« PMA, OGM et GPA » : le piège dans lequel Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat, tomba

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Marlène Schiappa a encore frappé. La secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes vient, cette fois, de dénoncer une nouvelle campagne de « La Manif pour tous » 1. Une campagne avec un « visuel » : sur fond rose, une silhouette de bébé au milieu de légumes, avec ce slogan : « Après les légumes OGM, les enfants à un seul parent ? ». Un visuel et des hashtags #NoGPA et #NoPMAsansPère relayés par un site, pma-gpa.fr.

« Agir pour le respect des animaux et des plantes, mais pas pour celui des enfants ? » interroge le tweet qui dévoile l’affiche.

La secrétaire d’État à l’Égalité n’a pas résisté à faire part de sa colère via son compte Twitter. Pour elle ce visuel est « offensant ». « Comparer les bébés nés après FIV ou insémination à des légumes OGM est profondément offensant pour les enfants et leurs familles. Retrait », a-t-elle écrit. Avant d’ajouter quelques minutes plus tard : « Les familles monoparentales sont aussi stigmatisées par cette campagne. Nous sommes au XXIe siècle. Il n’y a pas un modèle unique de famille. »

Au-delà de la colère, la sanction ? Interrogé par Le Figaro , le cabinet de la secrétaire d’État a expliqué que « l’aspect juridique du retrait de cette affiche est à l’étude ». Aussitôt, la réaction : dimanche 8 octobre, la « Manif pour tous » a officiellement réagi aux propos de Marlène Schiappa par l’intermédiaire d’un communiqué : « PMA sans père : stop aux calomnies et caricatures ». Elle y « dénonce le faux procès dont elle est victime ». « Jamais aucun enfant n’a été comparé à des légumes OGM. Jamais l’opposition à la PMA sans père n’a stigmatisé les familles monoparentales » affirme-t-elle.

La main tendue

« Nous tendons la main à Marlène Schiappa pour mettre un terme aux calomnies et caricatures. La question est trop sérieuse et ne mérite pas cela. Nous comptons sur un dialogue réel pour clore une polémique virtuelle » explique Ludovine de La Rochère, présidente de « La Manif Pour Tous ». Mme Schiappa dialoguera-t-elle avec Mme de La Rochère ?

Pour l’heure, force est de constater que « La Manif pour Tous » n’a pas, au sens strict, comparé les enfants issus de la PMA et de la GPA à des Organismes (végétaux) Génétiquement Modifiés. Pour autant comment ne pas voir, dans son slogan, une forme d’amalgame prêtant à toutes les confusions qui alimentent les passions 2.

On se souvient que Marlène Schiappa avait, en septembre dernier, sur RMC-BFMTV, confirmé la volonté du gouvernement de proposer et d’obtenir au plus vite (en 2018) l’ouverture de la PMA « à toutes les femmes ». Il s’agissait, rappelait-elle alors, d’un engagement de campagne du président de la République. Ce fut là une précipitation vite recadrée, off par le palais de L’Elysée puis ouvertement par Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur.

On n’a de cesse, à l’Elysée, de rappeler que le président n’envisage cette évolution sociétale que dans la mesure ou un consensus minimal aura été trouvé au sein de la société française. En d’autres termes le pouvoir exécutif n’entend pas réveiller les affrontements radicaux sociétaux observés lors du précédent quinquennat. De ce point de vue on peut penser que l’expression immédiate de la colère et des menaces de la secrétaire d’Etat n’est pas politiquement, d’une très grande habileté.

A demain

1 « La Manif Pour Tous » se présente comme étant « un mouvement spontané, populaire et divers » ; un mouvement qui s’oppose à la PMA « sans père », à la GPA, à la diffusion de l’idéologie de genre – tout en condamnant toute forme d’homophobie. Elle juge que le « mariage Homme-Femme » et la « filiation Père-Mère-Enfant » sont « universels et fondateurs de la société et de son avenir ».

2 Sur le thème de la modification génétique des embryons humain on se reportera avec le plus grand intérêt, dans la dernière livraison de la revue Esprit (octobre 2017) à : « La procréation à l’ère de la révolution génomique » de Jean-Hugues Déchaux, professeur de sociologie à l’université Lumière Lyon 2, directeur du Centre Max Weber (Umr 5283 – Cnrs).

La Fondation Jérôme-Lejeune mérite-t-elle toujours d’être reconnue «d’utilité publique» ?

 

Bonjour

Une forme de violence médiatique s’exprime aujourd’hui dans le sillage du politique. Fait sans précédent (ou presque) elle atteint, en France, les sphères scientifiques et éthiques. Dans une tribune publié aujourd’hui par Le Monde, cent quarante-six médecins et chercheurs 1 (dont une trentaine d’académiciens et de professeurs au Collège de France, et plusieurs présidents de sociétés savantes) dénoncent certains des aspects de l’action de la Fondation Jérôme-Lejeune – plus précisément les procédures judiciaires lancées contre des autorisations accordées pour des recherches menées sur des embryons humains.

