Confronté à l’incendie de Rouen, le gouvernement s’est comme condamné à ne pas dire la vérité

Bonjour

L’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen (26 septembre) constitue d’ores et déjà un cas d’école : il cristallise une réalité jusqu’ici comme diluée. Sous couvert d’une demande collective montante de « transparence » il met en lumière l’impuissance croissante du pouvoir exécutif engagée dans une course accélérée comme perdue d’avance.

Cinq ministres, dont le Premier, se sont déplacés à Rouen pour dire qu’il n’y avait aucun danger pour la santé et, dans le même temps, que toute la transparence sanitaire serait faite, que tous les chiffres scientifiques seraient, plus tard, publiés en direct. Aucun danger mais des cortèges de suies et une odeur insupportable. Aucun danger mais une série de mesures contradictoire prises au nom du « principe de précaution » plus ou moins mal compris 1. Aucun danger quant à l’eau du robinet, mais interdiction absolue de consommer les végétaux et les animaux. Au grand dam de ceux qui se nourrissaient « local ».

Tout cela sur fond de réseaux sociaux alimentant psychose collective et complotisme rampant. « On veut la vérité, on ne veut pas crever ! ». Où l’on observe, en direct, la faillite de ce qui avait été, avec succès, mis en place à la fin du siècle dernier avec l’affaire de la « vache folle » : la séparation de l’évaluation scientifique du risque et la gestion politique de ce dernier. A Rouen, à cause de l’accélération du temps, cette séparation est devenue impossible et la situation inextricable pour celles et ceux qui gouvernent.

Angoisse collective

Quoiqu’ils fassent les médias sécrètent une angoisse collective que les réseaux sociaux amplifient à l’envi. Chaque prise de parole du préfet déstabilise le pouvoir exécutif de même que chaque propos ministériel. A peine Agnès Buzyn a-t-elle dit qu’il faudra « laver les suies » qu’elle est accusée de ne pas avoir précisé qu’il fallait mettre des gants. Et que penser, raisonnablement, quand la ministre des Solidarités et de la Santé dit en direct sur franceinfo et sur le site  qu’il n’y a pas de danger mais qu’elle comprend que les habitant.e.s de Rouen portent des masques de papier ?

Comment comprendre un gouvernement qui dit être persuadé qu’il n’y a pas de risque pour la santé avant d’ajouter qu’il ne parle, à ce stade, que de risque avéré ? De ce point de vue l’incendie de Rouen entre en résonance avec l’incendie de Notre-Dame de Paris (16 avril) qui a progressivement déclenché une polémique sanitaire sur les risques liés au plomb. Un double cas d’école, en somme, qui voit des édifices religieux ou industriels brûler et un pouvoir exécutif comme condamné à ne pas pouvoir dire la vraie vérité.

A demain @jynau

1 « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement. »

« Migration sanitaire » et prothèses mammaires: le nouveau chantier de Christophe Castaner

Bonjour

Bruno Retaillau, 58 ans, ancien proche de Philippe de Villiers, est aujourd’hui le chef des sénateurs Les Républicains. Il est interrogé ce matin par France Inter sur les dernières déclarations droitières d’Emmanuel Macron concernant l’immigration et le droit d’asile 1. M. Retaillau plaide ouvertement pour une réduction du panier des soins délivrés aux immigrés dans le cadre de l’Aide Médicale d’Etat (AME) – un peu moins d’un milliard d’euros par an. Rappelons que cette dernière « est destinée à permettre l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière au regard de la réglementation française sur le séjour en France ». Elle est attribuée « sous conditions de résidence et de ressources » . Hors de question, dit en substance M. Retaillau concernant les immigrés concernés, de les laisser mourir de maladies infectieuses. Mais réduire d’urgence le panier des soins – comme son groupe le réclame depuis des années.

Aurélien Taché, 35 ans, ancien socialiste, est député macroniste (Val d’Oise). Hier, quelques heures avant la rencontre entre Emmanuel Macron et les parlementaires de son camp sur la question de l’immigration il était, le 16 septembre, l’invité de franceinfo. Où l’on traitait, déjà, de l’avenir de l’AME. Extraits :

« Des voix dans votre camp demandent qu’on durcisse l’accès à l’aide médicale d’État qui permet aux sans-papier d’être soignés. Y êtes-vous favorable ?

« Je crois que ce sujet de l’aide médicale d’État, il faut d’abord là aussi regarder un petit peu précisément de quoi il s’agit. Aujourd’hui, on a plus de 80% des gens qui y auraient droit qui n’y ont pas accès. Il faut objectiver les choses. S’il y a des dérives, s’il y a de la fraude, contrôlons les fraudes parce que c’est très important de pouvoir être intraitable sur ces fraudes pour pouvoir préserver l’aide médicale d’État. C’est un des fondements de notre pacte social. En France, oui, quand quelqu’un a besoin de se faire soigner, quand quelqu’un risque pour sa vie parce qu’il a besoin de soins, on ne lui demande pas s’il a ou non ses papiers. [En revanche, dans notre parti] personne ne veut supprimer l’AME.

