Duplicité sucrée : le géant Coca-Cola met pour la première fois de l’alcool dans ses sodas

Bonjour

C’était en juin 2012. On apprenait que plusieurs colas présents sur le marché français – dont ceux de Coca-Cola – contenaient de faibles traces d’alcool. Cette réalité jusqu’alors ignorée avait été établie par l’Institut national de la consommation (INC) après des tests menés pour la revue 60 millions de consommateurs.

« Pour clore une rumeur persistante sur la présence d’alcool dans les colas, les ingénieurs de 60 Millions ont réalisé leurs propres dosages. Résultat ? Près de la moitié des colas testés contiennent de l’alcool – à des doses cependant très faibles (moins de 10 mg d’éthanol par litre, soit près de 0,001 %). »

 La présence de traces d’alcool dans les colas, et en particulier dans le Coca-Cola, faisait alors l’objet de discussions sur Internet, notamment sur des forums consacrés à la religion musulmane où l’on se demandait si cette boisson était conforme aux règles de l’alimentation hallal. « Il est possible qu’il y ait des traces d’alcool qui viennent du process » de fabrication du Coca-Cola (dont la recette est tenue secrète) concèdait alors Michel Pépin, directeur des affaires scientifiques et réglementaires de Coca-Cola France. « Certains fruits par exemple contiennent des traces d’alcool » ajoutait-il.

En France, le Code de la santé publique prévoit que les boissons dites sans alcool puissent en contenir des traces, à un dosage inférieur à 1,2%. Coca-Cola certifiait quant à lui que ses boissons sont « non alcoolisées » et reconnues comme telles « par les autorités gouvernementales de chaque pays ». « Par ailleurs la Mosquée de Paris nous a fourni un certificat attestant que nos produits étaient tout à fait consommables par la communauté musulmane suivant l’avis de la commission religieuse de la Mosquée de Paris », ajoutait-il.

Prémix

Six ans plus tard on apprend que  Coca-Cola s’apprête à lancer, officiellement, une boisson alcoolisée – une première dans les 125 ans d’histoire du géant américain des sodas. Ce sera au Japon. Dans un « questions/réponses » mis en ligne sur le site du groupe, Jorge Garduno, président des activités nipponnes, annonce que le géant va expérimenter une boisson en canette comprenant de l’alcool. Une information donnée par la BBC et l’AFP ou The Guardian.

Cette boisson sera produite sous le modèle des boissons japonaises Chu-Hi, un cocktail, vendu en canette, fait à partir d’un spiritueux local (« shochu » 45°) et d’eau gazeuse aromatisée au citron. Il y a différentes saveurs (prune, fraise, lychee, kiwi…) et le shochu peut être remplacé par la vodka. La plupart des brasseurs locaux – Asahi, Kirin, Takara, Suntory – vendent ces boissons, avec une teneur d’alcool comprise entre 3 et 9°, particulièrement prisées par les jeunes et la clientèle féminine.

« Nous n’avons jamais fait d’expérience dans des boissons à faible teneur en alcool avant mais ceci est un exemple de comment nous explorons des opportunités en dehors de nos secteurs clés, a expliqué Jorge Garduno à la presse. Ceci est unique dans notre histoire. Coca-Cola s’est toujours concentré entièrement sur des boissons non alcoolisées. »

Fin des révélations : le géant sucré ne dit ni quand cette boisson alcoolisée sera commercialisée ni quel sera son prix. Il explique que l’expérience devrait être limitée au Japon. Ce qui reste à démontrer : les journalistes spécialisée en économie observent que l’arrivée de Coca-Cola dans le champ des boissons alcoolisées s’inscrit dans la stratégie de diversification du géant d’Atlanta face à la désaffection des consommateurs américains pour les sodas et la baisse de ses ventes. L’histoire montre à quel point l’alcool peut doper les ventes. Et à quel point le sucre associé à l’alcool (« prémix ») peut faciliter l’entrée des plus jeunes dans l’univers alcoolique.

