Marché et stérilité : abuse-t-on aujourd’hui de la procréation médicalement assistée ?

Bonjour

Cela commence par un éditorial dérangeant publié par l’European Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology – un texte repéré par l’APM, reprise par  Le Point puis par le site pourquoidocteur.fr.

Célébrera-t-on, après-demain, les quarante ans de Louise Brown, premier « bébé-éprouvette » ? Mettra-t-on alors en perspective le phénomène considérable qu’est devenu la procréation médicalement assistée, les nouvelles « promesses de parentalité » et les évolutions du concept d’infertilité ? Et intègrera-t-on l’ensemble dans la dynamique offre-demande du marché ?

Pas d’alarme sur le sperme

« Entre 1997 et 2011, près de 900 000 enfants sont nés par FIV en Europe et ce nombre pourrait avoir dépassé 1,4 million aujourd’hui », précisent les auteurs, hollandais et autrichiens de l’éditorial. Ils exposent un paradoxe européen : il n’existe aucune baisse de la fertilité de nature à justifier une telle évolution. Ils ajoutent aussi que les annonces alarmistes (récurrentes et médiatisées) sur la baisse de la qualité du sperme ne sont nullement justifiées d’un point de vue scientifiques.

Comment comprendre ? Il y a certes le recul progressif de l’âge des premières maternités – mais il ne saurait, à lui seul, expliquer la progression du recours à la technique de la FIV. Sans doute faut-il aussi compter avec la facilité (et la rapidité) avec laquelle le diagnostic de stérilité (ou d’« hypofertilité ») est aujourd’hui porté ; une facilité d’autant plus grande qu’il faut désormais compter avec les pratiques ouvertement mercantiles de certains centres de PMA et le développement d’un tourisme procréatif se jouant des frontières éthiques nationales.

Le souhait du candidat Macron

Tout, en somme, converge pour que le marché de la PMA se développe et que des gestes initialement à visée thérapeutiques (la FIV et l’ICSI) soient mis en œuvre avant même que le diagnostic qui devrait les justifier soit porté et confirmé. Et c’est bien dans ce cadre qu’il faut aujourd’hui inscrire le souhait exprimé (avant son élection à la présidence de la République) par Emmanuel Macron : permettre aux femmes seules (et aux couples de femmes) de pouvoir avoir accès aux techniques de procréation médicalement assistée. La dimension thérapeutique s’effacerait alors un peu plus au bénéfice d’une demande individuelle et sociétale. Avec quelles conséquences ?

Emmanuel Macron candidat avait ajouté qu’une fois élu il attendrait, sur ce point politiquement crucial, l’avis du Comité national d’éthique. Il n’est pas le seul.

A demain

Marisol Touraine soutiendra-t-elle Martin Hirsch contre les amis de Jean-Louis Mégnien ?

 

Bonjour

Un an après la situation, soudain, s’envenime. Et le venin est visible dans les colonnes du Quotidien du Médecin. Le 8 décembre dernier ce journal publiait l’intégralité d’une lettre ouverte de l’association Jean-Louis Mégnien, fondée par trois PU-PH à la suite du suicide par défenestration, en décembre 2015, du cardiologue du même nom au sein de l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP).

Cette tribune, virulente, se voulait une réponse aux propos tenus le 1er décembre par Michel Rosenblatt, ancien secrétaire général du Syndicat des directeurs, cadres, médecins et pharmaciens du secteur sanitaire et social (SYNCASS-CFDT) et relayés par l’APM. Elle faisait suite à une prise de position sans équivoque de l’association 1.

Or voici que l’on apprend aujourd’hui  que Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s’insurge contre  cette lettre ouverte en ce qu’elle met directement la directrice de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) après le suicide du cardiologue, il y a un an sur son lieu de travail.

Dans un courrier daté du 14 décembre adressé à Marisol Touraine (dont Le Quotidien a eu copie) Martin Hirsch exhorte la ministre de la Santé à intervenir « pour faire cesser des propos inacceptables ». « Je souhaiterais que vous puissiez, soit par lettre ouverte, soit par communiqué, faire connaître que la responsabilité personnelle de la directrice n’est pas mise en cause par le rapport (de l’IGAS) qui vous a été remis, qu’il n’est pas acceptable de faire des références trompeuses et diffamatoires (…) », écrit le directeur général de l’AP-HP à sa ministre de tutelle. « Une information judiciaire est en cours, il convient de respecter la présomption d’innocence », ajoute Martin Hirsh.