« Le Premier ministre est venu mardi matin devant les parlementaires, a dit que c’était vraiment dingue qu’on puisse penser une seconde que ce gouvernement veuille supprimer l’AME. C’est justement parce qu’on y est très attachés qu’on veut pouvoir regarder si aujourd’hui il faut la réformer ou non et s’il y a des abus ou non. Mais, moi je le redis, l’AME est quelque chose d’extrêmement utile, on a tous encore en tête ce drame terrible qui s’est passé à Grenoble l’autre jour où on avait quelqu’un qui était en situation de détresse psychique, qui était psychiatriquement atteint avec ce crime qui a été commis, ce jeune homme qui a perdu la vie face à un migrant qui était en situation de déséquilibre psychiatrique, donc je ne crois pas que ce soit en réduisant les soins par exemple psychiatriques qu’on pourrait répondre à ce type de situation. Au contraire, on voit bien que les gens qui arrivent, il faut immédiatement regarder où ils en sont et s’il y a des difficultés ou non.

Le patron de LREM Stanislas Guérini déclarait il y a quelques jours que certaines femmes en profitaient pour se faire poser des prothèses mammaires. En avez-vous la preuve ? Avez-vous des chiffres ?

« Je crois que la première chose à faire, c’est bien de vérifier s’il y a des chiffres ou non. Pour l’instant, je n’ai pas connaissance de ces chiffres et peut-être qu’il peut y avoir ce type d’abus. Mais attention à la manière dont on présente les choses, parce que s’il y a un, deux, dix cas comme ça, sur plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont vraiment besoin de l’aide médicale d’État, n’instillons pas dans l’esprit des Français que ce serait avant tout des abus auxquels donnerait lieu l’AME parce qu’on pourrait avoir un sentiment et un résultat inverses à ceux recherchés. »

Reste que le gouvernement n’exclut plus de « réformer » le dispositif, assurent les Echos (Cécile Cornudet) estimant qu’« il y a trop d’opérations non urgentes que demandent des soi-disant demandeurs d’asile». « Les ministres, Christophe Castaner en tête, travaillent aux moyens de réduire une certaine‘’attractivité du territoire’’, et notamment le ‘’phénomène de migration sanitaire » en provenance de pays comme la Géorgie. Sans toucher à l’enveloppe globale et aux conditions d’accès, l’idée serait de redéfinir le panier de soins auquel ouvre l’AME. ‘’Il y a trop d’opérations non urgentes que demandent des soi-disant demandeurs d’asile’’, assure le gouvernement – ciblant notamment les prothèses mammaires. » Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, travaille-t-elle, ici, aux côtés de Christophe Castaner ?

A demain @jynau

1 Le 16 septembre 2019 Emmanuel Macron a affirmé à sa majorité qu’il fallait regarder le sujet de l’immigration «en face» et ne pas être «un parti bourgeois» car ce sont les classes populaires «qui vivent avec» et ont migré vers l’extrême droite. «C’est un sujet en soi qu’il faut prendre avec maturité et calme. La France a toujours été une terre d’immigration», a affirmé, selon des participants, le président devant quelque deux cents parlementaires et membres de sa majorité, quinze jours avant le débat parlementaire sur l’immigration prévu les 30 septembre et 2 octobre. Nous n’avons pas le droit de ne pas regarder ce sujet en face. La question est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n’ont pas de problème avec cela: ils ne la croisent pas. Les classes populaires vivent avec. On est comme les trois petits singes: on ne veut pas regarder. Vous n’avez qu’un opposant sur le terrain: c’est le Front national (devenu Rassemblement national). Il faut confirmer cette opposition car ce sont les Français qui l’ont choisie. Il y a deux projets : celui du repli, tout faire peur ou bâtir une solution ouverte mais pas naïve».

Du rififi dans la GPA : La Croix dément totalement la révélation matinale de France Info

Bonjour

A l’office de matines France Info (Solenne Le Hen) livrait sa proi: le gouvernement français allait pleinement reconnaître la filiation des enfants nés d’une « grossesse pour autrui » (GPA) mise en œuvre à l’étranger. La mesure entrerait en vigueur dans les prochaines semaines – et ce par le biais d’une simple circulaire.  Les enfants nés à l’étranger au terme d’une grossesse « portée » par une femme deviendraient ainsi les enfants du couple qui a rémunéré cette femme à cette fin (« parents d’intention »). C’est peu dire que cette exclusivité radiophonique fut entendue.

A l’Angélus, coup de théâtre : La Croix nous révèle que la Chancellerie lui a démenti  préparer une circulaire ayant pour but de retranscrire automatiquement la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger.

Le ministère de la justice prépare-t-il une circulaire ordonnant la retranscription automatique à l’état civil des enfants nés par GPA à l’étranger ? Interrogée par La Croix, la Chancellerie répond clairement, mardi 10 septembre, par la négative, démentant ainsi des informations de France Info publiées quelques heures plus tôt.

