobus de Shenzen (grande ville du sud de la Chine proche de Hong Kong) venait de mourir des suites d’une infection causée par le A/H5N1). C’est le premier cas mortel officiellement recensé en Chine depuis dix-huit mois.  Point inquiétant : cet homme de 39 ans n’avait apparemment pas eu de contact avec des volatiles avant de tomber malade ; et il n’était pas sorti de la ville avant d’être pris de fièvre  le 21 décembre et de mourir dix jours plus tard d’une pneumonie virale. Il avait testé positif pour le A/H5N1 de la grippe aviaire a indiqué le département de la Santé de Shenzen, (plus de dix millions d’habitants). Aucune des 120 personnes placées en observation avec lesquelles il a été contact n’est tombée malade précise le quotidien officiel de la province du Guangdong. Il y a dix jours, 17.000 poulets ont été abattus dans un élevage de Hongkong. Les autorités locales avaient alors suspendu pour vingt-et-un jours le commerce de poulets vivants ainsi que leur importation en Chine continentale.

Retour en France.

En cette dernière journée de l’année 2011 France on découvre que vingt cas de cancers ont désormais été déclarés à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) chez des femmes porteuses de prothèses mammaires fabriquées par la désormais trop célèbre société PIP.  Selon ce nouveau bilan on dénombre trois cas de lymphome, dont un lymphome rarissime, quinze cas d’adénocarcinome mammaire, un cas d’adénocarcinome du poumon, ainsi qu’une leucémie. « Aucune imputabilité n’a été établie à ce jour entre ces cas de cancer et le port des implants PIP »  précise l’Afssaps qui ajoute que le nombre de cancers du sein rapporté à ce jour chez les femmes porteuses de prothèses PIP « reste inférieur au taux observé dans la population générale ». Ces prothèses seraient-elles protectrices ? A partir de quand les 30 000 femmes potentiellement concernées devraient-elles raisonnablement s’inquiéter ? Quand seront-elles rassurées ? Qui, en 2012, fera le premier l’indispensable cours de pédagogie sur ce qu’est et n’est pas une relation de causalité ? Qui parlera au plus grand nombre du hasard statistique et de la fatalité qui ne l’est pas ?  

Osons écrire ici que ces informations seraient peut-être plus utiles que celle qui, terrible vacuité médiatique des fins d’années, tourne en boucle sur les ondes et les écrans : le fondateur de la société PIP, Jean-Claude Mas (72 ans et visé en France par deux enquêtes judiciaires « pour tromperie aggravée » et « homicide involontaire ») apparaîtrait comme « consultant » dans l’organigramme d’une nouvelle société, France Implant Technologie (FIT), créée par ses enfants en juin 2011.   

 Vérité britannique ?

Faudrait-il attendre la vérité épidémiologique d’outre Manche où environ 42.000 femmes portent des implants PIP ? A quelques heures du réveillon les autorités britanniques ont annoncé l’ouverture d’une enquête sur les « données utilisées pour évaluer les risques des implants mammaires PIP, fabriqués en France » et ce après avoir reçu des informations « incohérentes » sur ces prothèses. « Je suis inquiet et mécontent de la cohérence et de la qualité des informations qui ont été transmises par les fournisseurs  des implants PIP au Royaume-Uni, vient de déclarer le ministre britannique de la Santé, Andrew Lansley. Nous avons reçu hier vendredi 30 décembre  des informations de la part de l’un des grands cabinets privés de chirurgie esthétique, qui n’avaient pas été révélées jusqu’à présent (…) et qui sont incohérentes avec les informations fournies jusqu’alors ». Le ministre a chargé un groupe d’experts d’étudier ces données et de se pencher sur « la réglementation en terme de qualité et de sécurité dans le secteur privé de la chirurgie esthétique. Leur rapport est attendu la semaine prochaine. A 2012, donc.

Avec tous nos vœux.