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Cigarette électronique : ses bénéfices majeurs sont confirmés. Agnès Buzyn devra s’expliquer

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La situation confine à l’absurde et au tragique. Et bientôt on envisagera des poursuites judiciaires contres celles et ceux qui auront gardé les yeux fermés. A Londres un nouveau rapport officiel vient de confirmer les bénéfices sanitaires majeurs de la cigarette électronique en terme de réduction des risques. Un travail scientifique exemplaire jamais conduit en France où le gouvernement, les services et les agences concernés s’enferrent dans le déni.

Résumons le sujet anglais. Le rapport officiel émane de Public Health England (PHE) 1 et il est diffusé à l’attention des médias par le gouvernement britannique :  « PHE publishes independent expert e-cigarettes evidence review ». Ce document porte sur  l’utilisation de la cigarette électronique chez les jeunes et les adultes, sur les attitudes du public, sur son impact quant à l’abandon du tabac, et actualise les risques pour la santé et le rôle de la nicotine. Il passe également en revue les produits du « tabac chauffé ».

Au final il conduit, pragmatique, à préconiser la prescription de la cigarette électronique en tant que méthode de sevrage du tabac, comme vient de le publier la BBC : « E-cigarettes ‘should be on prescription ». Observant que le e-cigarette permet, d’ores et déjà à 20 000 personnes d’abandonner le tabac Public Health England préconise une série de mesures pour la normaliser et en faire un outil thérapeutique pris en charge notamment par le NHS, vendu au sein des hôpitaux où les patients devraient pouvoir disposer de zones (ou de chambres dédiées) pour vapoter. Les mêmes dispositions devraient être adoptées au sein des entreprises. Des actions devraient en outre être menées pour faciliter l’obtention du statut de médicament.

Tragique

Toujours selon PHE rien ne permet d’affirmer, contrairement à des rumeurs récurrentes, que la cigarette électronique est une porte d’entrée vers le tabagisme. On estime à un peu moins de trois millions le nombre de vapoteurs au Royaume Uni ou le tabac est responsable d’environ 79 000 morts prématurées chaque année. Pour le PHE il y aurait quelque chose de tragique à imaginer que des milliers de fumeurs qui pourraient ne plus l’être ne disposent pas des véritables informations quant aux bénéfices que pourrait leur apporter la cigarette électronique.

Il y aurait quelque chose de plus tragique encore à voir perdurer le silence médiatique et l’atonie politique des responsables sanitaires français sur un tel sujet. Et ce d’autant que la prévalence des fumeurs de tabac est, en France, de tès loin supérieure à celle du Royaume-Uni. C’est dire si l’on attend avec intérêt le contenu du nouveau Programme national de réduction du tabagisme que la ministre des Solidarités et de la Santé doit présenter fin mars. Agnès Buzyn doit, ici, s’expliquer. Et réussir là où Marisol Touraine a, dans son déni, tragiquement échoué.

A demain

1 Public Health England a pour fonction de  protéger et d’améliorer la santé et le bien-être de la nation et de réduire les inégalités de santé. « Nous faisons cela à travers la science, le savoir et l’intelligence, le plaidoyer, les partenariats et la fourniture de services de santé publique spécialisés. Nous sommes une agence exécutive du ministère de la Santé et des Services sociaux, et une organisation distincte avec une autonomie opérationnelle. Nous fournissons au gouvernement, au gouvernement local, au NHS, au Parlement, à l’industrie et au public une expertise professionnelle et scientifique fondée sur des données probantes.Twitter: @PHE_uk et Facebook: www.facebook.com/PublicHealthEngland. »

Séisme éthique : vingt ans après Dolly des singes ont été créés par clonage en Chine

 

Bonjour

C’est un séisme biologique. On peut en lire  (gratuitement) les détails dans Cell : « Cloning of Macaque Monkeys by Somatic Cell Nuclear Transfer . » Et la traduction généraliste sur la BBC : « First monkey clones created in Chinese laboratory ».