Fait notable, et qui constitue une première : les signataires demandent aux pouvoirs publics de « reconsidérer » la reconnaissance d’utilité publique attribuée à cette fondation lors de sa création en 1996. La Fondation Jérôme-Lejeune est  reconnue d’utilité publique depuis 1996, agit pour les personnes atteintes de déficiences intellectuelles d’origine génétique. Se déclarant au service des malades et de leurs familles, elle poursuit trois objectifs : « chercher, soigner, défendre ». Elle dispose de moyens financiers, soutient des recherches expérimentales et cliniques et a fondé un centre de consultations médicales prenant en charge de nombreux patients, notamment ceux porteurs de trisomie 21.

Mais la Fondation a aussi, ces dernières années, développé une nouvelle stratégie, nettement plus agressive sinon radicale, au service de ses convictions religieuses, philosophiques et éthiques : elle cherche à bloquer les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines. Et ce en multipliant les procédures juridiques pour faire annuler les autorisations de recherche accordées par l’Agence de biomédecine – institution en charge de l’application et du garant des dispositions de la loi française de bioéthique. Les auteurs de la tribune observent et dénoncent une forme de radicalisation de cette Fondation. La parole est d’autre part donnée aux deux camps dans les colonnes du quotidien (Gaëlle Dupont).

Caricatures

Tout en reconnaissant à la Fondation Jérôme-Lejeune et à ses membres « la liberté d’avoir les opinions qu’ils souhaitent et de pouvoir les exprimer publiquement » ils qualifient de « souvent caricaturales » les déclarations de cette Fondation et de son président. Ils « regrettent » que les prises de position de cette fondation « dénaturent et dégradent le débat éthique qu’il convient de mener sur les évolutions des sciences de la vie et de la santé ». Ils « constatent » que les actions menées par la Fondation sont « peu compatibles avec les échanges qui ont lieu habituellement entre scientifiques et médecins – et qui contribuent à la découverte de nouvelles connaissances et de nouveaux traitements ». Ils condamnent, enfin, « les actions entreprises par cette fondation qui cherchent à empêcher de mener à bien des recherches scientifiques réalisées dans le cadre des lois en vigueur ».

En pratique, ils « demandent aux pouvoirs publics de reconsidérer la reconnaissance ‘’d’utilité publique’’ » qui lui a été attribuée il y a vingt ans. Ils appellent « les responsables des institutions scientifiques et universitaires publiques à s’interroger sur les collaborations qu’ils peuvent développer avec elle ». Ils invitent « les médecins et chercheurs à bien s’informer des déclarations et de la signification de ses actions dans le champ éthique, sociétal et politique avant d’engager quelque activité que ce soit en lien avec elle ». Ils attirent, enfin, « l’attention des donateurs sur le fait qu’une partie de leurs dons contribue à financer des actions sans rapport avec la compréhension et le traitement des déficiences intellectuelles d’origine génétique ».

Jacques Testart

Ce sont là une stratégie et un objectif qui ne laissent guère place au doute. C’est aussi le démonstration, confirmée, de l’impossibilité d’un dialogue entre deux conceptions de la licéité de la recherche sur l’embryon humain. Mais c’est aussi le symptôme de l’émergence de nouvelles et inquiétantes expressions des tensions montantes dans de nouveaux pans de la société française –  phénomènes qui ne sont pas sans faire songer aux affrontements autour de la dépénalisation de l’avortement dans une France alors en mutation.

L’affaire loin d’être finie, ne fait que commencer. Cette tribune sera-t-elle intégrée dans les tourmentes médiatiques de l’actuelle campagne présidentielle française ? Demandera-t-on aux candidats s’ils sont « pour ou contre la recherche sur l’embryon » ? Que répondront MM Macron, Fillon, Mélenchon et Hamon à la question de savoir si, au pouvoir, ils feraient le nécessaire pour ne plus reconnaître « l’utilité publique » de cette Fondation ? Qu’en dira Mme Le Pen ? Ainsi attaquée et cernée comment cette Fondation réagira-t-elle ? Adoptera-t-elle la position du martyr ? Que diront  de tout cela Libération, Le Figaro, Esprit et  La Croix ? Quelle sera l’analyse de Jacques Testart ?

A demain

1 Premiers signataires : Yves Agid, Etienne Baulieu, Yehezkel BenAri, Florence Brugnon, Georges David, John De Vos, Anne Fagot-Largeault, Patricia Fauque, Alain Fischer, René Frydman, Alain Gougeon, François Gros, Pierre Jouannet, Nicole Le Douarin, Cécile Martinat, Israël Nisand, Marc Pechanski, Alain Prochiantz, Jean Paul Renard, Nathalie Rives, Virginie Rouiller-Fabre, Alain Tedgui et Jean Didier Vincent On trouvera ici la liste complète, publiée par Le Monde, des médecins et chercheurs signataires de la tribune

 

Toxicomanie. Dire non à la mort d’une pharmacie dans le 2ème arrondissement de Paris

Bonjour

A découvrir, le numéro de février de l’excellente revue Esprit : « Politique des drogues ». Et puis cette pétition, relayée par SOS Addictions et quelques esprits éclairés. Un texte, comme une bouteille à la mer numérique et médiatique. On peut l’ouvrir en cliquant ici.

