Cigarette électronique : le «mieux» voulu par Donald Trump, ennemi du «bien» public

Bonjour

Dans le précieux ouvrage qu’il consacre au vapotage 1 Sébastien Béziau, militant averti, a placé en exergue, une phrase de Montesquieu : « Le mieux est l’ennemi mortel du bien ». Où l’on retrouve la puissance des aphorismes, ces « haïkus de la pensée » 2.

Le « mieux », l’ennemi mortel du « bien » ? L’affaire résume à merveille la politique de réduction des risques, cette vision de l’existence à laquelle l’actuelle ministre française des Solidarités et de la Santé semble comme allergique. Une vison à ne pas confondre avec le concept, souvent très mal compris, du « principe de précaution ».

Sir John Falstaff 

Le « bien » public et le « mieux » politique ? On les retrouve avec cette affaire américaine de cigarette électronique où règne la plus grande confusion médiatique. « La confusion si parfaitement organisée entre six morts par pneumopathies lipidiques par introduction d’huile dans la vape (un vrai danger) et interdiction des arômes (qui apportent un vrai bénéfice à la sortie) fait poser la question de savoir à qui profite ‘’le crime’’ » tweete (@parissanstabac) le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue averti plutôt deux fois qu’une.

Dautzenberg ajoute, courbes à l’appui : « Trump s’énerve contre #ecig mais les données US sont têtues : il n’y a jamais eu aussi peu de mineurs fumeurs de cigarettes et l’explosion d’ecig décrite ne s’accompagne pas d’une explosion du taux de fumeurs chez les adolescents. Il faut agir sans faire plus de mal que de bien. »

Trump tweetera-t-il en réponse au pneumologue parisien ? Si oui on lui conseille un aphorisme issu, selon Steiner, de Falstaff (Henry IV 1ère partie, Shakespeare) : « Prudence est mère de sûreté ». Où l’on revient, tout bien pesé, comme par ricochet, au mieux et au bien de Charles Louis de Secondat, qui fut baron de La Brède et de Montesquieu.

A demain @jynau

1 Béziau S Bienvenue dans la vape. 80 pages, 6,90 euros. Renseignements sur https://www.vapyou.com/lancement-livre-bienvenue-dans-la-vape/

2 Sur les aphorismes et la langue française, se reporter à George Steiner : « Lectures, chroniques du New Yorker » (Editions Gallimard) Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat. Introduction de Robert Boyers



Inique : Marlène Schiappa connaît-elle la pauvre histoire du bébé trisomique né après GPA ?

Bonjour

Feindre d’être surpris.es ? L’affaire était entre les lignes de tous les écrits dénonçant l’esclavage que constitue la pratique de la « gestation pour autrui » 1.

Commandé, puis abandonné. À 21 ans, Pattaramon Chanbua était déjà maman d’un garçon et d’une fille de 6 et 3 ans. Contactée par une agence de Bangkok, elle accepte d’«aider» un couple d’Australiens souffrant de sa stérilité. La pauvreté n’a pas de frontières. Avec les 16.000 dollars promis par le couple, la jeune femme comptait «éduquer ses enfants et payer ses dettes»a-t-elle expliqué à la chaîne de télévision australienne ABC : « Thai surrogate mother of a baby with Down syndrome abandoned by Australian parents says she cannot afford baby Gammy’s medical treatment » (voir la vidéo sur le site du Figaro–  Diane de Fortanier)

« Trois mois après avoir été inséminée, Pattaramon découvre qu’elle attend des jumeaux, résume Le Figaro. L’agent lui promet alors un peu plus d’argent pour porter les deux enfants. Peu de temps après, le médecin l’informe que l’un des deux enfants est atteint de trisomie 21. Le couple commanditaire fait alors savoir à la mère qu’il ne veut pas du garçon. La jeune femme refuse d’avorter, conformément à ses convictions religieuses bouddhistes. »

En décembre dernier elle accouche des jumeaux. Diagnosticconfirmé : Gammy est trisomique – trisomie compliquée d’un grave problème cardiaque. Le couple (qui n’avait jamais rencontré la jeune mère) repart vers son Australie avec la petite sœur, apparemment bien portante. L’inique n’a pas de frontières.

Débattre de la GPA après ce quinquennat

  L’histoire, rapporte encore Le Figaro, a ému les réseaux sociaux. Le site de fund-raising GoFundMe a déjà levé plus de 100.000 dollars pour e bébé trisomique – tombé malade entre-temps. «Je voudrais dire aux femmes thaïlandaises: “ne rentrez pas sur ce marché des mères porteuses, ne pensez pas seulement à l’argent. Si cela se passe mal, personne ne vous aidera, le bébé sera abandonné par la société, et vous en serez responsable”», implore Pattaramon Chanbua, citée par le Sidney Morning Herald.