C’est un séisme :  vingt ans après la brebis Dolly des scientifiques chinois annoncent être parvenus à créer des primates via le technique du clonage. « La naissance de Dolly, morte le 14 février 2003, avait eu l’effet d’un séisme, tant sur le plan de la percée scientifique que sur celui des débat éthiques qu’elle suscitait, rappelle Le Monde (Paul Benkimoun). Pour la première fois, des chercheurs étaient parvenus à faire naître un animal en bonne santé, réplique génétique à l’identique de sa mère, sans passer par la reproduction sexuée. Depuis, ce sont au total 23 espèces de mammifères différentes qui avaient fait l’objet d’un clonage de ce type, de la souris au chameau en passant par le cheval ou le cochon. » Pour autant on en restait là – loin des primates, humains ou pas.

C’est un séisme éthique. « Qu’on le veuille ou non, ce clonage chez un primate est un grand pas en avant, sur la voie… du clonage d’embryons humains. Car même si la maîtrise de cette technique est loin d’être parfaite, quand on étudie le macaque, c’est bien, en général, pour se rapprocher de l’homme » explique, dans Le Temps,  Hervé Chneiweiss, président du Comité d’éthique de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale.

Et maintenant ?

A demain

 

Brexit : le Viagra® en vente libre dans toutes les bonnes pharmacies du Royaume-Uni

Bonjour

Vingt ans plus tard, le Viagra en automédication… C’est une information de la BBC ( « Viagra can be sold over the counter »), reprise par le géant Pfizer et Medscape France (Aude Lecrubier) : « Le Royaume-Uni autorise le Viagra sans passer par la case médecin ». L’affaire devrait être conclue au printemps prochain.

C’est l’agence britannique du médicament, la Medicines and Healthcare products regulatory agency (MHRA) qui a mené les débats et accordé au sildénafil 50 mg (Viagra Connect®) le statut de médicament en vente libre – à la condition qu’il soit délivré uniquement en pharmacie d’officine.

« Le Royaume Uni n’est pas le premier pays à avoir autorisé la petite pilule bleue OTC (over the counter). Il a été précédé par la Nouvelle Zélande en 2014, et la Pologne en 2016 (avec un générique), rappelle Medscape.

En revanche, l’agence européenne du médicament (EMA) et l’ANSM en France restent réticentes à la délivrance de médicaments contre la dysfonction érectile sans prescription médicale en raison des contre-indications, des effets secondaires possibles et des risques de mésusage. »

Contre les contrefaçons

Rappelons ici, à titre de précaution, ces contre-indications :

« Ce médicament ne doit pas être utilisé dans les cas suivants : fragilité cardiovasculaire contre-indiquant l’effort que représente l’acte sexuel (angine de poitrine grave, insuffisance cardiaque grave…) ; situations dans lesquelles l’effet du médicament n’a pas été étudié : insuffisance hépatique grave, hypotension grave, antécédent récent d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus du myocarde, maladie grave de la rétine (rétinite pigmentaire) ; altération de la vision due à une atteinte du nerf optique ; en association avec des vasodilatateurs nitrés (voir Interactions médicamenteuses). »

Quels sont, dès lors, les arguments de ceux qui prônent l’automédication ? Ils font valoir (Pfizer en tête) qu’un accès facilité au Viagra® dans les pharmacies, pourrait limiter l’usage de contrefaçons potentiellement inefficaces ou dangereuses. « Il est important que les hommes sachent qu’ils peuvent avoir un accès rapide […au traitement] sans sentir le besoin de se tourner vers des contrefaçons vendues en ligne qui pourraient avoir des effets secondaires sévères, » explique pour sa part Mick Foy, chef du département de la pharmacovigilance de la MHRA.

Medscape ajoute que, pour Pfizer, les pharmaciens d’officine sont bien placés pour fournir aux hommes des conseils utiles et appropriés pour gérer leur dysfonction érectile. Bien placés, aussi, pour leur conseiller de consulter un médecin s’ils jugent que l’état de santé client nécessite un examen plus approfondi. Autant d’arguments que l’on peut tenir pour être d’une particulière fragilité.

Nonobstant, le géant vient de lancer un programme d’éducation des pharmaciens britanniques en prévision du lancement , au printemps, de son Viagra Connect® OTC.

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Tabac « chauffé » : en Grande-Bretagne, il est nocif pour la santé ; en France on se tait. 