Au moment des vêpres

Et si une circulaire est bien « en cours de préparation », c’est pour « rappeler l’état du droit existant », affirme le porte-parole du ministère de la justice. « La jurisprudence actuelle de la Cour de cassation permet la transcription de l’acte de naissance à l’égard du père et l’adoption de l’enfant par le conjoint ou la conjointe du père. Il ne s’agit donc pas d’une reconnaissance automatique, souligne la même source. Le maintien de la prohibition de la GPA reste une ligne rouge infranchissable pour le gouvernement. »  

Interrogée par des députés sur une éventuelle légalisation du recours aux mères porteuses à l’occasion de la révision des lois de bioéthique, la ministre de la santé Agnès Buzyn a, lundi 9 septembre, affirmé qu’il n’en était pas question. « La GPA est clairement contraire à nos principes éthiques. Il n’y a pas lieu d’en discuter », a-t-elle insisté. « Malgré les affirmations des ministres, ajoute toutefois  La Croix, la question devrait immanquablement revenir sur le devant de la scène par amendement lors de l’examen du texte qui doit débuter ce mardi 10 septembre à la commission spéciale de l’Assemblée nationale. »

On rappelera  qu’il y a quelques jours Marlène Schiappa, déclarait sur RTL que le gouvernement avait « toujours été extrêmement clair sur le fait que l’on est opposé à la GPA ». Et puis elle ajoutait : « Il n’est pas du tout question d’ouvrir ou de débattre de la GPA pendant ce quinquennat ».  Que dira, au moment des vêpres, la secrétaire d’Etat Schiappa ?

A demain @jynau

Michael Schumacher serait soigné à l’AP-HP : le traitement secret et le Pr Philippe Menasché.

Bonjour

Comment voyager sans danger aux frontières du secret médical ? C’est une exclusivité du Parisien/Aujourd’hui en France (Jean-Michel Décugis et Ronan Folgoas, avec Vincent Gautronneau) :« Michael Schumacher soigné à Paris pour un traitement secret. Le septuple champion du monde de Formule 1, grièvement blessé en décembre 2013, a été pris en charge ce lundi après-midi à l’Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris. Il y suit un traitement dans le plus grand secret. » Extrait :

« Il est 15h40 ce lundi 9 septembre lorsqu’un brancard arrive au premier étage de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris XVème). Plus précisément au sein de l’unité de surveillance continue du service de chirurgie cardiovasculaire. Le brancard du patient est enserré dans une housse bleu marine qui masque totalement son corps et son visage. Un important dispositif de sécurité composé d’une dizaine de personnes accompagne la progression du brancard. Certaines d’entre elles portent des oreillettes. Les vigiles de l’établissement, mobilisés sur cette opération spéciale, s’assurent que les curieux passent leur chemin.En-tête du cortège, le professeur Philippe Menasché ouvre la voie et conduit son célèbre patient à destination. Michael Schumacher, le septuple champion du monde de Formule 1, âgé aujourd’hui de 50 ans, vient d’arriver quelques minutes plus tôt à bord d’un camion ambulance jaune et bleu, immatriculé à Genève en Suisse. »

On se souvient de l’accident du célèbre champion et, depuis, des innombrables interrogations. « Le Parisien-Aujourd’hui en France est en mesure de révéler que Michael Schumacher est hospitalisé depuis ce lundi après-midi dans le service de chirurgie cardio-vasculaire de l’hôpital. L’ex-pilote allemand aux 91 victoires et 68 pole positions est entre les mains du professeur Philippe Menasché, un éminent chirurgien cardiaque âgé de 69 ans, pionnier de la thérapie cellulaire pour soigner l’insuffisance cardiaque. Il siège également au conseil d’administration de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, sur le site de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Elogieux portrait du praticien

Et le quotidien de brosser un élogieux portrait élogieux portrait du praticien parisien bien connu pour l’intérêt qu’il porte depuis longtemps aux possibles vertus thérapeutiques des cellules cardiaques d’origine embryonnaires.

 « Michael Schumacher est-il hospitalisé à l’Hôpital européen Georges-Pompidou pour profiter de ces recherches ? Ou pour un autre traitement ? Selon nos informations, l’ex champion bénéficie de perfusions de cellules-souches qui sont diffusées dans l’organisme afin d’obtenir une action anti-inflammatoire systémique, c’est-à-dire dans tout l’organisme. Le traitement devrait démarrer ce mardi matin, le patient devant quitter l’hôpital en principe mercredi. Contactés, le professeur Menasché et la direction de l’hôpital se retranchent derrière le secret médical, sans confirmer, ni infirmer nos informations. »

Interrogé sur le même sujet par France Info Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP a formulé la même réponse. Toujours selon Le Parisien- Aujourd’hui en France et « de sources concordantes », Michael Schumacher aurait effectué au moins deux passages à l’Hôpital européen Georges-Pompidou, au printemps dernier. Lors de son premier séjour à Paris, il aurait fait l’objet d’examens médicaux pratiqués à la Pitié-Salpêtrière. Fin juillet dernier il  devait revenir pour une nouvelle séance à l’Hôpital européen Georges-Pompidou. Mais un problème de santé imprévu l’en aurait empêché. « Le traitement a été repoussé à ce début de semaine, date du retour de vacances du professeur Menasché ».

