Baclofène: Dominique Maraninchi bouclera-t-il la boucle ?

Bonjour

Libération de ce jour croit pouvoir annoncer sa fin : « Maraninchi quitte la direction de L’Agence du médicament ». En ces termes (Eric Favereau) :

« Il s’en va. Et ne s’en cache plus. Le professeur Dominique Maraninchi, qui dirige l’Agence nationale de sécurité des médicaments depuis 2011, a annoncé à ses proches qu’il allait partir «plus vite prévu de l’agence». Les raisons ? «Pour revivre à Marseille», sa ville. Nommé après l’affaire du Mediator alors qu’il dirigeait l’Institut national du cancer, Dominique Maraninchi n’a pas eu la tâche facile. L’Agence nationale de sécurité des médicaments avait été déstabilisée comme jamais par le scandale Servier et les innombrables conflits d’intérêts qu’il avait révélés. Maraninchi a dû accompagner une réforme, lancée par Xavier Bertrand, et surtout il se devait de redonner confiance au monde du médicament. Dominique Maraninchi a eu du mal à imposer un discours public, dans un climat toujours prisonnier de scandales qui ont continué d’éclater, tout en devant gérer, en parallèle, la tentation des autorités de toujours vouloir se protéger. A ce jour, aucun nom n’émerge pour le remplacer. »

L’information circulait depuis le début de l’année dans les milieux spécialisés. Libération reprend ici une dépêche de l’APM (Edouard Hubert) du 7 mars (1).

Corse et marseillais

Dominique Maraninchi ne rechignait pas à croiser les médias. Nous l’aurons souvent cité sur ce blog comme on peut le voir ici.  Pour la dernière période on se souviendra de « l’affaire des pilules », de son rôle tampon entre ses fonctions à la tête de l’Ansm et les volontés de Marisol Touraine, ministre de la Santé. Un rôle politique parfois alambiqué facilité par une forme d’élégance dont on n’a jamais su, à Paris, si elle était corse ou marseillaise.

On se souviendra surtout de l’affaire serpent de mer du Baclofène. Quel aura été le rôle exact de Dominique Maraninchi ? Quoiqu’on pense de cette spécialité il s’agit ici d’une révolution dans la prise en charge des personnes souffrant d’une dépendance aux boissons alcooliques. Nous sommes sortis, avec lui, de la Terreur. Et maintenant ?

Le sermon de Cochin

On garde en mémoire les images de sa profession de foi sur le rôle de l’Ansm vis-à-vis du Baclofène. Ces images sont disponibles ici.  Cela se passait le 3 juin 2013, à l’hôpital Cochin de Paris (à deux pas des urgences où une femme de 61 ans vient de mourir dans des conditions invraisemblables). C’était il y  a neuf mois. Contrairement aux prévisions de Dominique Maraninchi la question de la RTU n’est toujours pas réglée. Pourquoi ? On indique de bonne source que la CNIL se prononcera le 13 mars prochain. Si elle ne s’y oppose pas tout serait alors prêt pour que le Baclofène puisse être plus largement utilisé.

Dominique Maraninchi est né le 20 juin 1949 à Marseille. On pourrait imaginer que la boucle Baclofène puisse être assez joliment bouclée avant qu’il fête, à Marseille, ses 65 ans.

A demain

(1) SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 7 mars 2014 (APM) – Dominique Maraninchi a annoncé vendredi en interne son prochain départ de la direction générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a-t-on appris vendredi de source compétente. Interrogée par l’APM, l’ANSM n’a pas confirmé cette information. Dominique Maraninchi n’a pas précisé la date exacte à laquelle il va quitter l’agence, ni les raisons de son départ. Il aura 65 ans le 20 juin.

Dominique Maraninchi a été nommé directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) le 23 février 2011, en pleine tourmente autour de l’affaire Mediator* (benfluorex, Servier). Il a été reconduit dans ces fonctions, à la tête de l’ANSM cette fois-ci, le 3 mai 2012, pour un mandat de trois ans. (…)»

 

Philip Morris victime de la terreur médiatique. Une leçon de journalisme

Les journalistes sont, aussi, des terroristes. Du moins dans la guerre contre le tabac (200 morts prématurées par jour, toujours du même côté).

