Ebola : Air France et mises en quarantaine (Direction Générale de la Santé)

Bonjour

A cette heure, Marisol Touraine n’a pas eu « connaissance » de cas d’Ebola en France. C’est heureux. Pendant le changement de gouvernement il faut savoir que les autorités sanitaires veillent. C’est ainsi que nous découvrons  les conseils du ministère français des affaires étrangères aux voyageurs se rendant en Guinée. Guinée où comme chacun sait sévit depuis peu une épidémie de fièvre hémorragique due au virus Ebola (« Ebola, en avoir peur ou pas ?»).

Vigilance renforcée

Faire savoir via les médias que les autorités sanitaires veillent. C’est aussi le sens de la « fuite » dont vient de bénéficier le quotidien Le Parisien (voir ici). Ce quotidien révèle que les autorités sanitaires françaises ont décidé de renforcer leur niveau de vigilance face à la nouvelle menace épidémique.

Dans son édition du jeudi 3 avril, Le Parisien cite une note de la Direction générale de la santé (DGS) qui vient de mettre à jour la procédure d’accueil de passagers en provenance de Guinée, de Sierra Leone et du Liberia arrivant à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Note qui précise :

Symptômes en plein vol

« Dans l’hypothèse où les symptômes se déclareraient lors d’un vol Guinée-Paris, Air France a assuré une information spécifique auprès du personnel navigant de façon à ce que les premières mesures d’isolement d’un passager malade soient mises en place pendant le vol et les autorités aéroportuaires immédiatement alertées ».

Déclarations de symptômes en plein vol ? C’est une situation qui doit être rarissime. Quels symptômes ? Quelle confirmation sérologique ? Pourquoi mettre le seul passager « malade » en quarantaine ? Pourquoi pas l’ensemble des passagers et des personnels navigants ou pas. Du temps de la peste ce sont les navires qui étaient refusés dans les ports. Envisage-t-on, à la DGS, de laisser les aéronefs suspects sur le tarmac de Roissy ? (1)

Conduite détaillée à tenir

Le document cité par Le Parisien précise qu’un « Message d’Alerte Rapide à tous les établissementS », dénommé MARS, a été élaboré pour détailler par le menu la conduite à tenir. Le Centre national de référence à l’Inserm de Lyon (dont les spécialistes sont à l’origine de l’identification de la souche guinéenne) centralisera les analyses de prélèvements.

Les prélèvements biologiques visant à la confirmation du diagnostic devront être adressés à Lyon  « dans des conditions de transport sécurisées de niveau P4 ». Un dispositif d’information  d’une plus grande ampleur serait en préparation.

Rapatriements privés

Un message a aussi été transmis « aux compagnies de rapatriement sanitaire afin qu’elles appliquent les protocoles de prise en charge ». Les appliqueront-elles ? Pour l’heure ces compagnies privées se refusent à imaginer devoir s’exposer à un tel risque infectieux et économique.

A demain

 

(1) Sur ce thème on lira avec intérêt les mémoires pandémiques d’un ancien (prudent et secret) directeur général de la Santé. Un « DGS » qui fut confronté à plusieurs virus émergents ainsi qu’à différents ministres de la Santé. Mémoires publiées il y a peu aux éditions Odile Jacob : « Face au risque épidémique » du Pr Didier Houssin (295 pages –  24,90 euros la version papier).

Fœtus de fumeuses : l’étude française qui fait presque honte

Bonjour

Plusieurs titres de la presse généraliste viennent d’évoquer les conclusions d’une étude menée en France à l’échelon national. Tous ont titré que ce travail permettait d’affirmer que les substituts nicotiniques actuellement commercialisés chez les femmes enceintes et fumeuses n’étaient pas efficaces. On pouvait titrer nettement mieux : faire œuvre utile tout en déclenchant le geste d’achat.

Pour cela il ne fallait pas  s’intéresser aux conclusions de l’étude. Du moins à ses conclusions officielles. On sait de longue date que les substituts nicotiniques ne sont pas d’une redoutable efficacité. C’est même l’objet d’une controverse récurrente qui renvoie au fondamental de la physiopathologie de l’addiction (à la nicotine et/ou au tabac). Conclusion pratique : ce n’est certes pas très efficace mais, faute de merles on se contente des petits  oiseaux de bas étage qui passent à portée de l’ordonnancier. Question : de quoi se nourrit-on quand l’ordonnancier n’a plus de cartouches. On siffle ?

Equation tragique

Cette étude nationale française vient d’être publiée dans le British Medical Journal (BMJ). Elle a été coordonnée par le Dr Ivan Berlin de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP). On en trouve un résumé dans la salle de presse virtuelle de l’AP-HP, résumé que l’on peut voir ici. La totalité de la publication du BMJ est disponible ici.

