Gilets Jaunes et vanité : les conséquences d’un trop-plein d’intelligence et de subtilité

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Suite de la farandole langagière inhérente à la crise sans précédent des Gilets Jaunes. Avec, aujourd’hui, une belle déclinaison de la jactance qui caractérise le macronisme. «Trop intelligents, trop subtils» : la bourde de Le Gendre tourne au bad buzz » observe Libération (Laure Equy). L’histoire d’un mea culpa qui voit son auteur plonger dans l’enfer des réseaux sociaux et de leurs colères épidémiques sinon populaires. Un repentir qui fait que le condamné aura la tête (symboliquement) tranchée

Résumé du sujet. Lundi 17 décembre, sur le plateau de Public Sénat, le chef de file des députés LREM, Gilles Le Gendre, revient sur les raisons du mécontentement engendré par la politique conduite dans les dix-huit premiers mois du quinquennat. Il passe publiquement à confesse : l’exécutif et sa majorité ont «insuffisamment évoqué» leur action et devront «le faire mieux, plus, en étant plus proches de ce que les Français attendent». Il aurait pu en rester là. Mais non. Grisé peut-être par son mea culpa ce député de Paris poursuit l’exercice de contrition publique. Et d’évoquer en évoquant «le fait d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils, trop techniques dans les mesures de pouvoir d’achat».

 «Trop intelligents » ? Voilà bien, pour le coup, trop manquer de « subtilité » – tout particulièrement à l’endroit des Gilets Jaunes. Pour un peu on évoquerait le « langage de mabouls » dénoncé par un proche ambigu du chef de l’Etat. Poussé à préciser son propos, Gilles Le Gendre a regretté que «toutes les mesures favorables au pouvoir d’achat» aient été «saucissonnées dans le temps». Une cadence qui les a rendues peu lisibles. «C’était justifié par la situation des finances publiques mais manifestement ça n’a pas été compris»a encore cru bon d’ajouter le successeur de Richard Ferrand à la tête du groupe LREM de l’Assemblée nationale.

Droite et gauche en même temps, schizophrène électoralement 

Gilles Le Gendre, 60 ans, n’est pourtant pas un jeune novice ignorant du poids des mots. Élève à Neuilly-sur-Seine au collège Sainte-Croix, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et du Centre de formation des journalistes de Paris, il fut successivement journaliste à Europe 1 et à L’Usine nouvelle chef de service, rédacteur en chef adjoint puis rédacteur en chef du Nouvel Économiste, rédacteur en chef adjoint de L’Expansion, directeur de la rédaction de L’Événement du jeudi, directeur de la rédaction de Challenges, nommé président du directoire du groupe Expansion et directeur général des rédactions. De 2002 à 2004, on le retrouve directeur de la communication et membre du comité exécutif de la Fnac, puis entrepreneur dans des activités de conseil à Paris où il fonde, en 2006, « Explora & Cie » puis, en 2011 le réseau de consultants indépendants « Les Company Doctors ».

« Economiquement de droite, et culturellement et sociétalement de gauche, un peu schizophrène électoralement » il rejoint très tôt le mouvement En marche avant d’en être  désigné, à l’automne 2016, référent pour les  deux plus beaux arrondissements de Paris.

Et maintenant ? « L’aveu de Gilles Le Gendre, qui rappelle un peu ‘’la pensée complexe’’ prêtée à Emmanuel Macron par l’entourage du chef de l’Etat, a tourné au bad buzz, observe Libération. L’opposition, sur Twitter, s’en est donné à cœur joie, épinglant ’l’arrogance’’ ou ‘’le mépris de classe’’ de LREM. ’La rengaine n’a pas changé. Si les Français sont en désaccord, c’est parce qu’ils n’ont pas compris ces imbéciles’’, ironise Clémentine Autain, tandis qu’un autre député de La France insoumise, Alexis Corbière tacle : «« En matière de modestie, nous sommes les meilleurs », aurait dit Sacha Guitry avec humour… Mais là c’est le président du groupe LREM à l’Assemblée nationale qui parle, et lui se prend très au sérieux !». Le communiste Stéphane Peu, lui, s’interroge : ‘’Mais où va LREM ? Que cherche le chef à plume [du groupe LREM à l’Assemblée] quand il assène que l’intelligence supérieure de la macronie est inaccessible au plus grand nombre, au peuple ?’’. ‘’Et une troisième erreur, aussi, conclut Elsa Faucillon, du PCF,prendre les gens pour des cons.’’. »

Ainsi certains mots, sans atteindre toujours la subtilité prisée dans les hautes sphères, ont le mérite de ne pas réclamer d’explications.

