A quand les donneurs de sperme français qui laisseraient une «trace de leur paternité» ?

Bonjour

« Le Pr François Olivennes, grand spécialiste de la médecine procréative, a permis la naissance de milliers d’enfants grâce aux progrès de l’assistance médicale à la procréation, nous dit Le Point. Il n’a jamais dissimulé qu’il aidait parfois ses patientes, seules ou en couple homosexuel, à aller se faire inséminer à l’étranger. » Ancien de l’hôpital public passé au privé le Dr Olivennes (centre de FIV Eylau La Muette) a accordé un entretien au Point (Violaine de Montclos). Il y commente le dernier avis du Comité national d’éthique (CCNE) sur l’accès des femmes seules et/ou homosexuelles à l’insémination artificielle médicalisée avec sperme de donneur anonyme.

« Cela fait très longtemps que je plaide pour cette ouverture, rappelle le Dr Olivennes. La plupart de nos voisins européens l’ont déjà autorisée et nous, médecins, sommes constamment sollicités par nos patientes, notamment par les femmes seules, dont la demande est en augmentation exponentielle. Avant, je devais en recevoir une par mois. Aujourd’hui, c’est au bas mot deux patientes par semaine. »

Solitude du passage à l’acte

Qui sont ces femmes ? « Certaines femmes en demande d’insémination vivent dans un clair rejet des hommes, et cela peut poser problème dans la relation à l’enfant, surtout s’il s’agit d’un garçon, précise-t-il. Mais la plupart ne sont pas dans ce schéma : elles ont eu des relations avec des hommes, ont vécu des ruptures, ou vivent avec un homme qui les fait, comme on dit, ‘’mariner’’. Quand elles s’aperçoivent que l’horloge biologique tourne, elles décident de passer à l’acte seules. »

Mais accorder, comme le propose le CCNE, l’accès à des inséminations artificielles avec sperme de donneur anonyme n’est-ce pas prendre le risque de devoir « rendre des comptes, dans trente ans, à des enfants que la société aura sciemment privés de père » ? Le Dr Olivennes a, ici, une solution toute personnelle :

« La France pourrait adopter une position originale sur le sujet en autorisant l’AMP aux femmes seules ou en couple à la seule condition que le donneur soit connu, et même, pourquoi pas, qu’il soit un ami, une relation. Pas un père au sens légal, mais au moins une trace dans l’histoire de l’enfant. »

Un donneur « de circonstance », en somme. Or on sait que précisément, ceci est impossible puisqu’en France la loi impose l’anonymat (et la gratuité) pour les dons de sperme.

Faudrait-il, ici aussi, changer la loi ? Le Dr Olivennes ne le dit pas. Pas plus qu’il ne rappelle les raisons médicales et éthiques qui ont conduit le législateur (en 1994) à reprendre à son compte le système mis au point et développé à partir de 1973 par le par le Pr Georges David à l’hôpital de Bicêtre) – une époque qui voyait des gynécologues-obstétriciens avoir recours, pour des IAD,  à du sperme frais obtenu moyennant rétribution dans des cabinets privés.

Quatre à cinq fois par semaine

L’écrivain Gilles Paris, 58 ans, rapportait ainsi il y a peu qu’après son baccalauréat il avait, dans les années 1980, enchaîné des tas de « petits boulots » : manutentionnaire, testeur de médicaments et donneur de sperme. « A l’époque, on nous appelait les donneurs sauvages. J’ai appris que j’avais fait naître 148 enfants entre 1980 et 1992 », a-t-il confié sur les ondes de Radio France (et à Paris Match ).

« Je l’ai donné à des gynécologues. Les couples qui déposaient un dossier à la banque du sperme attendaient trop longtemps. Les médecins nous répertoriaient dans leurs calepins à la lettre S, comme sperme. (..) J’y allais quatre à cinq fois par semaine. C’était payé 350 francs (53 euros) par don. Les médecins avec qui j’ai sympathisé au fil du temps ont fini par me dire quand ça marchait. »

« Il apprend ainsi qu’il a fait naître 148 enfants… s’extasie Femme Actuelle. Des bébés aujourd’hui âgés de 25 à 37 ans. » Pour ceux qui douteraient peut-être de leur paternité, le magazine féminin offre la photo de Gilles Paris.