L’équation est d’une simplicité tragique : fumer pendant la grossesse constitue un risque pour la santé de la mère et plus encore pour l’enfant à naitre. Le fait que la mère fume est un danger pour l’enfant qu’elle porte bien au-delà de sa naissance. A l’inverse l’arrêt du tabac pendant la grossesse constitue un bénéfice majeur pour la santé de la mère et de son enfant. Les chiffres sont là, indiscutables : augmentation  du poids de naissance, réduction du risque d’accouchement prématuré et des complications périnatales.

Une femme enceinte sur trois fume

D’autres chiffres montrent l’ampleur, généralement ignorée, de ce sujet. En France en 2010, environ 30% des femmes enceintes disaient avoir fumé avant la grossesse, en moyenne dix cigarettes par jour. Environ 17% fumaient au 3ème trimestre de grossesse, ce qui correspond à 137.000 fœtus exposés au tabagisme maternel. Vous pouvez revoir ce nombre : vous avez bien lu.

L’étude SNIPP (Study of Nicotine Patch in Pregnancy) avait pour objectif d’étudier l’efficacité, pendant la grossesse, des patchs utilisés en substituts nicotiniques délivrant la nicotine durant 16 h. Deux critères : le poids du bébé à la naissance et l’abstinence complète de la mère – confirmée par le monoxyde de carbone dans l’air expiré.

Contradictions

Menée dans vingt-trois  maternités françaises, cette étude a été « promue par l’AP-HP » et financée par la « Direction générale de la santé ». Aucun conflit d’intérêt.  Etude en double aveugle, randomisée versus placebo, réalisée sur l’ensemble du territoire français entre 2007 et 2012. Au total 402 femmes enceintes fumeuses de plus de 18 ans, entre 12 et 20 semaines de grossesse et fumant au moins cinq cigarettes par jour y ont participé.

Les participantes étaient réparties en deux groupes (patch nicotinique ou patch placebo). Obligation éthique contradictoire avec l’objectif visé (mais c’est la loi du genre) : toutes les participantes bénéficiaient pendant leur grossesse d’un suivi personnalisé, mensuel, de sevrage tabagique par des professionnels de santé. La  substitution nicotinique était adaptée individuellement  à leurs besoins.

Patches = placebos

Conclusion : « comparativement au placebo, les substituts nicotiniques n’augmentent ni l’abstinence des femmes enceintes, ni le poids de naissance des bébés. » (1)  Dans les deux groupes, le délai moyen de reprise de la cigarette était de 15 jours. Seules 11 femmes ont complètement arrêté de fumer dans le groupe avec patchs nicotiniques (soit 5,5%), et 10 femmes dans le groupe placebo (soit 5,3%). Par ailleurs, les résultats montrent un poids moyen à la naissance de 3065 g dans le groupe avec patchs nicotiniques et de 3015 g dans le groupe placebo.

Les nouveau-nés des 21 femmes qui étaient totalement abstinentes avaient un poids de naissance significativement plus élevé (3364 g) que les nouveau-nés de femmes qui n’étaient pas abstinentes de façon continue (3021 g).

Pression artérielle

Les auteurs ne souhaitent pas en rester là : ils ont observé une pression artérielle « significativement plus élevée » dans le groupe ayant bénéficié de patchs de nicotine que dans le groupe placebo. Ils souhaitent donc que « le contrôle de la pression artérielle chez les fumeuses enceintes soit intégrée dans les études futures comme critère d’évaluation ».

Pour le Dr Berlin, coordonnateur de l’étude, « ces résultats doivent nous encourager à évaluer de nouvelles approches pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer ». Il estime aussi que le soutien comportemental doit être l’intervention à privilégier pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer ».

Boire et fumer

Le Figaro (Damien Mascret) : « « En 2009, une grande étude australienne avait montré que les fumeuses qui parvenaient à s’abstenir dès le premier trimestre de grossesse revenaient à un risque de base, identique aux non-fumeuses, de donner naissance prématurément à leur enfant ou que celui-ci ait un petit poids de naissance. Il persiste cependant des inégalités sociales, puisque les femmes sont d’autant plus enclines à continuer de fumer qu’elles sont moins éduquées ou sans emploi. Les grosses fumeuses et les femmes qui boivent de l’alcool le sont aussi. En France, 36 % des femmes fument au début de leur grossesse et 20 % continuent jusqu’à l’accouchement.»

Contraire à l’éthique

Le Dr Philippe Presles, tabacologue (2) fait une autre lecture, une lecture autrement plus décapante. Il prend en compte la dimension éthique. Et son propos fait mal.