L’association des amis de Jean-Louis Mégnien avait demandé que la directrice de l’HEGP soit « lourdement punie, comme tous ceux qui ont favorisé ce drame, médecins ou non », en réponse au SYNCASS-CFDT qui évoquait de son côté une « chasse aux directeurs des hôpitaux ».

Toujours selon Martin Hirsch, ces accusations sont « d’autant plus insupportables » que le rapport de l’IGAS remis au ministère de la Santé en septembre (mais qui, fort curieusement) n’a pas été rendu public – « ne met pas en cause la responsabilité personnelle de la directrice ». « Cette situation ne saurait se prolonger et appelle une réaction, tant à l’égard d’une directrice d’hôpital mise en cause injustement qu’à l’égard de l’ensemble de la communauté hospitalière », ajoute le patron de l’AP-HP.

Le Quotidien ajoute que, souhaitant éviter de nouveaux « débordements », Martin Hirsch prévient qu’en l’absence de « mise au point » de Marisol Touraine, il se référera « publiquement » au contenu du rapport de l’IGAS « dont les conclusions sont détournées ».

C’est là un bras de fer peu banal entre le directeur général de l’AP-HP et sa ministre de tutelle. Il en dit long sur l’état d’exacerbation qui prévaut actuellement entre quelques uns des principaux acteurs, médecins ou pas, de cette tragédie. Nous publions ci-dessous les principaux extraits de la lettre que l’association Jean-Louis Mégnien vient d’adresser à Marisol Touraine – lettre dont on comprendra qu’elle ne saurait longtemps rester sans suites :

« Madame la ministre des Affaires sociales et de la Santé,

(…) Dans une lettre venant de vous être adressée et qu’il a diffusée, le directeur général de l’AP-HP tempête et menace. Il attaque les prises de position de l’association concernant la directrice du groupe hospitalier des hôpitaux universitaires Paris Ouest (GH HUPO) et cherche à la laver de tout soupçon. Une fois de plus, monsieur Martin Hirsch perd son sang froid et prend une position que trouble son absence d’objectivité à propos du suicide sur son lieu de travail du professeur Jean-Louis Mégnien, décès dans lequel il a été mis personnellement en cause.

L’association Jean-Louis Mégnien de lutte contre la maltraitance et le harcèlement au sein de l’hôpital public a pour premier objet de défendre la mémoire de notre collègue disparu. Elle a mis en ligne en avril dernier une liste de faits et de documents qui attestent, selon elle et selon les spécialistes de cette question, que le Pr Jean-Louis Mégnien a été victime de harcèlement moral. Plusieurs personnes ont été nommément désignées dans ce document. Si l’une ou l’autre s’était sentie diffamée, il lui appartenait de saisir la justice : aucune ne l’a fait.

A la suite de la remise du rapport d’enquête de l’Igas sur le suicide de Jean-Louis Mégnien en septembre dernier, dont la synthèse pointe des « manquements » de la part de responsables locaux et centraux, le chef de l’Igas indique dans une lettre qui vous est destinée que ce rapport met en cause les « instances hospitalo-universitaires qui ont géré le conflit » et détecte des « lacunes ». Citant l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration pour justifier son attitude de ne pas rendre public ce rapport, M. Pierre Boissier précise que « les lacunes relevées par la mission la conduisent à porter des critiques sur le comportement professionnel et personnel d’un grand nombre de personnes et à émettre à leurs propos des jugements de valeur dont la révélation publique serait de nature à leur porter préjudice ». Il précise que le magistrat instructeur qui instruit la plainte pour harcèlement moral consécutive au suicide de Jean-Louis Mégnien est destinataire du document et que « ne sont pas communicables les documents dont la communication pourrait porter atteinte au déroulement des procédures engagées (…) ». 

Il va de soi que parmi les nombreuses personnes désignées comme ayant été à l’origine de ces fautes (lacunes ou manquements) ne peut pas manquer de figurer la directrice du GH HUPO, dont le rôle de premier plan a été indiqué dans le document que l’association a fourni et qui découle de ses responsabilités de directrice de  GH : madame Costa assurait la gouvernance du GH HUPO avec le Pr Simon, autre harceleur présumé.