Aujourd’hui Gilles Le Gendre a senti le vent du « bad buzz ». Il cause simple, sur Twitter : «Quelques mots sortis de leur contexte… Trop intelligents = trop techniques = trop compliqués. Je n’ai rien voulu dire d’autre : les mesures sur le pouvoir d’achat sont désormais simples et lisibles. Désolé, sincèrement, si j’en ai choqué certains ». Un mea culpa au carré en somme. Il est possible que ce soit un peu tard.

A demain

 

 

Alcoolisme et Conseil d’Etat : la polémique sur le baclofène arrive soudain devant la justice

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Le scoop était dans Challenges : «  le bras de fer continue entre les patients et l’Agence du médicament (ANSM) sur le baclofène. Le 24 janvier, le responsable du collectif Baclohelp, Thomas Maës-Martin, a déposé devant le Conseil d’Etat un recours pour annuler l’interdiction de l’usage du baclofène à hautes doses décidée en juillet par l’Agence. Le collectif, conseillé par le cabinet d’avocats Spinosi & Sureau, plaide que cette décision constitue une « atteinte grave et immédiate » à la santé de quelque 40.000 personnes alcooliques qui recourt à ce médicament pour se sevrer. »

On se souvient que sur la base d’une vaste étude statistique de l’Assurance maladie, les experts de l’ANSM avaient jugé que les risques liés à la prise du baclofène à hautes doses étaient trop élevées. Au-dessus de 180 mg par jour, «la fréquence des hospitalisations est augmentée de 46 % et le risque de décès est multiplié par 2, 27», concluait l’étude. Ce qui avait conduit l’ANSM le 24 juillet dernier à rabaisser la posologie maximale à 80 mg par jour. Un niveau jugé bien trop faible par nombre de prescripteurs et de patients soulignant que pour lutter contre l’alcoolisme des prises moyennes de 150 mg (voire plus) étaient nécessaires.

Ecritures en défense

« Aussitôt, plusieurs médecins montent au créneau, rappelle Challenges. ‘’L’étude de l’Assurance maladie repose sur des suppositions, des interprétations et de possibles biais’’, fustige Bernard Granger, psychiatre à l’hôpital Cochin, qui proteste auprès du patron de l’Agence du médicament avec d’autres confrères. Le 13 octobre, lui et l’épidémiologiste Catherine Hill, auteure d’une étude de référence sur le nombre de morts liés au Mediator, font une nouvelle fois part de leurs interrogations aux experts de l’Assurance maladie. » Sans suite.

Deux recours ont été déposés, a confirmé le Conseil d’Etat à l’AFP : un recours en annulation, pour contester l’interdiction sur le fond, et un référé suspension, pour demander sa suspension en urgence. Le collectif de patients cite une demi-douzaine d’articles scientifiques et souligne que le médicament est couramment utilisé contre l’alcoolo-dépendance dans les autres pays d’Europe et aux Etats-Unis. «Concrètement, depuis l’interdiction du baclofène à hautes doses, des dizaines de milliers de personnes qui l’utilisaient pour rompre avec l’alcool risque de rechuter, témoigne Thomas Maës-Martin. Sans compter qu’un arrêt brutal de leur traitement peut se révéler dangereux.»

Le sujet est pris très au sérieux tant par  l’ANSM que par le ministère de la Santé. « Plusieurs scénarios sont désormais possibles, résume Le Quotidien du Médecin. le juge des référés peut rejeter la demande dans les prochains jours, notamment s’il considère qu’il n’y a pas d’urgence. Il peut également communiquer la requête du collectif à l’ANSM et au ministre, en leur donnant quelques jours pour déposer des écritures en défense. Enfin, il est également possible qu’une audience soit organisée d’ici une ou deux semaines. »

A demain

Politique : mais qui sont donc les ministres «faibles» du gouvernement de Manuel Valls ?

