Scandale de la Dépakine® : sur France Inter, ce soir le «Téléphone sonne» dans le vide

 

Bonjour

Faisons un instant une croix sur le burkini, chiffon rouge qui fait tomber le voile. Programmation médicale, ce soir, sur l’inusable « Téléphone sonne » de la vieille et formidable radio publique  « Scandales sanitaires liés aux médicaments: à qui la faute ? ».

Postulat : l’affaire de la Dépakine® révèle une nouvelle faille de l’industrie du médicament. Comment éviter ces scandales ? Disons-le d’entrée : l’émission ne répondra pas à la –vaste- question qu’elle soulève. Bien au contraire. Des questions complétées par un papier original, historique et politique, du site Breizh-info (J.-F. Gautier) « Dépakine. Pourquoi l’alerte sur ses dangers n’a-t-elle pas été donnée plus tôt ? ».

Vos questions et réactions dès 18h au 01 45 24 70 00

« Alors, comment prévenir ces scandales ? Comment améliorer la pharmacovigilance ? Faut-il des essais plus transparents, plus encadrés ? Comment vivifier le système de divulgation des informations de santé ? Faut-il rendre plus clairs les pictogrammes afin que les risques soient compréhensibles pour tous ?

Faut-il remettre en cause l’indépendance des experts de l’AMM qui donnent aux médicaments leur autorisation de mise sur le marché ? Les industriels du médicament nous poussent-ils à la consommation ?

Vos questions et réactions dès 18h au 01 45 24 70 00 et dès maintenant sur le site de l’émission et les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, #telsonne »

Autour du micro, ou par téléphone : le Dr Dominique Martin, haut fonctionnaire, directeur général de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), le Pr. Catherine Hill, spécialiste d’épidémiologie et Marine Martin, présidente de l’association Apesac (Association d’aide aux parents souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant).

Action novatrice de la ministre

Rôles distribués, aucun échange. La présidente de l’association racontera ses souffrances et son combat, dénoncera les conflits d’intérêts et saluera l’action de son avocat. Le Pr Hill dénoncera l’absence d’épidémie, le flou du bénéfices-risques,  les failles de la pharmacovigilance et celles de la formation des médecins généralistes. Quant au Dr Dominique Martin il plaidera d’emblée coupable, du moins pour une époque où il n’était pas au pouvoir, une époque où l’ANSM n’existait pas encore. Directeur d’une agence sanitaire indépendante il saluera à plusieurs reprises l’action éclairée et novatrice de madame la ministre de la Santé. Il sera contredit par la présidente de l’association.

Au téléphone, des mères souffrant d’épilepsie à qui des médecins prescrivirent de la Dépakine® et dont les enfants souffrent aujourd’hui de diverses pathologies. A aucun moment on n’entendit les médecins prescripteurs, leurs motivations, leurs explications, leurs interrogations. Ces mêmes médecins qui, par une voie ou par une autre tentent de se faire entendre. 1

La chaise vide de Sanofi®

Comme le Pr Philippe Derambure (Imagerie, Médecine nucléaire et Explorations fonctionnelles, CHRU de Lille) et actuel président de la Ligue Française contre l’épilepsie : « Dépakine® et grossesse : les réflexions d’un épileptologue ». Ou comme le Pr Stéphane Auvin est neuropédiatre et spécialiste de l’épilepsie (hôpital Robert Debré, Paris) : Dépakine® : « Il n’est pas simple de se séparer d’une molécule qui peut-être bénéfique à certains patients ».

Pourquoi ces absences ? On ne le saura pas. On apprendra, en revanche, que les responsables de la multinationale pharmaceutique française Sanofi (depuis toujours fabricant de la Dépakine®)  avaient été invités à participer à l’émission. Et qu’ils avaient décliné. Sanofi, comme tous les membres de Big Pharma, décline toujours quand il s’agit d’évoquer son éthique, ses éventuelles responsabilités. C’est d’ailleurs à ce trait qu’on les reconnaît.

A demain

1 « Quelques lectures indispensables pour aider à décrypter le «scandale» de la Dépakine® » (Journalisme et santé publique, 13 août 2006)

 

 

Quelques lectures indispensables pour aider à décrypter le «scandale» de la Dépakine®

 

Bonjour

A quoi tient un scandale sinon à l’émotion, à la colère, qu’il suscite ? En matière sanitaire il peut aussi tenir à la date à partir de laquelle vous décidez qu’il existe. Remonter dans le temps et vous verrez que le sujet aurait, plus tôt, être dénoncé et en partie prévenue. L’affaire du Mediator® est, de ce point de vue, exemplaire. Elle n’est pas la seule. Reste dès lors, parfois,  à savoir qui est le responsable et qui est le coupable. Voir Georgina Dufoix (affaires du sang contaminé) :

« Je me sens profondément responsable ; pour autant, je ne me sens pas coupable, parce que vraiment, à l’époque, on a pris des décisions dans un certain contexte, qui étaient pour nous des décisions qui nous paraissaient justes. » ( TF1, 4 novembre 1991 )

Dimension médicale

Le scandale est aussi une question d’angle, de facette. Il arrive que trop vouloir comprendre gomme l’émotion, réduit l’intérêt immédiat que pourrait susciter un dossier. Dans les derniers développements de l’affaire de la Dépakine® une dimension médicale a été presque systématiquement sous-estimée, pour ne pas dire ignorée : celle des risques auxquels on exposait une femme enceinte souffrant de crises d’épilepsie dès lors que ces crises n’étaient pas prévenues par voie médicamenteuse.

On peut comprendre que cette omission irrite les spécialistes de l’épilepsie. De ce point ce vue il faut, sur le site docteurjd.com  lire le texte signé du Pr Philippe Derambure (Imagerie, Médecine nucléaire et Explorations fonctionnelles, CHRU de Lille) et actuel président de la Ligue Française contre l’épilepsie : « Dépakine® et grossesse : les réflexions d’un épileptologue ».

Extraits :

« La grossesse est un projet de vie que toute jeune femme peut avoir, et nous avons nous médecin un rôle important qui est d’informer du risque (épilepsie, médicament) mais aussi d’accompagner ce projet de vie d’un point de vue médical. Pour cela, toute jeune fille prenant un médicament à risque (tous les antiépileptiques en font partie, même si le risque est plus important pour la Dépakine®) doit avoir une information éclairée et un accompagnement médical d’un éventuel  projet de grossesse. De nombreuses recommandations ont été publiées et communiquées dans ce sens depuis très longtemps. Et ce sujet est abordé dès l’adolescence.