 

Prothèses mammaires : mais que n’a donc pas fait l’Afssaps ?

Un bien étrange courrier de la FDA américaine. Des avocats d’attaque. Où cette affaire sanitaire atypique commence à présenter des similitudes avec celle du Médiator. On attend une réaction des autorités sanitaires et gouvernementales.

 Toulon (Var), Paris (France), Washington (États-Unis).  Le spectre s’élargit en même temps que la focale se déplace. Sur certains chirurgiens plasticiens tout d’abord. Sur l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de l’autre.  Il se confirme ainsi que la Food and Drug Administration (FDA) américaine n’était pas resté inactive vis-à-vis de la firme française Poly Implants Prothèses (PIP).  Cet intérêt était motivé par le développement notable, outre Atlantique,  de la pratique de la chirurgie esthétique et des implantations de prothèses mammaires. La FDA avait dépêché du 11 au 17 mai 2000 un de ses enquêteurs dans l’usine PIP, située à La Seyne Sur-Mer (Var) pour inspecter le processus de production des prothèses du groupe. Cette inspection aurait alors révélé que certains manquements à la conformité. Un courrier daté du 22 juin de la FDA citait alors une série de onze  violations dans les méthodes utilisées, les locaux et les installations qui n’étaient pas conformes aux pratiques de production de référence. Parmi elles, la FDA cite « l’incapacité à établir et à maintenir des procédures de vérification » de la conformité des prothèses, eu égard aux objectifs de qualité. L’inspecteur de la FDA reprochait alors aussi à PIP de ne pas avoir signalé à l’agence américaine, comme le veut la loi, l’existence d’une centaine de plaintes déposées en France à propos de ces prothèses de janvier 1997 à juillet 2000 ainsi qu’au moins vingt en provenance d’autres pays durant la même période. On trouvera une copie de cet étonnant courrier ici.
Les violations relevées durant l’inspection pouvaient être le reflet de problèmes sous-jacents dans le processus de production de la firme et de son système assurant la qualité des produits, estimait alors la FDA. Il s’agissait  d’implants mammaires constitués de solution saline différents des prothèses  également produites par PIP utilisant des gels de silicone et pour lesquelles le gouvernement français a recommandé l’explantation « à titre préventif et sans caractère d’urgence » chez les 30 000 femmes qui en portent.

 Question : la FDA avait-elle alors communiqué les résultats de son inspection aux autorités sanitaires françaises ?  Interrogée le 27 décembre par l’Agence France Presse (AFP) Erica Jefferson, une porte-parole de la FDA n’a pas été en mesure de le confirmer ou de l’infirmer. « Notre lettre de mise en garde a été rendue publique en 2000 et, étant donné le temps écoulé depuis, je n’ai pas pu avoir la confirmation que ces informations ont été transmises à la France, a-t-elle répondu. Mais généralement, quand la FDA mène des inspections dans des pays étrangers, les autorités de ces pays sont informées de notre présence sur leur territoire. »

 Ce nouvel élément vient, côté français, brutalement compliquer le dossier. Comment raisonnablement comprendre que l’avertissement de la FDA soit resté sans écho de ce côté-ci de l’Atlantique – a fortiori si la mise en garde a été rendue publique par la FDA ? Comment un tel constat de manquements à des exigences de fabrication d’un dispositif implantable dans le corps humain ait pu rester lettre morte ? Et que sont les poursuites en justice devenues ? Comment la France pouvait-elle ignorer les manquements d’un fabricant français ?