Bonjour

Serions-nous, déjà, sur le chemin qui conduit au remaniement ? Il y a quelques jours le président Hollande s’exprimait, « en exclusivité », dans les colonnes du magazine Challenges. Il y saluait «l’énergie précieuse de Valls, son sens de l’animation». Tout juste regrettait-il, «mais c’est toujours le cas, qu’un Premier ministre fort s’accompagne de trop de ministres faibles». Et, aussitôt, des tympans ministériels  de siffler sous les lambris.

Remaniement

Aujourd’hui 12 mars 2015 le Premier ministre Valls déclare qu’il n’y a «pas de ministres faibles» dans son gouvernement. En clair il dément le Président. Pour autant il n’exclut pas des «modifications à la marge» et donc un potentiel remaniement. Et les sifflements de reprendre sous les ors républicains.

«Je peux vous le dire avec la plus grande tranquillité: il n’y a aucun ministre faible, il y a des ministres et des secrétaires d’État engagés, qui travaillent bien, dans un gouvernement qui est respecté, je crois, par les Français», a déclaré le chef du gouvernement français. Il s’exprimait lors d’une conférence de presse avec la Première ministre polonaise Ewa Kopacz à Varsovie.

Etranger

Le temps n’est plus où la politesse diplomatique voulait que le chef d’un gouvernement fasse l’économie des sujets de politique intérieure quant il était à l’étranger.

Il y a «des ministres expérimentés, de jeunes talents, il y a des ministres populaires dans ce gouvernement», a encore déclaré M. Valls.  «L’équipe gouvernementale est je crois marquée par deux mots très importants pour aujourd’hui et pour demain: la cohérence et la cohésion», s’est-il défendu. «Et nous obtenons des résultats, c’est ça le plus important, donc nous ne pouvons pas changer de ligne économique au moment où nous obtenons des résultats», a-t-il affirmé.

Modifications

Un éventuel remaniement actuellement envisagé par l’exécutif ? «Bien sûr il pourrait y avoir des modifications à la marge, des apports, nous souhaitons élargir la majorité à condition qu’on respecte cette cohésion et cette cohérence, a encore déclaré le Premier ministre à Varsovie. Je suis heureux d’être à la tête d’un gouvernement fort avec des ministres qui travaillent bien et qui sont déterminés. Et je ne doute pas un seul instant que le président de la République partage cet avis. »

Pourquoi douter ? Et, plus encore, pourquoi tant parler ?

A demain

Les hôpitaux saignés de trois milliards d’euros sans toucher aux effectifs ? Libération contredit la ministre de la Santé

Bonjour

Hier encore à l’horizon, voici que des tornades hospitalières se rapprochent de l’actualité. Reprise du contexte et explications de textes.

En avril 2014 Marisol Touraine, ministre de la Santé annonçait la douloureuse : elle présentait les grandes lignes d’un plan destiné à  dégager dix milliards d’euros d’économies pour l’Assurance maladie d’ici à 2017 – dont 2 milliards pour l’hôpital et 1 milliard grâce au développement des soins ambulatoires.

A huis clos

Le 27 février dernier le magazine Challenges (Laurent Fargues) évoquait l’existence d’un document du ministère de la Santé détaillant la répartition de trois milliards d’euros d’économies à réaliser dans le parc hospitalier français. (Voir ici). Extraits :

« Le 2 février, lors d’une réunion à huit clos avenue Duquesne, Marisol Touraine a présenté les efforts demandés aux hôpitaux à quelques hauts fonctionnaires. D’après un document du ministère de la Santé, que Challenges Soir s’est procuré, la facture s’élève au bas mot à 3 milliards sur trois ans.

Chirurgie ambulatoire

La mutualisation des achats des hôpitaux et l’obtention de meilleurs tarifs auprès des fournisseurs doivent dégager 1,2 milliard. Les baisses de prix des médicaments et des dispositifs médicaux les plus coûteux rapporteraient 350 millions et les synergies liées aux rapprochements entre hôpitaux voisins quelque 450 millions.