Nouvelle poussée de fièvre médiatique. Explications. Avec, en prime, une bien belle leçon de journalisme. Et les précieuses confidences du nouveau président de Philip Morris France

Il faudra un jour s’intéresser de plus près à www.lemondedutabac.com . Sur le fronton le site se présente : explique Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements évoquant directement ou indirectement le tabac. Au rez de chaussée, c’est un peu plus complet : « une fenêtre ouverte sur toute l’actualité concernant, à un titre ou à un autre, le tabac. Sans parti pris partisan mais avec une approche ouverte, exhaustive, informative. L’objectif est d’informer, tout simplement, sur des prises de parole, des faits, des chiffres. Tels qu’ils sont. Tels qu’ils peuvent être compris. Une contribution, parmi d’autres, à un débat permanent. » 

Fumets de goudron

C’est presque trop beau pour être vrai. Depuis quelques mois nous tournons autour. Parfois un étrange fumet de goudron aromatisé. On aimerait visiter les cuisines, l’arrière-cour. Sans parler du cabinet des cigares et de la chambre froide. Ce samedi 21 septembre 2013 l’entreprise se dévoile. Serait-ce un effet la pleine lune ?

Aujourd’hui le site réagit à un article du Parisien/Aujourd’hui en France. Article que l’on peur voir ici. Article repris par Slate.fr . En substance les députés européens seraient fichés et classés selon leur proximité (supposée) avec l’industrie du tabac et spécifiant le degré d’urgence de les approcher (s’ils ne sont pas considérés comme assez proches).

Fichés : 74 députés français

«Des documents confidentiels datant de 2012 et 2013 montrent comment Philip Morris International, le leader mondial du secteur avec la marque Marlboro, a fiché les 74 députés français (et les autres aussi) qui siègent au Parlement européen, accuse le quotidien. Ces méthodes semblent très efficaces. Le report de septembre à octobre de l’examen du texte [une directive visant à mieux protéger les consommateurs] combattu par l’industrie constitue, en effet, une victoire pour elle. Car la discussion parlementaire pourrait traîner en longueur et la directive ne pas être votée avant les élections de 2014. Après, estiment les entreprises du tabac, tout espoir sera de nouveau permis…»

Le Figaro après Le Parisien

 Le Parisien n’est pas seul à monter en ligne. Quelques heures plus tard Le Figaro avance lui aussi sous la mitraille à venir « Françoise Grossetête, députée du Parti populaire européen (PPE), apparait ainsi en rouge vif, ce qui signifie pour Philip Morris qu’elle fait partie du groupe des opposants. Des annotations précisent qu’il faut «surveiller de près ses éventuelles initiatives antitabac» et qu’elle «refuse de rencontrer l’industrie». A l’inverse, Christine de Veyrac (PPE) est en bleu, donc jugée «très favorable» à l’industrie. Selon le cigarettier, elle devrait même «relayer un message positif à Françoise Grossetête». Dans tous les cas, les deux sont en vert, donc «à rencontrer d’urgence». Philip Morris classe aussi Corinne Lepage (MoDem) en rouge – «à surveiller de près»- et Constance le Grip (PPE) en bleu. José Bové, Brice Hortefeux, et même Stéphane le Foll, aujourd’hui ministre de l’Agriculture, sont mentionnés. Pour les convaincre, Philip Morris a lancé une armée de 161 collaborateurs composés de juristes ou ex-hauts fonctionnaires de la commission. Leur budget: 548.927 euros. Une somme dont ils vont se servir pour organiser des événements sportifs ou musicaux selon les goûts des eurodéputés à convaincre. »

Philip Morris ne parle pas

La France est, dit-on, peu rompue aux méthodes du lobbying. Plusieurs parlementaires français présents dans le fichier commencent à s’émouvoir et dénoncent aujourd’hui une atteinte à leur liberté et des pratiques illégales. Du côté de la CNIL on est habitué à ne pas s’émouvoir : la pratique de Philip Morris «pose question». «Sur le plan de la loi Informatique et libertés, le fait qu’une entreprise tienne à jour une liste de députés afin de mener ses actions de lobbying est légitime, a expliqué  au Parisien Sophie Nerbonne, directrice adjointe des services juridiques de la Cnil. Les députés devraient en être informés.»