A demain @jynau

Incohérence sur la GPA : contre le Conseil d’Etat, le gouvernement ouvre la voie à sa légalisation

Bonjour

Interdire mais, tacitement, autoriser. On peut voir là une incohérence majeure, éthique et politique. Elle est révélée ce 10 septembre 2019 sur les ondes de France Info. Le gouvernement français va pleinement reconnaître la filiation des enfants nés d’une « grossesse pour autrui » (GPA) mise en œuvre à l’étranger. La mesure entrera en vigueur dans les prochaines semaines par le biais d’une simple circulaire.  Les enfants nés à l’étranger au terme d’une grossesse « portée » par une femme deviendront ainsi les enfants du couple qui a rémunéré cette femme à cette fin (« parents d’intention »).

Aujourd’hui, seul l’homme qui a donné son sperme pour une insémination artificielle de la porteuse peut être reconnu comme étant le père. La femme qui n’a pas porté l’enfant n’est pas considérée comme la mère. Pour autant cette femme peut adopter l’enfant. Il en est de même pour l’un des deux hommes dans un couple homosexuel. Après des années de refus la France va donc accepter donc de transcrire automatiquement la filiation des enfants nés de GPA dans l’état-civil. Au nom de « l’intérêt de l’enfant ». Pour autant la pratique de la GPA continuera à être interdite en France 1. Comment comprendre ?

Voici, sur la GPA, la position résumée du Conseil d’Etat (nous soulignons) :

« Cette pratique fait l’objet d’une interdiction d’ordre public (aucune convention ne peut y déroger) et est pénalement réprimée. La GPA suppose la mise à disposition par une femme de son corps pendant 9 mois au profit de tiers, avec les risques inhérents à toute grossesse et accouchement, ainsi que la renonciation de cette dernière à son état de mère et la remise de l’enfant. L’ensemble constitue une contractualisation de la procréation incompatible avec les principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes qui conduit le Conseil d’État à en exclure le principe. Dans l’hypothèse où elle seraitrémunérée, cette pratique se heurterait en outre au principe de non-patrimonialisation du corps humain.

Si ces principes n’ont pas bénéficié par eux-mêmes d’une consécration constitutionnelle, ils traduisent, selon le Conseil d’État, une vision de la dignité qui est inhérente au modèle bioéthique français. L’étude fait l’analyse de la jurisprudence récente à propos de la situation des enfants nés à l’étranger de GPA (transcription à l’état civil du lien de filiation avec le père biologique et adoption ouverte à sa conjointe ou son conjoint). Le Conseil d’État ne recommande pas d’évolution estimant que le droit actuel maintient un équilibre entre la prise en compte de l’intérêt de l’enfant et le maintien de l’interdiction de la GPA. »

Ainsi donc le gouvernement s’oppose ici au Conseil d’Etat. Sa décision intervient après plusieurs années de combats judiciaires engagés par plusieurs couples et une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.  « Le gouvernement prend ainsi les devants, alors que plusieurs députés de droite et de la majorité ont déposé des amendements en ce sens, dans le cadre de l’examen du projet de loi de bioéthique qui inclut la PMA » croit savoir France Info.  

« Il ne s’agit pas d’autoriser ‘’par la bande’’ la GPA en France » affirme la sociologue militante Irène Théry sur France Inter. Et de rappeler qu’il s’agissait ici d’une promesse du candidat Macron et que le président était opposé à la GPA. Mme Théry feint-elle d’ignorer qu’au nom de la lutte contre les discriminations une GPA tacitement autorisée à l’étranger (via cette pleine reconnaissance de la filiation) devra bientôt être autorisée sur le territoire national ?

Il y a quelques jours Marlène Schiappasecrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations déclarait sur RTL que le gouvernement avait « toujours été extrêmement clair sur le fait que l’on est opposé à la GPA ». Et puis elle ajoutait : « Il n’est pas du tout question d’ouvrir ou de débattre de la GPA pendant ce quinquennat ».  Marlène Schiappa a-t-elle connaissance de la position du Conseil d’Etat ?

A demain @jynau

1 La GPA est interdite sur le territoire français et réprimée par des dispositions du code pénal à travers les infractions d’entremise en vue de l’abandon d’enfant, d’entremise en vue de la gestation pour autrui, de provocation à l’abandon d’enfant ou encore d’atteintes à l’état civil d’un enfant. Les peines encourues vont de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, selon la nature de l’infraction.

