Santé et deniers publics : que fait le gouvernement contre les médicaments dits « anti-Alzheimer » ?

Bonjour

C’est l’un des grands feuilletons médicamenteux de notre époque. Il dure depuis plusieurs années et n’a jamais bénéficié de l’attention médiatique qu’il méritait. Cela pourrait faire un bon sujet pour le Pr François Forette, nouvelle employée d’Europe N° 1 où elle parle de la santé, en grand et en direct. Et tout particulièrement de la maladie d’Alzheimer.

Quatre personnages principaux et un ennemi redoutable…. Des sommes considérables prélevées sur l’argent de la collectivité via la sécurité sociale….  Des médicaments inefficaces et parfois dangereux… Des autorités sanitaires qui semblent incapables de réagir… Une situation que rien ne justifie et qui s’éternise… Un climat général qui profite à Big Pharma sans aucune contrepartie de cette dernière … Un terreau malsain qui nourrit les rumeurs vénéneuses… Le silence des « experts » …

Trois nouveaux éléments viennent enrichir le scénario. Les voici :

1 Une tribune publiée dans Le Monde (daté du 21 avril). Elle est signé de Vincent Renard (professeur des universités à la faculté Paris-Est-Créteil et président du Collège national des généralistes enseignants – CNGE), Caroline Huas (maître de conférences associée à la faculté de Tours), Rémy Boussageon (maître de conférences associé à la faculté de Poitiers) et  Denis Pouchain (enseignant de médecine générale à la Faculté de médecine de Tours) – pour les membres du Conseil scientifique du CNGE.

Extrait :

« Il est  indispensable que l’efficacité d’un médicament soit prouvée sur des critères importants pour le patient (critères cliniques précis, symptômes, qualité de vie, morbimortalité, etc.). Selon le site Clinical Evidence, 89 % des traitements disponibles n’ont pas de preuve d’efficacité clairement établie. Or, en l’absence d’efficacité démontrée, le rapport bénéfice/risque d’un médicament est toujours défavorable. (…)

Pour les médicaments symptomatiques de la maladie d’Alzheimer, les études bien menées ont montré une efficacité minime, cliniquement non pertinente, inconstante et transitoire de l’état cognitif des patients, sans intérêt pour leur confort et leur devenir. En outre, ces médicaments ont des effets indésirables parfois graves et exposent à des interactions médicamenteuses fréquentes. Ils ont pourtant été largement promus et prescrits, exposant inutilement les patients à des effets indésirables pour des coûts aussi inutiles que considérables (…) ». 

 2 « La vérité sur vos médicaments », un récent et remarquable ouvrage collectif consacré aux médicaments (1). Il faut ici lire le chapitre « Anti-Alzheimer : Intérêt des médicaments pour les malades ? Pour l’industrie ? Pour les deux ? » signé du Pr Joël Ankri, spécialiste de gériatrie et de santé publique, chef de service du centre de gérontologie (hôpital Sainte-Périne, Paris).  Il rappelle notamment la position de la Haute Autorité de Santé datée du 19 octobre 2011 : « leur efficacité est au mieux modeste et de pertinence clinique discutable. Aucun impact n’a été démontré sur le délai d’entrée en institution, la qualité de vie ou de la morbi-mortalité ».

3 « La Mémoire et la Folie », récent ouvrage du Pr Stanley Prusiner, prix Nobel de médecine pour ses travaux sur le prion pathologique et les démences (2). Extrait :

« Si vous dites quelque chose assez souvent, vous pouvez finir par le croire. Pour un scientifique, le trait les plus important est d’être honnête avec lui-même (… ) Ken n’était pas non plus à l’aise avec le fait que je dise aux gens qu’il n’y a pas de médicament unique pour arrêter ou même ralentir une maladie neurodégénérative. Mais je devais être honnête. Alors que l’Aricept et ses copies génèrent des revenus d’environ trois milliards de dollars par an, de tels médicaments ne retardent pas l’inexorable progression de la maladie d’Alzheimer. »

49,64 euros (hors honoraires de dispensation) 

Voici ce qu’écrivait, en 2011, la Haute Autorité de Santé sur l’Aricept® (nous soulignons):

« En tenant compte des données récentes de la littérature et après avoir consulté plusieurs experts, la commission de la transparence de la HAS a estimé que le service médical rendu par les médicaments du traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer était faible. Elle a aussi considéré que l’on ne pouvait plus attribuer un progrès thérapeutique à ces produits dans la prise en charge de la maladie. »

En 2015 l’Aricept® est toujours commercialisé par le laboratoire Eisai S.A. S. Au prix de 49,64 euros (hors honoraires de dispensation) la plaquette de 28 comprimés. A priori, traitement à vie.

A demain

(1)  « La vérité sur vos médicaments » Odile Jacob. 23, 90 euros.

(2) Prusiner S.  La mémoire et la folie. La découverte des prions. Un nouveau paradigme biologique.Traduction de Pierre Kaldy 2015