Interrogé, Philip Morris n’a pas souhaité réagir (1) (2). Dans un communiqué daté de début septembre, il affirme toutefois regretter que «le débat se focalise de plus en plus sur nos démarches visant à faire connaître notre opinion sur le projet» de directive. «L’argument selon lequel nous devrions rester silencieux face à des propositions qui nous concernent directement n’a pas de sens» fait valoir la puissante multinationale.

Un « débat permanent »

Rappelons la raison d’être de www.lemondedutabac.com : « Sans parti pris partisan mais avec une approche ouverte, exhaustive, informative. L’objectif est d’informer, tout simplement, sur des prises de parole, des faits, des chiffres. Tels qu’ils sont. Tels qu’ils peuvent être compris. Une contribution, parmi d’autres, à un débat permanent»

Que peut-on lire aujourd’hui 21 septembre sur ce site ? Ceci :

« L’impact d’une stratégie de la « terreur médiatique . 

Comme prévu, l’article du Parisien suscite force reprises médiatiques (BFM TV, i TELE, France 2, radios), etc. Conformément à la loi du genre, les rebonds sont encore plus outranciers.

On présente maintenant comme « liste noire » … des notes internes de Philip Morris International contenant une simple analyse (sous forme de tableau) des opinions des eurodéputés par rapport à la Directive tabac. Les initiés appellent cela un « maping ». Comme peut le faire n’importe quel consultant – ou journaliste – sur n’importe quel sujet politique. Mais là, il s’agit de tabac et donc, tout prend un tour forcément scandaleux ! 

On met en avant des budgets de « lobbying » saisissants. Sans préciser que ces chiffres sont donnés par Philip Morris lui-même –  qui s’est déjà expliqué sur sa communication à Bruxelles (voir Lemondedutabac du 9 septembre) – et portent sur plusieurs années pour l’ensemble de la Communauté européenne. Le sérieux journalistique consisterait à comparer ce chiffre avec ceux de tous les grands groupes industriels intervenant à Bruxelles. Y compris les groupes pharmaceutiques. Ceux que connaît bien Françoise Grossetête qui a essayé – en vain – de réglementer les ventes de produits pharmaceutiques sur internet …

 En fait, il faut voir derrière tout cela une campagne des anti-tabac, furieux du report au 8 octobre du vote de la Directive tabac en séance plénière (voir Lemondedutabac du5 et 6 septembre). Tout simplement parce que nombre d’eurodéputés se posent, avec raison,  des questions sur la pertinence de certaines  dispositions de la Directive (des paquets quasi génériques au classement de la  cigarette électronique en produit pharmaceutique). Il faut donc, pour les anti-tabac, annihiler tout esprit critique par le biais de cette « terreur médiatique ». Dont le leitmotiv est : « si vous êtes contre le projet de Directive tabac, c’est que forcément vous êtes sous influence de l’horrible lobby du tabac ».

Pourtant, il n’y a aucune raison de se laisser impressionner. »

Rien de « contraire à l’éthique »

Plus tôt dans la matinée www.lemondedutabac.com avait écrit : les faits « révélés » par Le Parisien  ne correspondent pas à des méthodes ou à des faits illégaux ou même – allons plus loin – contraires à l’éthique. Une entreprise concernée directement par une décision européenne a le droit de faire valoir son point de vue. Et pas la moindre trace de corruption, pour être clair … ». La clarté, voilà bien la priorité des priorités.

Des « documents dérobés »

Le site poursuit : « C’est le traitement journalistique (utilisation des termes, commentaires allusifs, abondances des mots « secret » et « harcèlement ») qui rend le sujet scabreux. Précision sur laquelle le journal se garde de revenir : « les documents Philip Morris » publiés ont été dérobés, purement et simplement. Le plus surprenant dans cette histoire est que ce genre de mésaventure soit arrivé à un groupe connu, en fait, pour la rigueur de ses procédures internes. »

Une leçon de journalisme

Et il ne se prive pas de la joie de faire la leçon au Parisien :

A travers ce genre de révélations, gonflées artificiellement, Le Parisien passe à côté du vrai sujet. La directive européenne dans son état actuel, c’est :

– les paquets quasi génériques (75% des faces avant et arrière du paquet couvertes de photos-choc et d’avertissements sanitaires) : qu’en pensent les lecteurs du Parisien en termes d’efficacité réelle sur la santé publique ?
– la disparition des cigarettes « menthol », sans nécessité prouvée

– l’assimilation de la cigarette électronique au domaine pharmaceutique et, donc, la disparition de son mode actuel de distribution

– et une tolérance maintenue sur la vente du tabac par internet.