Plus sensible, le développement de la chirurgie dite « ambulatoire », sans nuit à l’hôpital, doit générer 400 millions et la réduction des durées d’hospitalisation 600 millions. Le ministère affiche un objectif ambitieux de 57% d’opérations effectuées en ambulatoire en 2017, contre 43 % aujourd’hui, et estime à 15.000 le nombre de « réhospitalisations » qui pourraient être évitées.

Sujet explosif

« Le sujet est explosif, confie un connaisseur du dossier, puisque ces gains reposent majoritairement sur la réduction des dépenses de personnel ». Le ministère de la Santé table sur une « maîtrise de la masse salariale » de l’ordre de 860 millions soit l’équivalent de 22.000 postes et 2% des effectifs de la fonction publique hospitalière.

Les médecins des hôpitaux seront mis à contribution sur d’autres postes budgétaires. Comme leurs collègues libéraux, ils devront prescrire de plus en plus de médicaments génériques et limiter les examens redondants. Les enjeux ne sont pas minces. L’amélioration de la pertinence des soins doit permettre d’économiser 3,1 milliards sur l’ensemble des dépenses de santé et la montée en puissance des génériques et biosimilaires 1,3 milliard. Le reste des efforts concerne les établissements médico-sociaux (500 millions), les baisses de prix des médicaments (1,6 milliard) et les gains sur les dispositifs médicaux et prothèses (250 millions). Autant de mesures délicates à annoncer au lendemain de la plus forte grippe à l’œuvre depuis 5 ans.

Contacté, le cabinet de Marisol Touraine n’a pas souhaité répondre aux questions de Challenges. »

Parti communiste français

Violente réaction du Parti communiste français  qui dénonçait « la saignée » budgétaire « inacceptable » de Manuel Valls. « Alors que l’hôpital public va mal, que les usagers et les personnels sont confrontés à une dégradation insupportable des soins, que la gestion comptable des dépenses de santé à l’œuvre  au cours des dernières années est un véritable recul de société, le docteur Valls met dans la seringue une vingtaine d’emplois en moins par établissement de santé chacune des trois prochaines années », écrivait  le PCF dans un communiqué.

Pas vocation à 

Réaction de Marisol Touraine : elle affirmait mercredi 4 mars devant l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement  que son plan de trois milliards d’euros d’économies pour les hôpitaux d’ici à 2017 n’avait pas vocation à « baisser les effectifs hospitaliers ». « Les établissements hospitaliers sont engagés dans des efforts de redressement très importants, assurait alors Mme Touraine. Dans le plan d’économies qui a été annoncé, il n’est pas question, comme je l’ai encore entendu cet après-midi, de baisser les effectifs hospitaliers.»

Mme Touraine publiait en suite un communiqué de presse. Extrait:

«  (…) S’agissant des établissements de santé, il n’y a pas d’objectif chiffré de réduction des effectifs. La maîtrise des dépenses devra être assurée par une politique plus dynamique sur les achats, par la mutualisation de fonctions supports et, plus largement, par l’adaptation des structures aux prises en charge ambulatoires. »

Texte confidentiel

Nouvelle tourmente : Libération (Eric Favereau) révèle dans son édition du 9 mars avoir « eu accès » à un texte confidentiel qui prévoit des économies drastiques, des coupes dans les effectifs, et accroît la centralisation.  Il s’agit ici d’un «Kit de déploiement régional du plan Ondam à destination des ARS» (sic). Le quotidien explique qu’il a été distribué le mois dernier aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) («diffusion restreinte»). « La semaine dernière, le magazine Challenges avait fait état d’une version de ce document qui aurait été débattu avec la ministre de la Santé, Marisol Touraine, peut-on lire dans Libération. En tout cas, voilà un plan global décliné en 69 pages, comportant une succession de tableaux et d’indicateurs de performance, avec un seul objectif : 10 milliards d’économie à l’horizon 2017. Et, dans ce lot, la part des restrictions pour l’hôpital tourne autour de 3 milliards d’euros. »

Confirmation, donc, du document de Challenges. Mais quid de l’affirmation de Marisol Touraine quant aux effectifs hospitaliers ?