Et une nouvelle n’arrivant jamais seule la journée du 27 décembre aura aussi été celle qui aura vu Me Laurent Gaudon, avocat de quatre porteuses d’implants mammaires PIP, annoncer qu’il allait assigner au civil les chirurgiens qui auraient manqué à leur devoir d’information et la société allemande Tüv, qui certifiait leur qualité. Objectif : obtenir pour les victimes de prothèses défectueuses l’indemnisation qu’elles risquent de ne pas obtenir dans le volet pénal, PIP ayant été déclaré en faillite en 2010. Cet avocat fonde son action sur un arrêt de la cour d’appel d’Aix de 2008 qui a déjà ciblé la responsabilité d’un chirurgien pour « manquement au devoir d’information » dans des faits qui remontent à 1996 et concernaient déjà des prothèses PIP. Outre les sociétés PIP et Tüv, Me Gaudon veut poursuivre les chirurgiens qui auraient continué à opérer des patientes avec des implants PIP malgré des ruptures. Dans l’arrêt de la cour d’Aix, la patiente avait été victime de quatre déchirures d’implants PIP et se serait vu réinsérer à chaque fois cette marque sans en avoir été informée.

« Le chirurgien est débiteur d’une obligation d’information, comme tous les médecins, a dit Me Gaudon à l’agence de presse Reuters. Il ne doit pas seulement vous informer sur l’opération elle-même – les risques de cicatrisation, les risques liés à l’anesthésie – mais sur les avantages, les inconvénients des prothèses qu’il va vous insérer et le choix qu’il y a entre les différents types de prothèses. »

Et un avocat pouvant ne pas agir seul Me Yves Haddad, l’avocat de PIP, qui reconnaît que la majorité des implants de la société étaient fabriqués avec du gel non conforme depuis sa création en 1991, a lui aussi pointé du doigt la responsabilité des chirurgiens. « Ce sont quand même les chirurgiens qui ont implanté ces prothèses mammaires dans le corps des femmes, ils devraient intervenir un peu plus pour dire quel est leur sentiment et quelle est leur position » a-t-il déclaré, également à Reuters Me Haddad a d’autre part amorcé une contre-attaque en s’interrogeant sur l’intervention, tardive selon lui, des autorités de contrôle. Il souligne ainsi que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) n’est ainsi en 2010 intervenue qu’à la suite d’une dénonciation anonyme. Pour Yves Haddad la question est de savoir si l’Afssaps aurait pratiqué des contrôles sans cette dénonciation anonyme. Si des produits étaient fabriqués avec du gel non conforme, l’Afssaps  « n’avait pas le droit de l’ignorer. Si elle l’ignorait, c’est qu’elle est négligente » estime l’avocat.
L’Afssaps ? Elle  a déclaré, toujours le mardi 27 décembre, ne pas avoir retrouvé la trace d’un avertissement de la FDA américaine, précisant  qu’elle n’avait pas à être obligatoirement mise au courant pour un problème qui n’était pas de type sanitaire à l’époque. Quant à Me Gaudon il espère désormais la création par l’Etat d’un « fonds de garantie » qui prendrait en charge l’explantation et la réimplantation des prothèses PIP. « On milite pour la création d’un fonds qui, sur le modèle de ce qui a été fait pour le Médiator, indemniserait les victimes et se substituerait à elles dans les poursuites contre PIP, les chirurgiens esthétiques » dit-il.

Où, via l’Afssaps notamment, l’affaire des prothèses PIP commence à présenter bien des similitudes avec celle du coupe-faim des Laboratoires Servier. Et où elle réclamera de la part du gouvernement et des autorités sanitaires une réponse d’une ampleur  – et d’une pertinence – bien différente de celle qui a jusqu’ici été formulée.  

 

Prothèses mammaires : qui sera le bouc émissaire ?

Présenté comme le « Nimbus du faux sein » Jean-Claude Mas, 72 ans, est recherché par Interpol.  Xavier Bertrand, ministre de la santé, s’exprime : « une sombre affaire de gros sous ». Frédéric Van Roekeghem, directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, porte plainte pour « tromperie aggravée et escroquerie à la sécurité sociale ». L’affaire pourrait bientôt se révéler un peu plus complexe qu’on aurait pu le penser.