 « Je m’étonne encore une fois que la presse reprenne la comparaison avec l’affaire du Médiator®. La Dépakine® est un médicament qui est parfois le seul traitement efficace. Il reste très utilisé chez l’enfant pour cette raison. Chez la femme en âge de procréer, il ne doit jamais être donné avant d’avoir essayé tout autre médicament efficace (c’est-à-dire trois médicaments seulement dans le cas d’une épilepsie généralisée), et c’est ce qui est fait depuis très longtemps et qui a été renforcé depuis que l’on a pris connaissance du risque sur le développement cognitif et comportemental (publication de 2009). (…)

 « Je m’étonne que la question éthique ne soit jamais posée. Je m’interroge encore plus à la lecture des différents sites d’information (celui de l’APESAC est édifiant), sur l’absence de réflexion et d’information sur ce qu’est cette maladie, de ce que c’est de vivre avec cette maladie. Et je rappelle que le problème principal que soulève l’affaire de la Dépakine® est le problème du suivi médical de l’ensemble des personnes souffrant d’épilepsie.

Les femmes qui ont la chance d’être suivies par des centres de neurologie spécialisés en épilepsie et par des neurologues compétents en épilepsie ne se retrouvent pas du tout dans l’information telle qu’elle est donnée actuellement. »

 Prescription et pensée magique

On peut aussi lire, dans Le Monde, les propos du Pr Stéphane Auvin est neuropédiatre et spécialiste de l’épilepsie (hôpital Robert Debré, Paris) : Dépakine® : « Il n’est pas simple de se séparer d’une molécule qui peut-être bénéfique à certains patients ».

Ne pas replacer les faits dans leur chronologie, laisser la loupe sur l’abcès, est aussi une méthode qui permet de susciter et de maintenir une indignation immédiate. De ce point de vue on lira, sur le Huffington Post : « Pourquoi un scandale sanitaire comme la Dépakine® met autant de temps à émerger ? » (Marine Le Breton). Soit 1. Un laboratoire (Sanofi) qui occulte le problème ;  2. Des autorités sanitaires qui tardent à réagir ; 3. Des patientes pas ou peu mises au courant.

 Interrogé sur ce dernier point le Pr Stéphane Auvin avait répondu au Monde :

« Que ce médicament présente des risques n’est pas un scoop pour les neurologues. Mais le nombre de spécialistes est très insuffisant et bon nombre de patientes sont suivies par leur généraliste, dont les connaissances sur certains sujets spécialisés comme celui-ci ne sont pas toujours à jour.

Il y a une certaine négligence à l’égard de ce groupe de maladie : il n’y a pas de filière de prise en charge spécifique pour les patients avec épilepsie, pas de plan de recherche. Nous sommes probablement les moins bien lotis d’Europe ! L’épilepsie est une maladie courante : environ une personne sur cent en souffre. Pourtant, elle est encore largement méconnue et sa perception relève trop souvent de la pensée magique. »

A demain

Au-delà du Truvada® : pourquoi le préservatif masculin n’est-il pas, déjà, pris en charge par la Sécurité sociale ?

Bonjour

Demain mardi 1er décembre, nouvelle « Journée mondiale de lutte contre le sida ». Et nouveau communiqué de presse Marisol Touraine, ministre française des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Et nouvelle « grande campagne de communication en faveur du dépistage ». Quand fera-t-on le bilan de ces campagnes communicationnelles redisant chaque fois l’évidence et n’atteignant jamais leur objectif (6 600 nouveaux cas de contamination en France en 2014) ?

Mme Touraine saisit cette occasion pour rappeler les mesures fortes qu’elle vient de prendre « pour renforcer la protection des populations les plus exposées ». Il s’agit notamment de celle-ci :

 « Pour éviter les contaminations de certaines personnes particulièrement exposées et moins réceptives aux outils classiques de prévention, la ministre a annoncé l’autorisation et la prise en charge à 100% du Truvada®, traitement préventif contre le sida, qui sera délivré de façon encadrée à l’hôpital et dans les centres de dépistage. »

 Relation, ou pas, de causalité

Une mesure sans équivalent sur le Vieux Continent ; une mesure spectaculaire qui, de l’avis des spécialistes, pourrait concerner des « dizaines de millier de personnes » ; une mesure qui ne renvoie (pour l’heure) à aucune information quant à son coût pour la collectivité (des négociations sont elles engagées avec Gilead Sciences pour baisser le prix du Truvada® – prophylactique ?).

Relation, ou pas, de causalité Marisol Touraine prend soin de rappeler, d’entrée, que « le préservatif est le meilleur moyen de prévention contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST) ». De fait –et à la différence notable du Truvada®, le préservatif masculin correctement utilisé confère une protection presque totale contre toutes les IST et non contre la seule infection par le VIH.

Mention particulière pour la syphilis

Il ne s’agit nullement ici d’un détail comme le souligne notre confrère Jean-Daniel Flaysakier sur son blog : « Truvada : une prévention utile dans certains cas mais qui n’est pas une panacée » :

 

« On constate une augmentation considérable des infections sexuellement transmissibles dans les populations les plus exposées, avec une mention particulière pour la syphilis. En 2014, aux Etats –Unis, près de 90 % des cas de syphilis masculins étaient rencontrés chez des gays ayant des rapports non protégés. Dans l’étude française IPERGAY, on a relevé dans un des groupes de l’étude 9 % d’IST acquises pendant l’essai.

Outre la syphilis, chlamydiae, gonocoques sont à l’origine d’IST de plus en plus fréquentes. Comme les HPV, papillomavirus  dont on sait qu’ils sont impliqués dans la genèse d’un cancer rare, le cancer de l’anus, mais qui est également en pleine augmentation. »

Méthode de contraception

On ajoutera, et ce n’est pas le moindre des arguments, que le préservatif masculin est également une excellente méthode de contraception. D’où la question de sa prise en charge par la Sécurité sociale ; il est plus que vraisemblable qu’une fois calculé le rapport « coût-bénéfices » la mesure apparaîtrait hautement rentable pour les deniers de la collectivité. Pour n’être pas nouvelle la question retrouve, du fait de la décision « Truvada® – prophylactique », une nouvelle dimension politique. 1

Il en est une autre. Mme Touraine annonce une « grande campagne de communication à destination de tous ». Elle sera mise en ondes par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Slogan :  « Se faire dépister, c’est prendre soin de son avenir ».

