Clash : Mme Agnès Buzyn a manqué de savoir vivre républicain vis-à-vis de Mme Martine Aubry

Bonjour

Voilà donc un sujet qui ne « mérite pas de faire la Une des journaux » (Gilles Le Gendre, patron des députés macroniens, RTL). Pour autant voilà bien une anecdote signifiante, le symptôme de la fracture entre un monde qui se voudrait nouveau et un ancien qui, paradoxalement incarné par M. Le Gendre, entend bien ne pas disparaître de la scène des médias.

C’était le 22 février à Lille dont l’édile, nul ne l’a oublié, est Martine Aubry, fille de Jacques Delors et ancienne élève du lycée Notre-Dame-des-Oiseaux. Deux ministres arrivent dans sa ville : Agnès Buzyn (Solidarités et Santé) accompagnée de Nicole Belloubet, (Garde des Sceaux, Justice). Deux poids lourds du gouvernement. Or Martine Aubry n’a pas, comme le veulent l’usage, le protocole et le savoir vivre en République, été informée de cette visite. Une affaire d’autant plus grave que ces deux clefs de voûte de la Macronie sont venues  inaugurer le Centre national de ressources et de résilience installé au CHRU de Lille dont Martine Aubry préside le conseil de surveillance. On peut le dire simplement : c’est un affront.

Clash républicain (1)

 Dans une vidéo publiée par La Voix du Nord et par 20 minutes on peut voir Martine Aubry  tancer les deux ministres dès leur arrivée au centre hospitalier :

« On ne prévient pas l’ancien monde dont je suis. Je suis maire de Lille, présidente du CHRU. Je n’ai pas été prévenue de votre visite sauf hier soir par le préfet, ce que je trouve quand même inacceptable »,

Mmes Belloubet et Buzyn se tiennent coites, gênées, comme médusées. La maire de Lille poursuit :

« De toute façon, je suis habituée. Il n’y a pas un ministre qui nous appelle. Très franchement, le mépris des élus. (…) Je suis habituée, c’est comme ça en permanence avec ce nouveau gouvernement. Et après, on nous parle de République et de démocratie. »

Et ce n’est pas fini, Mme Aubry dénonçant la manière dont le pouvoir exécutif a cru bon d’agir face au rassemblement d’infirmières, de médecins et de Gilets Jaunes qui attendaient les deux ministres.

« Je n’ai pas non plus apprécié la façon… Il y avait des médecins et des infirmiers qui étaient là… J’ai été ministre de la santé. Je n’ai pas fait une visite sans qu’il y ait des manifestants. Je n’ai jamais fait charger la police. […] Ce n’est pas vous. Mais je trouve que ça s’est mal passé . »

Martine Aubry a un moment exercé les fonctions de secrétaire d’Etat à la santé. C’était au siècle dernier. Gilles Le Gendre l’avait-il oublié ? Il ne voit plus, ici, qu’amertume. Et, au micro, décrète doctement que le sujet, décidément, ne vaut pas la Une des journaux. Le tout, à l’heure des réseaux sociaux.

A demain

@jynau

(1) A découvrir : « L’Ere du clash », de Christian Salmon Editions Fayard

 

 

«Le profil psychiatrique de la femme incendiaire et alcoolisée commence à se dessiner»

Bonjour

L’essentiel du cadre de la tragédie de l’incendie de Paris (10 morts, 33 blessés) est connu. Reste à compléter les cases, à remonter les fils, à tenter de comprendre les failles, les fautes, tout ce qui aurait permis de réduire les risques. Les médias généralistes s’y emploient. Et, chose remarquable, avec une pédagogie qui souvent fait défaut dans le traitement des affaires où la psychiatrie est sur le devant de la scène.

Loin de stigmatiser la femme à l’origine de l’incendie de la rue Erlanger, s’attache-t-on à décrypter les rouages de la machinerie médico-légale, à contextualiser, à rappeler que rien n’est simple dans la prise en charge de la « maladie mentale » et de celles et ceux qui en souffrent 1.