A demain

Tiers payant généralisé : Edouard Philippe efface les traces socialistes de Marisol Touraine

Bonjour

On sait que l’avenir politique de l’ancienne ministre de la Santé ne tient plus qu’à un fil législatif. Détricotant sans états d’âme les mailles de l’idéologie socialiste elle tente aujourd’hui de surfer sur les vagues gonflées à l’hélium macronien de la nouvelle « majorité présidentielle ». On sait aussi que Marisol Touraine défend en même temps son bilan ministériel du quinquennat hollande ; et qu’au cœur de ce bilan le trésor demeure, à ses yeux, le « tiers payant généralisé ». Une construction qui fit (et fait) pousser des cris d’orfraies à la quasi-totalité des médecins libéraux normalement constitués.

A l’ombre du donjon de Loches (Indre-et-Loire) l’ex-ministre lit-elle Le Parisien ? Si oui qu’a-t-elle pensé de l’annonce de la destruction de son chef d’œuvre socialiste ? C’est Edouard Philippe, Premier ministre qui est aujourd’hui à la manœuvre : il annonce que le gouvernement va « évaluer » la réforme du tiers payant généralisé. Une évaluation en forme de pré-exécution :

 « Au moment du vote de cette réforme, j’étais dubitatif. À titre personnel, je n’ai jamais été un grand fan de cette mesure qui va dans le sens d’une forme de dématérialisation de ce que représente le coût de la santé. […] On rend moins concret ce que représente le coût d’un système de santé pour tout le monde. Je ne suis pas sûr que ce soit une priorité. »

Abonnement à « Femme Actuelle »

Ainsi donc le Premier ministre, ancien maire LR du Havre, n’est pas fan de la dématérialisation du coût de la santé. Dans le même temps il se dit « attaché à la simplicité du dispositif ». Qui comprend quoi ? Il faut ici revenir aux seuls écrits qui comptent : ceux d’Emmanuel Macron.

Pendant sa longue marche le candidat avait tout dit dans une interview accordée à « Femme actuelle » (édition du 27 mars). Le tiers payant ?  « Je ne le rends pas obligatoire, expliquait l’ex-ministre de l’Économie. Il ne faut pas forcer tout le monde [à pratiquer la dispense d’avance de frais] mais la proposer sur la base du volontariat aux professionnels de santé qui y sont prêts et qui le souhaitent ».

Combien sont-ils ? Emmanuel Macron et Edouard Philippe entendent désormais montrer qu’ils tiennent compte de l’ire d’une majorité des médecins libéraux et en même temps des souhaits d’un certain nombre d’usagers. Or la loi Marisol Touraine de modernisation de notre système de santé a rendu la dispense d’avance de frais obligatoire. Ce devrait même être un droit pour l’ensemble des citoyens français à compter du 30 novembre prochain. Marisol Touraine avait-elle lu Femme Actuelle ?

A demain

Non, Marisol Touraine n’occuperait pas le poste de Premier ministre d’Emmanuel Macron

 

Bonjour

C’était une rumeur comme il en court mille dans le Paris d’aujourd’hui. Marisol Touraine (ou Ségolène Royale) serait déjà préemptée. D’ores et déjà désignée pour, le cas échéant, être nommée au poste de Premier ministre d’Emmanuel Macron président de la République. C’était une rumeur et la rumeur n’est plus: Emmanuel Macron a mis fin à ces spéculations.

Pourquoi non ? Il faut, pour comprendre, lire le prochain numéro de Femme actuelle (à paraître le … 27 mars). Le magazine confie qu’à moins d’un mois et demi de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a reçu plusieurs de ses lectrices. Il s’agissait de répondre à leurs interrogations sur son programme, son projet. Santé, éducation, GPA, fonction publique, parité…Autant de points évoqués avec le candidat. A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes le candidat pour qui « la politique a quelque chose de mystique » a évoqué la question de la parité au sein de son futur gouvernement.