« Nous portons à votre connaissance un cas ignoble d’une pharmacienne, Mme Nahon, qui a été mise à la porte de sa pharmacie séance tenante par une personne de l’A.R.S. (Agence Régionale de la Santé). Pendant 42 ans cette pharmacienne très courageuse travaillait avec des médecins et était la seule à avoir accepté la mission que le centre de toxicologie lui a proposé dans le quartier des Halles à Paris. Elle vendait un médicament sur ordonnance pour aider les toxicomanes nombreux dans ce quartier à se désintoxiquer. Elle est la seule dans ce quartier à accepter de vendre ce produit, les autres pharmaciens refusaient sans doute par peur d’avoir cette clientèle dans leur officine.

« Que vont-ils devenir ces malades ? Quels risques pour le quartier si ces malades n’ont plus accès à leur traitement ? Par son action elle leur a évité des risques de contamination comme le sida, l’hépatite C, et c … S’il vous plaît, signez cette pétition pour elle, elle le mérite, elle a sauvé beaucoup de malades. Merci. »

A demain

A ceux qui s’intéressent aux salles de shoot, aux Civettes et à la cigarette électronique

 

Bonjour

Il est des sociologues qui ont l’esprit de synthèse. Ainsi Marie Jauffret-Roustide 1. Elle vient de publier un remarquable petit texte – à lire, précisément,  dans la dernière livraison (novembre) de la revue Esprit  (numéro consacré à « Nos prisons »). On y lit ceci, qui réjouira les lecteurs éclairés d’Esprit :

« La salle de consommation qui vient d’ouvrir à Paris le 17 octobre 2016 n’est en rien une salle de ‘’shoot’’ qui renvoie à l’image glauque des shooting galleries. C’est un espace  vaste et lumineux de plus de quatre cents mètres carrés, accolé à l’hôpital Lariboisière, mais dont l’entrée est indépendante.

« L’usager qui souhaite y réaliser une injection passe par une salle d’attente, montre le produit qu’il prévoit de s’injecter aux professionnels, qui lui remettent du matériel d’injection neuf. L’usager peut ensuite bénéficier d’un box individuel. Une fois son injection réalisée il a la possibilité de rejoindre la salle de repos. »

Insistons : le texte de Marie Jauffret-Roustide est remarquable, qui offre des perspectives éclairantes sur les politiques de réduction des risques. Pour autant on voit bien ce qu’une telle présentation peut avoir de brutal, d’incompréhensible et donc de choquant. L’usager est un toxicomane, le produit est de la drogue illicite, la salle d’attente, le matériel d’injection et la salle de repos sont offerts par la collectivité qui prend en charge le salaire des professionnels. »

Moindre mal

Brutal… incompréhensible… choquant… Et pourtant. Il suffit de remplacer usager par malade et matériel d’injection par matériel de soins pour que l’insupportable le soit moins. Reste à comprendre qu’il ne s’agit plus de quête du plaisir mais d’esclavage de la dépendance. Reste à accepter que le drogué soit (de cette manière) pris en charge par la collectivité. Reste à se résoudre à l’incohérence des frontières (accepter dans un espace public l’entrée d’un poison illicite). Reste à avaler le fait que nous ne sommes pas ici dans l’idéal mais dans la logique du moindre mal (ex duobus malis minor est eligendum ). Ou dans celle de la fin qui, tout bien pesé, justifie les moyens.

« Le ‘’Nerval’’ qui vient d’ouvrir boulevard de Port-Royal à Paris le 17 octobre 2016 est un espace vaste et lumineux de plus de cents mètres carrés, accolé à l’ancien hôpital du Val-de-Grâce, mais dont l’entrée est indépendante.

« L’usager qui souhaite y réaliser un achat de paquets neutres passe devant un comptoir, montre le produit qu’il prévoit de s’administrer aux professionnels, qui lui remettent contre uns somme d’argent dont le montant est strictement fixée par l’Etat. L’usager soit ensuite sortir pour s’administrer son achat. Une fois son inhalation réalisée il a la possibilité de prendre un peu de repos. 