Inconscient collectif

On sait, depuis des années,  qu’en France 150 000 personnes « vivent avec le VIH ». On sait aussi, depuis autant d’années, que parmi elles 30 000 ne connaissent pas leur statut sérologique et sont ainsi privées de la prise en charge médicale dont elles pourraient bénéficier. De nombreuses campagnes ont été menées et de nombreuses mesures ont été prises pour les inciter ces personnes à se faire dépister. Comment comprendre que ce nombre demeure stable ? Qu’auraient, sur un tel sujet, à nous dire les sciences humaines ? Sans parler des spécialistes de l’inconscient; individuel ou collectif.

A demain

1 Nous n’oublions pas les espaces où, en France, la gratuité du préservatif peut (déjà) être une réalité : https://www.sida-info-service.org/?Comment-trouver-des-preservatifs

 

 

 

Prix du «cannabis thérapeutique»: le distributeur du Sativex® réclame un «arbitrage politique»

Bonjour

En français d’aujourd’hui cela s’appelle « médiatiser un conflit ». On pourrait dire aussi se jouer des médias pour des raisons économiques. Hier, 16 juin 2015, c’est Le Figaro (Anne Prigent) qui médiatisait. Où l’on retrouve le Sativex®, formulation industrielle du cannabis thérapeutique commercialisé par le laboratoire Almirall.

Plus d’un an, déjà, que le Sativex®  avait quitté la scène médiatique française. En janvier 2014 Marisol Touraine, ministre de la Santé se félicitait publiquement (1) de l’autorisation donnée à son distributeur de « mettre sur le marché » (indication : sclérose en plaques) une substance qui bénéficie d’une aura hautement positive dans les médias. Commençait alors  ainsi au grand jour un parcours généralement souterrain : celui qui mène de l’AMM à la possibilité de la prescription médicale via le remboursement de la substance (« Cannabis : le très cher Sativex® sera-t-il remboursé par notre collectivité ? »)

Entre 700 et 800 euros par mois

« Le prix public devrait être de 700 à 800 euros pour un mois de traitement. Un prix élevé mais que le fabricant justifiera sans doute par le fait que le patient retrouve une certaine autonomie, évitant ainsi la présence d’une assistance souvent coûteuse en auxiliaires de vie » écrivait alors sur son blog notre confrère Jean-Daniel Flaysakier.  Le même jour dans Le Monde, Christophe Vandeputte, le patron pour la France de la firme  Almirall  fondée en 1943 et basée à Barcelone: «  En moyenne en Europe, le traitement coûte entre 400 et 440 euros par an ». Il ajoutait  que le médicament est remboursé dans la quasi-totalité des pays où il est autorisé.

Toujours en janvier 2014 l’Agence nationale de la sécurité du médicament  estimait autour de 2 000 le nombre de personnes potentiellement concernées par les futures prescriptions. Almirall en percevait quant à elle déjà  5 000. Puis viendront les extensions des indications. Du point de vue strictement thérapeutique, outre la sclérose en plques, le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions, en percevait plusieurs, à commencer par d’autres maladies neurodégéneratives, le syndrome extrapyramidal résistant aux autres traitements, les nausées-vomissements et anorexie des chimiothérapies ou d’autres traitements lourds (comme ceux des traitements contre l’hépatite virale de type C, le glaucome (s’il existait une forme collyre) ou d’autres syndromes douloureux complexes dès lors qu’un avantage thérapeutique était démontré. Le feuilleton Sativex® ne faisait que commencer.

Commission de transparence

On le retrouvait en octobre 2014, devant la Commission de transparence de la Haute Autorité de Santé. Le laboratoire Almirall contestait alors  les conclusions d’un avis du 25 juin 2014 ; une contestation assez pointilleuse sur le libellé de l’indication qui n’était pas sans conséquences sur les profits espérés.

Nous le retrouvons en juin 2015. « Laboratoire et autorités n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le prix de ce médicament à base de cannabis » nous révèle Le Figaro. Pourtant, en janvier 2014, le ministère de la Santé s’empressait d’annoncer par communiqué que ce médicament pourrait être délivré aux patients atteints de sclérose en plaques, pour atténuer certaines raideurs musculaires. Depuis, le laboratoire Almirall, qui commercialise le Sativex, est entré en négociation avec le comité économique du médicament (CEPS) pour obtenir son prix. »

Confidences et inquiétude

Le laboratoire a confié au Figaro « son inquiétude » devant l’évolution du dossier. Extrait :

«Sans arbitrage politique, les patients français souffrant de sclérose en plaques ne bénéficieront pas de Sativex», met en garde Christophe Vandeputte, directeur général du laboratoire Almirall qui voit dans ce blocage l’action des lobbies contre le cannabis thérapeutique. Selon lui, le laboratoire demande un prix déjà inférieur de 20 % au prix pratiqué dans les autres pays européens (440 euros), mais la proposition faite par les autorités représente seulement 17 % du prix demandé.

«Or les mesures de sécurité sanitaire, de traçabilité et de bon usage représentent déjà 70 % du prix que l’entreprise propose aux autorités françaises», explique Christophe Vandeputte. Face à ce qu’il appelle une situation de blocage, le laboratoire a fait le choix, plutôt rare dans le domaine du médicament, de médiatiser le dossier.

 Du côté du CEPS, les négociations en cours n’ont rien d’exceptionnel. «C’est une négociation comme nous en menons des dizaines chaque année. Le premier prix proposé n’est pas toujours à la hauteur des attentes des laboratoires. Nous avons des critères pour évaluer le médicament qui sont ceux de la commission de transparence. Et l’intérêt pour la santé publique de Sativex ne nécessite pas une arrivée sur le marché urgente», déclare au Figaro le Pr Jean-Yves Fagon, vice-président de l’instance. La commission de transparence a en effet estimé en janvier 2015 que le Sativex n’apportait pas d’amélioration du service médical rendu par rapport aux traitements existants. »

Lobbies en action

 Christophe Vandeputte a fait une autre confidence au Figaro : « Au prix demandé par le laboratoire, cela représente pour l’assurance-maladie une dépense de 10 millions d’euros par an. Ce qui n’a rien à voir avec nombre de médicaments». M. Vandeputte n’a pas tort. Il n’est pas certain que cela soit un argument suffisant. Parviendra-t-il à démontrer qu’il est victime de l’action des lobbies contre le cannabis thérapeutique ? Y aura-t-il, ici, un « arbitrage politique » ? Et, si oui, sera-t-il rendu en toute transparence ?

A demain

(1) Le 9 janvier 2014 Marisol Touraine avait fait diffuser le communiqué de presse suivant :

«  L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient d’accorder au SATIVEX®, par décision de ce 8 janvier 2014, une autorisation de mise sur le marché (AMM). Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, avait ouvert la possibilité, par un décret du 5 juin dernier, que des médicaments dérivés du cannabis sollicitent une AMM en France.