« Tout le monde analyse les résultats,  mais personne ne remet en cause l’étude elle-même, nous explique-t-il  Pourtant, sur les 384 bébés nés au terme de ce protocole, 363 ont subi une souffrance fœtale majeure leur faisant perdre 10 % de leur poids. Est-ce éthique de continuer à mettre en place de telles études ? »

Le Dr Presles observe l’inefficacité des conseils de types comportementaux, qui n’ont pas permis d’améliorer les résultats. Ce spécialiste fait une critique de la méthodologie et de observe des « défauts majeurs qui peuvent nous faire douter des conclusions ». C’est la règle. Le principal défaut est que le traitement (placebo ou pas) ne commence qu’après le 3ème mois. Or chacun sait que la véritable motivation de la femme pour abandonner le tabac se situe au moment de la découverte de leur grossesse. « Le prétexte pris pour justifier ce retard est le risque de fœtopathies avec la nicotine, alors que ces femmes fument et sont donc déjà à leur dose maximale de nicotine (puisqu’elles fument à volonté).

Faire mal

Il faudra que les auteurs s’expliquent sur ce point. Mais ce spécialiste va plus loin.  Et ce spécialiste fait mal :

«  La vraie question est donc selon moi la suivante : cette étude est-elle éthiquement acceptable ?  Sur les 384 bébés nés au terme de cette étude, 363 ont subi une souffrance fœtale majeure leur faisant perdre 10 % de leur poids. Pourquoi les a-t-on laissé souffrir de la sorte ? Parce que l’on craignait d’être responsable de leur souffrance si on avait prescrit de la nicotine à leur mère au cours du premier trimestre ? Parce que l’on craignait de leur prescrire trop de nicotine, même si leurs mères continuaient à les intoxiquer avec du monoxyde de carbone ?

A force de réclamer toujours plus d’études pour y voir plus clair, ne finit-on pas par abandonner les patients ? N’est-il pas possible de dire que si des gens vivent dans une décharge, il n’est pas besoin d’études pour connaître les effets de cette vie insalubre et de tout faire pour les sortir de là ? »

De quoi avez-vous peur ?

« Autrement dit, considérons une fois pour toutes que le tabac est une horreur et que toutes les solutions pour aujourd’hui sont bonnes, à condition qu’on les combine pour aboutir au résultat recherché. Au nom de quoi par exemple ne pourrait-on pas conseiller aux femmes enceintes d’essayer la cigarette électronique qui fait tant reculer les ventes de tabac en ce moment ? Et pourquoi ne pourrait-on pas associer des patchs au vapotage si besoin ? De quoi avons-nous peur ? Manifestement pas de la souffrance des bébés, et cela, ce n’est pas éthique. »

Qui répondra au Dr Philippe Presles ? Il y a un an Marisol Touraine, ministre de la Santé fixait  le cap de la politique gouvernementale : « la France est le pays d’Europe où les femmes enceintes fument le plus. L’objectif, c’est zéro tabac pendant la grossesse ». Quand, et comment ?

A demain

(1) Cette information peut être mise en parallèle avec cette donnée : l’Assurance Maladie accompagne (relativement) l’arrêt du tabac. Elle rembourse, sur prescription médicale établie par un médecin ou une sage-femme, les traitements par substituts nicotiniques à hauteur de 50 € par année civile et par bénéficiaire. Pour les femmes enceintes, ce montant est porté à 150 € depuis le 1er septembre 2011.

(2) Le Dr Philippe Presles, tabacologue, est le coordinateur de « l’appel des 100 médecins en faveur de la cigarette électronique ». Il est l’auteur de « La cigarette électronique. Enfin la méthode pour arrêter de fumer facilement » (Edition Versilio, 2013)

Dépistage des fœtus trisomiques : l’Agence de biomédecine accusée (1)

Le sujet est douloureux mais essentiel d’un point de vue à la fois éthique et démocratique. Pour autant il est rarement abordé dans les médias d’information générale. Aujourd’hui rebondissement sans précédent.

Aidera-t-il à une meilleure prise de conscience collective ? En parler modifiera-t-il l’attitude de l’Agence de biomédecine et de la Direction générale de la Santé? Pourquoi ne pas saisir ici le Comité national d’éthique ? Voici les  informations actuellement disponibles.