Ces éléments justifient la position de l’association qui irrite tant le directeur général de l’AP-HP. Il convient de souligner que la défense de madame Costa n’est pas sans interférer avec ses propres responsabilités et intérêts.

Nous nous étonnons de la protection dont jouit madame Costa. Son maintien à la tête du GH HUPO constitue une anomalie qui aurait dû être corrigée depuis longtemps, car elle est source de scandale. Premier rempart de la défense de M. Martin Hirsch, elle est soutenue au delà du raisonnable.

Dans le cadre de ce soutien, le directeur général de l’AP-HP envisage de publier ou de faire fuiter une partie, bien choisie, du rapport de l’Igas, dont il a eu connaissance et dont il semble détenir un exemplaire.

Ce rapport a été établi dans des conditions que l’association a contesté, notamment en ce qui concerne son caractère « contradictoire », puisque les responsables administratifs mis en cause en ont eu connaissance sans que ceux qui les mettaient en cause aient été placés dans la même situation. Ce document, non communicable en vertu de l’article sus-cité, est de plus désormais couvert par le secret de l’instruction, et tout ou partie de sa communication peut faire l’objet de poursuites. 

Personne n’est au dessus des lois et nous sommes trop attachés à la défense de la mémoire de Jean-Louis Mégnien pour ne pas nous offusquer encore de l’attitude déplacée de M. Martin Hirsch. Nous espérons que vous rappellerez ce dernier à son devoir de réserve et lui demanderez d’éviter toute initiative malencontreuse dans une affaire où il est en situation de conflit d’intérêts. S’il mettait ses menaces a exécution, nous réagirions immédiatement et publiquement avec la plus extrême détermination.(…)

A demain

1 « Maltraitance : les harceleurs de Jean-Louis Mégnien sont toujours en place. Pourquoi ? » Journalisme et santé publique du 5 décembre 2016.

Médicaments et confitures : Big Pharma bientôt condamné pour fabrique de produits aromatisés ?

 

Bonjour

Aujourd’hui, tout fait ventre. Conséquence: chaque brise alimente ses polémiques. On se souvient de l’astuce de quelques firmes pharmaceutiques : sucrer leurs antalgiques, adoucir leurs pansements gastriques, édulcorer les antidiarrhéiques…. et le faire savoir via d’immenses placards sur les vitrines et guirlandes d’officine.

« Efferalgan® Cappuccino », « Fervex® Framboise », « Smecta® Fraise » ou « Orange-Vanille ».  

Vaste campagne dans le métro parisien il y a un an. Personne ne bougea. Puis à la mi-août, sucrerie et pharmacie, la députée Michèle Denaulay (PS, Gironde) s’en est émue et le fit savoir à Marisol Touraine. La ministre de la Santé, sur d’autres fronts, ne lui a pas répondu. Mais Michèle Delaunay remettra bientôt les pieds dans le plat:

« Je me saisirai de cette question dans le cadre du PLFSS pour 2017 dont je suis la rapporteure, prévient-elle. S’il peut être pertinent de donner une saveur agréable pour les enfants en bas âge pour parvenir à les traiter, il n’est en revanche pas souhaitable que des médicaments pour  enfants et adultes, deviennent un produit de consommation marketing avec un choix de goûts et de saveurs innovants et ‘’à la carte’’. »

 Pharmaciens vaccinés

Des dangers, en somme, de la publicité pour des médicaments aromatisés. « Cette banalisation de médicaments facilement accessibles chez tout pharmacien est dangereuse en elle-même, explique-t-elle. Faut-il rappeler que les médicaments sont bénéfiques pour leurs effets thérapeutiques, mais immanquablement toxiques quand les doses ou les indications ne sont pas respectées ? »

Vaccinés, les pharmaciens d’officine ne semblent pas s’être émus de ces pratiques publicitaires dépassant les frontières sanitaires. Mais l’affaire n’est pas du goût des firmes concernées. « Pour les industriels du médicament, il s’agit d’un non-sujet, » nous dit Le Point. La déléguée générale de l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (sic) « peine à imaginer » qu’un parent aille à l’encontre des règles du pharmacien, qui est par ailleurs « là pour rappeler les règles de délivrance ». Elle ajoute que les médicaments ne doivent pas être à la portée des enfants, tout comme les produits ménagers, et que « ce n’est pas la faute du médicament si un parent ne surveille pas son enfant ». Elle en profite pour rappeler qu’elle réclame, depuis de très nombreuses années, des campagnes d’information sur l’automédication.