« L’usager peut aussi tenter (toujours à ses frais) de réduire (voire de cesser) ses administrations. Il use pour cela d’un matériel dénommé cigarette électronique qui le protège des substances cancérigènes autorisées à la vente par un Etat-monopole qui en taxe la commercialisation. L’actuel gouvernement socialiste n’est guère favorable à la publicité pour ce matériel. Les spécialistes des addictions ne comprennent toujours pas pourquoi. »

A demain

1 « Diplômée de sciences politiques et d’un doctorat de sociologie, Marie Jauffret-Roustide mène actuellement un programme de recherche à l’Inserm sur la gestion du risque dans le champ des addictions et la place des savoirs profanes dans la construction des politiques de réduction des risques. Elle met en oeuvre une approche pluridisciplinaire alliant sociologie, épidémiologie et science politique, s’appuyant sur des méthodes de recherche quantitatives (enquêtes épidémiologiques transversales, cohortes), qualitatives (entretiens et observations ethnographiques) et méthodes mixtes (analyse des réseaux sociaux). Son programme de recherche se propose d’analyser conjointement les politiques publiques et les pratiques sociales des usagers dans le champ d’analyse de la gestion des risques et dans une perspective de comparaison européenne (France, Royaume-Uni, Pays-Bas). »

«Réseaux sociaux» : les temps sont-il venus où nous ne nous lirons plus jamais comme avant ?

Bonjour

Brexit ou pas, cet été, songer à lire « Puissance des images » (Esprit, juin 2016). Nous sommes de retour dans les siècles des images, des abymes, des icônes. Corollaire : pour ce qui est de l’écrit nous avons dépassé le résumé. Nous entrons dans le résumé du résumé, le résumé au carré. C’est la dérangeante leçon tirée des quelques lignes offertes sur écran par Slate.fr : « Une majorité d’articles sont partagés sur les réseaux sociaux sans même être lus » (Cyril Simon).

L’histoire fera peur à qui la lira jusqu’au bout. Tout commence le 4 juin 2016. Le site The Science Post publie alors un article au titre appétissant : «Étude: 70% des utilisateurs de Facebook lisent seulement le titre des papiers scientifiques avant de les commenter».  Au final 46.000 personnes ont partagèrent ce papier – un papier qui n’en était pas un, rapporte The Washington Post. 

Journaliste exténué

Le contenu : du faux-texte, du lorem ipsum comme on écrivait  encore au siècle dernier. « À l’initiative de ce canular, un journaliste de la rédaction, exténué de voir défiler sur son écran d’ordinateur des dizaines et des dizaines de fausses études naïvement partagées, rapporte Slate.fr. Ce phénomène tend à se généraliser, et il serait même en train de supplanter celui du ‘’piège à clics’’».

Poursuivons un instant notre lecture. Les gens sont plus enclins à partager un article qu’à le lire, résume dans le Washington Post, Arnaud Legout, co-auteur d’une étude menée par l’université de Colombia et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). Conclusion : les twittos ne lisent pas 59% des liens que l’on poste sur Twitter. » Trop pressés… pas envie… déjà twittant… déjà ailleurs…  «C’est typique de la consommation d’information moderne, analyse Arnaud LegoutLes gens se forment une opinion basée sur un résumé, ou un résumé de résumés, sans aucun effort d’approfondissement.»

Cloaque démoralisant

Durant un mois (été 2015), ces chercheurs ont analysé une série de tweets contenant un lien court vers cinq sources d’information. Il en est ressorti que les contenus les plus viraux ne sont pas forcément les plus lus. Les utilisateurs ne prennent même plus le temps de cliquer. La culture quasi industrielle du canular et la BuzzFeedification des médias expliquent en grande partie cette tendance au partage sans lecture, selon le Washington Post. Le journal n’hésite d’ailleurs à afficher son pessimisme devant une telle étude. Ce type de comportement reflèterait «le cloaque souvent démoralisant qu’est la culture internet».

 Faut-il, à Washington, être démoralisé pour en venir à de telles extrémités digestives…

Il y a les tweets et puis, à revers, sous les mots, les surlignant, il y a les liens, ces tiroirs infinis ouvrant sur les infinis de la Toile. Avant que l’attention ne s’évanouisse, ce petit exemple offert par un auteur assez connu qui, né à Tours, travailla longtemps à Saché (à Saché) :

« Madame Vauquer, née de Conflans, est une vielle femme qui, depuis quarante ans, tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve-Sainte-Geneviève, entre le quartier latin et le faubourg Saint-Marcel. Cette pension, connue sous le nom de la maison Vauquer, admet également des hommes et des femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que jamais la médisance ait attaqué les mœurs de ce respectable établissement. Mais aussi, depuis trente ans, ne s’y était-il jamais vu de jeune personne, et, pour qu’un jeune homme y demeure, sa famille doit-elle lui faire une bien maigre pension (…). »

Honoré revisité:

« Madame Vauquer, née de Conflans, est une vielle femme qui, depuis quarante ans, tient à Paris une pension bourgeoise établie rue Neuve-Sainte-Geneviève, entre le quartier latin et le faubourg Saint-Marcel. Cette pension, connue sous le nom de la maison Vauquer, admet également des hommes et des femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que jamais la médisance ait attaqué les mœurs de ce respectable établissement. Mais aussi, depuis trente ans, ne s’y était-il jamais vu de jeune personne, et, pour qu’un jeune homme y demeure, sa famille doit-elle lui faire une bien maigre pension (…). »

A demain

A demain

 

 

«Race blanche» et génétique : « Il faut bien comprendre … elle l’a dit ‘à la Morano’…»

Bonjour

Girolles et bernache. Matin d’octobre, sur le marché chic de Tours (Indre-et-Loire). Dressing chasse petit gibier, un groupe mixte de bourgeois bien pensants tracte pour la liste « Les Républicains » de la région Centre- Val de Loire (Guillaume Peltier, ex-Front National). Fragrances de marrons grillés. On porte beau, on parle haut :

« Cela a fait un sacré bruit quand même…

-Oui mais il faut bien comprendre .. Elle l’a dit à sa façon,  »à la Morano »… 

– Bien sûr, bien sûr… tout n’est pas faux »

C’est ainsi : la provocation symptomatique de Nadine Morano (« Nous  sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche ») continue à faire parler en France. Nadine Morano, 51 ans, députée européenne Les Républicains, secrétaire d’Etat puis ministre de Nicolas Sarkozy pendant cinq ans).

Détestation sous-entendue

Mardi 6 octobre, Le Monde daté du 7 publie une tribune dans ses pages Sciences/Médecine. Une tribune furieusement politique. Elle est signée du Dr Dominique Stoppa-Lyonnet (Institut Curie de Paris). Cette spécialiste internationalement reconnue d’onco-génétique est aussi, dans une autre vie, conseillère de Paris dans le même parti (Les Républicains) que Nadine Morano. Pour le Dr Stoppa-Lyonnet  en revendiquant l’appartenance des Européens à une race et en sous-entendant la détestation de ceux qui seraient censés appartenir à une autre, Nadine Morano a, comme beaucoup, fait preuve d’ignorance de l’histoire de notre humanité.

Et la généticienne de reprendre l’argumentaire développé hie par ses pairs chaque fois qu’un responsable politique (voire un scientifique) tient des propos publics pouvant laisser penser que la génétique pourrait d’une manière ou d’une autre justifier les théories racistes et, corollaire, les redoutables conséquences pratiques qui peuvent en découler.

Vérités renaissantes

On connaît l’essentiel de cet argumentaire : la science ne peut servir le racisme. La vieille science tout d’abord. « La paléoanthropologie, l’hématologie géographique et, plus récemment, l’analyse génomique -comparée des populations humaines ont maintenant établi qu’Homo sapiens constitue notre humanité et qu’il a progressivement migré depuis l’Afrique de l’Est où il est né il y a 200 000 ans, nus dit le Dr Stoppa-Lyonnet.  Il est plus que probable qu’il ait reçu quelques contributions génétiques d’Homo neanderthalensis, entre 50 000  et 100 000  ans au Proche-Orient, avant qu’il ne se répande à travers l’Europe, l’Asie, puis l’Océanie et l’Amérique. Au cours de notre longue préhistoire puis histoire, des groupes humains, ou populations, se sont ensuite constitués sur notre planète au -hasard des migrations guidées par la géographie des lieux, les événements climatiques et plus tard les grands événements politiques et religieux. »

La science génétique, plus jeune et plus puissante encore, n’a ait que confirmer ces vérités renaissantes : le séquençage des nombreux génomes humains de personnes appartenant à « différentes populations » a permis de démontrer  que les sept  milliards d’humains d’aujourd’hui partagent « essentiellement » le même patrimoine génétique. Pour autant nous ne sommes pas identiques, ce que chacun sait sans être versé dans la science génétique : il existe de « légères variations » entre les personnes – variations « dont seulement un petit nombre contribuent à nos différences ».

Biologiquement inepte

Là encore le Dr Stoppa-Lyonnet reformule un fait trop mal connu du plus grand nombre : deux personnes, prises au hasard dans la population diffèrent entre elles, en moyenne, par  0,05  % de leur génome ; il existe autant de ces différences à l’intérieur d’une « même population » qu’entre deux « populations différentes » de taille comparable. C’est généralement à ce stade du propos vulgarisateur que survient la question, majeure, de la peau ; et plus précisément de sa couleur qui constitue l’élément majeur sur lequel se fonde la notion de race humaine. Une notion, dit l’auteur, biologiquement inepte :