Exclues a priori du gouvernement

S’il est élu président de la République il a émis « le souhait de nommer une femme Premier ministre ». Précision : un choix qui reposera sur la compétence et non sur la simple parité. Mais alors, qui, veut savoir Femme Actuelle ?  Ségolène Royal « qui semble encore hésiter entre Emmanuel Macron et Benoît Hamon » ? Marisol Touraine, dont personne ne sait où elle est mais qui, dit-on, serait courtisée par Benoît Hamon ? Réponse du premier intéressé :

 « Je vais être direct avec vous. Il y a une promesse de renouvellement et d’alternance dans l’offre politique que nous portons. J’ai beaucoup de respect pour ces deux femmes mais elles n’ont pas vocation à avoir des responsabilités dans un gouvernement qui serait le mien parce que il faut faire monter de nouveaux talents, de nouvelles forces politiques.

« Il faut absolument que cette promesse de renouvellement et d’alternance soit concrète. Si je reprenais les mêmes, je trahirais cette promesse initiale. Je n’ai pas dit que ce serait forcément une femme, je le souhaite mais je cherche le meilleur profil pour le pays. On ne rend pas service à la cause féminine en faisant cela. J’ai plusieurs noms en tête, c’est un choix très compliqué. Mais ce ne sont pas les deux noms que vous avez évoqués. »

Où l’on voit que la lecture de Femme Actuelle peut aussi, grâce à Emmanuel Macron, confiner à la tragédie.

A demain

 

Cancer : Arc ou Ligue ? Ligue ou Arc ? A qui allez-vous donner votre argent cet automne ?

Forte épidémie automnale d’incitations médiatiques à la charité. En amont du Téléthon l’heure est au cancer. La Ligue  contre l’Arc. Comme il y a trente ans. Ou presque. 

Pleines pages des journaux papier. Flashes récurrents sur les ondes radiophoniques avec une large palette de vedettes médiatiques. La crise économique n’y fait rien. Bien au contraire. Notamment contre le cancer ; un front  sur lequel on  perçoit ici ou là les premiers glissements et craquements du système national de notre système de sécurité-solidarité sociale (1).

Craquements éthiques

Notre double confrère Jean-Daniel Flaysakier vient, sur son blog docteurjd, de décrire le premier, troublant et éclairant symptôme « Yondelis » du syndrome des craquements économiques et éthiques; voici  le reportage y afférent  http://youtu.be/19cZqOgSa4k.

La Fédération des Centres de lutte contre le cancer vient de lancer une alerte euphémisée : le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2014  « prend peu en compte les principales évolutions de la prise en charge des patients ».

Il y a quelques jours Les Echos faisaient le décompte des Affections Longue Durée (ALD) tandis que Le Quotidien du Médecin rapportait l’analyse des services  l’Assurance Maladie visant à « mieux appréhender l’usage des ressources consacrées au système de santé ». Soit, écoutons-bien,  un travail effectué  non plus par type de soins (médicaux, infirmiers, médicaments, hôpital) mais par grande pathologie et processus (maladies chroniques versus épisodes de soins ponctuels). Soit encore, pour 2011 (hors établissements médico-sociaux et certains fonds et dotations forfaitaires) 146 milliards d’euros.

Maladies et milliards d’euros

A savoir : pathologies cardio-vasculaires : 14,7 milliards (dont maladies coronaires aiguës ou chroniques 4,4 milliards et AVC 3,7 milliards) ; diabète et autres facteurs de risque cardio-vasculaire : 15,7 milliards ; santé mentale : 22,6 milliards (pathologies psychiatriques ayant entraîné des hospitalisations, 14,1 milliards et  troubles entraînant une consommation régulière de médicaments psychotropes, 8,5 milliards). Viennent ensuite les cancers, pour 14,5 milliards. Les cancers du sein et du côlon représentent à eux seuls 19 et 10 % des dépenses liées aux cancers (2,7 et 1,5 milliards). Pour le reste 80 % de ces dépenses sont liées à des cancers en phase active et 20 % à des cancers « plus anciens ».