Médicaments déplaisants

Le Point nous indique aussi que le directeur médical d’Ipsen-Pharma, Olivier Gattolliat, a déclaré à l’Agence de presse médicale (APM) qu’un médicament n’est efficace « que s’il est assimilé correctement ». Dans cette optique, « la composition et un certain nombre d’arômes servent à masquer des goûts pouvant être déplaisants » afin d’« améliorer l’observance ». Il a aussi souligné que Smecta® n’est pas en libre accès à l’officine (il faut le demander au pharmacien) et qu’il ne contient pas de paracétamol.

Smecta® est un traitement à base de diosmectite appartenant à la classe des absorbants intestinaux. Il est délivré en poudre pour suspension buvable dans des boîtes de 30 ou 60 sachets-doses. Ce médicament existe sous une forme générique. Il est remboursé par la Sécurité sociale à hauteur de 30% lorsqu’il est délivré sur ordonnance, mais il n’est pas soumis à une prescription médicale obligatoire et peut être utilisé en automédication.

Big Pharma décline donc, une nouvelle fois, toute responsabilité : il transforme ses médicaments en confitures et voudrait que les parents surveillent mieux leurs enfants. C’est ainsi: aujourd’hui, tout fait ventre.

A demain

 

Euthanasie : Véronique Fournier est-elle vraiment à la tête du «Centre national de la fin de vie» ?

Bonjour

Pataquès. La situation est inédite et bien embarrassante. Résumons. Le 6 janvier Marisol Touraine annonçait la création du « Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie ». Le décret relatif à cette création était publié  le même au Journal officiel. La ministre de la Santé annonçait aussi que la nomination du président de ce centre interviendrait très prochainement.

Moins de vingt-quatre heures plus tard Libération levait le voile : «Véronique Fournier, présidente du nouveau Centre national de la fin de vie». L’annonce faisait aussitôt grincer quelques dents plus ou moins confraternelles, comme nous l’évoquions le 8 janvier : « Véronique Fournier présidente … Controverse sur cette nomination ».

Nomination éventuelle

Nous sommes le 10 janvier et plus rien n’est acquis. Un vide étonnant qui libère quelques prises de parole. Il y a d’abord eu une dépêche, datée du 8 janvier, de l’Agence de Presse Médicale (APM, sur abonnement) qui parle d’une éventuelle nomination. Extraits :

« L’éventuelle nomination du Dr Véronique Fournier en tant que présidente du nouveau Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, avancée jeudi par le quotidien Libération, soulève des critiques, notamment de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, en raison notamment de ses prises de position sur l’euthanasie.

Refus de s’exprimer

« Sur son site internet, Libération affirme, sans préciser sa source, que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, « Marisol Touraine […] a décidé de nommer à la présidence de ce nouveau lieu la Dr Véronique Fournier, directrice du centre d’éthique clinique [CEC] de l’hôpital Cochin » (Paris, AP-HP).

« Joints par l’APM vendredi, ni le cabinet de Marisol Touraine ni Véronique Fournier n’ont souhaité s’exprimer à ce sujet. En revanche, des sources compétentes ont confirmé à l’APM que la nomination du Dr Fournier est bien pressentie. »

Nommée ou pressentie ? Pourquoi un tel silence ? L’APM rappelle aussi que le Dr Fournier a été nommée membre du Comité consultatif national d’éthique en janvier 2015 et qu’elle a été coauteure d’une étude du CEC de Cochin de décembre 2013, où l’équipe se demandait si le recours à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles (AHA) en néonatologie
ne serait pas « le talon d’Achille » de la loi Leonetti d’avril 2005 sur la fin de vie.

Pas d’expérience

Pour sa part la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs ne cache pas, publiquement, son étonnement du choix annoncé par Libération.

« La Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) s’étonne donc de la nomination, par Madame la Ministre Marisol Touraine, d’une personnalité qui, d’une part, n’a pas l’expérience de la pratique des soins palliatifs et, d’autre part, tient des positions en faveur de la dépénalisation de l’euthanasie.