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C’est une information importante qui vient d’être diffusée par la BBC : « Heat-not-burn tobacco ‘is a health risk’ ». Selon The Committee on Toxicity (Cot) , organisme scientifique indépendant en charge de conseiller le gouvernement et les institutions sanitaires britanniques, les produits du tabac «chauffés et non brûlés» sont nocifs pour la santé – et ce quand bien même ils pourraient apparaître (ou être vantés) moins dangereux que les cigarettes ordinaires (tabac « brûlé »).

The Cot estime que ces dispositifs produisent «un certain nombre de composés préoccupants», dont certains sont cancérogènes. Une conclusion conforme à celle des spécialistes suisses, indépendants de Big Tobacco, qui se sont penché sur ce sujet : « Heat-Not-Burn Tobacco Cigarettes – Smoke by Any Other Name » (Reto Auer, Nicolas Concha-Lozano ; Isabelle Jacot-Sadowski et al).

L’affaire n’est pas sans perversité. Elle a émergé en France en avril dernier. Philip Morris y annonçait alors « pour convaincre les fumeurs » d’arrêter la cigarette l’arrivée d’un système électronique de tabac à chauffer vendu chez les buralistes sous la marque IQOS et ses recharges « Heets ». Un objet présenté comme étant à « moindre nocivité » par rapport au tabac.

Mutisme officiel

Un objet sur lequel les autorités sanitaires françaises restaient étrangement muettes. Le Figaro :

« Révolution en vue dans les débits de tabac français. Obligés de ne vendre que des paquets neutres depuis janvier, les buralistes vont commercialiser dans les prochaines semaines un produit destiné… à remplacer la cigarette: IQUOS, un système électronique chauffant des sticks de tabac mais sans les brûler.

 « Son inventeur est le propriétaire de Marlboro, Philip Morris International, qui détient plus de 40 % du marché des cigarettes en France. Le groupe assure avoir investi 3 milliards de dollars depuis 2008 pour développer des produits du tabac moins nocifs, dont IQOS est le plus prometteur. Avec ce système, pas de fumée, pas de cendre, pas d’odeur, mais une sensation proche de celle de la cigarette. »

Cigarette électronique

Et les autorités sanitaires françaises, alors,  de laisser libre cours aux allégations de l’inventeur-commerçant. Comme celle-ci : « En brûlant des matières organiques à 800 ou 900 °C, on crée de la fumée avec plus de 6000 composants, dont certains (93 selon les autorités de santé américaines) peuvent avoir des effets nocifs sur la santé des fumeurs. En chauffant le tabac à moins de 300 °C, nous limitons significativement, voire évitons l’apparition de ces composants ».

Rien, depuis, n’a changé. Face au pragmatisme britannique, le silence et l’immobilisme français. Il en va de même pour la cigarette électronique, conseillée aux fumeurs par Public Health England , inconnue des autorités sanitaires françaises. Où l’on perçoit, une nouvelle fois, les dégâts que peut causer l’absence chronique d’une véritable politique de réduction de risques.

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Le premier médicament «avalé-connecté» bientôt sur le marché. Applaudir ou s’inquiéter ? 

 

Bonjour

Mi-novembre 2017. Gel sur la France et réveil avec George Orwell. De ce côté-ci de l’Atlantique l’information vient d’être donnée par la BBC « FDA approves ‘trackable’ pill » et par Les Echos : « Les Etats-Unis autorisent le premier médicament connecté ». « Les médicaments seront bientôt plus intelligents que les malades » croient savoir Les Echos. Avec toutes les conséquences que l’on peut, désormais, redouter. The New York Times ne s’y est pas trompé : « First Digital Pill Approved to Worries About Biomedical ‘Big Brother’ »

Résumons. La  Food and Drug administration (FDA), l’agence américaine du médicament , vient d’approuver la mise sur le marché de la première « pilule connectée ». Il s’agit d’une spécialité à visée psychiatrique : un « antipsychotique » auquel on a associé un capteur assurant une traçabilité sans faille. capable de tracer la régularité à laquelle il est absorbé. Abilify MyCite (aripiprazole) est plus précisément un traitement destiné aux personnes souffrant de schizophrénie et de troubles bipolaires. « Il sera proposé à certains assureurs à partir de l’an prochain » annoncent Les Echos qui ne dit rien sur les intentions de notre Assurance maladie.