Lorsque les faits sont commis à l’étranger, ce qui est le cas dans la très grande majorité des situations, des poursuites ne peuvent être engagées contre un ressortissant français que si les faits sont également punis dans la législation de ce pays. Or, même parmi les pays qui interdisent la GPA, rares sont ceux qui l’assortissent de sanctions pénales en dehors de l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Ainsi, le recours à la gestation pour autrui à l’étranger, et notamment aux États‐Unis, en Inde, en Ukraine, en Russie, au Royaume‐Uni, ou même au Portugal, qui l’autorise depuis 2016 pour les couples hétérosexuels mariés sans rémunération de la mère porteuse, n’est pas punissable en droit français, en l’absence de réciprocité de la répression de cette pratique dans le droit national du pays étranger (extrait de l’étude de 2018 du Conseil d’Etat consacrée à la révision de la loi de bioéthique).

A l’attention des taureaux: pour votre bien les mineurs français seront interdit de corridas

Bonjour

Dans la foulée taurine de l’aficionado ministre Didier Guillaume, Aurore Bergé, 32 ans, porte-parole médiatique parisienne de LREM. Didier Guillaume se pique de corrida et en même temps, de bien-être animal ? Aurore Bergé va plus loin encore dans cette formidable maîtrise des contraires qui interroge quant au quotient intellectuel que le politique prête à ses électeurs.

« La question du bien-être animal ne se réduit pas à quelques bobos parisiens écervelés (sic). Je n’appartiens pas à une secte, je considère juste, comme une grande majorité des Français, que c’est une question sociétale majeure, a doctement déclaré, à l’aube et sur franceinfo, Mme Bergé. J’aimerais a minima qu’on puisse interdire la corrida aux mineurs. Est-ce que c’est 12 ans, 14 ans, 16 ans… Il faut avancer là-dessus ».

Pandore et le Minotaure

L’avancement est consubstantiel de LREM. On pourrait presque écrire ontologique. « Un certain nombre de films sont interdits aux mineurs, mais un film c’est une fiction. Or la corrida n’est pas une fiction, conclut Aurore Bergé qui n’appartient pas à une secte (re-sic). Je ne considère pas que ce soit un spectacle car à la fin quoi qu’il arrive, vous avez un animal victime de souffrances et qui meurt. »

Résumons : la corrida n’est pas un spectacle ; les films sont des spectacles ; certains films sont interdits aux mineurs ; donc il faut interdire la corrida aux mineurs 1. Où l’on en vient à se demander si, en démocratie, l’exercice de la politique est un spectacle pour tous les publics.

A demain @jynau

1 Le président de de l’Observatoire national des cultures taurines, André Viard, a aussitôt estimé que cette proposition posait la question de « la privation de son autorité parentale pour une communauté culturelle », ce qui « équivaudrait à ouvrir une boîte de Pandore dont on peut imaginer les effets dévastateurs dans de nombreux domaines ». Ouvrir la boîte de Pandore face au Minotaure ?  Une telle mesure, selon lui, irait aussi « à l’encontre de la Déclaration universelle des droits de l’enfant, dont la France est signataire, qui lui garantit de pouvoir être élevé dans la culture de ses parents ».

Bien-être des animaux : quand un ministre tente de mettre de l’eau dans son vin tauromachique

Bonjour

Longtemps socialiste, il avait dit qu’il quittait la politique. Avant d’y revenir pour un maroquin de ministre macroniste. Il avait dit qu’il ne répondrait pas aux défenseurs des taureaux de combat, que c’était une « affaire privée ». Avant d’y revenir et d’en faire une affaire publique. Didier Guillaume, 60 ans, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et du Bien-être animal aime se contredire. Partant il fait parler de lui. Comme ce lundi 19 août quand, sur France Info, il est revenu sur une image qui suscite un grand émoi au sein de la classe politique et l’ire des défenseurs des animaux. Une image qui le montrait avec sa collègue Jacqueline Gourault aux premières loges de la corrida de Bayonne.

« Didier Guillaume ‘’s’en branle’’ de la souffrance animale! Lamentable! » avait commenté, tout en nuances, l’eurodéputé vert Yannick Jadot. « Le ministre ne peut pas défendre la cause animale et d’un autre côté s’asseoir dans une arène de corrida, se divertir face à la torture d’un être vivant, sensible et innocent », avait ajouté sa collègue écologiste Karima Delli. « En assistant à une corrida, Didier Guillaume affiche son mépris pour la condition animale », avait poursuivi Manuel Bompard, chef des élus Insoumis au Parlement européen.  « Aucune limite dans l’indécence, avait conclu la Fondation Brigitte Bardot. C’est au-delà du scandaleux et de l’écœurement ! »

Tenir la barre et manier la cape

Quatre jours après avoir déclaré qu’il s’agissait d’une sortie privée le ministre a cherché à rétropédaler : « Je regrette que ça ait pu choquer un certain nombre de citoyens qui sont contre ces pratiques. Ce qui a été terrible sur les réseaux sociaux, ça a été la récupération politique, politicienne, faite par d’autres. » 