Le cas n’est pas banal : les seize membres 1 de la Commission nationale de l’échographie obstétricale et fœtale viennent de démissionner de leur fonction. Ils le font « pour protester contre l’absence d’évaluation du dépistage prénatal de la trisomie 21 mis en place en 2010 ». Ils ont annoncé cette décision dans un communiqué de presse 2.  Ils réclament notamment une « évaluation scrupuleuse » par les autorités sanitaires de ce dépistage qui a permis de réduire de moitié les amniocentèses, « évitant la perte de quatre cent cinquante  grossesse et réduisant annuellement les coûts de santé de vingt millions d’euros ».

Interrogé par l’Agence France Presse le Pr Jacques Lansac, président (démissionnaire) de cette Commission a expliqué  « qu’après des mois de tergiversation » l’Agence de biomédecine « avait fait savoir qu’elle n’élaborerait pas la base de donnée projetée pour améliorer les pratiques et fournir les informations nécessaires au choix éclairé des familles ». Le Pr Lansac a ajouté : « Nous souhaitons avoir ces données pour savoir si nous ne passons pas à côté de certains cas de trisomie. […] Nous voulons éviter que des parents nous attaquent parce qu’ils ont eu un enfant trisomique, malgré le dépistage ».

Pas d’information loyale ?

Le  dépistage  de  la  trisomie  21  sur  le territoire  national  a  fait  l’objet  de  l’arrêté  du  23  juin  2009 précisant  ses modalités. Il  repose  sur l’évaluation du  risque individuel grâce à l’échographie du 1er trimestre combinée aux marqueurs sériques. La mise en place avec succès de ce dépistage a permis une  réduction  sensible  du  nombre  de  prélèvements  invasifs  (amniocentèse  et  biopsie  de trophoblaste)  au  plan  national  et  une  diminution  similaire  des  pertes  fœtales  secondaires  à  ces prélèvements (risque estimé à environ 1 % par prélèvement)

Les accusations des démissionnaires sont lourdes. Ils estiment que la direction de l’Agence de biomédecine «  ne permet pas d’assurer une information loyale des femmes sur ce dépistage, pourtant essentielle pour les aider dans leur choix d’y recourir ou non. » Ils l’accusent aussi « d’interdire aux professionnels d’accéder à leurs données en vue de l’amélioration de leurs pratiques ». « La Direction générale de la santé, maintes fois alertée par les professionnels, n’a fait que tergiverser, au mépris de l’information des femmes, de la qualité des soins et même de ses propres règlements » ajoutent-ils.

C’est la première fois que l’Agence de biomédecine est accusée de facto, par des professionnels de santé, d’une forme de manquement à l’éthique. Et les mêmes d’accuser ouvertement et par voie de presse en des termes presqu’aussi violents.

En toute hypothèse ces accusations ne sauraient durablement rester sans réponse.

(A suivre)

 1 Il s’agit du Pr Jacques Lansac (président de la Commission Nationale de l’Echographie Obstétricale et Fœtale), du Dr Roger Bessis (président de la Fédération Française des Ultrasons, du Dr Nicolas Fries (président du Collège Français d’Echographie Fœtale), du Pr Marc Dommergues (représentant du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français), du Pr Yves Ville  (représentant des Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic Prénatal), Pr Israël Nisand (représentant du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français), de Mme Frédérique Teurnier (représentante du Collège National des Sages Femmes), du Pr Philippe Devred (représentant de la Société Française de Radiologie), du Pr Didier Lemery (représentant la Fédération des Réseaux de Périnatalité),  du Dr Philippe Coquel (représentant de La Fédération Nationale des Médecins Radiologues), de M Philippe Viossat (personnalité qualifiée), Dr Philippe Kolf (représentant le Syndicat National de l’Union des Echographistes), Dr Bernard Broussin (spécialiste en radiologie et imagerie médicale, personnalité qualifiée), de Mme Marie Claude Feinstein (représentant le Collectif Inter associatif sur la Santé -CISS, Union Nationale des Associations Familiales -UNAF), de Mme Anne-Marie Curat (représentante du Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes), de Mme Isabelle Bohl (représentante du Conseil National de l’Ordre des Médecins).

2 Voici le texte de ce communiqué :

« Une nouvelle politique de dépistage anténatal des anomalies chromosomiques, en particulier de la trisomie 21, a été mise en place à l’échelon national depuis trois ans. Par leurs carences, leurs atermoiements et une opposition systématique aux demandes des professionnels, la Direction Générale de la Santé et l’Agence de Biomédecine bloquent une évaluation propre à obtenir les données nécessaires à l’information loyale des femmes comme à la garantie de la qualité des actes médicaux. Il est essentiel que les femmes qui choisissent de recourir à ce dépistage le fassent dans les meilleures conditions d’information, de respect de leurs positions éthiques, et de sécurité.