Longtemps les journaux imprimés sur papier vécurent grâce aux feuilletons. Sang, mort, amour. Ceux d’aujourd’hui découpent leurs histoires dans un réel qui dépasse la seule actualité policière et judiciaire. Et nul ne sait plus si l’auteur est celui qui signe. Certains se plaisent à théoriser l’affaire sous le concept, récemment forgé, de storytelling (communication narrative). Au début des années 1980 un journaliste s’exprimait en langue française : « Rien n’est plus beau que la vérité, sinon un fait divers joliment raconté ». Pour ce qui est du «fait divers», voir Pierre Larousse : «Le rédacteur chargé dans chaque journal de ce qu’on est convenu d’appeler la cuisine doit apporter une attention toute particulière à la confection des faits divers, sortes de beurre et radis (qu’on nous passe l’expression) du repas quotidien, parfois un peu fade, servi à des lecteurs passablement blasés. S’il ne sait pas raconter avec précision un assassinat, il est perdu.»

« Nimbus et/ou Crésus du faux sein »

Il en va de même aujourd’hui avec cette autre forme, métaphorique, d’assassinat, que peut être la crise sanitaire. Ainsi aujourd’hui l’affaire des prothèses mammaires. Ce feuilleton naissant vient de s’enrichir de quelques épisodes à la fois disparates et baroques. Objet soudain de toutes les attentions : Jean-Claude Mas, 72 ans auquel Le Journal du Dimanche (daté du 25 décembre) consacre un long portrait.  Sous le titre « La chute du ‘’Nimbus du faux sein’’ » et la signature de Jean-Pierre Vergès cela donne ceci :

«   Avec son crâne dégarni, sa longue barbe poivre et sel et son allure de Schtroumpf, les cadres de Poly Implants Prothèses (PIP) l’avaient surnommé « Nimbus ». Inventeur insatiable, Jean-Claude Mas espérait devenir le Crésus des faux seins et comptait se lancer dans la prothèse du mollet et de la fesse… Las, le fondateur et président du conseil de surveillance de cette entreprise installée à La Seyne-sur-Mer (Var), rachetée en 2003 par une société américaine, sera jugé fin 2012 à Marseille pour « tromperie aggravée ». Un procès auquel la Caisse nationale d’assurance-maladie compte s’associer, son directeur ayant annoncé hier le dépôt prochain d’une plainte au pénal, notamment pour « escroquerie ».

À 72 ans, Jean-Claude Mas est accusé d’avoir vendu des prothèses bourrées de silicone industriel à usage non médical. « Elles ont été fabriquées pour faire des économies et rentabiliser l’entreprise », admet
Me Yves Haddad, son avocat varois. 2.172 plaintes ont déjà été déposées par des femmes qui pourraient obtenir entre 3.000 et 5.000 euros de dommages et intérêts. « Il est meurtri par la douleur des victimes et par l’ampleur de cette affaire, assure Me Haddad, mais il reste persuadé que son produit n’est pas dangereux. » Une question qui sera tranchée par la justice dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour « homicide involontaire » et qui pourrait valoir au « professeur Nimbus » une mise en examen.

« Mas est un truqueur, un menteur, un escroc, accuse le Dr Patrick Baraf, un chirurgien plasticien de renom qui le croisait dans les salons professionnels. C’est un ex-négociant en vins et en charcuterie qui voulait à tout prix réussir. » Tarbais d’origine, il aurait été délégué médical avant de tomber amoureux, en 1982, de la directrice de Medical Application Plastique, société varoise de fabrication de prothèses mammaires.