« La SFAP s’inquiète notamment des orientations qui pourront être données aux travaux de ce centre et de la teneur de la campagne de communication que celui-ci devra mettre en œuvre dans un an en faveur du grand public, des professionnels et des aidants auprès des grands malades en soins palliatifs. »

L’épreuve de la rencontre

Joint par l’APM le 9 janvier, le président de la SFAP, le Dr Charles Joussellin, a précisé que cette société savante  avait pris position à partir de l’information de Libération, sans avoir reçu de confirmation officielle. Il estime que Marisol Touraine serait mieux avisée de nommer un médecin ou un soignant qui ait « au moins l’expérience de la confrontation avec le patient en soins palliatifs », de « l’épreuve de la rencontre ». Le Dr Joussellin a encore expliqué à l’APM que Véronique Fournier « développe une thèse utilitariste qui objective le malade ». Il ajoute :

« Si l’on parle de l’homme en soins palliatifs selon sa maladie, les traitements, les techniques, l’homme disparaît un petit peu pour être un objet que l’on peut faire disparaître plus facilement. Je suis très attaché à la subjectivité: un sujet malade rencontre un sujet soignant, et cette rencontre a une valeur considérable, qui doit être première. »

Libertarienne et individualiste

On rappellera que la Sfap s’oppose à toute forme d’aide active à mourir. La Croix (Marine Lamoureux) aborde à son tour le sujet et cite « un bon connaisseur du secteur  » : « C’est un signe politique majeur et catastrophique (…) Véronique Fournier défend une éthique de l’autonomie à l’anglo-saxonne, libertarienne et individualiste, en rupture avec la conception des soins palliatifs, fondée sur une éthique de la bientraitance qui n’accélère, ni ne prolonge, la fin de vie du patient ».

Peut-elle dans ces conditions, présider un «Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie » ? Nous donnerons, ici et dès que possible, de plus amples informations.

A demain

 

Baclofène: Dominique Maraninchi bouclera-t-il la boucle ?

Bonjour

Libération de ce jour croit pouvoir annoncer sa fin : « Maraninchi quitte la direction de L’Agence du médicament ». En ces termes (Eric Favereau) :

« Il s’en va. Et ne s’en cache plus. Le professeur Dominique Maraninchi, qui dirige l’Agence nationale de sécurité des médicaments depuis 2011, a annoncé à ses proches qu’il allait partir «plus vite prévu de l’agence». Les raisons ? «Pour revivre à Marseille», sa ville. Nommé après l’affaire du Mediator alors qu’il dirigeait l’Institut national du cancer, Dominique Maraninchi n’a pas eu la tâche facile. L’Agence nationale de sécurité des médicaments avait été déstabilisée comme jamais par le scandale Servier et les innombrables conflits d’intérêts qu’il avait révélés. Maraninchi a dû accompagner une réforme, lancée par Xavier Bertrand, et surtout il se devait de redonner confiance au monde du médicament. Dominique Maraninchi a eu du mal à imposer un discours public, dans un climat toujours prisonnier de scandales qui ont continué d’éclater, tout en devant gérer, en parallèle, la tentation des autorités de toujours vouloir se protéger. A ce jour, aucun nom n’émerge pour le remplacer. »

L’information circulait depuis le début de l’année dans les milieux spécialisés. Libération reprend ici une dépêche de l’APM (Edouard Hubert) du 7 mars (1).

Corse et marseillais

Dominique Maraninchi ne rechignait pas à croiser les médias. Nous l’aurons souvent cité sur ce blog comme on peut le voir ici.  Pour la dernière période on se souviendra de « l’affaire des pilules », de son rôle tampon entre ses fonctions à la tête de l’Ansm et les volontés de Marisol Touraine, ministre de la Santé. Un rôle politique parfois alambiqué facilité par une forme d’élégance dont on n’a jamais su, à Paris, si elle était corse ou marseillaise.

On se souviendra surtout de l’affaire serpent de mer du Baclofène. Quel aura été le rôle exact de Dominique Maraninchi ? Quoiqu’on pense de cette spécialité il s’agit ici d’une révolution dans la prise en charge des personnes souffrant d’une dépendance aux boissons alcooliques. Nous sommes sortis, avec lui, de la Terreur. Et maintenant ?

