Narcissisme. Quand Emmanuel Macron remet la Légion d’honneur à l’auteur de «Soumission» 

 

Bonjour

Emmanuel Macron remettra ce jeudi 18 avril la Légion d’honneur à Michel Houellebecq. La cérémonie se déroulera au Palais de l’Elysée en présence de nombreux amis du célèbre écrivain… dont l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy. Le sujet est traité dans Paris Match (Bruno Jeudy) :

« Finalement Nicolas Sarkozy sera présent à la remise de légion d’honneur à son «ami» Michel Houellebecq (il avait été invité à son récent mariage) L’agenda de l’ancien président s’est finalement libéré et il sera à l’Elysée ce soir pour honorer le célèbre écrivain. En revanche, son épouse Carla Bruni-Sarkozy sera absente. L’ex-chef d’Etat y croisera les nombreux invités personnels de l’auteur de «Sérotonine». Parmi eux : le philosophe et académicien Alain Finkielkraut, l’écrivain Frédéric Beigbeder, le journaliste David Pujadas, le chanteur Jean-Louis Aubert (ex-Téléphone), le directeur de la rédaction de «Valeurs Actuelles» Geoffroy Lejeune et la journaliste Charolotte d’Ornellas. »

« Comme le veut la tradition, Emmanuel Macron prononcera un discours pour retracer la carrière du décoré. Le chef de l’Etat connaît Michel Houellebecq depuis plusieurs années. Leur première rencontre date de l’époque où le futur président de la République était ministre de l’Economie. Il avait reçu le romancier à Bercy. Les deux hommes se tutoient. Parmi les sept romans publiés par l’auteur de ‘’Sérotonine’’, Emmanuel Macron a une préférence pour ‘’La carte et le territoire’’ récompensé par le prix Goncourt en 2010. Le chef de l’Etat a pris l’habitude d’ailleurs de qualifier l’écrivain ‘’d’entomologue de la société française’’. »

Un minimum de culture et de connaissance historique

Le sujet est aussi traité dans Le Monde – sous un angle différent, le quotidien vespéral ouvrant ses colonnes à Jean-Philippe Domecq, romancier et essayiste (« L’amie, la mort, le fils » (Thierry Marchaisse, 2018) et « Exercices autobiographiques » (La Bibliothèque, 2017) :

«  Sauf à considérer qu’une récompense républicaine n’a plus de sens, on ne peut laisser sans discussion l’octroi de la Légion d’honneur à Michel Houellebecq. D’autant que, d’ordinaire, les cérémonies de décoration honorifique à l’Elysée sont collectives et que celle-ci sera entièrement dédiée à l’auteur de ‘’Sérotonine’’ (…) Est-il possible de faire entendre enfin, malgré le concert de louanges qui accueille la parution de chaque roman de Michel Houellebecq, qu’il y a un décalage, profond mais passé sous silence, entre la ferveur médiatique dont il bénéficie et l’appréciation critique que beaucoup de lecteurs ont de son œuvre ? Tout un lectorat qui n’a pas de leçon d’ouverture d’esprit à recevoir a fort bien perçu que chaque narrateur des romans de Houellebecq exprime son dégoût de l’émancipation.

« Souvenons-nous : pourquoi et quand Céline a-t-il sorti son sinistre fonds de commerce politique ? Dès l’instant où Céline s’est confondu avec Bardamu, son narrateur. Ceux qui invoquent sans cesse la pertinente et nécessaire distinction entre narrateur et auteur pourraient s’aviser que, de roman en roman, le narrateur de Michel Houellebecq a la même attitude à l’encontre des conquêtes de la modernité européenne ; cela finit par faire des romans porte-voix, et porte-voix d’une idéologie nauséabonde. Evidemment, l’auteur est un malin, chaque fois il se dérobe derrière son narrateur et échappe aux mains qui le veulent bien. C’est qu’il les soulage, il leur signifie que tout est permis dans les opinions.

« ‘’Cette distinction vient récompenser un grand écrivain français reconnu comme tel’’, dit le communiqué de l’Elysée. Un minimum de culture et de connaissance historique permet pourtant de voir qu’il y eut toujours des succès massifs pour la littérature du « ça va mal », du « on a tout perdu ». Des titres comme Les Beaux Draps, de Céline, ou Les Décombres, de Lucien Rebatet, ont donné à qui les lisait le sentiment d’avoir tout compris et qu’’’on se le disait bien’’. Depuis les années 1930, ce tour d’opinion facile n’y va plus si direct ; on est passé du lyrisme paranoïaque à l’ironie perverse-narcissique. »

Ironie ou pas, et bien au-delà du lyrisme de la paranoïa, de la perversité et du Palais de l’Elysée, on ne peut que conseiller, de la psychiatre, psychanalyste et victimologue Marie-France Hirigoyen, le remarquable « Les Narcisse » (Editions La Découverte)

A demain

@jynau

 

Furosémide : retour des anticorps protecteurs anti-génériqueurs

Cinq jours plus tard le mystère s’épaissit. Rien de suspect sur le site industriel de conditionnement nous dit l’Ansm. Que s’est-il passé au sein de la filiale française de la firme Téva ? Réveil des opposants systématiques aux médicaments génériques. Et après ?  