Un joueur de poker interdit de casino

Grâce à son procédé de fabrication par trempage et sans soudure apparente, il multiplie rapidement le chiffre d’affaires par vingt, développant notamment ses activités à l’export. Mais ce joueur de poker invétéré, qui s’est fait interdire de casino, prend de plein fouet la mise au ban du silicone dans les années 1990. « Il faisait du dumping en vendant la paire de prothèses 250 euros contre 800 euros, poursuit Patrick Baraf. C’est un agité, malhonnête dans son argumentation, qui prétendait que les produits concurrents donnaient le cancer. »

Quelques semaines après la liquidation de l’entreprise, en 2010, Jean-Claude Mas est interpellé au Costa Rica, le 1er juin, accusé de conduite en état d’ivresse. Absent de son procès, où il risquait trois ans de prison, le septuagénaire est recherché depuis juin par Interpol… Sera-t-il présent au tribunal de Marseille fin 2012? Libre, le prévenu ne fait l’objet d’aucun contrôle judiciaire en raison du cadre procédural choisi pour la tenue d’un procès rapide. « Je l’ai vu mardi, il n’est pas en fuite », assure Me Yves Haddad. « Il a répondu à deux reprises aux convocations alors qu’il était à l’étranger, remarquait samedi le parquet de Marseille. Il n’y a aucune raison de penser qu’il puisse se mettre en cavale. » »

 La veille de Noël Xavier Bertrand, ministre de la Santé Xavier s’intéressait lui aussi à Mr Mas. « Vous pensez bien qu’on est particulièrement intéressé par le fait qu’il soit retrouvé, qu’il réponde de ses actes parce que derrière, il y a une sombre affaire de gros sous, a déclaré M. Bertrand au micro d’Europe 1. Interrogé sur des procédures judiciaires qui pourraient concerner des « cliniques » et des « chirurgiens », le ministre a mis en garde contre la « tentation d’une théorie du complot ». Concernant une demande formulée par la Colombie (où 15 000 femmes seraient porteuses de prothèses PIP) visant à ce que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) se penche sur l’affaire, M. Bertrand a souligné que la France travaillait en toute transparence avec ses homologues européens et en lien  avec l’OMS. Selon lui la décision du gouvernement français va « certainement amener d’autres pays à s’aligner sur les conditions de prise en charge  du retrait des prothèses incriminées ».

 Soixante millions d’euros

 Toujours la veille de Noël, Frédéric Van Roekeghem, directeur de  la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a fait savoir à l’Agence France Presse qu’il ne restait pas inactif. « En accord avec le ministre de la Santé Xavier Bertrand l’assurance maladie a décidé de déposer plainte au pénal pour tromperie aggravée et escroquerie à la sécurité sociale dans l’affaire PIP, a-t-il indiqué. Ce sera vraisemblablement une plainte contre X (…) Nous attendons qu’un procès puisse être ouvert très rapidement pour ces deux faits et que les responsabilités des dirigeants de l’entreprise soient clairement mises au jour. Le fondement de notre action est que nous avons d’ores et déjà pris en charge les prothèses PIP pour les femmes souffrant d’un cancer du sein sur la base du respect des conditions de fabrication fixées par l’Afssaps. Or, elles n’ont pas été respectées par la société PIP. Nous enchaînerons bien sûr par une plainte au civil pour que la Sécurité sociale puisse recouvrer les sommes recouvrables et faire valoir ses droits.»

 

Le coût maximal pour la sécurité sociale  des opérations de retrait des prothèses mammaires PIP vient d’être estimé à une soixantaine de millions d’euros ; estimation qui inclut le coût des interventions d’explantation pour les porteuses de ces prothèses, ainsi que celui du remplacement par des nouveaux implants, lorsqu’il s’agit de reconstruction mammaire après cancer.