Et encore : les pathologies neurologiques dégénératives (6,1 milliards), l’asthme et la BPCO (3,8 milliards), l’insuffisance rénale chronique terminale (3,4 milliards), les maladies inflammatoires rares et l’infection par le VIH (4,5 milliards), les maladies du foie et du pancréas (1,3 milliard) et les autres ALD (3,7 milliards). (2)

Recherche de leviers d’action

L’assurance-maladie : « cette nouvelle analyse des coûts par pathologie invite à développer, dans le cadre de la stratégie nationale de santé, des objectifs de prévention, « tout particulièrement pour des pathologies pour lesquelles des leviers d’action existent » (cardio-vasculaire, diabète, asthme, cancer). Elle pose aussi le cadre préalable à « une étude approfondie des processus de soins », en permettant d’identifier « les marges de progrès et d’efficience ». Traduction : sur quoi et comment gratter ?

L’Arc en page 5 du Figaro

D’autres médias traitent aussi, aujourd’hui, des questions d’argent et de cancers. Mais c’est sous l’angle publicitaire (3). Ainsi Le Figaro daté du 24 octobre. Pleine page (la 5, très goûtée des publicitaires).

Page signée de la « Fondation Arc pour la recherche sur le cancer », la lointaine héritière de la trop célèbre ARC fondée par Jacques Crozemarie il y a cinquante ans. Slogan « Guérir 2 cancers sur 3, nous on y croit ». Est-ce dire que d’autres n’y croiraient pas ? Aujourd’hui c’est l’« immunothérapie » et « un vaccin contre le cancer du poumon ». L’Arc « soutient  le Dr Nathalie Chaput et ses équipes de Gustave Roussy » (on ne dit plus Institut mémoire-blog). Elle a « soutenu » à hauteur de 430 000 euros. Plus généralement l’Arc a « investi » 18, 4 millions d’euros dans 385 projets liés à l’immunothérapie et à l’immunologie. Plus généralement encore l’Arc est « dans tous les domaines et sur tous les fronts » de la lutte contre le cancer, de la prévention à la biologie moléculaire.

L’Arc est la 1ère fondation française 100% dédiée à la recherche sur le cancer. Et, on l’imagine, pas un centime d’euro qui ne vienne de la charité publique. C’est elle qui « identifie, sélectionne et met en œuvre les meilleurs projets de recherche ». On en arriverait à ce que demander ce qui se fait ailleurs, à l’Institut national du cancer (Inca) par exemple. Objectif : « guérir 2 cancers sur 3 d’ici 2025 ». Douze ans, douze ans seulement. Imaginons que l’objectif ne soit pas atteint. Dira-t-on que c’est parce que la charité des Français n’était pas au rendez-vous ? Ou que les Français ont préféré donner à la concurrence ?

Concurrences

Il faut aussi compter avec la Fondation pour la recherche médicale qui elle, soutient la recherche « dans tous les domaines dont le cancer mais aussi « maladie d’Alzheimer, maladies cardiovasculaires, maladies infectieuses, maladiés cardiovasculaires, leucémie, diabète, sclérose en plaques, maladie de Parkinson, maladies orphelines … » ;  et ce « avec la volonté de combattre toutes les maladies, toutes les souffrances ».

La Ligne nationale contre le cancer se bat elle aussi dans les médias. Depuis 1918. C’est « la première association de lutte contre la cancer en France ». Pour la Ligue « le plus important c’est la vie ». Environ 13 000 bénévoles, 350 collaborateurs et les « meilleurs chercheurs en cancérologie ».  Aujourd’hui 60% des cancers sont guéris et la Ligue veut aller plus loin encore. Sans objectif daté toutefois, mais en soulignant l’absolue transparence sur tous les contrôles financiers de ses ressources.  Réduction fiscale de 66% sur les dons.

