A Camopi : Dr Cahuzac, ancien interne des hôpitaux de Paris. (7 h 30 -13 h 30 – après 16 h)

Bonjour

Une plaque de cuivre dans la jungle et les déserts médicaux. Les journalistes-paparazzi cinglent déjà vers Camopi (intérieur de la Guyane). Oblectif : Jérôme Cahuzac dont France-Guyane vient de révéler le dernier point de chute. « Un bâtiment en bois sur pilotis dans une zone inondable, au bord du fleuve Oyapock, face au Brésil. Depuis le mardi 3 juillet, le docteur Jérôme Cahuzac est médecin dans ce centre de santé, à Camopi, une commune isolée dans l’intérieur de la Guyane, sans ligne aérienne avec le littoral, raconte Laurent Marot dans Le Monde. La veille, à partir de Saint-Georges de l’Oyapock, limite du réseau routier dans l’est guyanais, l’ancien ministre a voyagé quatre heures sur une pirogue pour rallier son lieu de travail. »

Et déjà, localement, on s’inquière.  « Monsieur Cahuzac m’a dit qu’il ne voulait pas voir de journalistes, qu’il veut rester tranquille »explique Joseph Chanel, le maire de Camopi, venu rencontrer le nouveau docteur dans son bureau. Les consultations de l’ancien très brillant interne des hôpitaux de Paris, jadis tenté par la chirurgie, lourde ont lieu de 7 h 30 à 13 h 30, et reprennent l’après-midi à 16 heures. Un mois de contrat à environ 5 000 euros, selon les informations du Monde.

Huis clos

« On a l’impression de voir un personnage important qui vient se cacher dans la forêt, ironise Siméon Monerville, médiateur scientifique dans les écoles. S’il s’adapte bien à l’environnement, j’espère que les Amérindiens vont l’accepter d’une manière correcte. ».  « Je n’ai pas à le juger, la justice a fait son travail, explique René Monerville, ex-maire de Camopi. S’il est là, c’est parce qu’il y a un manque de personnel médical. »

A partir du vendredi 6 juillet, le Dr Cahuzac sera le seul médecin dans la commune : le deuxième repart vers la , métropole. « Il nous sauve la mise pour Camopi, se réjouit Paul Brousse, responsable des centres délocalisés de prévention et de soins à l’hôpital de Cayenne. Il sera seul pour tout le secteur, y compris Trois-Sauts. » « Dans ce village de 500 habitants, à une journée de pirogue du bourg de Camopi, il n’y a plus de médecin depuis un mois, souligne le correspondant du Monde. L’hôpital de Cayenne peine à trouver des candidats dans ces zones isolées : en 2017, 88 contrats ont été signés pour combler 17 postes de médecins dans l’intérieur.

Les paparazzi travailleront aisément. Dans le bourg de Camopi, le Dr Cahuzac est hébergé dans un logement de fonction : une maisonnette en bois avec un petit balcon, les volets clos. « C’est pourquoi ? », interroge l’ancien ministre ayant fait fortune dans la chirurgie esthétique, quand on sollicite son témoignage à travers la porte.

Puis l’homme jadis prolixe reste, dit Le Monde, « muré dans son silence ». Il ne saura que dans quelques mois si son passé le condamne à être enfermé dans une prison. Ce sera lors d’une audience, elle aussi à huis clos.

A demain

Les nouvelles aventures de Jérôme Cahuzac, médecin généraliste à l’ombre de Cayenne 

Bonjour

Il y a toujours eu de l’épique chez Jérôme Cahuzac,  héros post-balzacien. Nous avions tôt croisé l’homme qui, dans les antichambres du pouvoir, vivait aux antipodes de la réduction des risques quand cette dernière émergeait. Rastignac, énergie hors du commun. Un atypique, alors, dans les champs ouatés de la politique et de l’industrie pharmaceutique. A dire vrai il pouvait, alors, faire peur. Trop vite, trop haut, trop loin.

Puis on vit ce plongeur-escaladeur prendre, avenue de Breteuil, d’autres ascenseurs autrement huilés, s’envoler vers les plus hautes cimes de l’exécutif de notre République. Sous les ors, ils lévitait. On connaît la suite. L’aveu, la justice, le tragique. Et demain ? Peut-être, la rédaction du roman de sa vie. Un roman vrai construit sur une forfaiture du tonnerre – un mensonge historique prononcé, les yeux dans les yeux, dans un temple de la République française.

On le retrouva, ici ou là, sur des photos volées dans la solitude des montagnes corses. Puis aujourd’hui, voici le Dr Cahuzac dans la moiteur de Guyane, à l’ombre réclamée de l’hôpital de Cayenne. Aucune erreur : Jérôme Cahuzac, ministre de l’Economie et des finances au temps de François Hollande, reconnu coupable de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale vient d’être recruté comme médecin contractuel à orientation généraliste (pour une durée d’un mois) au sein du CH de Guyane, centre hospitalier Andrée-Rosemon.

Plus précisément sa mission, à compter de ce lundi 2 juillet, s’effectuera à Camopi, une petite commune souffrante au bord de l’Oyapock à proximité de la frontière brésilienne. C’est le quotidien local France Guyane qui a révélé l’information. Dans une interview à « Guyane la 1ère, » Agnès Drouhin, directrice du Centre Hospitalier Andrée Rosemon, explique que c’est Jérôme Cahuzac qui a proposé sa candidature.

Avenue des flamboyants

Camopi ? Un village isolé de 1.700 habitants, accessible uniquement en pirogue ou par avion au départ de Cayenne. Camopi et son CDPS : Centre Délocalisé de Prévention et de Soins. « M. Cahuzac s’est rendu à bord d’une pirogue dans ce village isolé de 1 700 habitants au sud-est de la Guyane, entre fleuve et forêt à la frontière du Brésil. ‘’Il avait déjà repris son activité médicale, a déclaré à l’Agence France-Presse le service de communication de l’hôpital, ajoutant qu’’’il est inscrit à l’Ordre des médecins ».

On se souvient qu’à l’encontre de cet ancien médecin le tribunal correctionnel avait prononcé une peine de trois ans ferme, en première instance, en décembre 2016. Il s’agissait, selon les termes du jugement, de sanctionner une « faute pénale d’une rare et exceptionnelle gravité, destructrice du lien social et de la confiance des citoyens dans les institutions de l’Etat et de ses représentants ». L’ancien ministre a fait appel dans l’espoir de bénéficier d’un aménagement de peine qui lui permettrait de ne pas passer par la case prison.

Puis, le 15 mai dernier, la cour d’appel de Paris condamnait Jérôme Cahuzac à quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis. Une aggravation symboliquement de la peine mais aussi la perspective de ne pas aller en prison : le code de procédure pénale permet à toute personne condamnée à deux ans ou moins d’emprisonnement ferme de bénéficier d’un aménagement de peine. Mais, coup de pied de l’âne judiciaire : les juges d’appel ont refusé à l’ancien ministre un aménagement ab initio – dès le prononcé de la peine –, renvoyant la responsabilité de la décision à l’un de leur collègue en charge de l’application des peines. Celui-ci se prononcera dans quelques mois lors d’une audience à huis clos.

Dans l’attente, faute de pouvoir aller à Canossa, le pénitent, ancien chirurgien brillant, est allé s’enfermer à Camopi. A 66 ans, formidablement résilient, avenue des flamboyants.

A demain