Les langues se délient (1). Ainsi Eric Mariaccia, ancien délégué CFDT de l’entreprise varoise PIP, qui employait quelque 120 personnes avant sa mise en liquidation en 2010. « Le gel silicone incriminé a été créé et fabriqué chez nous, à PIP. C’était un gel maison », a-t-il déclaré à l’agence de presse Reuters. Il était selon lui difficile de savoir que les prothèses étaient potentiellement dangereuses pour la santé. « Il aurait fallu être chimiste pour s’apercevoir de quelque chose », a dit-il. Mais Reuters ajoute que cet avis n’est pas partagé par un ancien technicien de PIP cité en août par le quotidien Var Matin, selon qui le « faux gel était fabriqué à partir d’une huile de silicone alimentaire et industrielle. Un fût de 200 kg de gel médical coûte 60 dollars, contre 10 dollars pour la même quantité d’huile industrielle. Le gel médical ne coule pas, il reste sur lui-même. Au contraire, le ‘’faux gel’’ était comme de l’eau savonneuse. »

Trois points et trois questions

A ce stade un résumé des liens, corrélations et interrogations peut être fait qui devrait structurer la suite du feuilleton.

1 Le lien entre la « fraude au gel » de l’entreprise PIP et les huit cas de cancers recensés à ce jour en France n’est pas établi. (Sur ce point on retiendra la formule lourde de sens entendue lors d’un bulletin d’information de France Info : « Le lien (…) n’est pas encore établi »)  

2 La décision gouvernementale de recommander l’explantation des prothèses PIP aux 30 000 femmes concernées ne se fonde pas sur un risque plus élevé que la moyenne de survenue de cancer.

3  Jean-Claude Mas est recherché par Interpol mais cette mesure ne concerne pas l’affaire des prothèses PIP.

4  La Caisse nationale aurait-elle portée plainte contre la firme si le gouvernement n’avait pas formulé sa recommandation d’explantation ?

5  Le gouvernement aurait-il formulé sa recommandation si des cas de cancers n’avaient pas été, sinon recensés, du moins médiatisés ?

6 Pour quelles raisons précises l’Afssaps n’a-t-elle pas identifié avant le printemps 2010 la « fraude au gel » de l’entreprise varoise (2) ?  

Achat de crème et réfection de poitrine

Bien connu des médias le professeur Laurent Lantieri est chef du service de chirurgie plastique de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil). Il est l’auteur d’un ouvrage destiné au grand public et intitulé « Je leur ai rendu un visage » ; à paraître chez Flammarion. Il  est aussi membre du comité de suivi ministériel sur le dossier des implants mammaires. Après s’être récemment exprimé dans les colonnes de Libération il a accordé un entretien au Journal du Dimanche ; entretien publié sous le portrait du « Nimbus au faux sein ». Le Pr Lantieri y accepte l’idée qu’il s’agit là d’une crise sanitaire mais refuse celle selon laquelle les autorités sanitaires auraient failli à leur mission.

« Dire que l’État a laissé passer des prothèses frauduleuses, c’est faux, assure-t-il. Nous avons les lois les plus restrictives au monde. Les autorités ont réagi immédiatement face à une escroquerie pure et simple, on n’est pas dans le cas du Médiator [dans lequel l’Afssaps est également visée]. La fraude aurait pu se produire sur des valves cardiaques ou des pacemakers. Cette histoire aura peut-être le mérite de faire réfléchir celles qui sont prêtes à n’importe quoi en matière d’esthétique. Avoir recours à la chirurgie esthétique n’est pas condamnable, mais aucun geste médical n’est anodin. On ne doit pas se refaire la poitrine comme on achète une crème. »

Le Pr Lantieri refuse aussi l’idée avec force selon laquelle il y aurait urgence. « Les implants ne vont pas exploser entre Noël et le jour de l’an! Ces jours-ci, les chirurgiens sont débordés car on a mis dans la tête des patientes qu’elles risquaient un cancer du sein. C’est faux : le risque est le même que dans la population générale. » Sans nullement succomber à la théorie dite du complot on aimerait savoir qui désigne le pronom indéfini dont il fait, ici, l’usage. On aimerait également savoir si les femmes (du moins les femmes irréfléchies) sont ou non responsables de ce qui leur arrive. Deux questions qui, sait-on jamais, pourraient valoir deux prochains épisodes.