Rien de sorcier : le capteur, de la taille d’une puce, génère un signal électrique dès qu’il entre en contact avec les sucs gastriques – signal aussitôt détecté par un patch collé sur le corps. Un tiers peut ainsi, via un signal Bluetooth et une application smartphone, avoir accès à une série de précieuses informations (comme la date et l’heure d’ingestion du médicament). Le capteur peut aussi collecter des éléments sur le rythme de vie (heures de sommeil, niveau d’activité…). « Les patients peuvent autoriser jusqu’à cinq personnes à recevoir ces informations » nous explique-t-on. A commencer par le médecin prescripteur – sans oublier l’assureur.

Appétits des assureurs

Ce premier « médicament électronique » est le fruit d’une collaboration entre le laboratoire japonais Otsuka Pharmaceutical (producteur d’Abilify MyCite), et l’entreprise californienne Proteus Digital Health, qui a conçu le capteur. « Profitant de l’appétit des investisseurs pour le secteur de la santé, cette dernière a levé 400 millions de dollars auprès de fonds et d’autres laboratoires, dont Novartis, pour financer ses travaux sur les capteurs » précise Les Echos.

Pour l’heure la plupart des médias applaudissent : voilà le remède tant attendu pour améliorer le respect des prescriptions médicales. Et de se lamenter sur les coûts faramineux des failles dans l’observance : 9 milliards d’euros par an en France assurent Les Echos.

Le prix d’Abilify MyCite électronique qui n’a pas encore été fixé. Il dépendra de l’accueil que lui réserveront les bienveillants assureurs santé qui verront là une source d’importantes économies. Bien évidemment, en retour, ils consentiront de conséquentes réductions tarifaires aux patients-clients acceptant d’être connectés.

Outre-Atlantique certains médecins s’élèvent toutefois déjà contre l’utilisation potentiellement intrusive et coercitive de cette technologie. Et pour tenter de répondre à ces interrogations, Otsuka Pharmaceutical a embauché plusieurs spécialistes de bioéthique. Gel sur la France et réveil avec George Orwell.

A demain

Les médecins traitants vont-ils devoir demander «l’orientation sexuelle» de leurs patients ?

Bonjour

Qui trop embrasse mal étreint ? C’est une information en provenance d’outre-Manche, diffusée par la BBC (« NHS patients to be asked about sexuality »)  et les Echos (Alexandre Counis): « Les médecins anglais invités à demander l’orientation sexuelle des patients ». Le célèbre National Health Service (NHS) recommande désormais aux membres du corps médical anglais de poser la question à tous les patients âgés de plus de 16 ans, à chaque entretien en face-à-face. La mesure, bientôt obligatoire, fait partie des nouvelles lignes directrices qui viennent d’être publiées (« Implementation Guidance Fundamental Standard for Sexual Orientation Monitoring).

« Parmi ces différentes propositions, quelle est celle qui correspond le mieux à la manière dont vous vous définiriez ? », devront demander les médecins. Leurs patients devront ainsi choisir entre « hétérosexuel, homosexuel, bisexuel, autre orientation sexuelle, incertain, non établi ou inconnu ». Même Knock n’aurait pas osé.

Soins adaptés

L’objectif de cette étonnante collecte de données ? Eviter les inégalités de traitement dont sont victimes les patients homosexuels. Le NHS veut s’assurer qu’il respecte l’« Equality Act » de 2010 en adaptant ses soins aux spécificités de chaque patient, en particulier lorsqu’ils sont homosexuels.

Selon le NHS, les patients homosexuels ou bisexuels seraient davantage sujets aux risques d’automutilation ou de suicide que le reste de la population. « Collecter et analyser des données sur l’orientation sexuelle permet de mieux comprendre ces patients, de mieux leur répondre et d’améliorer leur accès aux services de santé », précisent les lignes directrices.