Le SATIVEX®, commercialisé dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni, est un médicament utilisé chez certains patients atteints de sclérose en plaques, pour soulager les contractures sévères (spasticité), résistantes aux autres traitements.

Le traitement devra être initié par un neurologue et un réeducateur hospitalier. L’AMM est une étape préalable à la commercialisation du produit, qui interviendra à l’initiative du laboratoire. »

Motillium ® – dompéridone : sont-ils ou non responsables de deux cents morts subites chaque année en France ?

Bonjour

Deux cents morts subites chaque année ? C’est un mystère doublé d’un abcès. Où est la vérité ? Les autorités sanitaires vont-elles ou non parler ? Laisseront-elles le doute s’installer ?

Le  Motillium ® des laboratoires Janssen-Cilag a pour principe actif le dompéridone . Il est commercialisé sous dix-sept formes en France.  Depuis sept jours une publication de Pharmacoepidemiology and Drug Safety (1) accuse. Elle est notamment signée de l’épidémiologiste Catherine Hill et de Bruno Toussaint, directeur éditorial du mensuel Prescrire. Les trois autres signataires sont Philippe Nicot, médecin généraliste, Christine Piette,  Karelle Le Gleut et Gérard Durand (Icone médiation santé).

Prudentes hypothèses

Depuis quatre jours le mensuel Prescrire traduit cette publication : ©Prescrire 3 avril 2015 :

« En 2014, Prescrire a cherché à estimer le nombre de patients victimes de mort subite cardiaque sous l’effet de la dompéridone (Motilium® ou autre) en France en 2012, à partir de trois types de données :

  • des données de remboursement par l’assurance maladie, auxquelles Prescrire a eu accès sur autorisation de l’Institut des données de santé ;
  • le chiffrage de l’augmentation de risque de mort subite cardiaque liée à la dompéridone observée dans d’autres pays (la dompéridone provoque des troubles du rythme cardiaque) ;
  • l’épidémiologie de la mort subite cardiaque en France.

Donnant la priorité aux hypothèses prudentes, Prescrire a estimé que ce nombre se situe entre 43 et 189. Environ 3 millions de personnes ont été exposées à la dompéridone en France en 2012.

En 2015, cette démarche d’estimation a fait l’objet d’une publication détaillée dans une revue internationale spécialisée dans l’épidémiologie des effets nocifs des médicaments, Pharmacoepidemiology and Drug Safety. Cette publication a fait l’objet du processus classique de relecture critique par des spécialistes du domaine, avec réécriture tenant compte de ces critiques (« peer review »).

Signée en particulier par l’épidémiologiste Catherine Hill, cette estimation est cette fois d’environ 200 morts subites liées à la dompéridone en France en 2012. »

Toujours en vente

Le mensuel dirigé par Bruno Toussaint rappelle qu’en avril 2015, « la dompéridone est encore en vente et remboursable en France ». « Suite à une décision européenne, les formes orales dosées à plus de 10 mg ont été retirées du marché à l’automne 2014, mais les patients sont encore exposés au dosage à 10 mg le plus couramment utilisé dans les nausées-vomissements, ajoute-t-il.  Le danger mortel de la dompéridone est injustifié par son efficacité, symptomatique et incertaine au-delà d’un effet placebo. »

Il ajoute que les médicaments tels que la métopimazine (Vogalène® ou autre) et le métoclopramide (Primpéran® ou autre) « sont voisins de la dompéridone et sont dangereux aussi ».

Dérembourser, retirer

Que propose Prescrire ? Il dit que sans attendre un « déremboursement »  par l’assurance maladie et surtout un retrait du marché européen, « les patients ont intérêt à être informés des dangers de la dompéridone et des médicaments voisins ». C’est une évidence. On peut penser que les médecins et les pharmaciens devraient également être informés qu’un médicament présent sur le marché constitue un danger mortel. Et on peut espérer que les fabricants (Janssen-Cilag et autre) en tireront un jour les conséquences.

Coeur et nausées

Pour autant on ne saurait se contenter de cette attente. Ne pas relayer les lanceurs d’alerte pourrait, demain, constituer un délit.  Il y a quatre jours notre confrère Jean-Daniel Flaysakier évoquait sur son blog la complexité grandissante de cette affaire de pharmacovigilance. Aujourd’hui 7 avril Le Figaro (Damien Mascret) traite du sujet : « Le danger cardiaque des médicaments anti-nausée. Chaque année, en France, environ 230 décès seraient liés à la prise de dompéridone (Motilim®, Péridys® et génériques) » :

« Les autorités ont déjà pris quelques mesures mais elles feraient bien de réexaminer attentivement les pièces d’un dossier devenu bancal. D’autant que les nausées sont un symptôme bénin quoique inconfortable, et que les risques encourus doivent être jugés à cette aune. »

Précédents

Il serait bon de connaître, sur un tel dossier, quelle est l’aune de l’Agence nationale de sécurité des médicaments. Pour l’heure nous attendons les précisions qu’elle ne manquera pas d’apporter sur un dossier qui, sinon, pourrait bien vite devenir brûlant. On connaît des précédents. Depuis quand le Motillium ® est-il commercialisé en France ?

A demain

 (1)  Hill C et coll.  » Estimating the number of sudden cardiac deaths attributable to the use of domperidone in France »  Pharmacoepidemiol Drug Saf 2015. Mise en ligne : 31 mars 2015. DOI: 10.1002/pds.3771

Prothèses mammaires et « nouveaux cancers» : le curieux rebondissement d’une affaire connue depuis six ans

Bonjour

17 mars 2015. 10h 30. Alerte : conférence de presse en urgence à 12 heures au ministère de la Santé. Marisol Touraine convie les journalistes spécialisés « à un point presse sur la surveillance des femmesporteuses d’implants mammaires en France ». Elle sera entourée de Agnès Buzyn, présidente de l’Institut National du Cancer (Inca), de Dominique Martin, Directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) et ce Françoise Weber, Directrice Générale (adjointe) de la Santé (DGS).

Forte progression

L’heure est-elle à ce point grave ? A 9 h 13 l’Agence France Presse a diffusé la dépêche suivante :

« Des cas de cancer liés à des implants mammaires décelés en France

Des cas de cancer particulier en France -dix-huit depuis 2011 avec une forte progression l’année dernière- sont liés à des implants mammaires, affirme Le Parisien/Aujourd’hui en France de ce mardi.

Selon le quotidien, dans un avis d’experts rendu le 4 mars, l’Institut national du cancer à mis au jour une nouvelle maladie, appelée le lymphome anaplasique à grandes cellules associé à un implant mammaire (lymphome AGC-AIM).