Il faut imaginer le Dr Sauveur Boukris heureux. Avec l’affaire Furosémide il est sollicité de partout par les médias : la fatalité  (1) veut qu’il  vient de faire paraître un pamphlet contre les génériques. C’est là le dernier en date de ses ouvrages accusateurs ; ouvrages que le Conseil national français de l’Ordre des médecins ne goûte guère. En en témoigne la lecture, délicieuse, de son dernier bulletin d’information. L’Ordre s’y interroge en compagnie du Dr Michel Cymes, sur les moyens à mettre en œuvre pour mieux informer sur les mille et une « affaires » médicales. Nous y reviendrons.

Le Dr Boukris dans le Queyras

Hier il était présent sur le journal télévisé de la Une. On le trouve ici sur le Huffington Post. Pour l’heure de passage à Saint-Véran (2020 m) nous croisons le Dr Boukris dans Le Dauphiné Libéré (11 juin 2013). La une/Une est entièrement consacrée à l’affaire :

« Médicaments : encore en scandale ». « Un somnifère a pris la place d’un diurétique, à cause d’une erreur de conditionnement, et déjà deux décès, ainsi que des cas graves. Sans compter les signalements qui affluent, notamment en Ardèche où une enquête est menée. Les boîtes concernées ont été rappelées. De quoi entacher encore la confiance des Français envers les médicaments. »

Envers les médicaments ou envers  les médicaments génériques ? En page 28 le Dr Boukris est donc là. Selon lui « on me peut pas mettre cet accident sur le compte de la fatalité ». Il n’exclut pas pour autant la piste criminelle. Instruction à charge : matière première achetée en Chine ou en Inde, de quinze à vingt étapes de fabrication chez un génériqueur contre quatre à cinq chez les fabricants de médicaments princeps. Multiplications de sous-traitants pour réduire les coûts, traçabilité incertaine.

Les malades le disent !

Rappel avec lui des dossiers récents et de la décision prise par la FDA de retrait d’un des antidépresseurs de Téva. Et l’antienne : le générique est source de confusion, surtout pour les personnes âgées. « Certaines personnes peuvent renoncer à le prendre ou au contraire à en prendre deux, déclare-t-il au Dauphiné libéré. Dire que les génériques c’est blanc bonnet et bonnet blanc c’est faux, ce sont les malades qui nous le disent. » Les malades et les lecteurs sont incité à lire le dernier livre du Dr Boukris. Un titre sans équivoque qui fleure bon le titre d’un film vieux de neuf ans lui-même remake d’ « Une si belle garce » (1969).

Le médecin alsacien à l’ordinateur NS

Ailleurs sur la Toile, le Dr Claude B., de Stasbourg. Il raconte l’histoire suivante : à une patiente âgée, qui souffre de graves problèmes de santé, il prescrit le 8 juin (jour de l’annonce du mort de Marseille) un diurétique. Comme la dame lui précise qu’elle a déjà eu des ennuis avec des génériques et qu’elle ne souhaite pas en reprendre, il inscrit sur l’ordonnance « non substituable ». Depuis des années, ce généraliste strasbourgeois rédige ses ordonnances à l’ordinateur et se refuse d’écrire à la main. La mention « NS » qu’il appose n’est donc pas manuscrite. Ce qui, on le sait, a permis au pharmacien de délivrer du Furosémide Téva 40mg. « Quand elle m’a appelé pour me dire qu’on lui avait donné du Furosémide, j’étais furieux. Le pharmacien ne m’a même pas prévenu ! Et s’il y avait eu un pépin, on m’aurait tenu pour responsable. » Après enquête  et vérification des lots il est apparu que les comprimés délivrés étaient bien ceux du diurétique« Ma patiente est convaincue qu’elle a pris du somnifère », précise le généraliste à l’ordinateur. Comment mieux dire ?

L’hypothèse de la malveillance; l’énergie retrouvée du Figaro

Après quelques jours de silence Le Figaro (12 juin) se réveille brutalement : les deux pages d’ouverture et les révélations d’un ancien pharmacien de Téva qui, en novembre 2011 dénonçait les problèmes de qualité. L’occasion pour le quotidien de réaliser une petite radiographie du monde des médicaments génériques en général, de Téva en particulier et tout particulièrement de « Téva France ». Entretien avec le  Pr François Chast (Hôtel-Dieu de Paris) ancien président de l’Académie de pharmacie, de plus en plus présents dans les médias, par ailleurs auteur d’une passionnante  « Histoire contemporaine des médicaments » (Editions La Découverte). Pour lui « la malveillance est toujours possible. « Théoriquement il n’y a aucun rapport entre le fait qu’il s’agisse de génériques et un dysfonctionnement dans la chaîne de production ». Le Pr Chast rassure les patients : « les peuvent avoir confiance dans les génériques qui sont d’ailleurs beaucoup utilisés à l’hôpital. »

Malveillance ? En regard de sa page Furosémide Le Dauphiné libéré fait le point sur une autre affaire, celle de « La Tuerie de Chevaline ». « De mystérieux appels et de grosses sommes d’argent en jeu » nous dit ce quotidien. Il nous dit aussi que neuf mois après le quadruple meurtre l’enquête se poursuit et se resserre.

(1) Faut-il voir dans cet appel mondial du géant Pfizer un autre signe de la fatalité médicamenteuse ?