« La Fondation LGBT, qui a été associée au projet, ajoute que les patients homosexuels ou bisexuels seraient sept fois plus souvent exposés à la drogue que la moyenne, et deux fois plus exposés au risque de ‘’binge drinking’’, précise Les Echos. Dans un pays où l’on collecte les données raciales des gens lorsqu’ils prennent une carte de bibliothèque municipale, tout le monde semble s’accorder sur le fait que la mesure part d’un bon sentiment. »

Chambres à coucher

Pour autant «  ce qui semble bon sur le papier… devient très intrusif quand on l’applique dans la vraie vie », observe la conservatrice Nicky Morgan, ancienne secrétaire d’Etat à l’éducation. De même l’Association des médecins de famille estime « potentiellement intrusif et offensant » pour les médecins de surveiller la sexualité des gens, estimant, sur la BBC que « l’Etat n’a rien à faire dans nos chambres à coucher ».

Les patients pourront certes refuser de répondre à la question de leur médecin ou de leur infirmière. Mais le NHS recommande que leur réponse soit dans ce cas consignée sous l’intitulé « non établi » dans le nouveau système de surveillance qui devrait être mis en place, avant avril 2019, dans l’ensemble de l’Angleterre.

On attend, en France, le point de vue du Conseil national de l’Ordre des médecins et celui de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.

A demain

Cigarette électronique : le dramatique déni français face au génie pragmatique britannique

 

Bonjour

Dans quelques jours débutera la célèbre campagne automnale britannique « Stopober » d’incitation à l’arrêt du tabac. Et pour la première fois la cigarette électronique sera présente, comme nous l’explique la BBC : « Quit smoking campaign Stoptober backs e-cigs for first time ». Et que l’on parle ou non l’anglais tout nous est dit dans cette vidéo : https://www.nhs.uk/oneyou/stoptober/home#SjYDLZWcyYTwUlVj.97. Où l’on apprend, encore, que l’Ecosse elle aussi se range à l’avis de Londres : la cigarette électronique est définitivement moins nocive que la consommation de tabac.

C’est une nouvelle fois la démonstration éclatante du pragmatisme britannique : même si la cigarette électronique n’est pas officiellement recommandée par le National Health Service elle figurera dans la campagne gouvernementale parmi les possibilités permettant d’arrêter de fumer ; une décision prise à la lumière des résultats de « Stopober » de l’an dernier où elle est devenue l’outil le plus populaire spontanément choisi par le volontaires souhaitant en finir avec le tabac.

Autre preuve de pragmatisme : la BBC précise que la nouvelle campagne Stoptober résulte du fait que les experts du gouvernement ont été encouragés par de nouveaux résultats plaidant en faveur de l’efficacité du recours à la cigarette électronique lors des tentatives d’abandon du tabac. « Les chercheurs de University College London ont constaté que 20% des tentatives ont réussi au premier semestre de 2017, contre 16% au cours des dix dernières années, précise la BBC. Le médecin-chef adjoint du gouvernement, la Pr Gina Radford, a déclaré que les cigarettes électroniques jouaient un rôle important et que, comme elles contiennent ‘’95% de moins de produits nocifs’’, il était juste d’en faire la promotion pendant ‘’Stoptober’’. »

L’invraisemblable déni du gouvernement français

Concernant les professionnels de la santé, le Pr Radford a déclaré à la radio de la BBC reconnaître que les autorités sanitaires reconnaissent désormais que les cigarettes électroniques sont utilisées par les fumeurs et peut les aider à abandonner le tabac. « Par conséquent, engagez les gens à discuter de la façon dont ils les utilisent, encouragez-les à les utiliser uniquement dans le cadre d’une tentative d’arrêt … dites-le clairement que bien qu’elles sont beaucoup moins nocives que les cigarettes de tabac, elles ne sont pas totalement sans risque. »

Selon les dernières données officielles on recensait, en Grande Bretagne, un peu plus de 15% de fumeurs en 2016, contre 21% en 2007 et plus de 26% en 2000. Et parallèlement à cette évolution le vapotage ne cessait d’augmenter : aujourd’hui une personne sur 20 de plus de 16 ans utilise régulièrement des cigarettes électroniques.