« La faible pigmentation de la peau des populations du nord de l’Afrique, d’Europe et d’Asie résulte d’un trait génétique complexe et est en partie liée à la présence de variants du gène SIC24A5, l’un des gènes -régulant la synthèse de mélanine (pigment foncé des téguments). L’absence d’avantage sélectif d’une peau noire dans les pays de latitude élevée, moins exposés au soleil, et, à l’inverse, l’avantage d’une peau claire facilitant la synthèse de vitamine D et prévenant le rachitisme ont conduit à la tendance écrasante de la présence de populations à peau blanche en Europe et en Asie. En revanche, une peau noire est commune à toutes sortes de groupes de -populations vivant dans des zones tropicales ensoleillées, où qu’elles soient dans le monde, des populations aussi différentes que celles d’Afrique, d’Inde ou d’Océanie. »

Extrapolation fallacieuse

Penser que, parce que certains traits physiques sont quasi constants dans une population – en particulier la couleur de la peau –, les génomes des individus qui la composent sont identiques, et que cette identité les réunit en un groupe fermé, génétiquement -distinct, est une extrapolation fallacieuse. C’est pourtant sur ce raisonnement erroné que repose le concept de race développé au XIXe  siècle ; un concept qui catégorise, classifie, mais pardessus tout hiérarchise les populations.  On peut le dire autrement, comme le Dr Stoppa-Lyonnet :

« Les races humaines n’existent pas, ou plutôt, elles n’existent que selon des définitions culturelles et non biologiques, dans nos lois d’homme et non dans celles de la nature, dans -l’invective et non dans la raison. L’ensemble de notre humanité n’appartient qu’à une seule et même espèce: Homo sapiens. La connaissance de l’origine de notre humanité et la compréhension de ce qui fait nos différences, qu’il serait puéril de nier, mais surtout nos ressemblances, sont la seule façon de dénuer de sens le mot race chez l’homme. »

Jardin de la France

Connaître, en somme, pour ne pas se méprendre. Connaître et comprendre pour ne pas avoir peur et, partant, pour ne pas haïr (1). Sera-ce suffisant ? Peut-être. Encore faudrait-il s’y employer. Ne pas donner trop d’échos aux propos de Nadine Morano ? Mais ces échos sont déjà là ; moqués certes, mais aussi amplifiés, commentés, résonants en boucle dans les esprits apeurés. A eux seuls les savants généticiens, pour mille et une raisons historiques, n’endigueront plus la vague.

«L’exposition  » Tous parents, tous différents « , d’André Langaney, au Musée de l’homme en  1992, doit être reprise et présentée sur tout notre territoire » propose la conseillère de Paris. C’était il y a près d’un quart de siècle.  En 2015, combattre les symptômes réémergents réclame une thérapeutique d’une autre ampleur. Et les généticiens, pour éclairés qu’ils soient,  n’y  suffiront pas. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter ce qui se dit, déjà, au petit matin, sur les beaux marchés du Jardin de la France.

A demain

(1) Sur l’équation de la haine et de sa punition, on se reportera avec intérêt à la dernière livraison (octobre) de la revue Esprit.

Crashes : les pilotes allemands refusent les dépistages inopinés d’alcool et de stupéfiants. Pourquoi ?

Bonjour

Jusqu’où peut aller le déni collectif  et l’esprit de corps ? Cinq mois après le crash d’un avion de Germanwings (150 morts) le syndicat des pilotes d’avion allemands (« Cockpit ») vient de se déclarer radicalement opposé aux mesures élaborées pour tenter de prévenir la répétition de ce type de catastrophe (1).

En pratique les responsables de ce syndicat ont, lundi 10 août, annoncé qu’ils refuseraient une obligation de présence permanente d’un deuxième membre d’équipage dans la cabine d’un avion et qu’ils refuseraient aussi les dépistages sanguins inopinés de prise d’alcool et/ou de stupéfiants.

Lubitz

Cette déclaration s’oppose au rapport de l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) qui avait fait suite au crash de l’A320 de Germanwings provoqué par le copilote Andreas Lubitz. [Ce rapport est disponible ici]. Rendu public en juillet ce rapport avait été demandé par la Commission européenne qui souhaitait « repérer les failles » ayant permis à Andreas Lubitz, d’écraser volontairement l’A320 de Germanwings reliant Barcelone à Düsseldorf dans les Alpes françaises.

« Cockpit » soutient la plupart des recommandations en faveur d’un meilleur suivi psychologique des pilotes. « La mise en place d’un réseau de soutien aux pilotes [en difficulté] est une évolution positive. Il n’y a qu’ainsi que l’on peut s’assurer que les concernés ne veuillent plus se cacher, mais cherchent plutôt de l’aide en temps voulu » a expliqué Markus Wahl, un porte-parole du syndicat cité dans un communiqué [Ce communiqué est disponible ici- en allemand].

Etriller

En revanche, Cockpit étrille la présence à tout instant d’un deuxième membre d’équipage, préconisée par l’AESA et déjà appliquée à titre volontaire par de nombreuses compagnies européennes depuis le drame. Le syndicat dénonce aussi les dépistages inopinés de drogues et d’alcool voulus par l’AESA.