(1) Il faut ici apporter les informations suivantes, fournies le 26 décembre par l’agence de presse Reuters  (Jean-François Rosnoblet et Yves Clarisse, édité par Gérard Bon) :

Ancien visiteur médical, « Jean-Claude Mas n’a jamais été charcutier »

« Jean-Claude Mas, le fondateur de la société PIP qui fabriquait des implants mammaires défectueux, n’a jamais été charcutier, se trouve toujours en France et vient de subir une intervention chirurgicale, a déclaré lundi son avocat. Me Yves Haddah souligne que son client, âgé de 72 ans, a toujours répondu aux convocations de la justice et qu’il a été placé en garde à vue à deux reprises, en novembre 2010 puis le 13 octobre 2011 pour un reliquat de trois heures dans le cadre des enquêtes sur les prothèses en France. « Il s’est expliqué lors de ces auditions et attend sans problème une nouvelle convocation de la justice », du magistrat du pôle santé de Marseille en charge du dossier de Poly Implant Prothèse (PIP). Me Haddah affirme avoir reçu Jean-Paul Mas à son cabinet, lundi matin à Toulon et dit avoir appelé Interpol pour protester contre « l’amalgame » qui a été fait entre l’affaire PIP et l’avis de recherche lancé contre son client par le Costa Rica.  Au Costa Rica, il s’agit « d’un accident de la circulation dans un état d’alcoolémie supérieur à ce que prévoit la législation locale », explique-t-il. « Jean-Claude Mas était au volant et a eu un accident avec un bus comme cela aurait pu arriver à Toulon. Il s’est depuis rendu à deux reprises au Costa Rica, du 1er au 15 juin 2010 et du 8 au 23 octobre 2010, sans être aucunement inquiété », ajoute-t-il. De même, le défenseur récuse les informations présentant le fondateur de PIP comme un ancien charcutier. « Jean-Claude Mas n’a jamais été charcutier. Sa maman a été épicière. Avant la création de PIP, en 1991, Jean-Claude Mas a créé une première société dénommée Sima Plast avec un chirurgien esthétique de Toulon aujourd’hui décédé, puis une seconde société dans les années 1980 dénommée MAP », dit-il.

Auparavant, le fondateur de PIP avait travaillé pendant plus de 15 ans comme délégué médical au sein de la multinationale pharmaceutique Bristol-Myers Squibb. Jean-Claude Mas, qui est né à Tarbes, n’est pas marié mais a deux enfants. « Il est préoccupé par l’importance prise par cette affaire, il en veut à ceux qui rajoutent inutilement à la souffrance des gens », dit son avocat. Interrogé par Reuters, l’un des anciens commerciaux de la société PIP raconte ne plus avoir eu de contact avec Jean-Claude Mas ou d’autres responsables depuis la liquidation de l’entreprise en mars 2010. « Tout le monde s’est barré en courant. Je m’en veux d’avoir travaillé pour eux, cette affaire est terrible », dit-il sous couvert de l’anonymat. Il explique que les commerciaux avaient très peu d’accès au site de fabrication. « Tous les ans ou tous les deux ans on y allait et j’ai rencontré Monsieur Mas. Mais on ne demande pas le CV de son patron quand on est engagé ». « Il y a toujours des ruptures dans tous les implants. Parfois c’est dû au fait qu’un instrument chirurgical endommage le produit. On nous disait que le taux de rupture était conforme à la moyenne. On sait aujourd’hui qu’on ne peut plus leur accorder le moindre crédit », ajoute-t-il. Les responsables de PIP sont soupçonnés d’avoir fabriqué des prothèses mammaires avec du gel frauduleux meilleur marché. Selon l’ancien commercial de PIP, la pression « vient des chirurgiens et des cliniques qui veulent négocier les tarifs, qui veulent toujours grapiller quelques euros pour maximiser leurs profits’’. »

(2) Sur ce point l’affaire pourrait être bientôt nettement plus complexe que prévu comme en témoignent ces précieux extraits d’une dépêche de l’Agence France Presse (ved/edm/mla) mandée de New York le 26 décembre :