Prise de parole médiatique sans précédent

Depuis le 22 octobre la Ligue se lance dans une « prise de parole médiatique  sans précédent sur la thématique des ‘’dédicaces conter le cancer’’ » (sic). En clair : « Pour mettre en lumière le combat des millions d’anonymes malades du cancer, anciens malades ou proches de malades, de très nombreuses personnalités du cinéma, de la télévision, de la radio, de la musique, du journalisme et des lettres ont apporté gracieusement leurs « dédicaces contre le cancer. Ces dédicaces s’exprimeront à travers plusieurs supports :

« En télévision » : diffusion de programmes-courts entre le 21 octobre et le 1er novembre sur M6. David Abiker, Nathalie Marquay-Pernaut, Stéphane Collaro, Ségolène de Margerie, Eric Abidal, Maryse Wolinski et Lorie ont accepté de parler sans détour de leur cancer ou celui de leur proche. Ces programmes d’une minute sont présentés par l’animateur Jérôme Anthony qui a également tourné un spot d’appel à dons dont la diffusion se fera après les programmes courts. »

« En presse » (resic) : Cette annonce sera diffusée (3) dans les principaux magazines et quotidiens nationaux entre fin octobre et mi-novembre : Télé Z, 20 Minutes, le Parisien-Aujourd’hui en France, le Nouvel Obs, L’Express, le Point, Version Femina, Marie France, Santé Mag, Femme actuelle, Paris Match,…

« Calendrier 2014 » : la Ligue profite de cette médiatisation pour mettre en vente son calendrier 2014 qui rassemble 12 dédicaces photographiques de grandes renommées (re re sic) : Nagui, Delphine Chanéac, Nelson Monfort, Cécile de Ménibus, Marco Prince, Frédérique Bel, Valérie Damidot, Vincent Cerutti, Jérôme Anthony, Valérie Bègue, Michel Cymes et Jean Rochefort ont accepté de poser sous l’objectif du célèbre photographe David Ken. Traditionnellement accompagnés de recettes de cuisines, les 12 personnalités apportent ainsi leurs dédicaces gourmandes contre la maladie avec des desserts du pâtissier Carl Marletti. Vendu au prix de 5€, les bénéfices permettront à la Ligue de financer ses actions. Le pâtissier et les personnalités ont, bien entendu, joué le jeu gracieusement. »

Nous entendons bien. Mais pourquoi ce « bien entendu » ?

(1) Sur ce sujet, un livre de chevet tonique et vivifiant : Tabuteau D. Démocratie sanitaire. Les nouveaux défis de la politique de santé. Editions Odile Jacob. Paris. 2013. (Préface éclairante de Jean-Jacques Dupeyroux )

(2) Dans le dernier numéro (octobre) du mensuel Médecine/Sciences le généticien Bertrand Jordan évalue à 200 000 euros le coût annuel des facteurs de coagulation nécessaires au traitement d’une personne hémophile. Et à plus d’un million d’euros le coût annuel du traitement par « Glybera » (société UniQure) d’une personne  souffrant de déficience en lipoprotéine lipase.  Jusqu’où et jusqu’à quand la solidarité nationale pourra-t-elle jouer ?

(3) Rien n’indique si ces publicités à visée caritative sont offertes par le « support » ou si elles sont payées par les associations reconnues d’utilité publique qui les signent. Si oui sont-elles ou non payées au prix fort ? Pourquoi les associations ne font-elles pas ici oeuvre de transparence ?

Des « Etats Généraux de la PMA » : très bien, mais pour faire quoi ?

Le nouveau président du Comité national d’éthique vient d’annoncer l’organisation d’une vaste consultation sur tous les aspects de la procréation médicalement assistée. L’initiative n’a rien de condamnable. A quoi servira-t-elle? Depuis trente ans le CCNE est opposé à la GPA. Reviendra-t-il sur ses avis antérieurs ? De quelle manière ? Et quid de la promesse d’un prochain projet de loi visant à permettre de procréer aux couples composés de deux membres d’un même sexe ?   