« Ces recommandations ne remédient en aucun cas au problème et pourraient même s’avérer contre-productives » explique Cockpit. Le syndicat estime que la règle d’une deuxième personne dans la cabine comporte des « risques », qui « pèsent plus lourds que les gains de sécurité présumés ». Selon lui cette présence n’empêcherait pas un acte prémédité comme celui de M. Lubitz. Un scénario où la deuxième personne est complice ne peut pas être exclu.

Orthez

Quant aux dépistages aléatoires, un tel système « met les pilotes en doute a priori », alors qu’aucun rapport n’a pour l’instant été établi entre l’usage de drogues ou d’alcool et la catastrophe. Le syndicat insiste enfin sur la préservation du secret médical – l’AESA envisage la création d’un « référentiel de données » qui permettrait de partager les informations médicales des pilotes à l’échelon européen

Peut-on, sans prendre de risque, établir un parallèle avec le récent drame d’Orthez (présence d’une anesthésiste alcoolisée dans un bloc ayant conduit à la mort de la patiente lors d’un accouchement) et à la réaction de corps des chirurgiens français opposés dans leur majorité au dépistage systématique de l’alcoolémie avant l’entrée au bloc ? (2)

La Commission européenne pourrait prochainement rendre obligatoires les mesures préventives que les pilotes allemands refusent. On attend, sur ce point, la réaction des syndicats des pilotes français.

A demain

(1) La catastrophe fascine, nous rappelle le dernier numéro de la revue Esprit (août-septembre 2015) remarquablement consacré au philosophe (allemand) Jürgen Habermas. Esprit conseille sur ce point la lecture du n° 96 de la revue Communication qui traite de la catastrophe sous différentes perspectives. Catastrophe fait social alors même qu’elle défait le social. Catastrophe cantonnée au subir ? Catastrophe à prévenir ? (Yoann Moreau, François Laplantine, Michaël Ferrier, Sandrine Revet, Nicoals Bouleau, Dominique Bourg).

(2) Sur ce thème (et après le drame automobile de Rohan) on peut relire la tribune du Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions, publiée sur Slate.fr : « Octobre 2030 : lettre à un enfant dont la mère mourut à Orthez, le jour de sa naissance, d’un ‘’accident d’anesthésie’’ ».

Aquilino Morelle : qu’a-t-il vraiment fait à l’Inspection générale des affaires sociales ?

Bonjour

On saura bientôt tout sur le Dr Aquilino Morelle, 51 ans. Tout, du moins, sur sa carrière professionnelle indissociable de  son parcours politique. C’était une carrière brillante et une ascension politique ultra rapide. Deux carrières en une qui expliquent pour partie les graves accusations de conflit d’intérêts qui l’ont poussé à démissionner de toutes ses fonctions à l’Elysée.

Vivier

Ce futur docteur en médecine fait son internat à Paris entre 1985 et 1988. Il complète ce cursus en faisant Science Po. Puis ce très fort en thème entre à l’ENA dont il sort, à l’âge de trente ans – « promotion Condorcet ». Médecin il choisit assez naturellement l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Il s’agit là du « service interministériel  de contrôle, d’audit et d’évaluation des politiques sociales ». Réunissant plus d’une centaine d’experts ce service a pour mission « d’éclairer la décision publique ». C’est aussi un vivier qui peut conduire vers d’autres eaux. Ou assurer une pré-retraite pour services rendus. Au final on verra que le Dr Morelle y restera dix ans en vingt ans, les dix autres années étant consacrées au politique (Hôtel Matignon et Palais de l’Elysée) et à la « communication » (corporate santé – « plume » Euro RSCG).

Sang contaminé

Aussitôt arrivé à l’Igas Aquilino Morelle attache un vif intérêt aux affaires du sang contaminé, affaires qui font alors grand bruit dans la presse et qui prendront bientôt une dimension judiciaire.  Le nouveau membre de l’Igas se penche tout particulièrement sur un chapitre clef des ces affaires : celui de la pratique des collectes de sang en milieu carcéral qui expliquent pour partie la dimension française de la dissémination du VIH par voie transfusionnelle. Il en tire bientôt  une première relecture (très personnelle, bibliographie incomplète) de l’histoire, en 1993, dans la revue Esprit (article payant),. Puis il développera en 1998 son analyse dans  « La Défaite de la santé publique » (Flammarion). Un livre unanimement salué traçant la marche à suivre au nom de la santé publique.

Commune de Nontron (Dordogne)

Mise en congé de l’Igas, à sa demande pour des raisons politiques, de 1997 à 2002 : il devient alors la « plume » de Lionel Jospin, Premier ministre. Premier échec aéroporté aux municipales de 2001 (commune de Nontron, Dordogne). Puis refus du parachute : renonce à être candidat aux élections  législatives de 2002 (deuxième circonscription des Vosges). La défaite de Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle voit ce membre de l’Igas partir travailler chez Euro RSCG.