Libération : « Mercredi, la ministre de la Santé a assuré à l’Assemblée nationale que son plan de 3 milliards d’euros d’économies pour les hôpitaux d’ici à 2017 n’avait pas vocation à «baisser les effectifs hospitaliers». Est-ce bien sûr ? Quand on regarde le détail du «kit», c’est pourtant clair : il est prévu 860 millions d’économies sur la masse salariale pour 2015-2017.

Afin d’y arriver, il est proposé tout un ensemble d’indicateurs et de pistes, comme : «la mise à plat des protocoles ARTT, le réexamen des avantages extrastatutaires ou non conventionnels, l’optimisation des dépenses de personnel médical, la réduction des coûts liés à l’intérim médical». Les bonnes pratiques sont détaillées : «mettre en place des maquettes organisationnelles par unités en fonction de leur taille et procéder à une harmonisation au sein de l’établissement». Si cela ne veut pas dire… diminuer les effectifs ! » Dans ce contexte, quid de l’AP-HP ? (1)

Que va, cette fois, répondre la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes ?

A demain

(1) En janvier 2010 la direction de l’AP-HP annonçait une  la suppression (d’ici 2012) de 3000 à 4000 emplois et détaillé son plan de réorganisation des hôpitaux parisiens et franciliens. « Nous devons effectivement supprimer entre 3000 et 4000 postes sur un total de 92000. La moitié environ concernera les soignants et les médecins, l’autre moitié le personnel administratif » déclarait alors  Benoît Leclercq dans un entretien au Parisien/Aujourd’hui en France

Cigarettes électroniques: premières victoires contre le tabagisme sur le sol de France

Bonjour

Roulement des tambours médiatiques au service de la santé publique. Ce matin Le Monde reprend l’AFP qui avait repris Les Echos, eux-mêmes s’inspirant de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).Cris d’orfraie des buralistes français

Résumé : Sabre au clair la e-cigarette fait reculer les troupes du tabagisme sur le sol français. En janvier dernier le magazine Challenges avait, en solitaire lancé une salve appétissante (voir sur ce blog « la e-cigarette fait la nique aux substituts nicotiniques »). L’affaire prend heureusement de l’ampleur.

SOS Addictions

Tout ou presque est gratuit et disponible ici depuis le 12 février comme on peut le voir ici. – informations diffusées notamment par le groupe SOS Addictions. Conclusion officielle :

« En novembre 2013, la cigarette électronique est connue de la très grande majorité des Français, parmi  lesquels on compterait entre 7,7 à 9,2 millions d’expérimentateurs, plutôt jeunes et consommateurs de tabac. L’usage dans le mois précédant l’enquête concerne quant à lui 6 % de la population. Entre 1,1 et  1,9 million de personnes utiliseraient quotidiennement la cigarette électronique en France : il s’agit dans  67 % des cas de fumeurs de tabac, qui s’en servent majoritairement pour arrêter ou réduire leur consommation quotidienne, et donc potentiellement les risques sanitaires associés au tabagisme. Si 9 %  des expérimentateurs de la cigarette électronique déclarent n’avoir jamais ou presque fumé de tabac,  tous les vapoteurs réguliers sont ou ont été fumeurs : la cigarette électronique semble ainsi constituer,  du moins pour le moment, plutôt une solution de sortie du tabagisme qu’une « porte d’entrée ».

Lourd médiatique

Les Echos ne sont certes pas gratuits. En revanche c’est du lourd médiatique, de l’économique. On y apprend que l’usage de la cigarette électronique réduit la « quantité moyenne consommée par chaque fumeur » et qu’elle  « est à l’origine d’une partie de la baisse des ventes observée en 2013 ».

 « Les ventes de cigarettes ont chuté de 7,6 %, un recul sans précédent depuis les fortes hausses de prix de 2003 et 2004. Les buralistes ont vendu 47,5 milliards de cigarettes l’an dernier, 4 milliards de moins qu’en 2012. Le tabac à rouler continue certes de progresser, mais beaucoup moins vite (+ 2,6 %) », précise le quotidien économique. Pour l’OFDT, poursuivent Les Echos, « cette baisse exceptionnelle » peut s’expliquer d’une part par « la régularité de l’augmentation des prix au cours des quatre dernières années, qui a porté celui du paquet de cigarettes de la marque la plus vendue à près de 7 euros », et d’autre part par « l’essor prononcé de la cigarette électronique ».

