Ebola : premier cas écossais. Test suisse de diagnostic rapide autorisé. Test français en essai

Bonjour

« Ebola a fait son retour en Europe » titrent, après l’AFP, quelques médias français. La plupart ne s’y intéressent pas. Pour en savoir plus il faut lire l’anglais. A commencer par la BBC. Puis le Washington Post. Sans oublier CBC News. C’est un cas à la fois édifiant et sans surprise.

Transfert sur Londres

Une infirmière travaillant pour l’association Save The Children en Sierra Leone infectée par le virus Ebola a été hospitalisée et placée en isolement au Gartnavel General Hospital de Glasgow avant d’être transférée « dès que possible » au Royal Free Hospital de Londres.

Arrivée le 28 décembre vers 23 h 30 heure locale, elle a été admise à l’hôpital tôt dans la matinée du 29 après s’être sentie mal. Elle a été placée en isolement à 7 h 50 avant même la confirmation du diagnostic. Le fait que le ce dernier a pu être porté « à un stade très précoce de la maladie » signifie que le risque qu’une autre personne ait été contaminée est « considéré comme extrêmement faible », a aussitôt expliqué le Premier ministre écossais Nicola Sturgeon au cours d’une conférence de presse. Alisdair MacConachie, responsable du National Health Service (NHS) de la région de Glasgow a précisé que la patiente « ne montre pas de signes cliniques inquiétants ».

Freetown-Casablanca-Heathrow-Glasgow 

Cette femme était rentrée de Sierra Leone à Glasgow par avion via les aéroports de Casablanca et d’ Heathrow. Des enquêtes sont en cours afin d’identifier toutes les personnes qui ont pu être en contact avec elle. Les autorités sanitaires et politiques font actuellement le maximum pour rassurer la population britannique. Pragmatique comme toujours les responsables du National Health Service ont fait savoir qu’un réexamen des procédures de soins et des protocoles de sécurité des soignants travaillant en Sierra Leone était en cours.

La malade avait notamment voyagé sur un vol British Airways 1478. Un numéro téléphonique a été mis en place pour faciliter les enquêtes épidémiologique (08000 858531).

Ecosse préparée

« Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités de santé en Angleterre et en Ecosse a aussitôt fait savoir  British Airways. La sécurité et la sécurité de nos clients et de l’équipage est toujours notre priorité et le risque pour les personnes à bord de ce vol individu est extrêmement faible. » Cette compagnie aérienne avait été l’une des premières à décider de ne plus desservir les trois pays africains touchés par l’épidémie d’Ebola.

« L’Écosse s’est préparée à cette éventualité depuis que l’épidémie a éclaté en Afrique de l’Ouest, et je suis confiant dans le fait que nous sommes bien préparés », a encore déclaré  Nicola Sturgeon, qui s’est entretenu du sujet avec le Premier ministre britannique David Cameron. Ce dernier a fait savoir que les gouvernements écossais et britannique allaient « s’assurer que tout est fait pour soutenir le patient et protéger la santé du public, même si le risque pour la population reste faible ».

Effort national

Avec les Etats-Unis la Grande-Bretagne est  en pointe dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola. Les Etats-Unis ont choisi d’agir au Libéria tandis que Londres a concentré ses efforts sur la Sierra Leone, ancienne colonie britannique. En octobre dernier elle y a envoyé 750 militaires, un navire médicalisé et trois hélicoptères avant de  construitre des centres médicaux. De nombreux bénévoles se sont joints à cet effort national. « Nos premières pensées vont au patient, à sa famille et à ses amis. Je lui souhaite un prompt rétablissement », a déclaré Nicola Sturgeon.

Outre la qualité de l’organisation britannique (écossaise et anglaise) ce cas met en lumière l’importance qu’il y a à disposer de tests de diagnostic biologique ultra-rapide. La Food and Drug Administration américaine (FDA) vient de délivrer une autorisation d’urgence pour un test de dépistage du virus Ebola. Ce tests sera commercialisé sous la marque LightMix® Ebola Zaire rRT-PCR L’information est depuis peu assez largement diffusée par les médias anglo-saxons dont Reuters .

Dernières informations françaises

« Ce test de biologie moléculaire est facile à utiliser permettant d’apporter une aide au personnel de santé afin de détecter rapidement la présence du virus et de commencer le plus rapidement un traitement le cas échéant », a indiqué dans un communiqué Roland Diggelmann, directeur d’exploitation de la division diagnostic chez Roche. Ce test a également reçu le marquage européen CE par le biais de son fabricant allemand TIB MOLBIOL.