« Nous sommes particulièrement vigilants sur le suivi de l’affaire des prothèses mammaires, car c’est la santé des femmes qui est en jeu », déclare au journal François Hébert, directeur général adjoint de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). D’après lui, « il y a eu un premier cas en 2011, deux en 2012, quatre en 2013 et onze en 2014. Une personne est décédée ».

« Dans un premier temps, il a été décidé que les femmes qui se font poser des implants mammaires doivent être obligatoirement averties de ce nouveau risque, même s’il est faible », a-t-il ajouté, précisant que « des lettres d’information et de mise en garde ont été envoyées aux professionnels de santé » et qu’une réunion d’experts étaient prévue fin mars. « S’il faut prendre des mesures, si on doit les interdire, nous le ferons », a affirmé M. Hébert.

400.000 Françaises portent actuellement des implants mammaires, dont 83% pour des motifs esthétiques et 17% pour une chirurgie de reconstruction.

17/03/2015 09:13:23 – Paris (AFP) – © 2015 AFP »

Depuis l’aube

Voici ce que l’on peut lire, depuis l’aube, dans Le Parisien/Aujourd’hui en France (Marc Payet) :

« Prothèses mammaires : l’affaire de trop ?

Des cas de cancer particuliers sont liés en France à des implants mammaires. La question de leur interdiction est posée. Les autorités de santé lancent l’alerte. 

Les prothèses mammaires sont-elles maudites ? On connaissait, depuis 2010, l’affaire PIP, liée à la fraude d’un entrepreneur varois, qui avait jeté une lumière crue sur les pratiques de certains professionnels de ce secteur, et provoqué le désarroi de près de 4 000 femmes, dont les implants rompaient. On pensait le secteur débarrassé de ces tracas. Mais voici que surgit une nouvelle affaire, moins rocambolesque, mais potentiellement plus explosive en termes de santé publique. La question, posée crûment, est celle-ci : les prothèses mammaires peuvent-elles provoquer des cancers ?

Jaillissement

Dans un premier temps, au moment du scandale PIP, le soupçon avait jailli… puis avait été éliminé. Pourtant, la question revient à l’ordre du jour. Non pas sur le cancer du sein, mais sur une tumeur bien particulière, le lymphome anaplasique à grandes cellules, associé à un implant mammaire. Les experts de l’Institut du cancer, qui viennent de se réunir sur le sujet, proposent même de classer ainsi auprès de l’Organisation mondiale de la santé cette nouvelle maladie. Et la planète santé se penche très sérieusement sur la question des deux côtés de l’Atlantique.

Même si le risque apparaît aujourd’hui quantitativement faible — 18 cas en France  depuis trois ans (en très forte progression depuis 2014), 173 dans le monde –, les autorités sanitaires sont soumises à un vrai casse-tête. Avec, en toile de fond, cette question lancinante : faut-il aller jusqu’à l’interdiction de ces prothèses, ou du moins d’une partie d’entre elles ?

Cruciale réunion

Une réunion cruciale se tiendra dans dix jours, à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Et son directeur adjoint nous l’affirme : si les experts le demandent, alors elles pourront être interdites. L’ANSM devra aussi dire, d’ici là, comment il est possible qu’un fabricant de prothèses — Allergan — concentre 14 des 18 cas de lymphomes déclarés sur le territoire, alors que jusqu’ici les inspections de ce laboratoire, menées depuis l’affaire PIP, n’ont rien donné.

Totale transparence

Allergan, de son côté, met en avant « sa plus totale transparence sur le sujet ». D’ores et déjà, au ministère de la Santé, l’état de vigilance maximum est déclaré. Le professeur Benoît Vallet, directeur général de la Santé, nous précise : « Le signaux sont probants. Les cas augmentent. Nous avons eu un échange avec nos homologues américains de la FDA (Food and Drug Administration). Et nous avons décidé de mettre en place un plan d’action en plusieurs points. » Une missive a été adressée à tous les médecins, le 10 mars, leur demandant « de repérer les signes » qui doivent alerter chez leurs patientes. « Les professionnels de santé doivent être beaucoup plus vigilants face à ce risque. Les femmes porteuses d’implants doivent être examinées par un praticien tous les ans. »

Double peine

Des mots pas faciles à entendre pour celles qui en portent. Et elles sont nombreuses. Le scandale PIP n’a pas freiné les femmes qui font ce choix, très majoritairement pour des raisons esthétiques. Seules 17 % de ces quelque 400 000 porteuses de prothèses mammaires n’ont guère eu d’autre choix, puisqu’elles ont dû subir une reconstruction après un cancer du sein. Pour elles, en particulier, le sentiment de double peine est fort.

[Lymphome AGC-AIM : Dans un avis d’expert rendu le 4 mars, l’Institut national du cancer met au jour une nouvelle maladie. Elle s’appelle lymphome anaplasique à grandes cellules associé à un implant mammaire. Les cancérologues constatent qu’il n’existe aucun cancer de ce type chez les personnes qui ne portent pas d’implants. A l’inverse, ils citent le chiffre de 173 cas au niveau mondial. Et le groupe d’experts considère qu’il s’agit d’une entité spécifique et qu’elle devrait être intégrée à la prochaine classification de l’Organisation Mondiale de la Santé lors de sa prochaine révision sous la terminologie LAGC-AIM]

On peut aussi lire, précisément sur le même sujet les informations détaillée, publiées le 16 décembre 2011 (bien lire 2011) par notre confrère Jean-Daniel Flaysakier sur son blog docteurjd.com – avec notamment le rappel de cette publication néerlandaise dans le Jama publication qui date de 2008.

Voilà pour les faits. Chacun a parlé. Que va bien pouvoir annoncer, aujourd’hui 17 mars 2015 à midi, la ministre de la Santé ?

A demain

Cœur et cellules souches : comme l’espoir d’une promesse ( une « avancée majeure préliminaire française »)

Bonjour

A partir de quand parler d’avancée ? Que dire d’une promesse ? Les journaux d’information générale sont-ils, ici, soumis aux publications scientifiques (avec embargo)  dans les revues ayant pignon sur rue ? Doivent-ils ou pas se soumettre au bon vouloir des conférences de presse ? Telles sont quelques-unes des  questions soulevées avec la communication faite le 16 janvier à Paris dans le cadre des 25èmes Journées européennes de la Société Française de Cardiologie.