« Les prothèses PIP ont fait l’objet de nombreuses poursuites aux USA »

Les prothèses PIP ont été commercialisées aux Etats-Unis jusqu’en 2000 indiquent des documents consultés lundi 26 décembre sur le site des autorités boursières américaines. Entre 1996 et 2009, des utilisatrices de ces prothèses, ou encore des partenaires dénonçant des impayés ou des ruptures de contrat, ont déposé plusieurs dizaines de plaintes aux Etats-Unis contre toutes les représentations légales de PIP dans le pays (PIP/USA, PIP America, Heritage Worldwide, etc.). Un document de février 2009 mentionne notamment trois plaintes déposées en Floride (sud) en octobre 1999, juin 2000 et juillet 2003 par cinq membres de la famille Kwartin contre PIP et ses filiales américaines III Acquisition Corp. PIP/USA, mais aussi attaquant personnellement l’ex-patron Jean-Claude Mas « et plusieurs autres personnes, devant le tribunal de Miami-Dade County ». Les plaignants « prétendent être des actionnaires de PIP/USA, Inc., un distributeur de PIP, (…) et cherchent à obtenir des dommages et intérêts pour un montant non spécifié de la part de PIP et des personnes poursuivies pour des comportements fautifs présumés », détaille le document. Ces plaintes ont ensuite été consolidées en plainte en nom collectif en 2005. PIP a aussi été poursuivi par des dizaines d’utilisatrices de prothèses à partir de 2003, notamment dans l’Illinois (nord des Etats-Unis) puis au Texas, mais aucune n’avait fait l’objet de procès début 2009.

Les plaintes faisaient notamment part de marchandise défectueuse, inappropriée pour l’utilisation en ayant été faite, enfreintes aux législations locales de la consommation, etc. La majorité des plaintes ont été déboutées, parfois par des problèmes de formes, les plaignants ayant déposé leurs plaintes dans des Etats où PIP n’avait pas de présence légale, d’autres classées après le dépôt de bilan de PIP, le 28 avril 2009, qui s’est ensuivi par la liquidation en 2010. Fondée en 1991 à la Seyne-sur-Mer (Var), la société de fabrication d’implants mammaires PIP, liquidée depuis mars 2010, s’est enregistrée en 2001 aux Etats-Unis sous le non d’Heritage Worldwide, dans l’Etat du Delaware (est des Etats-Unis) dont la législation fiscale est particulièrement souple. Heritage Worldwide « et ses filiales conçoivent, fabriquent et commercialisent des implants mammaires dans le monde entier », indique le dernier rapport trimestriel publié par l’entreprise, en février 2009. « Nous avons cessé de faire des ventes sur le marché américain en mai 2000, à la suite d’un changement de réglementation de la FDA », l’autorité américaine du médicament, qui a alors lancé un moratoire sur les prothèses en silicone, ajoute le communiqué. En mai 2000, « le marché américain représentait 4 millions de dollars soit 40% de notre chiffre d’affaires », précise le document. La santé financière de la société a alors commencé à décliner et à partir de 2007, les pertes se sont accumulées. Elles atteignaient 1,25 million de dollars pour 2008, dernière année d’exercice normal.

Dans le document de février 2009, l’entreprise avertissait qu’elle allait probablement devoir se mettre en faillite.
« Il n’est pas sûr que l’entreprise ait suffisamment de fonds pour poursuivre son plan d’activité, payer ses dettes en temps voulu et générer des résultats opérationnels positifs », précisait-il. PIP disposait de filiales de distribution aux Etats-Unis, notamment PIP/USA et PIP America, mais gardait toutes ses infrastructures de production à la Seyne-sur-Mer. PIP a occupé pendant un temps le rang de numéro trois mondial du secteur, fournissant quelque 100.000 prothèses par an, essentiellement à l’étranger.