Des recherches sont actuellement en cours en France. Les dernières informations sur ce thème datent de la fin octobre « Ebola : le  diagnostic en moins d’un quart d’heure (eZyscreen ®, production française) ».  Dénommé  eZyscreen ®  ce test « sera utilisable sur le terrain, sans matériel spécifique, à partir d’une goutte de sang, de plasma ou d’urine ». Il permettra de donner une réponse «en moins de 15 minutes pour tout patient présentant des symptômes de la maladie» précisait alors  le CEA (1).

Essais en Guinée 

Après une mise au point à Marcoule, dans le Gard, les performances du test avaient été  validées  par le Laboratoire de haute sécurité microbiologique P4 Jean-Mérieux de Lyon. On annonçait alors que la phase de production industrielle  démarrerait très prochainement avec le concours de la société française Veda.lab, le « leader européen des tests rapides ». Un prototype devait être disponible dès la fin du mois d’octobre pour permettre la validation clinique sur le terrain.

Ce test est en cours de livraison en Guinée et  l’essai de terrain devrait démarrer dans les prochaines semaines à Macenta dans le laboratoire de Sylvain Baize, directeur du Centre national français des fièvres hémorragiques virales.

Moins de trente minutes

« Notre test eZyscreen ®  est un test de depistage très rapide  (15 minutes) à utiliser sur le terrain en première intention nous a précisé  Raphaël Donati, PDG de Veda.lab. Une  évaluation (en Sierra Leone et en Guinée) « terrain » est en cours avec quelques centaines de tests après que le test ait donné entière satisfaction en laboratoire. Ce test « en moins de trente minutes » correspond exactement à ce que souhaite l’OMS.»

A demain

(1) Ce développement rapide est le résultat des recherches menées par le CEA, en lien avec le ministère de la Défense et le Secrétariat général  de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), dans le domaine de la préparation  contre une action de type bioterroriste (programme interministériel R&D NRBCE). Dans  ce cadre, ont été mis au point des anticorps monoclonaux spécifiques du virus Ebola  (souche Zaïre) réagissant avec la souche épidémique actuelle. Ces anticorps ont été  mis à profit pour réaliser le développement en urgence de ce test diagnostic.

Ebola : la Sierra Leone ordonne la mise en quarantaine de plus d’un million de personnes

Bonjour

L’information vient d’être rapportée par CBC News et par l’AFP.  Le gouvernement sierra-léonais vien de prendre la mesure « avec effet immédiat » de mettre en quarantaine trois régions et 12 chefferies, du pays. Soit, au total une zone où vivent 1,2 million de personnes. L’objectif ne change pas : enrayer la propagation de l’épidémie Ebola dans le pays.

Annonce télévisée

«Les districts Port Loko et Bombali (au nord) et Moyamba (au sud) sont mis en quarantaine avec effet immédiat», a annoncé le président Ernest Bai Koroma dans une déclaration télévisée tard dans la soirée du 24 septembre. Il n’a pas précisé la durée de cette mesure.  Les districts de Kenema et de Kailahun, dans l’est du pays (épicentre de l’épidémie en Sierra Leone) sont en quarantaine depuis début août et ils le demeurent.

Avec la nouvelle décision, ce sont au total cinq des 14 districts du pays, et plus d’un tiers de la population en Sierra Leone qui sont concernés par les restrictions de circulation.

Des temps « éprouvants »

Cette décision drastique de santé publique intervient moins d’une semaine après un confinement total de trois jours de toute la population du pays. Les opérations de « porte à porte qui avaient alors été menées avaient permis, officiellement, d’identifier 358 nouveau cas d’Ebola dont 85 ont pu être pris en charge dans des centres de traitement. Ces opérations avaient aussi pu retrouver 265 cadavres infectieux. (Voir ici le papier du Guardian).

«Le confinement de ces districts et chefferies va évidemment poser de nombreuses difficultés mais la survie de nos concitoyens et de notre pays est prioritaire, a solennellement déclaré  le président Koroma. Ces temps sont éprouvants pour tout le monde dans notre pays. » Eprouvant est le mot.

A demain

Ebola : trois jours de porte-à-porte pour débusquer tous les pestiférés sierra leonais

Bonjour

Ils agissent, nous les observons. La Sierra Leone  compte plus de 6 millions d’habitants.  C’est l’un des pays parmi les plus pauvres de la planète. Il est connu pour ses énormes richesses minières – dont le diamant. Il a aussi (corollaire) été le théâtre se remet d’une guerre civile ayant fait des dizaines de milliers de morts dans les années 1990.