En France, tout aussi officiellement, près d’une personne sur deux âgée de 18 à 34 ans fume (et une sur trois entre 15 à 19 ans alors que la vente est interdite aux mineurs…). Toujours en France la prévalence du tabagisme atteint  46% chez les femmes de 20-25 ans, et  55 % chez les hommes de 26-34 ans : des taux parmi les plus élevés recensés dans les pays occidentaux et dans le monde. Et comme chacun sait le gouvernement français actuel, comme ceux du précédent quinquennat, reste enfermé dans un invraisemblable déni quant à l’intérêt de la cigarette électronique au service d’une politique de réduction des risques.

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Le malodorant écart de langage de M. Benjamin-Blaise Griveaux, membre du gouvernement

Bonjour

A moins de 40 ans, Benjamin-Blaise Griveaux est un petit condensé balzacien de notre époque. Il se murmurerait déjà que l’homme pourrait être le prochain maire de la capitale lorsque cette dernière accueillera les Jeux Olympiques. Fils d’un notaire et d’une avocatediplômé de Sciences Po Paris et de HEC,  le jeune homme plonge précocement en politique : dans les courants rocardiens puis strauss-kahniens. Trouve,  en 2012, un tremplin au sein du cabinet de Marisol Touraine, ministre de la Santé. De 2014 à 2016, l’indispensable passage dans le privé : l’immobilier commercial.

Elu conseiller municipal de Châlons-sur-Saône, puis vice-président du conseil général de Saône-et-Loire sous la présidence d’Arnaud Montebourg il entrera, en 2012, au bureau national du Parti socialiste ; conseiller de la fondation Jean-Jaurès sur les questions sociales, la légende le retrouve, dès la fin 2015, proche d’Emmanuel Macron. Certains journalistes voient alors en lui le « chef de file naturel » d’« apparatchiks » issus du Parti socialiste.

Opération de charme

Puis le temps passe, très vite. Elu député macroniste dans la cinquième circonscription de Paris il est, dans la foulée, nommé secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances : Bruno Le Maire. Officiellement M. Griveaux  travaille sur quelques entreprises industrielles en difficulté, sur la préparation du projet de loi « entreprises » et sur l’attractivité financière de la place de Paris.

Agenda de presque ministre. M. Griveaux était en déplacement officiel à Londres les 12 et 13 septembre. Une opération qualifiée « de charme », une offensive médiatique incluant plusieurs interviews dans les médias britanniques, notamment sur la principale matinale de radio de la BBC. Objectif : convaincre banquiers et investisseurs de la City de venir s’installer en France après le Brexit. On imagine les tapis, les thés, le cosy feutré : entrepreneurs français, investisseurs institutionnels, dirigeants de grandes banques… Un seul hic : aucune rencontre avec les autorités britanniques.

Et puis, cette révélation faite par Le Monde (Eric Albert ) : « Je suis comme Saint Thomas, je ne crois qu’à ce que je vois » dira M. GriveauxSaint Thomas l’incrédule ? Poussé à s’expliquer sur cette référence bien peu laïque le secrétaire d’Etat républicain dira, in fine : « C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses ».

A n’utiliser qu’entre amis

Où l’on voit l’éventail de la richesse des images métaphoriques de la langue française. Précisons ici que cette dernière expression (à l’évidence d’origine paysanne) fait référence aux antiques foires agricoles où étaient rassemblés de nombreux animaux ruminants. Avec les suites pratiques que l’on imagine. En clair : attendre coûte que coûte la fin d’un événement pour en faire le bilan. Et précisons encore aux plus jeunes de nos lecteurs que c’est là  une expression très familière (à n’utiliser qu’entre amis). A Londres le représentant du gouvernement français eût peut-être été mieux inspiré de glisser que ce n’est qu’à la fin du bal que les musiciens sont payés.