Laboratoire Lilly

« J’ai été engagé avec pour mission de développer une activité « corporate santé » au sein de l’agence. Il s’agissait de travailler dans l’ensemble du domaine de la santé, du champ social de façon plus large, mais aussi dans tous les secteurs de la vie économique, en fonction des dossiers auxquels l’équipe de direction souhaitait m’associer, explique-t-il aujourd’hui, en réponse aux accusations dont il fait l’objet. Etant médecin de formation, il était logique que me soient notamment attribuées des missions supposant une connaissance des problématiques de santé. »

EURL Morelle

 Il poursuit : « Au cours de ce passage dans cette agence, un de ses clients, le laboratoire Lilly, a apprécié mon travail. Aussi, après mon départ de l’agence, les dirigeants de ce laboratoire m’ont-ils proposé de continuer notre collaboration. C’est à cette fin que j’ai créé l’Eurl Morelle, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 15 mai 2006, société au capital de 1.000 euros, et dont j’étais l’unique actionnaire. En 2006, mon unique client a été le laboratoire Lilly. Le contrat de conseil a été conclu pour la période du 02 juin 2006 au 15 décembre 2006, pour un montant total de 37.500 euros HT.»

Elysée

Retour à l’Igas à la fin  2006, à sa demande. Puis à nouveau retour en  politique en 2012 quand il écrit les discours du candidat François Hollande. Le 15 mai 2012 Aquilino Morelle est nommé conseiller politique auprès du président de la République. Puis début février 2014 il est en outre nommé « chef du pôle communication de l’Elysée ».

Seroplex®

La suite est connue, qui le voit démissionner de l’ensemble de ses fonctions élyséennes, accusé de conflit d’intérêt dans le cadre de ses fonctions à l’Igas. Il travaille alors tout en étant membre de l’Igas, pour « conseiller » les laboratoires Lundbek (du 15 octobre-31 décembre 2007). Pour les aider, dit-on, à « stabiliser » le prix du Seroplex® auprès du Comité économique du médicament, structure officielle en charge de la fixation des prix.

Le Seroplex® est une molécule utilisée pour traiter la dépression (épisodes dépressifs majeurs) et les troubles anxieux (tels que le trouble panique avec ou sans agoraphobie, le trouble anxiété sociale, le trouble anxiété généralisée et les troubles obsessionnels compulsifs) chez les adultes de plus de 18 ans. Environ 29 euros la plaquette de 28 comprimés. Remboursé à 65% par la Sécurité sociale. Le contrat entre Aquilino Morelle et Lundbek était, semble-t-il, de 12 500 euros. Soit paradoxalement assez peu – pour qui connaît un peu ce milieu.

Quatre rapports

Quel aura, au final, été le travail accompli par Aquilino Morelle à l’Igas ? Ce service interministériel en garde une trace écrite comme on peut le voir ici. Quatre rapports à la rédaction desquelles il aura participé.

L’un d’entre eux, rédigé avec Gilles Duhamel et daté de 2012, témoigne de sa parfaite connaissance des rouages, souvent obscurs, concernant la fixation du prix des médicaments en France. « Evaluation du dispositif de financement des médicaments en sus des prestations d’hospitalisation dans les établissements de santé ». Un autre révèlera Aquilino Morelle à une partie des médias. Il s’agira du rapport sur le Mediator dont les conclusions répondront pleinement à la demande faite par Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé du gouvernement Fillon : « Enquête sur le Mediator ».

Exemple d’indépendance

Cette enquête sera rendue publique en janvier 2011. Un « rapport explosif » . Il sera le plus souvent salué par la presse comme un exemple d’indépendance : un membre de l’Igas connu pour son engagement socialiste aura pu mener, sous un gouvernement UMP, une enquête à charge contre les Laboratoires Servier dont le fondateur-dirigeant avait peu auparavant été décoré de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy.

La réalité était  évidemment  un peu plus complexe. Ce rapport proposait au final une lecture réduite et orientée de l’affaire. Il excluait  de facto toute mise en cause des responsables politiques, de la Sécurité sociale et des médecins prescripteurs.  Deux cibles, en revanche : les responsables des Laboratoires Servier et quelques hauts fonctionnaires de l’Agence en charge du contrôle des médicaments.

Esprit civique

Le procès de l’affaire du Mediator est annoncé pour en 2015. Il n’est pas impossible que le Dr Aquilino Morelle y soit appelé à témoigner. Jacques Servier, lui,  n’y sera pas. Il est mort la veille du jour où Mediapart  lançait l’attaque contre l’homme devenu clef dans l’entourage immédiat de du président de la République. Deux jours avant que ce conseiller quitte l’Elysée. On peut voir là la comédie balzacienne de l’argent, du pantouflage et du mélange des genres. On peut aussi y percevoir la lente dissolution de l’esprit civique. Avec, aujourd’hui, un soupçon de tragique.

A demain

Une version de ce texte a initialement été publiée sur Slate.fr