« Les Français attendent autre chose que de vaines polémiques (…), Ça suffit maintenant, regardons les choses tranquillement et rassemblons ce pays » #8h30Politique Ce que je ne voudrais pas, c’est que l’on résume la maltraitance animale ou la lutte pour le bien-être animal à une photo dans un spectacle. Je suis le premier ministre de l’Agriculture à avoir une collaboratrice, une conseillère au cabinet en charge du bien-être animal. Je suis le premier ministre de l’Agriculture en charge du bien-être animal qui a pérennisé le Conseil national de surveillance des abattoirs. »

Pour le ministre, ancien élu de la Drôme, la corrida est une «tradition séculaire ». Et faire durablement saigner, avant de les tuer, des taureaux au grand air ne tombe pas sous le coup de la loi française.  

« Je pense qu’il ne faut pas mélanger les choses, qu’il faut faire le distinguo entre ce qui a pu se passer un soir dans un spectacle et tout le travail qui est fait, les mesures qui seront prises à la rentrée -et qui ne l’ont jamais été- sur le bien-être animal »

Où l’on comprend que tuer peut, au-delà de l’art tauromachique, n’être qu’un spectacle. « Ça a duré 24 heures, ça a tapé fort… Mais c’est la vie, a-t-il conclu au sujet de la polémique. Nous avons fait la démonstration que ce gouvernement tient la barre, que le président de la République tient la barre. » Sans doute le ministre voulait-il parler de la cape.

A demain @jynau 

Vraie fausse nouvelle et maladie d’Alzheimer : mais pourquoi certains médias font-ils ça ?

Bonjour

Lire le journal ?. Il aura donc suffit, début août 2019, d’un article du Guardian (Kevin Rawlinson), pour relancer, en France, le moteur médiatique alternatif rêves/cauchemars. Un papier assurant que des chercheurs avaient mis au point un « test sanguin » permettant de détecter Alzheimer « 20 ans » avant les premiers symptômes, a été repris par plusieurs médias français.

« Avec toutes les confusions et imprécisions de l’original » accuse Arrêt sur Images (Juliette Gramaglia) . « Un pas de géant », « une avancée majeure », « une petite révolution »… Depuis quelques jours, plusieurs médias généralistes sont à la fête. La raison : on aurait trouvé « un test sanguin pour détecter la maladie [d’Alzheimer] 20 ans avant qu’elle ne se déclare » (20 Minutes) BFMTV, LCI, France Bleu, Franceinfo, Midi Libre, La Provence, La Nouvelle République plusieurs sites d’information ont ainsi relayé, avec des formulations semblables ».

Tout, ici, remonte ici à une publication dans Neurology, « High-precision plasma β-amyloid 42/40 predicts current and future brain amyloidosis ».Un travail américain ;158 personnes en bonne santé volontaires ; la recherche sanguine de deux types de protéines bêta amyloïdes ; un PET-Scan pour de visualiser les dépôts pathologiques cérébraux ; Un autre PET-Scan quelques mois plus tard ; des corrélations ultérieures entre les résultats sanguins et l’évolution des images.

Boules de cristaux

Le Figaro (Cécile Thibert) a voulu en savoir plus – et a interrogé le Pr Bruno Dubois directeur de l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). «C’est un travail de qualité, ils montrent que la présence de protéines bêta amyloïdes dans le sang est corrélée à la présence de plaques amyloïdes, dit-il. Mais le fait d’avoir des plaques ne veut absolument pas dire que l’on va développer la maladie. Certaines personnes en ont et ne seront jamais malades. En revanche, tous les malades d’Alzheimer ont des plaques. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante».

Nous sommes en 2019 etil n’existe aucun moyen de prédire la maladie d’Alzheimer. « Et quand bien même cette boule de cristal existerait, elle ne serait pas d’une grande aide: il n’existe aucun traitement permettant de ralentir ou de guérir la maladie » assène Le Figaro. «En clinique, chez les personnes qui n’ont aucun symptôme, nous ne faisons pas de dépistage. Même si nous détections des lésions, que pourrait-on faire à part leur dire ’’je n’ai rien à vous proposer’’?», confirme le neurologue parisien.

Ce qui ne signifie pas qu’il faut baisser les bras : il est possible de limiter le risque de développer la maladie en agissant sur les principaux leviers: faire de l’exercice, éviter le tabac et l’alcool, surveiller l’état de ses artères (cholestérol, glycémie, tension artérielle, poids) et avoir une alimentation équilibrée

Sans oublier de stimuler sans cesse son cerveau. Notamment en lisant les journaux.

A demain @jynau

Alertes au feu lancées dans les hôpitaux des Assistances publiques de Marseille et de Paris

Bonjour

La canicule s’est enfuie mais le feu couve toujours. C’est un bel exemple du poids d’un travail journalistique dans le champ de l’alerte-préventive. La démonstration qu’un scoop peut, aussi, être bénéfique.