Pas de conflit d’intérêt

« Une enquête auprès de 2 000 individus âgés de 15 à 75 ans, réalisée fin 2013, confirme le succès impressionnant de la “vapoteuse”. Entre 8 et 9 millions de Français l’auraient déjà essayée », indique le quotidien économique. « Un à deux millions l’utiliseraient quotidiennement », selon l’OFDT, « un organisme scientifique indépendant des intérêts économiques du secteur », concluent Les Echos. Une précision qui ne manque pas de sel quand elle est apportée par le média ne traitant, sous toutes les coutures, que des intérêts économiques.

« Porte de sortie » électronique

« Titre accrocheur et analyses approximatives » Les Echos sont d’ores et déjà épinglés sur le site des buralistes (comme on peut le voir ici). Efficaces contre le tabagisme ? Risque d’initiation au tabagisme ? Ce sont  là des  questions soulevées depuis plusieurs mois (voir  sur ce blog « Ventes de cigarettes : tabac en recul, électroniques en expansion une corrélation ? »). Nous disposons donc désormais des premiers éléments de réponse officiels.

« Porte de sortie » du tabagisme et nullement « porte d’entrée », comme on pouvait s’en douter. Il n’est pas interdit d’espérer que Marsol Touraine, ministre de la Santé soit tenue informée de ces nouvelles données. Et que, chargée par le président de la République de cette partie du nouveau Plan Cancer, elle puisse au plus vite revoir sa copie de l’été dernier.

A demain

Evènement : la e-cigarette fait la nique aux substituts nicotiniques

Bonjour,

C’est un évènement. Et il est de taille. On connaissait le développement contagieux de la cigarette électronique. Voici désormais que ce phénomène se double d’un autre ; la chute des ventes des traitements dits de substitution nicotinique. Evènement considérable en ce qu’il apporte les premiers éléments d’une démonstration inédite dans l’histoire de l’addiction.

Osons une image, empruntée à notre confrère Dominique Dupagne  – lors d’un précédent combat. C’est, toute proportion gardée comme si une part croissante des malades alcooliques se tournait spontanément vers la bière sans alcool – et si ces derniers décidaient, spontanément encore, de faire collectivement  une croix sur les médications (assez peu efficaces mais remboursées) habituellement prescrites pour tenter de lutter contre cette méchante addiction.

Imageons. Des débits spécialisés de bière sans alcool s’ouvriraient dans les villes. Des barmaids souriantes et en tenue y  expliqueraient comment user au mieux des « bag in box », vanteraient les mérites respectifs des houblons et des malts, ceux de l’ambre et de la moustille. On imagine aisément la tête des patrons de bar et celle des agents de la gabelle. Quelques réactions violentes seraient à attendre. Mais nous allons trop vite en besogne.

Niquitin

Pour l’heure l’affaire est rapportée ainsi. « Depuis l’essor fulgurant de la cigarette électronique, les ventes de patchs, gommes et comprimés à sucer sont en chute libre en France comme dans les autres pays européens. « C’est carrément un décrochage depuis la rentrée de septembre », constate Sophie Ragot, responsable marketing OTC et dermatologie pour le laboratoire GSK qui commercialise produits Niquitin. »

Mme Ragot  s’exprime dans le magazine Challenges  (Laure-Emmanuelle Husson). Et l’affaire est reprise dans lemondedutabac.com, le site qui comprend les buralistes.

Explosion

 Challenges : « D’après les derniers chiffres connus, le marché des substituts nicotiniques en France aurait ainsi baissé de 6,6% en 2013 pour repasser pour la 1èrefois depuis 2010 sous la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires (99,2 millions d’euros exactement). « Si on regarde uniquement le dernier trimestre, les chiffres sont encore plus mauvais. La baisse atteint 17%, et même 35% pour les patchs », détaille Sophie Ragot.

Dans le même temps, la consommation de cigarettes électroniques a explosé. D’après un récent décompte du Collectif des acteurs de la cigarette électronique (CACE), 2 millions de Français vapotent régulièrement. Ce marché, qui était quasiment inexistant en 2009, pèserait aujourd’hui près de 100 millions d’euros, soit autant que le marché des substituts nicotiniques. »

Bref, la  cigarette électronique fait la nique (1) aux substituts nicotiniques.