Le vrai débat est là. »

Supplique pour le retour du journalisme d’investigation

Ce qui n’est certainement pas totalement faux. Mais ce qui n’interdit certainement pas de dévoiler par voie de presse la réalité de pratiques. Sur ce point en voit mal quel mouche pique Philip Morris (et incidemment le rédacteur en chef du www.lemondedutabac.com ) si les pratiques révélées ne sont pas illégales et même – osons aller plus loin – ne sont pas contraires à l’éthique.

« Fini le journalisme d’investigation avec des sujets remis dans leur vrai contexte, conclut aujourd’hui le site. Maintenant, on ‘’met en scène’’ l’information afin de gagner quelques citations dans les revues de presse … Le lecteur en est réduit à chercher en permanence ce que l’on veut lui cacher. En l’occurrence, on détourne son attention de l’aberration d’une nouvelle réglementation européenne dont on s’apercevra, dans quelques années, de son inefficacité. Pratique, à quelques mois des élections européennes … ».

C’est, en somme, une ode au journalisme d’investigation ; à diffuser dans les écoles de la profession. On regrettera que cet éditorial du www.lemondedutabac ne soit pas signé.

 

(1) Philip Morris n’est pas toujours muet. Amancio Sampaio, nouveau président de Philip Morris France donne une longue interview « exclusive » au mensuel Le Losange (le magazine 100% buralistes) daté de septembre. Il y parle notamment de son intérêt pour la cigarette électronique. « De toute évidence, ce nouveau segment, ainsi que toutes offres de produits ‘’à nocivité réduite’’, doivent être mieux appréhendés et encadrés par la loi » déclare-t-il. On observera que des guillemets encadrent la formule « à nocivité réduite ». Est-ce dire que la nocivité de ces produits n’est pas réduite ». Ou qu’il est difficile d’avouer sur papier journal glacé que les produits actuels sont des produits nocifs ?  

On apprend sur le site de Philip Morris International que M. Amancio Sampaio jouit de la double nationalité suisse et brésilienne. Il aime la randonnée au grand air. Dans l’entretien au Losange il déclare aussi : « Au cours des dix dernières années, Philip Morris International a investi significativement et continue d’investir en recherche et déevlopepment sur ces produits dits « de nouvelle génération à nocivité réduite ». Certains de ses produits contiennent du tabac, d’autre pas. Le principe est qu’ils ne brûlent plus de tabac et réduisent, voire éliminent, de nombreux constituants nocifs ou potentiellement nocifs de la fumée, tout en procurant l’expérience sensorielle de fumer. Notre démarche est scientifique, nous avançons donc prudemment, avec toute la rigueur scientifique nécessaire pour évaluer le potentiel de risque de ces produits. Les premiers résultats de nos recherche sont encourageants ».

Big Tobacco partenaire (volontaire) de  recherches à des fins sanitaires?  C’est peu dire que nous souhaiterions, sur ce thème précis, poursuivre l’échange avec M. Amancio Sampaio.

 

(2) Relayé par http://www.lemondedutabac.com Philip Morris International (PMI) a finalement publié le communiqué de presse suivant:

« Dans le cadre de ses activités, PMI place l’intégrité et le respect de la vie privée au premier rang de ses priorités. Les dossiers dont il est fait mention reflètent simplement une perception des opinions exprimées par les élus amenés à discuter et adopter des textes de lois. Ceci est en adéquation avec les usages et conforme à ce que font d’autres entreprises, ONG ou autres groupes d’intérêt dans le cadre d’un processus législatif normal afin de porter à la connaissance des élus les problématiques et enjeux.