L’essentiel a été résumé en quelques lignes officielles :

« Thérapie cellulaire de l’insuffisance cardiaque : première implantation de cellules cardiaques dérivées de cellules souches embryonnaires humaines à l’hôpital européen Georges Pompidou

Aucune complication

Le 21 octobre 2014, le Pr Philippe Menasché et son équipe du service de chirurgie cardiovasculaire de l’hôpital européen Georges Pompidou, AP-HP ont pratiqué une greffe de cellules cardiaques dérivées de cellules souches embryonnaires humaines, selon un procédé développé par le Département de Biothérapies Cellulaires et Tissulaires de l’hôpital Saint-Louis, dirigé par le Pr Jérôme Larghero et grâce aux recherches menées par ce groupe au sein de l’Inserm. L’opération, couplée à un pontage coronaire a été pratiquée chez une femme de 68 ans atteinte d’insuffisance cardiaque sévère. Dix semaines après l’intervention, la patiente se porte bien, son état s’est nettement amélioré, sans qu’aucune complication n’ait été observée. Cette avancée prometteuse a été présentée ce vendredi 16 janvier 2015 aux 25èmes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie. »

Selon ces médecins

L’affaire fait aussi l’objet d’une dépêche de l’Agence France Presse (Brigitte Castelnau). « Des essais à partir de telles cellules embryonnaires ont déjà été réalisés  dans le monde pour corriger des pathologies de l’œil, mais c’est le premier  essai pour l’insuffisance cardiaque, selon ces médecins, précise l’AFP.  La patiente souffrait d’insuffisance cardiaque sévère avec altération nette  de sa fonction cardiaque à la suite d’un infarctus ancien, mais elle n’était  pas au stade ultime qui aurait relevé d’une greffe cardiaque ou d’un coeur  artificiel. A présent, « la patiente va bien, son état s’est nettement amélioré, sans  qu’aucune complication n’ait été observée. Elle est rentrée chez elle et a  repris une activité normale », a dit à l’AFP le Pr Menasché. »

Secret bien gardé

Les néo-cellules cardiaques obtenues à partir des cellules souches  embryonnaires ont été incorporées dans un gel posé sous forme de  patch sur la zone cardiaque infarcie. Le Pr Menasché estime aujourd’hui prématuré de dire si l’amélioration observée  résulte de la greffe de cellules ou du pontage.  Il précise qu’il y a un an, un patient « en bout de course » avait également  été traité, mais n’avait pas survécu à ses multiples pathologies, sans que le  patch cellulaire soit en cause. « Nous ne pensons pas que ces cellules vont vivre éternellement et fabriquer  du tissu cardiaque, ajoute le Pr Menasché. En revanche, il y a des arguments  sérieux pour penser qu’elles sécrètent des substances qui peuvent induire une  forme de réparation à partir du cœur  lui-même. »

Espérons-le. Notre confrère Jean-Daniel Flaysakier développe ces différents points sur son blog docteurjd.com.

Avancée majeure préliminaire

Pour résumer aucune conclusion définitive ne peut, pour l’heure, encore être tirée de cette communication dont on confie qu’elle constituait « un secret bien gardé ».  Aucune conclusion, ce qui n’a pas empêché Geneviève Fioraso, secrétaire d’Etat à la Recherche de saluer cette  « avancée prometteuse »: une «première implantation mondiale » qui «démontre une fois de plus le niveau d’excellence » de la recherche française.

Quant à .Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé, et des Droits des femmes elle « salue l’avancée majeure pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque grave que représentent les résultats préliminaires de l’essai clinique français de thérapie cellulaire (…) ». Avancée majeure préliminaire ? Sans oublier Anne Hidalgo, maire de Paris (et présidente du conseil d’administration de l’AP-HP) qui « salue avec enthousiasme une grande première mondiale à l’AP-HP».

Où l’on voit, une fois encore, que le politique peut ne guère ne s’embarrasser de la vérité médicale et scientifique.

A demain

Sida : la « petite fille guérie » ne l’était pas. L’espoir n’est plus là.

Bonjour

La formule fut vite consacrée : c’était « un immense espoir ». Aujourd’hui cet espoir n’est plus.

C’était le 3 mars 2013 : une équipe de chercheurs américains avaient annoncé la première guérison « fonctionnelle » d’un bébé né porteur d’une infection par le VIH transmis par sa mère (voir Slate.fr). 10 juillet 2014 ces mêmes chercheurs annoncent que le même virus est réapparu chez la fillette, aujourd’hui âgée de 4 ans.

« Guérison fonctionnelle »

En mars 2013 le cas avait été publié dans The New England Journal of Medicine (lire ici). Premier auteur : le Dr Deborah Persaud, virologue au centre pédiatrique de l’Université Johns Hopkins (Maryland).  Premier cas de guérison fonctionnelle. L’annonce en avait été lors de l’ouverture  de la 20e Conférence internationale sur les rétrovirus et les maladies opportunistes organisée à Atlanta.

«Les médecins ont perdu la trace de la fillette pendant de longs mois et l’ont revue seulement à l’âge de vingt-trois mois. Ils ont appris à cette occasion qu’elle ne prenait plus de traitement depuis l’âge de dix-huit mois, précisait sur son blog Jean-Daniel Flaysakier, journaliste médical de France 2 présent à la conférence d’Atlanta. Malgré cet arrêt, les examens restaient négatifs, toujours pas de charge virale détectable dans le sang.»

On ne dit pas désespoir

En France le Pr Françoise Barré-Sinoussi, co-lauréate du prix Nobel de médecine 2008 pour la découverte et l’identification du VIH s’était réjouie : « Nous avons à présent des preuves suggérant que traiter l’infection par le VIH serait possible. Nous devons stimuler le financement de recherches pour les traitements. » Certains extrapolèrent à tout va. On revoyait déjà l’horizon de l’éradication. L’espérance aide à vivre et l’espoir fait vendre.

Aujourd’hui c’est, au minimum, la déception. On ne dit pas le désespoir. Les suites de l’affaire viennent d’être rapportée par The New York Times (lire ici). Avec un titre que seule la langue anglaise permet de forger : « Evidence of H.I.V. Found in a Child Said to Be Cured »

Rebondissement décevant

 « Généralement, lorsque le traitement est arrêté, les niveaux de VIH remontent en quelques semaines et non en quelques années », explique le Dr Persaud. Un test de routine, au début du mois de juillet, a révélé que la fillette avait à nouveau des niveaux détectables de VIH dans le sang – virémie associée à une baisse des lymphocytes et à la présence d’anticorps anti-VIH.