 Chaque femme enceinte est informée de la possibilité de recourir à un dépistage qui mesure le risque que le fœtus qu’elle porte soit atteint de trisomie 21. Ce calcul de risque prend en compte l’âge maternel (le risque augmente avec celui-ci) et il est pondéré par des données échographiques et des données biologiques obtenues par une prise de sang. Au-delà d’un certain seuil de risque, un prélèvement par amniocentèse ou biopsie du trophoblaste est proposé afin d’analyser des cellules fœtales permettant le diagnostic ou l’exclusion d’une anomalie chromosomique. Ces prélèvements comportent un risque de 1% de perte de la grossesse.

Dès 2007, la Haute Autorité de Santé avait proposé une stratégie rationnelle en insistant tout particulièrement sur la nécessité d’inclure chacune des étapes de ce dépistage dans une démarche qualité. Après concertation avec les professionnels, l’arrêté du 23 juin 2009 a fixé très précisément toutes les conditions de mise en place du dépistage des anomalies chromosomiques. Cet arrêté insiste sur la nécessité d’évaluer la pertinence des nouvelles dispositions proposées aux femmes, ainsi que les pratiques individuelles des professionnels concernés.

La mise en place des nouvelles modalités a débuté en 2010 et les premiers résultats recueillis sont encourageants. Le nombre de prélèvements a baissé de moitié, évitant la perte de 450 grossesses et réduisant annuellement les coûts de santé de 20 millions d’euros. Au-delà de ce premier constat, il convient de s’assurer que la réduction drastique du nombre d’amniocentèses n’a pas été préjudiciable à la fiabilité du dépistage. Comme l’arrêté du 23 juin 2009 le prévoit, l’évaluation scrupuleuse de la politique adoptée au niveau national est indispensable. A cet effet, un outil informatique (une base de données) permettant la collecte et l’analyse exhaustive, mais anonyme, des données médicales est prévu et l’Agence de Biomédecine est chargée de l’organisation pratique de ces dispositions. Après des mois de tergiversations, l’Agence de Biomédecine a fait savoir qu’elle n’élaborera pas la base de données projetée. Elle n’en voit pas l’utilité et propose une analyse globale grossière qui ne permet pas d’assurer une information loyale des femmes sur ce dépistage, pourtant essentielle pour les aider dans leur choix d’y recourir ou non. En outre, cette approche interdit aux professionnels d’accéder à leurs données en vue de l’amélioration de leurs pratiques. La Direction Générale de la Santé, maintes fois alertée par les professionnels, n’a fait que tergiverser, au mépris de l’information des femmes, de la qualité des soins et même de ses propres règlements.

Le 8 février 2013, les professionnels et les représentants des usagers réunis au sein de la Commission Nationale de l’Echographie Obstétricale et Fœtale ont solennellement pris acte de la carence du Ministère et ont décidé à l’unanimité la dissolution définitive de cette commission.

Il est particulièrement inquiétant de constater que le Ministère, en particulier la Direction Générale de la Santé et l’Agence de biomédecine, et par tant leur Ministère de tutelle, délaissent leur mission d’évaluation des politiques de santé proposées à la population. Ils entravent ainsi les efforts des professionnels de santé,(pourtant souvent mis en cause par ces mêmes institutions) dans l’amélioration de leurs pratiques et les privent des éléments d’information nécessaires au choix éclairé des femmes et des familles. »

 

 

 

 

 

Prothèses mammaires : le pré-mea culpa de l’administration sanitaire

 
La Direction générale de la santé et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ont remis le fruit unique de leurs enquêtes. Un scoop sur un plateau. Plus que troublant. Se rapprocherait-on petit à petit de la « transparence la plus totale » ?
 
Le journalisme d’investigation, s’il existe, est par nature borné. Rien de tel, parfois, que la fidèle mémoire de l’administration pour éclairer, avec une tragique précision, la genèse et l’ampleur des dessous d’une affaire. Dans celle des prothèses mammaires la démonstration vient d’en être directement fournie, en ce glacial 1er février, par le ministère de la Santé. Une démonstration à ce point exemplaire que l’on vient à se demander si elle ne va pas brutalement tuer dans l’œuf l’énergie médiatique dépensée pour investiguer et révéler une vérité cachée.
 