C’est l’un des quatre pays africains aujourd’hui confrontés à l’épidémie d’Ebola. Air France ne dessert plus sa capitale Freetown officiellement à la demande du gouvernement français – décision prise pour des raisons et dans des circonstances qui restent à préciser (1).

« Malades cachés par leurs proches »

Le gouvernement de Sierra Leone a annoncé, samedi 6 septembre, une mesure de confinement extrême. Une initiative dont les  historiens des épidémies nous diront peut-être si elle est ou non une première : le confinement à domicile de l’ensemble de la population – ce pendant  trois jours, du 19 au 21 septembre. Il s’agit de « faciliter la détection de malades cachés par leurs proches ». Proches bientôt malades et que leurs proches protégeront …

« Le confinement signifie que personne, encore moins un véhicule à l’exception de ceux qui sont essentiels pour le service, ne sera autorisé à circuler, a expliqué à l’AFP  Abdulai Barratay, porte-parole du gouvernement. Le personnel de santé et celui des organisations non gouvernementales feront du porte-à-porte pour détecter des cas probables de maladie d’Ebola cachés par leurs parents dans les maisons. La mesure sera soutenue par l’arrivée de plusieurs ambulances et quelque trente véhicules utilitaires. C’est une opération que nous allons organiser périodiquement jusqu’à ce que la maladie d’Ebola soit vaincue. »

OMS et MSF

Le gouvernement de Sierra Leone précise que cette opération va impliquer  environ 7.000 équipes de patrouille composées d’agents de santé, de militants de la société civile et d’un membre de la communauté. Mission : «  surveiller, de retracer les contacts et d’identifier les personnes qui présentent des symptômes de la maladie ». On verra ici ce qu’en dit The Guardian, ici The New York Times, ici CBC News, et ici Aljazeera.

Qu’en penser ? L’OMS se tait. MSF s’inquiète. « Des mesures coercitives à une large échelle comme les placements en isolement forcés et les confinements peuvent compromettre la confiance entre la population et les professionnels de santé, conduire à une dissimulation de cas et pousser les malades à se faire traiter en dehors du système de santé »  a aussitôt fait savoir l’ONG, présente sur le terrain.  MSF dit encore « craindre que le confinement proposé ne soit pas la réponse appropriée à l’épidémie actuelle en Sierra Leone : « il sera extrêmement difficile aux agents de santé d’identifier présentement les cas à travers le porte-à-porte  parce que cela nécessite une certaine expertise ». Sans parler du devenir médical de ceux qui seront ainsi identifiés.

« Ils ne mourraient pas tous »

On entend les critiques de MSF. Elles sont fondées et le remède risque fort d’être pire que le mal. Mais encore ? Il s’agit de la Sierra Leone aux prises avec un mal que l’Occident perçoit avant tout comme « africain ». Un mal qui répand d’autant plus la terreur  que ce n’est plus, cette fois,  le Ciel qui, en sa fureur l’inventa pour punir les crimes de la Terre.

Pour tenter de « stopper la progression de la maladie », 48 tonnes de médicaments sont en cours d’acheminement  dans le pays. L’information est donnée par la Banque mondiale et l’Unicef qui précise que ce don « comprend notamment des gants en latex, des antibiotiques et des équipements de protection ».

A demain

(1) Qui a décidé quoi ? Air France nous a indiqué que c’est à la demande du gouvernement français que la décision de suspendre les dessertes a été prise alors même que la compagnie souhaitait continuer avec les mesures de protection qui avaient été mises en place.

La Direction générale de la santé nous a indiqué  quant à elle : «  La décision a été prise temporairement, par les ministère des affaires étrangères et de la santé, après examen de l’ensemble des données dont ils disposaient sur l’état de la situation à Freetown à cette date. Il s’agissait notamment de l’augmentation du nombre de cas et de l’effondrement du système de soins, dont on pouvait raisonnablement penser qu’ils étaient susceptibles d’augmenter considérablement le risque d’exposition, y compris des voyageurs. Cette décision sera réexaminée très régulièrement. »

D’autres sources gouvernementales laissent aussi entendre que c’est Air France qui, au vu de nombreuses protestations syndicales (qui n’auraient pas toutes été médiatisées) aurait suggéré au gouvernement de formuler une recommandation de suspension des vols sur Freetown.

Plus généralement la question posée aujourd’hui n’est plus tant celle de la reprise de la desserte des vols commerciaux que celle des modalités de l’instauration de couloirs aériens sanitaires.

(2) Sur ce sujet on peut fort utilement se reporter à Patrick Zylberman et à son monumental « Tempêtes microbiennes » paru en 2013 chez Gallimard.