« C’est bien évidemment un rebondissement très décevant pour l’enfant, les médecins impliqués dans son traitement et les chercheurs spécialisés dans le VIH/sida », a déclaré Anthony Fauci, directeur de l’Institut national américain de l’allergie et des maladies infectieuses (NIAID). Selon lui, la petite fille, dont l’identité n’a pas été révélée, est de nouveau soumise à des antirétroviraux et se porte bien. Le cas de cet enfant du Mississippi montre que le traitement précoce aux antirétroviraux n’a pas complètement éradiqué le réservoir de cellules touchées par le VIH. Mais il pourrait avoir considérablement limité son développement et permis d’éviter qu’elle prenne des antirétroviraux pendant une longue période. »

Essai international avorté

Le Pr Fauci dit aussi aujourd’hui qu’il n’est « pas surpris ». Le Pr Fauci aime parler aux médias.

Dans la foulée de ce premier cas un vaste essai clinique international avait été mis sur pied, incluant 450 nouveau-nés découverts séropositifs à la naissance qui seraient traités à haute dose par trithérapie comme l’avait été le nouveau-né du Mississipi – traitement arrêté au bout de 48 heures en cas de disparition virale. Mais cet essai n’avait pas débuté et tout laisse penser qu’il ne verra pas le jour.

L’Agence France Presse rapporte qu’en début d’année, un cas similaire a été signalé en Californie (voir ici The New York Times). Une petite fille née, elle aussi, avec le virus du sida avait été traitée immédiatement aux antirétroviraux. Onze mois après sa naissance, aucune trace d’infection n’était détectée. Ici les médecins continuent de la soumettre aux traitements médicamenteux et n’envisagent pas d’arrêter avant son deuxième anniversaire. Un nouvel espoir ?

A demain

Cancer : ce que la ministre Bertinotti ne nous a pas encore dit

Comme prévu la « révélation » de la ministre déléguée à la famille prend de l’ampleur médiatique. Comme on pouvait le postuler elle peine encore à prendre une véritable et noble dimension politique.

En restera-t-on au stade de la compassion ? Mme Dominique Bertinotti passera-t-elle sous peu au stade de l’action ? C’est ce que vient de proposer notre double confrère Jean-Daniel Flaysakier sur son blog.  Un plan que nous complétons ici en reprenant notre chronique publiée sur le site Slate.fr.

Mme la ministre déléguée avait-elle prévu les immanquables conséquences de la théâtralisation de sa révélation. Elle risque fort de devoir répondre à de nouvelles questions, de déchaîner quelques passions. Elle réveille déjà celles, étranges, que nourrissent les opposés farouches au dépistage systématiquement proposé aux femmes. Comme on peut le voir sur ce blog

Voici qu’une nouvelle affaire médicale et médiatique, politique et de santé publique est en train de se constituer. L’alternative est déjà connue : régression ou  progression.     

 

Un cancéreux doit-il dire qu’il l’est? En dévoilant dans Le Monde, ce vendredi 22 novembre, l’existence d’un cancer du sein qu’elle avait longtemps caché à ses collègues du gouvernement, la ministre déléguée à la Famille Dominique Bertinotti ne peut pas ne pas susciter la compassion. Mais elle ne manquera pas non plus de provoquer quelques incompréhensions.

D’emblée, une précision s’impose: le parallèle avec le cancer de la prostate métastasé longtemps gardé secret par François Mitterrand ne peut ici être établi. François Mitterrand était président de la République et avait organisé le secret sur le secret de la maladie dont il souffrait.

Comme bien d’autres chefs d’Etat avant et après lui, il avait délibérément fait un choix: associer le secret d’Etat au secret médical. Lorsque l’affaire ne put plus être cachée, il s’en expliqua.

Exemplarité supposée

Non, la première ambiguïté de la révélation médiatiquement orchestrée par Dominique Bertinotti réside dans son exemplarité supposée. En quoi le fait d’occuper, à 59 ans, ses fonctions confère-t-il une dimension particulière au cancer dont elle est atteinte?

La ministre dit avoir informé le président de la République en lui demandant de garder le silence. Elle ajoute que le président lui a répondu qu’il respecterait son choix. Comment aurait-il pu en être autrement, dès lors que son état de santé n’était pas incompatible avec la poursuite de ses activités professionnelles?

Toutes les femmes salariées chez lesquelles un cancer du sein vient d’être diagnostiqué connaissent la même situation. Et il en va de même pour toutes celles et tous ceux chez qui une maladie grave d’évolution chronique mais nullement incurable est dépistée.

Les mêmes calvities

Rien d’exemplaire non plus dans les conséquences douloureuses des radiothérapies anticancéreuses —à commencer par la chute des cheveux. Aucune particularité non plus dans les perceptions de l’entourage professionnel, les femmes qui pressentent quelque chose et les hommes qui «tombent des nues» quand on les informe.

Aucune originalité, enfin, dans le parcours thérapeutique de la combattante qui fait suite au diagnostic. Toutes les femmes concernées par un cancer du sein sont confrontées aux mêmes difficultés pratiques, au même manque supposé d’humanité des soignants, au même jargon médical, aux mêmes cathéters, aux mêmes appareils d’imagerie, aux mêmes sueurs froides, à la même calvitie, aux mêmes tracasseries administratives, aux mêmes arrangements plus ou moins faciles concernant le temps de travail. Aux mêmes «petits réconforts».

Le regard des spectateurs

On pourra ici être conforté d’apprendre qu’il en va également pour une femme ministre comme pour une femme qui ne l’est pas. Sans doute, dans ce cas, faut-il compter avec la profession politique et médiatisée. Avec «le regard des autres». Mais les différences dans les regards tiennent-elles au nombre des spectateurs?

Le parcours de Dominique Bertinotti comporte certes des particularités ministérielles, des privilèges qu’elle a le courage de ne pas masquer. Comme ce chauffeur personnel qui l’attend à l’Institut Curie de Paris, où elle «n’attend pas trop». Et sans même parler de chauffeur, toutes les femmes souffrant d’un cancer du sein ne rentrent pas toujours chez elles en taxi après les séances de thérapie.

On comprend aussi, entre les lignes de son témoignage, que la ministre déléguée auprès de la ministre de la Santé a saisi qu’il existait des inégalités assez criantes dans ce domaine. Elles concernent par exemple ce qu’elle nomme «traitements de confort», comme la perruque et le vernis à ongles spécial, «qui sont si importants».

Dépistages inégalitaires

Mais il y a plus, et plus grave, en matière de cancer du sein. Cela concerne les conditions actuelles de son dépistage, qu’on pourrait, sans beaucoup exagérer, qualifier de scandaleuses du point de vue de l’égalité. La situation avait été décrite l’an dernier par la Haute autorité de santé et nous l’avions alors résumée: on diagnostique environ chaque année 53.000 nouveaux cas de cancers du sein en France et, dans le même temps, environ 11.500 femmes en meurent prématurément.