Nous avons pour partie rapporté ici les fruits des travaux menées dans différents organes de presse pour tenter de comprendre comment on a pu en arriver à cette crise de dimension internationale sans véritable fondement sanitaire de nature dramatique. Et nous avons vu de quelle façon deux théories explicatives pouvaient s’affronter. D’une part un génie de la malfaçon et du trucage. De l’autre une série de failles majeures dans ce que le jargon désigne comme étant la « matériovigilance ». Certains tiraient le portrait de l’improbable Jean-Claude Mas quand d’autres tentaient de coincer l’Afssaps ou les institutions sanitaires qui remplissaient auparavant ses fonctions. Avec ce paradoxe provocateur : le prince déchu de la prothèse accusant l’Afssaps de ne pas avoir su organiser la surveillance qui s’imposait ; avant de reprocher vertement à  Xavier Bertrand, ministre de la Santé, d’avoir pris de manière irréfléchie en non scientifique la décision de recommander l’explantation aux 30 000 Françaises porteuses de prothèses PIP.
 
Or voici que Xavier Bertrand vient de rendre public (comme il s’y était engagé) un rapport consacré à  cette affaire. Intitulé « Etat des lieux des contrôles opérés par les autorités sanitaires sur la société Poly Implant Prothèse » ce rapport a été élaboré conjointement par la Direction générale de la santé et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Il est désormais disponible sur le site du ministère dans sa version complète ainsi que dans une version synthétique
 
Et voici que ce document fournit pour la première fois la chronologie officielle des contrôles effectués par l’administration sanitaire auprès de la société varoise productrice des prothèses mammaires PIP.  Et ce rapport va nettement plus loin –et de manière plus précise, indiscutable- que ce que les investigations journalistiques avaient pu jusqu’ici établi. Etranges instants que ceux qui – à la demande de son ministre de tutelle- voient une administration enquêter sur son passé et contrainte de reconnaître ses insuffisances. On n’ira certes pas jusqu’à assister au mea culpa. Mais on ne saurait mésestimer cet effort imposé par l’urgence. On a sans doute estimé, en haut lieu que, tout bien pesé, l’exposé officiel des faits valait mieux que leur révélation journalistique progressive qui, par le canal croisé des avocats des différentes parties notamment, n’aurait pas tardé.
 
Scoop fourni sur un plateau : Il apparaît aujourd’hui que l’attention de l’administration avait été attirée dès 1996 sur « des risques de malfaçons et de taux de ruptures anormalement élevés ». Elle l’a ensuite été, par différents canaux, jusqu’en 2011 avant que la décision d’interdire la commercialisation de ces implants soit enfin prise.
 
« La société PIP, ayant déjà été inspectée deux fois [avant 2000] n’a pas été inspectée sur la période 2001-2010. Néanmoins, devant cette fraude particulièrement élaborée, il n’est pas évident qu’une inspection, même inopinée, aurait été efficace » écrivent les auteurs du rapport.
 
Il faut lire et relire ces lignes, pré-meaculpa et miracle né de la parfaite maîtrise de la langue française. On appréciera comme il se doit le néanmoins, la fraude et sa qualification ainsi que  le balancement entre l’évidence et sa négation précédant le conditionnel. Quant à l’hypothèse de l’inspection, même inopinée, c’est du grand art, du Courteline, du Rostand (Edmond).
 
On comprend certes ici qu’une administration (en l’espèce sanitaire) ne puisse s’exprimer plus clairement ; dire par exemple, qu’elle n’a pas pleinement rempli sa mission mais que, l’aurait-elle fait, la face du monde n’en aurait pas été changée. Ce serait avouer que cette mission n’est au fond que de peu d’importance.
 
 Laisser entendre sans véritablement dire ? C’est là un exercice de très haute voltige quand on sait que les avocats rôdent et  que l’Afssaps est déjà, depuis quelques heures, poursuivie en justice. Il faut donc reconnaître les faits tout en trouvant une porte de sortie. Ce sera le caractère particulièrement élaboré de la fraude.  Si l’on suit bien seul le génie malin du fraudeur sauvera l’administration sanitaire. Les juges suivront-ils ?
 
En toute hypothèse tous les acteurs décrypteront bientôt les lignes suivantes, extraites de la synthèse du rapport officiel (170 pages) ; un rapport qui « au regard de l’ancienneté de certains faits », « s’appuie exclusivement sur les documents archivés du ministère chargé de la santé et de l’Afssaps.» Lignes et rapport qui seront bientôt des documents essentiels pour tous les acteurs de l’administration sanitaire atant  -et plus peut-être – que pour ceux qui entendent le devenir.
 
Pour sa part, peu après la publication de ce rapport Xavier Bertrand s’est dit favorable – comme dans le cas de l’affaire du Médiator- au lancement de deux missions d’enquête, l’une confiée au Parlement, l’autre à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ; ce  afin de « tirer le maximum d’enseignements » du scandale des prothèses mammaires PIP. Journalistiques ou pas les investigations risquent donc fort de se poursuivre.
 