En Thaïlande, les contrats de GPA ne peuvent, en théorie, être passés par un couple marié « qu’avec des personnes liées par le sang ». Suite à cette affaire, le ministère de la Santé thaïlandais a déclaré que toutes les transactions financières autour des mères porteuses étaient « interdites ». Ce marché a connu un boom avec la crise : de plus en plus de couples étrangers – et surtout originaires d’Australie – font appel à des mères porteuses via des agences. Le commerce n’a pas de frontières.

Il y a quelques jours, sur RTL, Marlène Schiappa : « Ces questions de PMA comme de GPA touchent à la fois au très intime : à la vie amoureuse, à la sexualité, à la vie familiale, à l’idée que l’on se fait des familles, mais elles touchent aussi à des questions philosophiques, scientifiques et éthiques. Le gouvernement a « toujours été extrêmement clair sur le fait que l’on est opposé à la GPA ». Et puis elle conclut : « Il n’est pas du tout question d’ouvrir ou de débattre de la GPA pendant ce quinquennat ».  

Mme Schaippa est, en France, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

A demain @jynau

1 Dont le remarquable « L’Homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué »signé de Sylviane Agacinski (Gallimard. 48 pages. 3,90 euros)

PMA : Comment, sur France Inter, ne pas avoir le droit de dire que l’on n’est pas réactionnaire

Bonjour

Trop, c’est trop. Comment en moins de cinq minutes parvenir à dire la complexité du sujet ? Et comment le faire sans aussitôt être soupçonnée, sur France Inter, de n’être qu’une « conservatrice », voire une « réactionnaire ». Soupçonnée, accusée, condamnée. La philosophe Sylviane Agacinski, auteure de « L’Homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué » 1 est l’invitée de la journaliste Léa Salamé.

La philosophe a senti le piège mais s’y précipite tête baissée, avec délice semble-t-il. Elle cite son ennemie jurée, l’improbable juriste transhumaniste Marcela Iacub. Elle tire à tout va, au-delà même de la GPA. Elle parle de notre « rapport à la chair », du désir de s’en émanciper ». Elle s’excusera bientôt de vouloir trop en dire en si peu de temps. Comme, par exemple, que l’on a pas un « droit » à « avoir un enfant ».

Trop c’est trop, cela se résumera bientôt à ceci : « @franceinter Sylviane Agacinski, philosophe, sur la #PMA : « La famille, c’est comme la sexualité, c’est une totale liberté, mais ce n’est pas (avoir) un droit à un enfant » #le79Inter 08:08 – 24 juin 2019 »/

Léa Salamé comprend que, décidément, l’invitée à trop à dire. Que le sujet, réactionnaire en diable, méritait un plus large créneau. C’est promis, Sylviane Agacinski sera réinvitée. Promis juré. Après la canicule, l’été sera entièrement bioéthique et philosophique. Et furieusement politique.

A demain @jynau

1 « L’Homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué » Collection Tracts (n° 7), Gallimard Parution : 27-06-2019. 48 pages, 150 x 210 mm, agrafé.

«Notre corps charnel nous est propre, mais il ne nous appartient pas comme un bien, autrement dit une propriété aliénable, que l’on peut donner ou vendre, comme un vélo ou une maison. La confusion fatale entre les deux est délibérément entretenue par l’idéologie ultralibérale qui veut nous persuader que, puisque notre corps « nous appartient », nous sommes libres de l’aliéner. Admirons le paradoxe.  Sylviane Agacinski. 
L’homme moderne veut dominer la nature, changer sa nature, et s’affranchir de la chair, de la mort et de la génération sexuée. Grâce à la puissance scientifique et technique, certains rêvent de changer de corps et de produire leur descendance en laboratoire. L’homme futur sera-t-il sexuellement indifférencié? Naîtra-t-il sans père ni mère? Aux dépens de qui?  À la veille du débat au Parlement, et alors que la «bioéthique» semble perdre tout repère, ce Tract nous alerte sur les dangers d’un ultralibéralisme dont le modèle, en ce domaine, est la Californie.

Métaphore: les «Alcooliques Anonymes» vont-ils porter plainte contre le Parti socialiste ?

Bonjour

Des dangers de filer de mauvaises métaphores. Gaspard Gantzer, 39 ans, est un haut fonctionnaire, ancien militant socialiste, ancien de l’ENA, ancien conseiller de nombreux responsables politiques socialistes, avant de devenir, de  2014 à 2017, conseiller chargé des relations avec la presse et chef du pôle communication de François Hollande, alors président de la République. « L’archétype du bobo parisien cool, sûr de lui » selon Libération (Vincent Glad), qui connaît bien le sujet.