Le sermon de Cochin

On garde en mémoire les images de sa profession de foi sur le rôle de l’Ansm vis-à-vis du Baclofène. Ces images sont disponibles ici.  Cela se passait le 3 juin 2013, à l’hôpital Cochin de Paris (à deux pas des urgences où une femme de 61 ans vient de mourir dans des conditions invraisemblables). C’était il y  a neuf mois. Contrairement aux prévisions de Dominique Maraninchi la question de la RTU n’est toujours pas réglée. Pourquoi ? On indique de bonne source que la CNIL se prononcera le 13 mars prochain. Si elle ne s’y oppose pas tout serait alors prêt pour que le Baclofène puisse être plus largement utilisé.

Dominique Maraninchi est né le 20 juin 1949 à Marseille. On pourrait imaginer que la boucle Baclofène puisse être assez joliment bouclée avant qu’il fête, à Marseille, ses 65 ans.

A demain

(1) SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 7 mars 2014 (APM) – Dominique Maraninchi a annoncé vendredi en interne son prochain départ de la direction générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a-t-on appris vendredi de source compétente. Interrogée par l’APM, l’ANSM n’a pas confirmé cette information. Dominique Maraninchi n’a pas précisé la date exacte à laquelle il va quitter l’agence, ni les raisons de son départ. Il aura 65 ans le 20 juin.

Dominique Maraninchi a été nommé directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) le 23 février 2011, en pleine tourmente autour de l’affaire Mediator* (benfluorex, Servier). Il a été reconduit dans ces fonctions, à la tête de l’ANSM cette fois-ci, le 3 mai 2012, pour un mandat de trois ans. (…)»

 

1er janvier 2013 : rebondissements dans l’affaire des pilules de 3ème génération

Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) vient de faire une annonce de taille un jour férié. Elle concerne ces contraceptifs qui sont nettement trop prescrits en France. Il annonce une mesure de simple bon sens qui semblait jusqu’ici impossible à prendre. L’année 2013 sera-t-elle celle de l’émergence de la raison dans le monde, toujours bien trop opaque, du médicament ?

Suffirait-il donc d’écrire pour, sinon être lu, du moins  entendu. Nous évoquions il y a peu l’étonnante impuissance des pouvoir publics devant les très fortes prescriptions, en France, des pilules dite de 3ème génération. Entre 1,5 et 2 millions de femmes (on ne dispose étrangement pas de chiffres plus précis) consomment aujourd »hui ces contraceptifs. Or si ces derniers présentent certains avantages ils comportent également des risques thromboemboliques nullement négligeables et, en toute hypothèse ne devraient jamais être prescrits en première intention. Parfaitement connu ce risque n’était semble-t-il pas toujours, loin s’en faut, pris en compte par les prescripteurs français. La médiatisation de plusieurs plaintes au pénal avait mis à nouveau cette situation en lumière, tout se passant comme si les responsables de la régulation des médicaments étaient incapables en pratique de faire respecter les indications des spécialités pharmaceutiques. Comme si la liberté de prescription était une donnée quasi sacrée. Comme si les intérêts des fabricants étaient tels que ceux, objectifs, de la santé publique ne se situaient pas toujours au premier plan.

« A la mi-décembre le Pr Dominique Maraninchidirecteur de l’ANSM avait déclaré à l’AFP que les pilules de «troisième génération» étaient encore beaucoup trop souvent prescrites «d’emblée» en France: elles correspondent toujours à environ 50% du volume total des ventes ce qui semble une proportion notablement trop élevée aux yeux des spécialistes de cette question.  Le Pr Maraninchi ne proposait toutefois alors aucune solution pour corriger cette situation. Une nouvelle fois, la puissance publique apparaissait comme démunie pour faire respecter les règles de prescriptions médicamenteuses et ce alors qu’elle est  la seule à les définir et à avoir les moyens d’agir. Comment comprendre? C’est l’un des mérites des « affaires » sanitaires que de conduire à soulever ce type de questions » écrivions-nous dans notre dernier billet consacré à cette affaire sanitaire.

Le Pr Maraninchi a-t-il lu cette prose interrogative ? On pourrait prendre plaisir à le croire. La vérité est sans doute nettement moins flatteuse pour notre ego. Toujours est-il qu’il vient de déclarer à l’Agence France Presse 1 que l’ANSM va lancer dès mercredi 2 janvier une concertation à ce sujet avec les professionnels. « Si notre mesure de mise en garde auprès des prescripteurs ne suffisait pas, il s’agirait de réserver les conditions de prescription et de délivrance [de ces pilules] pour en limiter l’utilisation, pour être sûr qu’elles ne soient utilisées qu’en deuxième recours et la réserver à des spécialistes, a-t-il expliqué. Ces spécialistes seraient consultés lorsque les patientes ne supporteraient pas ou auraient une contre-indication aux pilules de première ou deuxième génération.  C’est une mesure que nous pouvons appliquer rapidement mais qui suppose un pré-requis, de travailler avec les professionnels pour qu’il n’y ait pas de rupture d’accès ».