Soit un rapport officiel d’août 2017 dont l’existence vient d’être révélée par  Le Journal du dimanche (Pierre Bafoil et Guylaine Idoux, Anne-Laure Barret). Un document établi par la sous-commission départementale de sécurité des Bouches-du-Rhône dont Le JDD reproduit des extraits. Un document qui dormait dans des tiroirs sécurisés et que l’on s’apprêtait à oublier. Ses auteurs établissent que face au risque d’incendie la situation la plus sérieuse est observée dans l’immeuble de grande hauteur de La Timone, haut de 17 étages.

« Un rire nerveux. C’est la réponse gênée d’un agent du service de sécurité incendie du CHU de la Timone, à Marseille, lorsqu’on lui demande comment faire face à un éventuel sinistre dans les étages de cette tour. « C’est ma plus grande crainte, confie-t‑il. Notre gros souci, c’est de pouvoir évacuer les personnes à cause des fumées. Le système de sécurité présente des défaillances. » En cas de départ de feu, plus de mille personnes pourraient se retrouver piégées dans les locaux vétustes de cet immeuble de grande hauteur. En 2017, la sous-commission de sécurité des Bouches-du-Rhône a émis un avis défavorable à son exploitation. »

Au-delà du cas de l’hôpital marseillais, Le JDD assure qu’une dizaine d’établissements ne respectent pas les normes de sécurité incendie. Et le JDD de préciser que ni la municipalité (représentée à la commission de sécurité et au conseil de surveillance de l’hôpital) ni le directeur de La Timone, ni l’Agence Régionale de Santé (vers laquelle le ministère des Solidarités et de la Santé avait élégamment renvoyé) n’avaient « accepté de répondre »aux questions légitimement posées.

Surtout ne pas inquiéter inutilement !

Contactée par l’Agence France-Presse la direction de l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille), dont dépend La Timone, est convenue dans un communiqué que la mise à niveau d’un hôpital construit au début des années 1970 avec les normes en vigueur aujourd’hui « nécessite des travaux importants », qui seront engagés dans le cadre d’un projet de modernisation immobilière de 315 millions d’euros.

« Alors que le directeur de la Timone, pénalement responsable en cas d’incendie, n’avait pas accepté de répondre à nos sollicitations avant la parution de cet article, la direction de l’AP-HM , dont dépend La Timone, a convenu dans un communiqué publié dimanche après-midi que la mise à niveau d’un hôpital construit au début des années 1970 avec les normes en vigueur aujourd’hui « nécessite des travaux importants », qui seront engagés dans le cadre d’un projet de modernisation immobilière de 315 millions d’euros. »

Ce projet de modernisation, déclaré éligible en janvier 2018, est dans sa phase d’approbation pour mise en œuvre. « Si l’Etat le valide définitivement, il apportera un financement à hauteur de 50 % », précise l’AP-HM, soulignant que le département, la région, la métropole Aix-Marseille-Provence et la ville de Marseille se sont engagés à cofinancer ce plan pour 130 millions d’euros.

« Mais il ne faut pas inquiéter inutilement », a insisté auprès de l’AFP le secrétaire général de l’AP-HM, Pierre Pinzelli. Ce dernier affirme qu’avant ces interventions sur la structure même du bâtiment « toutes les mesures de veille et de sécurité » ont été prises, avec notamment un service de sécurité incendie de huit personnes 24 heures sur 24 et « un système de détection incendie parfaitement opérationnel et aux normes ». Précisant que 2 millions d’euros ont été consacrés aux travaux de mise en sécurité de La Timone entre 2018 et 2019, l’AP-HM souligne notamment la présence de portes coupe-feu automatiques permettant de cloisonner chaque étage de façon étanche, ainsi que de moyens de lutte directe contre les flammes disponibles à chaque étage.

Ceci n’a pas empêché le Dr Renaud Muselier, ancien interne des hôpitaux de Marseille, diplômé en médecine du sport et en rééducation fonctionnelle – par ailleurs président LR de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur de dénoncer « une situation d’une extrême gravité ».« Des clarifications sont nécessaires et des décisions doivent être prises » explique-t-il, compte-tenu de ces « graves failles en termes de sécurité ».

Ne jamais en parler à l’extérieur !