 
  
 
 
 
 
 
 

Prothèses mammaires : Xavier Bertrand « veut tout savoir ! »

 Aucune donnée nouvelle quant au risque de cancers. Mais émerge  la psychose d’une sorte d’empoisonnement au long cours par des produits destinés à l’industrie.  Les plaintes de femmes s’accumulent. Le risque politique augmente

« Tout savoir ! » Xavier Bertrand, le « veut ». Qui ne le voudrait ? Et l’on imagine volontiers l’ire grandissante du ministre de la Santé  dans ses étages parisiens de l’avenue de Ségur. « L’affaire des prothèses mammaires tourne au scandale sanitaire » titrait en Une Le Figaro en ce matin du mardi 3 janvier. Est-ce dire que l’affaire se rapproche des responsabilités politiques, les fusibles des agences et des administrations centrales  étant déjà en passe d’êter grillés ? Est-ce dire également qu’il y avait quelque chose d’excessif, de précipité, dans la récente recommandation d’explantation des prothèses PIP faite aux 30 000 femmes concernées en France ? Est-ce dire encore que personne, au cabinet du ministère de la Santé (ou chez les conseillers et autres experts en charge d’aider à les politiques à gérer le risque) n’avait perçu que braquer ainsi les projecteurs tricolore de la précaution confèrerait immanquablement à l’affaire une dimension internationale ? Quand a-t-on su, avenue de Ségur, que l’on estime dans le monde entre 400.000 à 500.000 le nombre de femmes porteuses d’implants PIP, notamment en Amérique latine, en Espagne et en Grande-Bretagne ?

« Ce n’était pas un scandale sanitaire, cela risque de devenir une affaire politique » écrivions-nous sur Slate.fr à la veille de Noël. Dix jours plus tard le risque a, objectivement, considérablement augmenté.   

 Baysilone, Silopren, Rhodorsil, perspiration, explantation

L’année commence aussi mal que s’était achevée la précédente : on vient d’apprendre qu’un additif pour carburants est présent dans le gel des prothèses mammaires controversées ; des prothèses toujours implantées chez 30 000 femmes en France et plusieurs centaines de milliers dans le monde. Un additif pour carburants ?   C’est du moins ce que croit savoir RTL. Selon cette radio les trop célèbres prothèses contiennent  un mélange de substances commandées par la firme PIP à de grands groupes de chimie industrielle et qui n’ont jamais été testés cliniquement quant à leur éventuelle nocivité sur l’organisme.  Parmi eux, un additif pour carburants, le « Baysilone », ainsi que le « Silopren » et le « Rhodorsil », utilisés dans l’industrie du caoutchouc. Des produits qui auraient été à l’origine de la rupture des implants ; et de nouveaux termes qui, après explantation et avant perspiration (nous en reparlerons), viennent enrichir ce dossier décidemment bien tentaculaire.

 Plus ou moins démentie cette information a fait son effet. « D’après l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), on savait qu’il s’agissait d’un gel impropre, plutôt utilisé dans l’alimentaire et l’informatique » a déclaré à l’Agence France Presse le ‘’médecin-conseil’’ d’une association de porteuses d’implants, Dominique-Michel Courtois. « On ne pouvait pas penser que le gel ait pu contenir un additif pour carburants. C’est pourquoi on réclame des analyses de prothèses directement prélevées sur les patientes », a ajouté l’un des avocats des plaignantes, Philippe Courtois. Selon lui les analyses de l’Afssaps n’ont porté que sur des prothèses saisies lors d’une perquisition au sein de l’entreprise PIP en mars 2010. Il estime que des analyses à l’étranger sont aussi nécessaires selon lui, après la révélation dans la presse britannique d’un taux de rupture des prothèses PIP bien plus élevé que la moyenne, puisque « le mélange variait peut-être selon les expéditions ». Jusqu’en mars 2010 la firme produisait jusqu’à 100.000 prothèses par an, dont les 4/5ème étaient exportées notamment vers l’Amérique latine, l’Espagne et la Grande-Bretagne.

 Le cap des 2500 plaintes en France

 Il n’en fallait pas plus pour que la psychose gagne un peu plus.  Et ce ne sont pas les démentis de l’avocat de Jean-Claude Mas, le fondateur de PIP, qui changeront la donne. Ce dernier a assuré que les révélations de RTL « n’avaient pas de sens ». A propos des substances incriminées il a affirmé à l’AFP qu’il « s’agissait de produits alimentaires utilisés dans la composition des produits de beauté ». Répartie de Mme Dominique-Michel Courtois :  « D’après l’Afssaps, on savait qu’il s’agissait d’un gel impropre, utilisé dans l’alimentaire et l’informatique. Mais on ne pouvait pas penser que le gel ait pu contenir un additif pour carburants. C’est pourquoi on réclame des analyses de prothèses directement prélevées sur les patientes ». Près de 2.500 plaintes ont déjà été déposées en France.