L’ANSM avait déjà lancé plusieurs alertes dans le passé sur les risques thromboemboliques des pilules de troisième génération. L’Agence préconisait notamment qu’elles ne soient prescrites qu’en second recours. « Face à la montée de l’inquiétude légitime sur les pilules, nous avons envisagé en contact direct avec le ministère de la Santé de renforcer notre dispositif d’information et de sécurité », a expliqué le directeur de l’ANSM. On pourrait  le lire autrement : le ministère de la santé, au vu de la médiatisation croissante des plaintes au pénal a jugé nécessaire que l’ANSM prenne une initiative (et qu’elle ne s’en cache pas auprès des médias).

« Il faut que le niveau des prescriptions diminue pour que le taux d’exposition des personnes à risque diminue », a-t-il ‘’martelé’’(APF dixit). L’ANSM veut encore « examiner notre capacité à mener une étude de pharmacoépidémiologie pour mesurer l’impact de ces pilules sur la situation sanitaire française globale », a encore précisé M. Maraninchi. On a appris avant-hier que Le pôle santé publique du tribunal de grande instance (TGI) de Paris s’est saisi de la plainte de Marion Larat, jeune femme de 25 ans handicapée à 65% depuis un AVC qu’elle impute à sa pilule de troisième génération. On sait aussi que deux avocats spécialisés viennent d’annoncer le prochain dépôt de trente plaintes de femmes, s’estimant elles aussi victimes de pilules contraceptives de troisième et quatrième générations.

La raison commencerait-elle à prévaloir ? Comment les professionnels de santé concernés réagiront-ils face à ce qu’ils pourront interpréter comme une nouvelle restriction à leur liberté de prescription ? Ou comme une sanction collective pour des errements individuels ? Dans l’attente, des éclaircissements pédagogiques restent à venir  concernant une décision qui constitue une source majeure d’incompréhension collective : celle annoncée mi-septembre par Marisol Touraine, ministre de la Santé de ne plus faire rembourser ces contraceptifs  à compter du 30 septembre 2013. Cette décision a été prise après les conclusions rendues par la Commission de transparence de la Haute autorité de santé (HAS), qui a relevé « un risque de complications thrombo-veineuses  deux fois plus élevé que chez les femmes sous pilules de deuxième génération».

Une chose est certaine : en 2013 on reparlera, dans les médias, des pilules de 3ème génération en particulier ; des incohérences du monde des médicaments en général.

1 Que se passe-t-il à l’ANSM? Peu de temps auparavant l’Agence de presse médicale (APM) annonçait qu’une réunion extraordinaire du conseil d’administration de l’agence de sécurité du médicament (ANSM) avait été convoquée le 14 janvier à la demande du député (PS, Haute-Garonne) Gérard Bapt, au sujet des effets secondaires des pilules de 3e et 4e générations. La présidente du conseil d’administration de l’ANSM, Agnès Jeannet, avait déclaré à l’APM qu’elle « avait prévu de réunir le conseil d’administration en séminaire de travail le 14 janvier » et qu’elle allait « en plus convoquer un conseil d’administration extraordinaire » qui se penchera sur l’affaire des pilules de nouvelles générations.

Pour sa part dans un courrier adressé à l’ANSM le lundi 31 décembre (et dont l’AFP a eu copie le mardi 1er janvier) M. Bapt avait demandé « une réunion extraordinaire du conseil d’administration », dont il est membre, afin de faire un point sur la question de ces contraceptifs. Il réclamait surtout une expertise sur « l’insuffisance de l’actuelle communication d’alerte sur les alarmes de pharmacovigilance vers les médecins et pharmaciens ». Le député de Haute-Garonne se disait également « stupéfait qu’il faille une fois de plus que ce soit la presse qui informe les victimes d’événements indésirables graves de la cause de leurs maux ». C’est là, comme on le sait, un bien vaste sujet