« En effet, il nous appartient donc de participer à ce processus afin d’informer les Députés des impacts d’une proposition sur nos activités, sur les centaines de milliers d’emplois de notre industrie ainsi que sur les Gouvernements des Etats membres et les consommateurs qui en subiront les conséquences. Ainsi, nous entendons continuer à exprimer nos opinions de façon proactive et en toute transparence ».

 

 

 

Baclofène en folie (+ 50% en un an). Catatonie en haut lieu.

Les prescriptions et les consommations de baclofène ne cessent de progresser en France (a) Aucun doute : ce médicament a désormais trouvé sa place dans la pharmacopée contre la dépendance aux boissons alcooliques. Mais c’est une place qui n’a toujours rien d’officiel. Situation étrange : on assiste  à une expérience à la fois sauvage, à ciel ouvert et en vrai grandeur mais sur laquelle les autorités sanitaires ne disposent d’aucune prise. Or une solution existe qui permettrait de mieux comprendre ce qui se passe précisément sur le terrain. Pourquoi n’est-elle pas expérimentée ?    

La consommation actuelle de baclofène en France ? Pour un peu on dérangerait. Poser la question auprès de l’Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament (ANSM) ne permet pas d’obtenir de réponse : « pas de données précises  disponibles ». Une information cependant : la prochaine publication « d’un point d’information actualisé sur le baclofène ». Auprès de l’assurance-maladie on répond avoir, en 2004, recensé 1,326 million de boîtes remboursées, tous régimes confondus. Puis avoir observé une augmentation constante jusqu’en 2,524 millions de boîtes en 2011. Mais pas de données plus précises. Et pas de données disponibles depuis.

Contacter un « opérateur privé »

S’intéresser à la consommation de baclofène en France  conduit en pratique  à contacter un « opérateur privé ». Par exemple  Celtipharm 1. Réponse immédiate de cette société :   « Baclofène :  + 47% dans les 12 derniers mois pour baclofène (LIORESAL® et génériques).  Sur le dernier cumul annuel mobile 3,9 millions d’unités ont été délivrées. C’est-à-dire du 01/03/2012 au 28 février 2013. Ce nombre est en forte augmentation (+ 46,7% en un an – par rapport à la fin février 2012). Les délivrances connaissent une forte hausse depuis le début d’année 2012. Le générique gagne en part de marché, nous a précisé  le Dr Patrick Guérin, PDG de Celtipharm. Le princeps LIORESAL®  est en recul (- 9,1% en volume) à la différence notable du Baclofene Winthrop  (+ 70,7% en volume). La baisse des délivrances de princeps (LIORESAL®) arrive à la même période que la mesure tiers-payant = générique. »

Ces précieuses données complètent celles déjà données par Celtipharm dont nous avions fait état en septembre 2012 sur ce blog. « Nos recherches sur les sorties consommateurs en pharmacie d’officines du baclofène (Lioresal ® et son générique) nous ont permis d’établir que  3,2 millions de boîtes ont été délivrées sur la période allant de septembre 2011 à la fin août 2012, nous avait alors déclaré le Dr Patrick Guérin. Ceci représente une augmentation de + 43,6% par rapport  à la période allant de septembre 2008 à fin août 2009. Mais surtout nous observons une accélération : sur les douze derniers mois la progression était de + 30,7%. En prenant comme hypothèse une dose de 80 mg par jour et par patient (dosage maximal autorisé dans l’autorisation de mise sur le marché), on peut estimer qu’en moyenne près de 39.000 patients ont été traités par le baclofène sur les douze derniers mois. »

Que font les autorités sanitaires en charge du médicament ?

 On peut donc à nouveau extrapoler en constater que le phénomène baclofène est bien loin de s’épuiser. Ce mouvement grandissant ne semble ni intéresser ni inquiéter les autorités sanitaires et tout particulièrement celles en charge du médicament. Régulièrement annoncée depuis des mois une « recommandation temporaire d’utilisation » (RTU) se fait toujours attendre.