Dans un courrier rendu public mercredi 20 mars, Jean-Claude Ameisen, nouveau président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) annonce la programmation d’Etats Généraux sur la procréation médicalement assistée (PMA). Plus précisément il annonce que « le comité consultatif entend organiser des Etats Généraux sur l’ensemble de la problématique de l’assistance médicale à la procréation (AMP), qu’il s’agisse des nouvelles demandes sociétales (femmes célibataires, couples de femmes, couples d’hommes, autoconservation des ovocytes) allant au-delà des raisons médicales prévues aujourd’hui par la loi ou de la question de l’anonymat des donneurs de gamètes ou celle de la prise en charge par la solidarité nationale de l’élargissement éventuel des indications de cette même AMP ».

C’est la une confirmation de cette volonté. Fin janvier déjà, le CCNE « s‘était autosaisi  d’une réflexion globale sur  les indications sociétale de l’AMP » son président  avait alors précisé que ces questions « mériteraient des Etats-Généraux».  Jean-Claude Ameisen avait alors déclaré : « Il est bon que le comité ait un rôle d’animation de la réflexion et qu’il ne se substitue pas à la réflexion de la société ».  Le président du CCNE considérait que la question centrale n’est pas uniquement celle de l’accès à la PMA pour les couples de femmes, mais plus largement celle de savoir si « la médecine doit répondre aussi à des désirs personnels, à des demandes sociétales quand elles ne sont pas dues à une maladie ».

Il ajoutait : « C’est une question très générale sur le rôle que la société entend voir jouer par la médecine. »  D’où cette volonté de traiter aussi des questions relatives à  l’anonymat du don de gamète, à la possibilité pour les femmes de conserver leurs ovocytes en vue d’une grossesse plus tardive. Sans oublier la gestation pour autrui (GPA). Rien n’est dit des modalités pratiques d’organisation de ces Etats-Généraux.

Non en 1984 et non en 2005

Les conclusions des travaux à venir offriront notamment le plaisir, trop rare,  de permettre une analyse « d’éthique comparée ». En 2005, le CCNE avait évoqué la question l’accès à la PMA pour les couples de femmes, dans son avis n°90 relatif à « l’accès aux origines, l’anonymat et le secret de la filiation ». On pouvait y lire à propos de la « maternité de substitution » :

« Cette pratique a été interdite à diverses reprises par la loi française. Le CCNE s’est prononcé défavorablement sur celle-ci dans son avis n° 3 du 23 octobre 1984, dès lors qu’elle pouvait servir des intérêts mercantiles et susciter l’exploitation matérielle et psychologique des femmes. Les quelques naissances par ce moyen, malgré l’interdiction posée continuent de susciter un malaise qui va bien au-delà de l’anonymat ou du secret. Mais cette interdiction par la loi de tels modes de procréation, n’empêche pas la poursuite de la réflexion éthique dans ce domaine. Il n’appartient pas au CCNE de prendre position sur la légitimité ou illégitimité de cette pratique, mais simplement de rendre compte en l’espèce d’une situation qui existe même de façon marginale et de son incidence sur la problématique du secret et/ou de l’anonymat lié à la procréation et des conséquences qui peuvent en résulter en matière d’information à donner aux enfants. »

Le CCNE avançait aussi, en 2005, le risque d’un « droit à l’enfant »:

« L’ouverture de la PMA  à l’homoparentalité ou aux personnes seules ouvrirait de fait ce recours à toute personne qui en exprimerait le désir et constituerait peut-être alors un excès de l’intérêt individuel sur l’intérêt collectif. La médecine serait simplement convoquée pour satisfaire un droit individuel à l’enfant ».