La psychose gagne et la transparence, son antidote, est loin d’être faite. C’est dans ce contexte que Xavier Bertrand a annoncé aujourd’hui qu’il était favorable à la création d’une mission parlementaire. Autant dire qu’en matière de crise sanitaire  aussi les mêmes causes produisent les mêmes effets. Simplement ces effets apparaissent de plus en plus rapprochés après le déclenchement de l’affaire.  « Aujourd’hui les éléments nous laissent penser que ces gels  étaient vraiment frelatés. Comment dans ce cas les contrôles ne l’ont pas déterminé ?  C’est cela qui m’intéresse », a-t-il déclaré sur LCI. Je veux tout savoir. J’ai demandé des enquêtes à la Direction générale de la Santé, à l’Afssaps pour savoir ce qui s’est passé, comment ont été faits les contrôles. »  

Vers une mission parlementaire

Xavier Bertrand  s’est par ailleurs déclaré favorable à la création d’une mission parlementaire, comme l’avait d’ailleurs demandé la sénatrice UMP Chantal Jouanno. Sénatrice et ex-ministre des Sports Chantal Jouanno a demandé le même jours lors du Talk Orange-Le Figaro que la commission des Affaires sociales du Sénat institue « dans les plus brefs délais » une mission d’information parlementaire sur ce « problème de santé publique ».

« Problème » et non « scandale » de santé publique. A ce stade les analyses de l’Afssaps, effectuées sur des prothèses saisies lors d’une perquisition dans les locaux de PIP en mars 2010, ont mis en évidence un gel non conforme, au pouvoir irritant mais non génotoxique, avec un risque plus élevé que la moyenne de rupture des enveloppes et de suintement du gel. Producteur lyonnais de silicone Bluestar Silicones a indiqué, toujours le 3 janvier  que ses produits Rhodorsil, qui entraient, avec d’autres, dans la composition des implants mammaires PIP, n’avaient qu’un usage strictement industriel. « Nous n’avions aucun contact avec la société PIP, a affirmé à l‘Agence France Presse  Jean-François Granat, directeur de la communication de Bluestar Silicones. On livrait des produits auprès de nos distributeurs, qui eux-mêmes répondaient à des appels d’offre de la part de PIP. Nous, on ne savait pas ce que PIP faisait de ce composant. »

On découvre aujourd’hui que les livraisons de silicone Rhodorsil à la société PIP se sont étalées de 2001 à 2010. De quelques kilos les premières années, elles ont grimpé jusqu’à une dizaine de tonnes par an, selon M. Granat.
Par ailleurs, le groupe allemand Brenntag, spécialiste de la distribution de produits chimiques, a indiquéle 3 janvier  avoir fourni du silicone à la société PIP, mais dit avoir précisé à l’entreprise qu’il était destiné à un usage industriel. Pour sa part Le Monde (daté du 4 janvier) évoque les insuffisances dont aurait fait preuve la société allemande TUV Rheinland  en charge des missions de contrôle et de certification ; une société qui devait effectuer chaque année un audit de la société varoise et qui déjà porté plainte en 2010 contre PIP estimant que ses experts «ont été trompés manifestement en totalité et constamment par l’entreprise PIP, au détriment des femmes concernées». Certaines de ces femmes annoncent qu’elles vont poursuivre la société allemande.

Personne n’a rien vu pendant dix ans

«L’entreprise PIP pratiquait des fabrications en désaccord total avec leur dossier de mise sur le marché, alors que leur documentation sur les lots fabriqués était conforme. Donc il y avait falsification de la documentation, ce qui rend évidemment les audits très difficiles» a pour sa part plaidé sur TF1/LCI Jean-Claude Ghislain, directeur de l’évaluation des dispositifs médicaux à l’Afssaps.  Pour résumer l’affaire personne n’a rien vu pendant dix ans ; jusqu’au moment où la firme varoise a été dénoncée de manière anonyme auprès de l’Afssaps. On pourrait rêver d’un système sanitaire un peu plus performant.

A l’image du ministre de la Santé nous sommes sans doute nombreux à désirer en savoir plus, sinon tout. Et dans un tel contexte on peut raisonnablement penser, « problème », « affaire » ou « scandale » que les demandes d’explantations en urgence (scénario que le ministère de la Santé voulait à tout prix prévenir) vont se multiplier émanant de femmes redoutant d’être victimes d’une sorte d’empoisonnement chronique par des ingrédients chimiques destinés à l’industrie et nullement à être implantés dans des corps féminins.