« Il faut d’abord nous assurer de l’absence de risques importants pour les patients recevant des posologies très élevées, expliquait ces dernières semaines au Point le Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l’ANSM C’est pourquoi nous sommes en train d’instruire un dossier de RTU.  Ce dispositif, créé par la loi de décembre 2011, permet, en l’absence d’alternative, un usage temporaire hors AMM. Il faut aussi des essais cliniques pour dire par exemple quelle est la bonne dose, quelle surveillance donner au patient, quels risques par rapport aux bénéfices attendus. Ces démarches sont en cours pour offrir un accès sécurisé et équitable aux médicaments. Le traitement de l’alcoolo-dépendance par le baclofène est un sujet très complexe, car ce produit doit être utilisé dans de bonnes conditions, par des médecins qui ont l’habitude de cette pathologie et dans le cadre d’une prise en charge globale. »

Mieux faire au service de la santé publique

 Des précautions et des délais qui ne correspondent guère à l’évolution de la situation de terrain. Ce qui pourrait à l’extrême limite se comprendre si les autorités sanitaires réunissaient et analysaient l’ensemble des données issues de ce même terrain et ce via le maillage des pharmacies d’officine et du système existant des données qu’il engrange minute après minute sur l’ensemble du territoire. Or l’accès à ces données semble comme verrouillé

 « Pour notre part nous pouvons compter des boîtes, explique le PDG de Celtipharm. Nos observations portent sur les évolution du nombre de boîtes vendues. Mais nous pourrions faire beaucoup mieux au service de la santé publique. Préciser par exemple (bien évidemment de manière totalement anonyme) quels sont les traitements associés sur chaque ordonnance ; préciser les dosages et le caractère compatible ou non des traitements associés ; la durée des traitements, le nombre des interruptions et de reprises, le nombre de nouveaux patients. »

Open data

Toutes ces données permettraient une forme de surveillance anonyme, inédite et originale d’une forme de phase IV. Le recueil de ces données est techniquement possible. Mais il est pour l’heure interdit à Celtipharm de le réaliser. « La CNIL nous a autorisé, à l’unanimité, le 8 septembre 2011 à traiter les feuilles de soin électroniques préalablement doublement anonymisées pour répondre à ces questions en temps réel ; comme on peut le voir ici souligne le Dr Guérin.  Mais depuis cette date le GIE SESAM Vitale refuse de nous confier le dispositif de décodage des codes médicaments.  Ce refus est encouragé par les fonctionnaires de la Direction de la Sécurité Sociale. Nous pouvons certes faire le décompte en direct de l’évolution des ventes des boîtes de médicaments. Mais on nous refuse la possibilité de faire mieux et plus : s’intéresser à ceux qui les consomment. »

Tout ceci s’inscrit bien évidemment dans le courant grandissant de l’accès aux données de santé (voir la chronique sur ce thème publiée sur Slate.fr). Sans se prononcer sur la nature et les causes d’un tel blocage on peut se demander pourquoi une expérimentation ciblée n’est-elle pas envisageable ? Dans le cas précis du baclofène tout laisse redouter que le maintien de la situation présente (avec toutes les tensions qu’elle génère par ailleurs 2 soit une forme de perte de chance pour la santé publique. Est-il trop tard ? Nous y reviendrons.

(a) Le 28 mars l’ANSM confirmera en ces termes  les données chiffrées inédites publiées dans ce billet :  » les données de vente de ce produit montrent une forte progression en 2012 qui ne peut être en lien avec son indication première». Avec ce document complémentaire

1  Celtipharm est une société française spécialisée dans le recueil et le traitement de l’information sur le circuit du médicament et des produits commercialisés en officines. Elle travaille notamment pour le compte de la HAS  

 2 Comme la controverse née de la « fuite » sur « les deux morts de Bacloville » et le début des négociations entre la filiale française de la firme danoise Lundbeck et le autorités compétentes françaises sur le fixation du prix du prochain nalméfène (Selincro®) ; une molécule qui vient d’obtenir son autorisation sur le marché européen et qui « pour la première fois ne vise plus « l’abstinence » mais plus simplement « l’abus ».

A noter encore la toute prochaine publication d’un ouvrage du Dr Renaud de Beaurepaire « Vérités et mensonges sur le baclofène » (Entretien avec Claude Servan-Schreiber) aux Editions Albin Michel, parution le avril 2013. Nous y reviendrons sous peu. Pour l’heure en voici la présentation.