Tout le monde demandera s’il y a, ici,  un lien de causalité. Et une fois de plus nous sommes ici confrontés à l’incurie des autorités sanitaires française qui n’ont pas vu (se refusent à voir) l’ampleur et l’importance de ce phénomène majeur de santé publique. Faute de référentiel officiel, d’études épidémiologiques et économiques, d’enquête sociologiques, toutes les interprétations sont possibles.

Souffrances des patches

« En l’absence d’étude sur le sujet, les avis divergent, observe Challenges. Pour Arnaud Dumas de Rauly, le secrétaire adjoint du CACE, « les fumeurs ont la possibilité d’arrêter voir de diminuer leur consommation de tabac grâce à la e-cigarette » mais il rappelle que « ce n’est pas un substitut nicotinique. » Par contre, pour Sophie Ragot, les doutes sont peu nombreux. « Les patchs ont souffert sérieusement à partir de l’été 2013, justement lorsque les points de vente de cigarettes électroniques ont commencé à se multiplier en France ».

Découragement

Les fumeurs désireux d’arrêter de fumer seraient découragés par le traitement à suivre pour arrêter le tabac avec des substituts nicotiniques classiques. En effet, il faut compter au moins trois à six mois de traitement et consulter un médecin pour connaître sa dose optimale de nicotine et ainsi optimiser ses chances de succès, contrairement à la cigarette électronique où chacun peut en acheter comme il l’entend. »

Lobbying

Challenges oublie de mentionner que le fumeur qui veut sortir de son esclavage goudronné et nicotiné doit payer de sa poche les substituts nicotiniques qui luis ont prescrits par un médecin.Ce magazine (groupe Perdriel)  proche des milieux économiques nous dit aussi que les laboratoires qui commercialisent des substituts nicotiniques (GSK, Pierre Fabre, Johnson&Johnson) estiment que leurs perspectives économiques sont on ne peut plus sombres. Ils prévoient une baisse à deux chiffres du marché des substituts nicotiniques pour 2014, avant une stagnation en 2015. « Le plus difficile c’est que l’on ne sait pas encore vraiment comment agir par rapport à ce phénomène de société. On ne connait pas bien les pratiques autour de la e-cigarette », souligne  Sophie Ragot. A qui la faute ?

GSK, Pierre Fabre, Johnson&Johnson s’y connaissent assez bien en matière de lobbying. Pourquoi n’œuvrent-ils pas (en secret auprès du gouvernement) pour obtenir le remboursement intégral de leurs substituts ? L’heure semble venue.

(A demain)

(1) Cette expression ne doit pas choquer nos lecteurs. Littré (qui ne se trompe jamais) accepte nique. Il est seulement usité dans la locution  « faire la nique à quelqu’un ». Ce qui signifie « lui témoigner moquerie et mépris par un certain signe de tête ».

« On le rapporte d’ordinaire à l’allemand nicken, faire un signe de tête ; mais Scheler recommande de préférence le hollandais nuk, suéd. nyck, danois nykke, malice, méchanceté. Toutefois ce qui paraît donner l’avantage à la première étymologie, c’est qu’on trouve le verbe niquer avec le sens de branler la tête. »

Niquer

Littré fait aussi mention de « La mère Nique ». Attention, pas de confusion : c’est sorte de démon, d’après une superstition populaire (Normandie, Laigle). Quant à niquer, en vogue depuis longtemps chez les adolescents, il renvoie à escroquer, abuser, voire même à s’unir sexuellement (s’accoupler).  A distinguer de pique-nique (connu depuis 1740) : « repas de plaisir où chacun paye son écot, et qui se fait soit en payant sa quote-part d’une dépense de plaisir, soit en apportant chacun son plat dans la maison où l’on se réunit ». (Angl. pick nick, pique-nique, de to pick, saisir, prendre, et nick, point, instant. Cette étymologie dispense de toutes les étymologies qui ont été faites sur pique-nique).

Pour finir, un proverbe, devenu obsolète : « Les mots terminés en ique (paralytique, hydropique etc.) font aux médecins la nique ».