Bonjour
Le mal hospitalier commence désormais à s’exprimer dans les médias au-delà de la forteresse de l’AP-HP. On quitte le suicide du Pr Jean-Louis Mégnien et le « cabinet noir » de l’Hôpital Européen Georges Pompidou pour le CHRU de Besançon et sa « crise explosive ». L’affaire vient d’être longuement et remarquablement exposée dans L’Est Républicain (Yves Andrikian). Le Pr Sydney Chocron a décidé de « porter sa parole dans l’espace public ». Chef du service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire depuis neuf ans au CHRU de Besançon, il pèse gravement ses mots :
« Le bien-être des malades est ma priorité absolue mais, vu l’état actuel des tensions au niveau du bloc opératoire, je ne peux plus garantir la qualité des soins des patients opérés du cœur au CHRU. C’est très grave, ces tensions sont le terreau d’une hausse de la mortalité.
Exacerbation des tensions
« Je suis dans ce service depuis vingt-six ans, je suis là pour que ce service tourne bien, que la prise en charge soit bonne. Quand j’en ai pris la direction voilà neuf ans, on faisait 550 interventions à cœur ouvert par an, on en fait désormais 750 et à effectif quasi constant. Le travail est lourd au niveau du bloc opératoire, des tensions se font jour et s’exacerbent entre membres du personnel. Quand le personnel soignant dépasse l’horaire de minuit, il ne revient pas le lendemain, ce qui est normal. Souvent, par manque de personnel, on annule une ou deux interventions. Il faut imaginer l’anxiété d’un malade devant être opéré du cœur. Il y a un déficit chronique de personnel soignant, infirmières, aides-soignants.
« Je fais quatre à six programmes opératoires par semaine car il peut y avoir six ou sept urgences. Je déprogramme des patients pour des urgences liées à des infarctus ou des patients en phase pré-infarctus ou en arrêt cardiaque respiratoire. »
Monter les gens les uns contre les autres
A ce stade de l’abcès il faut agir. Un syndicat de l’établissement a ainsi alerté Chantal Carroger, la directrice générale [voir ici ses éléments de carrière]. Le Pr Sydney Chocron précise :
« Elle a réuni le personnel soignant du service sans les médecins, il y avait une trentaine de personnes, le service en compte 90. La réunion n’était pas contradictoire, elle a pris des mesures contre les médecins, qui sont meurtris. Elle est parvenue à monter des gens les uns contre les autres, d’où la situation explosive au bloc qui me fait peur. Ce qui se passe n’est la faute ni des médecins ni des infirmières mais est dû à de mauvaises conditions de travail structurelles. Le service compte des infirmières, des aides-soignantes et ASH extraordinaires (…) « Je sais que je suis exigeant, je le suis de la même manière que je le suis envers moi-même. »
Après L’Est Républicain, c’st France Bleu (Clément Lacaton) qui a pris le relais. Sous un autre angle : « CHU de Besançon : « un risque de hausse de mortalité » à cause de tensions au bloc opératoire ».Puis France Info : « CHU de Besançon : un médecin dénonce la dangerosité d’un climat délétère ».
Certainement pas une exception
La direction du CHU de Besançon, sollicitée à plusieurs reprises par France Bleu Besançon, n’a pas souhaité répondre au micro, mais fait simplement le constat, dans un communiqué, de « comportements individuels inappropriés » et promet l’organisation de groupes de travail. Selon un responsable syndical, le manque de moyens et les économies génèrent des problèmes similaires dans d’autres services : dermatologie, radiologie… et pèsent aussi sur les rapports humains.
A entendre, ici, où là en France, les doléances (jusqu’ici privées) de médecins hospitaliers on peut redouter que le cas du CHRU de Besançon ne soit pas une exception.
A demain