C’est ainsi que France Info aide, sinon à comprendre, du moins à cerner « le profil de la suspecte », une femme de 40 ans interpellée non loin des lieux, qui habitait l’immeuble incendié et qui a été admise à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police (IPPP), quelques heures après avoir été placée en garde à vue.

D’emblée Rémy Heitz, procureur de la République de Paris, avait évoqué ses « antécédents psychiatriques ». Selon France Info cette femme a déjà effectué « quatorze séjours en hôpital psychiatrique, pour une durée totale de près de cinq ans ». « Elle est également connue de la justice, pour des affaires récentes, toutes classées sans suite. » Et selon une  source judiciaire à France 2 et France 3, elle avait été mise en cause dans trois procédures distinctes :

• Une procédure en 2016 pour vol précédé de dégradation (classée sans suite pour état mental déficient).

• Une procédure en 2016 pour une contravention de violences (classée sans suite pour état mental déficient).

• Une procédure en 2017 pour violences conjugales classée sans suite (infraction insuffisamment caractérisée).

Plusieurs de ses voisins ont fait, à différents médias, des descriptions convergentes : « J’ai vu que c’était quelqu’un qui avait des perturbations psychiques, c’était quelqu’un qui voulait tout de suite être ami-ami, qui voulait vous donner son numéro de téléphone… comme si on se connaissait. Puis quelques jours plus tard c’était fini. Etait-ce l’alcool ? »

La dimension politique du psychiatrique

Combien sont-elles, les personnes croisées au fil des jours dont le comportement nous interroge ? Et que faisons-nous ? Il y a quelques jours on apprenait qu’une centaine de psychiatres venaient d’adresser un courrier à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Parmi eux le Pr Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne). Il s’en expliquait dans Le Parisien, précisant que chacun peut désormais voir de plus en plus de personnes atteintes de troubles psychiques « dans les rues » :

« Tout le monde peut le remarquer. Ce n’est un mystère pour personne. Il y a des lieux plus propices, comme le métro, où l’on croise beaucoup de gens qui semblent perdus sans savoir exactement si c’est la conséquence de troubles psychiques, de l’alcool ou de drogues. Certes, il n’existe pas de statistiques pour dire s’il y en a plus qu’avant, mais ce n’est pas normal d’en voir autant. (…) Parler seul dans la rue est le reflet d’une souffrance psychique réelle. Ce n’est pas bon signe. Cela signifie que cette personne n’est pas soignée correctement ou qu’elle ne l’est pas du tout. Avec des traitements, on n’est pas censé avoir ce genre d’hallucinations. »

 « Il y a une réalité, aujourd’hui en France, les malades psychiatriques ne sont pas suffisamment pris en charge. A l’hôpital ou en ville, la demande de consultations augmente car on identifie mieux certains troubles et des pathologies comme les dépressions et l’autisme sont aussi en hausse. Or, ces patients ne sont pas assez vite examinés à cause des délais d’attente. En trente ans, le nombre de lits dans les hôpitaux a aussi été divisé par deux alors que la population augmente. »

 Où l’on saisit, une nouvelle fois, que le politique est presque toujours consubstantiel au psychiatrique – et très souvent au tragique.

A demain

On estime entre 4,7 et 6,7 millions le nombre de personnes souffrant de dépression en France (7 à 10 % de la population) ; entre 800 000 et 3,7 millions celui des personnes atteintes de troubles bipolaires (1,2 à 5,5 %) et à 670 000 celui des personnes schizophrènes (1 %). On recense d’autre part chaque année plus de 10 000 suicides et 220 000 tentatives. Données tirées du remarquable « Psychiatrie : l’état d’urgence » de Marion Leboyer et Pierre-Michel Llorca, éditions Fayard.