Bonjour
Est-ce une version moderne de l’entrée perverse et précoce dans la dépendance ? Un objet pour spécialistes de collapsologie ? Après les antiques « cigarettes au chocolat » (interdites depuis moins longtemps qu’on le croit) voici les « bonbons au cannabis ». L’émergence de ce nouveau risque est signalée non par l’exécutif mais, via une lettre au Lancet, par le centre antipoison et de toxicovigilance de Paris. « Marketing of legalised cannabis: a concern about poisoning ».
Exposant le cas d’une jeune femme récemment intoxiquée en région parisienne après une consommation de bonbons au cannabis fortement dosés en tétrahydrocannabinol (THC), le centre antipoison de Paris met publiquement en garde contre les dangers de ces produits, en particulier pour les enfants. Interviewé par Medscape édition française (Vincent Richeux) le Dr Jerôme Langrand, premier auteur, précise les risques pour les plus jeunes de ces produits, « y compris les liquides pour cigarettes électroniques contenant du THC ».
Gâteaux, mais aussi boissons, barres chocolatées, miel, bonbons de toute sorte ou encore liquides de cigarette électronique peuvent être enrichis en THC rappelle Medscape. Aux Etats-Unis on assite (là où le cannabis à usage récréatif est autorisé) à une multiplication des produits à base de cannabis. Et en dépit des mesures de prévention (contraignant les fabricants à fabriquer des sachets difficiles à ouvrir pour des enfants) les cas d’intoxication pédiatriques au cannabis se multiplient outre-Atlantique.
En France, on le sait, ces produits sont totalement interdits. Mais on sait aussi à quel point il est aisé de s’en procurer – à commencer par les « bonbons au cannabis », régulièrement en cause dans des intoxications de jeunes américains.
« Ce type de produit étant très attrayant pour les enfants, il est extrêmement dangereux d’en avoir chez soi. Il convient d’être vigilant, d’autant plus qu’on se retrouve face à une industrie qui se comporte comme celle du tabac dans les années 1950, en entretenant une image positive pour un produit toxique », commente pour Medscape édition française, le Dr Jerôme Langrand, du centre antipoison et de toxicovigilance de Paris.
Le cas rapporté dans The Lancet est celui d’une jeune adulte ayant goûté des bonbons-pastilles contenant 3,5 mg de THC. La jeune femme avait également consommé de l’huile de cannabis très concentrée (85% de THC). Elle a été prise en charge pour un malaise avec tachycardie sévère. « Tout produit toxique potentiellement attractif pour l’enfant représente un danger. On avait déjà alerté sur le risque que représentent les mini-doses de lessive liquide, après des cas d’ingestion. Dans le cas du cannabis, il y a des décès chez l’enfant après consommation de boulettes de shit. On peut aisément imaginer le risque avec des bonbons au THC », souligne le Dr Langrand. Et ce dernier de faire le rapprochement avec … le danger potentiel des liquides pour cigarette électronique contenant du THC.
Entre 2010 et 2018, la moitié des cas d’intoxication par liquide de e-cigarette enregistrés par le centre antipoison parisien concernaient de jeunes enfants. « En général, les enfants se mettent à sucer les cartouches contenant le liquide. Souvent la quantité ingérée est faible, mais suffisante pour provoquer une intoxication à la nicotine », précise le Dr Langrand. Si les cartouches avaient contenu en plus du THC, « on aurait eu des intoxications sévères chez ces enfants », avertissent les auteurs. « Le risque de graves intoxications associé aux produits contenant du THC doit être envisagé et des mesures plus restrictives concernant ces nouveaux produits devraient être recommandées dans les pays qui prévoient de légaliser le cannabis, estime-t-il.Si on en vient à légaliser un jour le cannabis en France, il faudra être très vigilant sur l’accès à ces produits. »
Humour britannique et slavitude ukrainienne
Il faudra aussi faire preuve de la plus grande vigilance avec « Atomic », la première vodka élaborée sur le site de Tchernobyl ; trente-trois ans (sic) après la catastrophe que l’on sait. L’affaire vient d’être rapportée par la BBC : (Victoria Gill) « Chernobyl vodka: First consumer product made in exclusion zone » et reprise par Le Monde (Maureen Songne) : « Atomik, la première vodka made in Tchernobyl ». On retrouvera là un parfum de slavitude, cette exacerbation de la sensibilité qui pousse à boire et à chanter – parfois à écrire pour se sauver 1.
Le breuvage alcoolique, apprend-on, est proposé par une équipe de scientifiques (re-sic), la « Chernobyl Spirit Company », constituée de « chercheurs britanniques et ukrainiens ». Fabriqué à partir de grains de seigle et d’eau provenant de la zone d’exclusion autour de la centrale nucléaire V.I. Lénine, cet alcool est le premier produit de consommation provenant des environs immédiats du réacteur de célèbre mémoire.
« L’équipe de chercheurs a travaillé plusieurs années dans la zone d’exclusion pour étudier comment l’environnement avait évolué depuis la plus grave catastrophe nucléaire du XXe siècle. C’est ainsi que le projet Atomik a débuté, avec le lancement d’une plantation dans une ferme située dans la zone, rapporte Le Monde. Après avoir distillé des grains de seigle légèrement radioactifs et de l’eau provenant de l’aquifère de Tchernobyl, des tests ont été conduits sur le résultat par l’Institut hydro-météorologique d’Ukraine, les laboratoires géologie des universités de Southampton et de Portsmouth, ainsi qu’un laboratoire indépendant de tests de vin et d’alcool, précise l’université de Portsmouth sur son site Internet. »
Résultat ? « Il n’y a pas plus de radioactivité que dans n’importe quelle autre vodka » (re-re-sic), se félicite le Pr Jim Smith, de l’université de Portsmouth et membre de la Chernobyl Spirit Company. Toujours selon le Pr Smith, le projet de la Chernobyl Spirit Company ne vise pas uniquement à faire du profit en vendant la vodka « Atomik ». L’essentiel des profits sera redistribué aux habitants vivant autour de la zone d’exclusion, qui souffrent d’une situation économique toujours difficile.
On ne sait pas, vu de France, s’il faut entendre les propos du Pr Smith comme une forme moderne du traditionnel humour britannique.
A demain @jynau
1 Sur ce thème le remarquable « J’aurais pu finir fou, j’ai préféré écrire des livres » de l’étonnant Laurent Sagalovitsch – Slate.fr, 7 août 2019 —