Un instant très proche d’Emmanuel Macron il dirige aujourd’hui une agence de conseil en communication et de relations publiques, multiplie les interventions dans les médias et vient d’annoncer qu’il sera candidat à la mairie de Paris – et, s’il est élu, détruira le périphérique « axe pollué qui coupe Paris en deux ».

Il y a quelques jours ce spécialiste de la communication s’en prenait à Olivier Faure, 51 ans, premier secrétaire du Parti socialiste. Le 13 mars, au micro de France Inter M. Gantzer est interrogé sur l’actualité douloureuse de son ancienne famille politique – et tout particulièrement sur l’inventaire du dernier quinquennat auquel procède, depuis février, M. Faure.

Cuisson préalable à la consommation

« Ça a un côté réunion d’Alcooliques Anonymes qui sont en train de se demander tous les jours : qu’est-ce qui c’est passé pourquoi, est-ce qu’on a fait ça …  Les thérapies collectives fonctionnent quand elles se font à huis clos » a déclaré M. Gantzer. Réponse de M.Faure (selon un indiscret publié par Le Journal du Dimanche ) « Si nous sommes des alcooliques, tu es sans doute responsable de la cuite »  aurait-il répondu par texto.

Comment oser de telles références ? Comment les justifier et comment les comprendre ? Qu’en diront les « Alcooliques Anonymes » 1 ? Qu’est-ce qu’une « thérapie collective à huis clos » ?  La « cuite » est-elle, comme certains l’avancent, une référence explicite à la fonction qu’occupait M. Gantzer de 2014 à 2017 – période durant laquelle le PS s’est coupé de sa base électorale à grande vitesse. Un phénomène qui, selon Olivier Faure, est en partie dû à la politique économique et sociale menée par François Hollande et ses gouvernements successifs.

Est-ce dire que M. Faure fait référence à la cuisson d’un aliment préalable à sa consommation ? Ou à celle que l’on « prend » avant de la subir puis de regretter amèrement les plaisirs, vertigineux et éphémères, des hautes ivresses ?

A demain

@jynau

1 Sur ce thème, l’indépassable « Avec les Alcooliques Anomymes » de Joseph Kessel (Editions Gallimard)

Grand Débat : Marlène Schiappa osera animer une émission télévisée avec Cyril Hanouna

Bonjour

Janvier 2019 : George Orwell, Guy Debord et Jean-Claude Michéa sont bel et bien là. Ce sera un atelier dans le cadre du débat national. Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, va « co-animer » vendredi 25 janvier avec Cyril Hanouna  une émission spéciale sur la chaîne C8  – propriété du groupe Canal+, filiale du groupe Vivendi qui a pour actionnaire majoritaire le groupe Bolloré, détenu par Vincent Bolloré).

Cela s’appellera « La parole aux Français » : un numéro spécial et en direct de la célèbre émission « Balance ton post ! ». Cela sera diffusé à 22 h 30 et « donnera la parole » (sic)  à des « retraités, infirmiers, demandeurs d’emploi, commerçants, enseignants, agriculteurs » (re-sic) qui « témoigneront de leur quotidien » (re-re-sic).

 « Ensemble, nous tenterons de transformer leurs problèmes en propositions », explique C8 qui  présente cette première comme « un échange citoyen avec des propositions concrètes » et non pas comme un « débat politique » : « Les téléspectateurs voteront en direct pour retenir sept idées qui seront transmises au gouvernement ».

Animal Farm

Désespérante l’affaire ne manque pas non plus d’être cocasse. Wikipédia observe ainsi qu’une « partie de la presse » a « remis en doute » certains des thèmes abordé par « Balance ton post ! » – et ce en dénonçant « une succession de débats surréalistes et de questions jugées absurdes ». Le 13 octobre dernier l’émission avait pour thème : « Pour ou contre l’IVG ? ». Marlène Schiappa avait alors « réagi sur les réseaux sociaux » en rappelant que l’entrave à l’interruption volontaire de grossesse est un délit puni par la loi.

« J’ai regardé l’émission car ma collègue Brune Poirson était invitée en plateau et je regarde dès que possible les passages de mes collègues, avait ensuite expliqué à 20 minutes la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes. Quand j’ai vu débarquer un militant anti-choix, j’ai immédiatement contacté Cyril Hanouna. Il a lu mes SMS en direct. J’ai notamment rappelé que l’entrave à l’interruption volontaire de grossesse est un délit, puni par la loi et cela a été lu en direct ».

De Orwell on peut relire « La Ferme des animaux » (Gallimard). Et de Jean-Claude Michéa « Le loup dans la bergerie – Qui commence par Kouchner finit toujours par Macron » (Flammarion).

A demain

@jynau