Non en 2010

Par la suite, en 2010, dans son avis n° 110, le comité estimait nécessaire de maintenir l’interdiction du recours à la gestation pour autrui à cause du « risque d’instrumentalisation des personnes » et de la « remise en cause du principe du respect de la dignité humaine ». Et pour la majorité de ses membres, « une loi encadrant la pratique de la GPA n’empêcherait pas les risques qu’elle vise à prévenir ».
Le CCNE mettait également en garde « contre l’argument de l’égalité dans la procréation », et précisait : « il faut se garder d’accréditer l’idée que toute injustice, y compris physiologique, met en cause l’égalité devant la loi. Même si la détresse des femmes stériles suscite un sentiment d’émotion ou de révolte, elle ne saurait imposer à la société d’organiser l’égalisation par la correction de conditions compromises par la nature ». Pour le comité, « une telle conception conduirait à sommer la collectivité d’intervenir sans limites pour restaurer la justice au nom de l’égalité et correspond à l’affirmation d’un droit à l’enfant – alors que le désir ou le besoin de l’enfant ne peut conduire à la reconnaissance d’un tel droit ». 

Oui en 2013 ?

En 2013 le CCNE présidé par Jean-Claude Ameisen reviendra-t-il sur ces analyses et ces conclusions ? Si oui à partir de quels arguments, de quels raisonnements ? Comment ces conclusions entreront-elles en articulation avec la volonté d’une fraction de la majorité d’autoriser via la loi les couples de femmes à procréer via la PMA et ceux d’hommes via la GPA ? Où l’on retrouve la problématique et les impasses évoquées au début du mois de février et exposées sur ce blog. Et où se pose, immanquablement, la question de l’opportunité de l’auto-saisine du CCNE. Est-ce dans le but de conforter la majorité socialiste opposée à ces ouvertures sociétale ? Est-ce au contraire pour apporter des arguments au camp de gauche qui y est favorable ? Faut-il au contraire imaginer que la réflexion du CCNE est totalement dégagée de toute forme de considérations politiques voire politiciennes ? Sans doute faudrait-il alors pas mal d’imagination 1.

Elisabeth Badinter s’exprime dans Elle

Au chapitre de la GPA on peut retenir  qu’un tout récent sondage Ifop pour Femme Actuelle indique qu’un Français sur deux (51%) se dit favorable à l’autorisation du recours à une mère porteuse en France, mais essentiellement pour les couples hétérosexuels (97%). Il établit d’autre part que les Français sont aujourd’hui moins nombreux à être en faveur de la gestation pour autrui (GPA) qu’en 2008 (61%). Par ailleurs un Français sur deux (51%) estimerait que « les couples de femmes homosexuelles devraient pouvoir profiter des techniques de procréation médicalement assistée ». Enfin une nette majorité se dégage contre la levée de l’anonymat des dons de sperme et d’ovocyte.

Dans ce contexte il n’est pas inintéressant d’ouvrir l’avant dernière livraison du magazine Elle et de prendre connaissance  de l’entretien accordée par Elisabeth Badinter, jusqu’ici farouche militante en faveur de la légalisation de la pratique de la GPA. On peut aussi lire ici cet entretien recueilli par  Isabelle Duriez et Valérie Toranian et publié dans l’édition du 12 mars 2013. On verra que Mme Badinter hésite sur bien des points, relativise quelque peu la portée de ses propos antérieurs. Et pour l’essentiel renvoie le débat à plus tard. Beaucoup plus tard.

1 Sur ce thème on lira avec profit quelques passages du tout récent ouvrage  « La bioéthique, pour quoi faire ». Paris: Presses Universitaires de France, 2013. Il s’agit là d’un ouvrage collectif auquel ont contribué quarante-six membres actuels ou anciens du CCNE. Axel Kahn ne figure pas parmi eux.

Jean-Claude Ameisen y écrit:   » (…) Ma liberté a besoin de la tienne pour se construire et ta liberté a besoin de la mienne pour se construire (…) Elles se construisent ensemble. Dans un respect réciproque, avec la collectivité comme garant, elles permettent d’inventer un monde ouvert sur les autres, dans lequel la singularité de chacun, dans sa dimension même de vulnérabilité, est considérée comme une source de richesse, et non comme un motif de discrimination, d’abandon ou d’exclusion. »