Il y aura bientôt dix ans, les autorités sanitaires mettaient en place un ambitieux programme de dépistage dit «organisé» (DO) dont l’objectif est de permettre à toutes les femmes de 50 à 74 ans de bénéficier au plus tôt, si nécessaire, de la meilleure prise en charge thérapeutique via un dépistage en deux temps dans le cabinet de radiographie libérale de leur choix.

Seconde lecture

Mais il existe aussi un programme de dépistage dit «individuel» (DI) qui concerne chaque année 435.000 femmes et, à la différence du précédent, est pratiqué à la demande du médecin traitant ou du gynécologue, voire à l’initiative même de la femme, et en dehors de tout cahier des charges (pas de «seconde lecture» systématique des clichés, notamment).

L’an dernier, la publication des résultats très détaillés de l’enquête de la HAS avait permis de prendre la mesure du gâchis humain et financier qui en résulte: à peine plus d’une femme sur deux concernée participe au dépistage obligatoire, le coût pour la collectivité est de 13.510 euros par cancer dépisté, 13,2 millions d’euros par an restent à la charge des femmes qui pratiquent un dépistage individuel ou de leur assurance complémentaire…

La HAS relevait en outre que le DI s’accompagne fréquemment d’échographies «en excès» susceptibles de générer des «sur-diagnostics» voire —et c’est plus grave— des «sur-traitements». Tout plaide donc pour la bascule au «tout DO».

Noble et altruiste combat politique

Dominique Bertinotti a, dit-on, hésité à «raconter son cancer». En le racontant, elle «ne veut pas susciter la compassion», pas plus qu’elle ne veut «en faire un instrument politique».

La ministre déléguée à la Famille a tort. Elle se doit d’en faire un instrument politique.

Contrairement à ce qu’elle croit, l’urgence n’est plus à témoigner «pour faire évoluer le regard de la société sur cette maladie dont le nom est terriblement anxiogène». Ni, pour un ministre, à «montrer qu’on peut avoir un cancer et continuer une vie au travail». Ni à «réfléchir sur les inégalités».

Elle est bel et bien d’agir sur elles, qui ne concernent pas seulement les coûts de traitements que la ministre appelle, à tort, «de confort», mais se situent également en amont, dans l’organisation égalitaire d’un système solidaire de dépistage. On peut voir là, cancer ou pas, un noble et altruiste combat pour une femme au pouvoir.

 

Cancer, médicaments et argent : le buzz rassurant des accusations du Pr Vernant

Après l’émotion suscitée par ses déclarations à La Croix le Pr Jean-Paul Vernant peut fédérer un mouvement salutaire. Comment réagira Big Pharma ? Que feront les institutions ? Les responsables politiques ? Les journalistes ?

Le journalisme n’est pas toujours incompatible avec la santé publique. En témoigne l’écho qu’a eu, en vingt-quatre heures le court entretien accordé par le Pr Jean-Paul Vernant au quotidien La Croix. L’hématologue de La Pitié et le sage quotidien catholique imaginaient-ils que leur échange serait à ce point amplifié ? L’Agence France Presse en a fait longuement état, ce qui est souvent un gage d’amplification immédiate du propos. Le Quotidien du Médecin n’y est pas resté insensible. Sans parler du Parisien ni même de TV5 Monde.

Ego

Notre double confrère Jean-Daniel Flaysakier (France Télévisions) l’aavait développé sur son blog. Et après le texte  publié ici-même (mémoire-blog) la  comptabilité analytique de Slate.fr témoigne de l’écho anormalement rencontré sur les « réseaux sociaux » par notre texte sur ce pure player. D’autres reprises ont suivi ou suivront. Il faut parfois observer et tenir compte de l’ego, de la concurrence et de l’émulation  journalistiques.

Et maintenant ? Big Pharma (Le Leem) s’enfermera-t-il une nouvelle fois dans sa tour d’argent ? Que feront les institutions (la HAS, l’Ansm, la Cnam, le ministère de la Santé, celui de l’Economie) ? Les responsables politiques ? Les journalistes ?

Dynamique

Que se passera-t-il une fois retombé  le soufflé de l’émotion médiatique ? Rien, cette fois, n’interdit d’espérer. Les déclarations et accusations du Pr Vernant peuvent enclencher une dynamique d’un nouveau type. Leur force et leur vertu résident  pour l’essentiel dans l’originalité de la situation ainsi créée. Il ne s’agit pas ici d’un mandarin prêchant pour sa paroisse. Encore moins d’un militant voulant la mort de l’industrie pharmaceutique.  Mais le Pr Vernant rompt avec les vieilles traditions d’un monde médical hospitalo-universitaire français qui n’accuse jamais Big Pharma à visage découvert. Et qui n’attaque jamais cette puissance pharmaceutique (et incidemment les pouvoirs publics en charge du médicament) sur le double front de la morale et de l’argent.

Blood

Face au « cholestérol » et aux « médicaments » les Prs Even et Debré défouraillent à tout va, sans tact ni mesure. L’onco-hématologue de La Pitié affûte patiemment ses lames. Puis, le moment venu,  avance seul dans la rue principale et parle à un journal d’informations générales.  Ses confrères américains avancent, eux, groupés. Et s’expriment dans des revues assez peu connues du grand public comme des politiques : Blood, The Lancet oncology, The New England Journal of Medicine.

Prescrire

Pour revenir en France le Pr Vernant  rend audible ce que la bible  Prescrire dénonce parfois sans se faire véritablement entendre – faute de hiérarchiser ses combats et de ne jamais véritablement s’intéresser (pourquoi ?) à la dimension économique du médicament.

L’écho des propos du Pr Vernant dans La Croix tient aussi à l’actuelle dimension politique de cet hospitalo-universitaire. C’est lui et lui seul qui est chargé par le président de la République de faire les propositions concrètes de la troisième partie du Plan Cancer qui sera lancé en 2014 et qui courra jusqu’en 2018. On lira ici son rapport.

Immoralité

Entreprendre de modifier les règles en vigueur, « presque immorales », des mécanismes (toujours obscurs) de fixation des prix des médicaments est un combat qui dépasse de loin le seul champ de la cancérologie. C’est aussi un combat qui peut être mené à l’échelon national. C’est encore un combat que la crise économique actuelle peut, sinon légitimer, du moins aider à mener.

Certains verront même ici un combat qui aidera à maintenir le socle de la solidarité nationale. Il ne serait  pas inintéressant d’observer que l’activité journalistique puisse ne pas être incompatible  avec la santé publique.