A demain

 

Voici les nouveaux salariés : avec une puce RFID sous-cutanée, greffée entre pouce et index

Bonjour

C’est une information à faire froid dans le dos. Après la BBC  ou Le Figaro on la retrouve  développée, dans Le Monde, par Corinne Lesnes.  A partir de demain, 1er août 2017, les employés salariés de la compagnie Three Square Market de River Falls (Wisconsin) évolueront plus librement dans leur espace de travail ; du moins celles et ceux qui auront accepté l’offre (gratuite) de leur employeur : se faire implanter une puce électronique sous la peau, entre le pouce et l’index. Cinquante employés sur quatre-vingt ont ainsi signé pour être greffés.

« La puce, de la taille d’un grain de riz, leur sera gratuitement introduite entre le pouce et l’index, par un personnel médical « qualifié », lors d’une « chip party » au siège de la compagnie, précise Le Monde. Après quoi, un simple mouvement suffira au porteur pour ouvrir les portes, payer la cantine, débloquer son ordinateur et utiliser les photocopieuses. ’L’implantation élimine le besoin de transporter des données’’, résume la bienveillante direction. » La légèreté, nouvelle définition de la liberté : légèreté des données ingérées.

Prolétaires-cobayes

La puce-cyborg coûte, à l’unité, 300 dollars (255 euros). Elle est développée par le fabricant suédois Biohax qui est déjà passé à l’acte en Suède. Sa puce a été approuvée par la Food and Drug Administration américaine. C’est une identification par radiofréquence (RFID, Radio Frequency Identification), une technologie courante pour suivre les livraisons en transit, et qui repose sur l’utilisation de champs électromagnétiques de capturant automatique les données 1.

C’est la première fois, souligne Le Monde, qu’aux Etats-Unis une entreprise propose à ses employés de servir de cobayes aux puces RFID. Donald Trump ou pas, nous sommes toujours en démocratie : les salariés hésitants pourront bénéficier d’une « bague » ou d’un « bracelet » en lieu et place de l’implant. On ajoutera, cela ne s’invente pas, que Three Square Market est une entreprise qui commercialise un logiciel pour les distributeurs de snacks dans les entreprises.

Cette firme pionnière espère bénéficier de la publicité gratuite que lui vaut son initiative. Conscient des risques, son directeur tente toutefois de dissiper les inquiétudes relatives aux atteintes à la vie privée. La puce ne sera dotée d’aucun « dispositif de traçage de type GPS ». On se demande pourquoi. Quant aux données, elles sont cryptées comme pour les cartes de crédit. Un souci ? Un regret ? Le « microchip » pourra être retiré à tout moment « en deux secondes, comme une écharde ».

 Sisyphe et son mythe

Echarde est le mot : petit corps effilé et pointu, de bois ou de métal, qui se fiche accidentellement dans la peau ou dans la chair. Car que faire d’une écharde à moins qu’on ne cherche à l’extraire ? Une vieille affaire littéraire :

« Il n’est pas un de ses personnages [de Dostoïevski] qui ne porte cette écharde dans la chair, qui ne l’irrite ou qui n’y cherche un remède dans la sensation ou l’immoralité ». Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 151.

Sisyphe avec RFID entre pouce et index ? Certains ne veulent voir là que la déclinaison de la technique de la carte de « paiement-contact ». Interrogé par KSTP-TV, Todd Westby, le directeur de Three Square Market, affirme que l’implantation de puces électroniques sous la peau humaine est «la prochaine grande avancée inévitable » et entend bien que lui et son entreprise ne soient pas les derniers. Cette dystopie à portée de main sera-t-elle intégrée dans la refonte du Code du Travail français ?

Comment ne pas voir que nous sommes là aux premières frontières du transhumanisme, aux marches du Temple des « hommes augmentés » ? Comment ne pas entendre Philip K. Dick et ressentir comme une sorte de froid dans le dos ?  Pour le Washington Times il faut voir là une nouvelle étape dans l’accès des êtres humains à une nouvelle liberté : celle de payer. C’est assez bien résumé.

A demain

1 Sur ce thème on peut se reporter avec grand intérêt à l’ouvrage de notre confrère Michel Alberganti : « Sous l’œil des puces : la RFID et la démocratie » Éditions Actes Sud.