Et dans la capitale ? Interrogé sur Franceinfo  François Crémieux, directeur général adjoint de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ne pouvait pa ne pas réagir à l’enquête du JDD :

« Les moyens humains viennent compenser des moyens techniques qui, dans certains bâtiments, sont défaillants. Nous avons toute une série de mesures qui permettent de pallier ces manquements techniques (…). À l’hôpital Bichat, une cinquantaine de pompiers se relaient jour et nuit pour assurer la sécurité du bâtiment, compte tenu du fait que les conditions techniques ne sont pas toutes aux normes. Il y a donc six pompiers, 24h sur 24, qui assurent la sécurité. »

« Pour prendre la mesure du non-respect des normes incendie hospitalières à travers le pays, il faut plonger dans un rapport édifiant publié par la Cour des comptes en 2013, précise encore le JDD. Selon ce document, il y a six ans, 16% des bâtiments des CHU avaient reçu un avis défavorable à la poursuite d’exploitation par la commission de sécurité incendie, soit 213 au total. Parmi les hôpitaux pointés du doigt figuraient la Timone ainsi que les CHU de Nantes, Besançon et Rangueil, à Toulouse.  En 2013, la Cour des comptes relevait également qu’un carton rouge donné par les pompiers n’entraînait presque jamais de fermeture administrative »

Et l’hebdomadaire dominical d’interroger : après l’incendie de Notre-Dame de Paris  faut-il s’inquiéter des « libertés » prises par endroits avec la réglementation ? Rappeler que la responsabilité pénale personnelle des directeurs d’hôpitaux est engagée en cas de sinistre ? « C’est le grand secret des directeurs de grands hôpitaux universitaires comme de petits établissements : l’évolution incessante des normes antifeu suscite une tension permanente, ajoute le JDD. « La complexité du problème de la sécurité incendie est impossible à expliquer au grand public, c’est pour ça qu’on n’en parle jamais à l’extérieur, murmure l’ancien numéro un d’un CHU de province. »

Silence à l’extérieur ? C’est, à l’évidence, une grave erreur.

A demain @jynau

France 2 et la mort d’un enfant à Gustave-Roussy, le communiqué de presse qui suivit

Bonjour

Tout dire ou se taire ? Comment « communiquer » face à une tragédie, un drame, une faute ? Quels rôles peuvent jouer les (peut-on faire jouer aux) médias ? Quelles leçons collectives en tirer ? Nous nous bornerons, ici, à rapporter les éléments disponibles sur une affaire médiatiquement datée du 25 juillet.

1 Les éléments de France 2, repris par France Info. « ENQUÊTE FRANCE 2. Une erreur humaine à l’origine de la mort d’un enfant à l’institut Gustave-Roussy, le plus grand centre anti-cancer d’Europe. Des médecins pointent des dysfonctionnements à répétition et des surdosages dus à « un problème d’organisation global », notamment au sein de la pharmacie de l’hôpital où sont fabriquées les poches de chimiothérapie.

« Un grand hôpital pointé du doigt. Des médecins exerçant au centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy, à Villejuif (Val-de-Marne) dénoncent, jeudi 24 juillet, dans « L’Œil du 20 heures », des erreurs répétées dans les traitements par chimiothérapie, avec notamment une surdose de médicament ayant conduit à la mort d’un enfant en mai 2019 (…)

«  Un hôpital d’excellence et à la réputation sans tache, jusqu’à ce courrier du 14 juin adressé au préfet d’Ile-de-France et à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, et que révèle « L’Œil du 20 heures ». Ce texte, signé par des professeurs et médecins spécialistes du cancer, dénonce « une série d’éléments préoccupant », « des anomalies récurrentes dans la chaîne de contrôle de la production de la délivrance de chimiothérapie », « des erreurs répétées conduisant à des conséquences graves ».

« Selon les informations recueillies par « L’Œil du 20 heures« , une erreur de référencement serait la cause de cet accident gravissime. Cible de toutes les interrogations : la pharmacie de l’institut Gustave-Roussy. Au sous-sol de l’hôpital, près de 300 poches de chimiothérapie sont préparées chaque jour, manuellement ou par deux robots. Mais depuis deux ans, le service est sous tension en raison de problèmes de personnels et de plus en plus de malades à soigner, selon la direction et les syndicats.

« Les pharmaciens et préparateurs ont tous refusé d’être interviewé par France 2. En revanche, deux anciennes patientes témoignent des problèmes d’organisation de la pharmacie. Elles ont lancé une pétition pour réclamer, entre autre, le renforcement des effectifs. 

« Cette hantise était partagée par certains médecins de l’institut dès 2017, comme le révèlent de nombreux courriels envoyés à la direction. L’un de ces messages, que « L’Œil du 20 heures » a pu consulter, rapporte notamment une erreur de dosage le 3 mars 2017. « Hélas, ce n’est pas anecdotique. Nous sommes à la troisième erreur depuis trois mois », déplore ainsi un médecin. 

Un cancérologue, interrogé par France 2, estime que la direction n’a pas pris la mesure du problème. « Ces incidents étaient des indicateurs d’un problème d’organisation global de la pharmacie qui était très sérieux, qui n’était pas pris en compte correctement par les instances de la direction au plus haut niveau », estime-t-il sous couvert d’anonymat. (…) »

2 Le communiqué de presse publié par Gustave-Roussy « après la diffusion de ce sujet par France 2 » :

« Villejuif, le 25 juillet 2019

 Le Journal Télévisé de 20h de France 2 a diffusé ce jeudi 25 juillet 2019 un reportage sur un accident dramatique qui a eu lieu à Gustave-Roussy en pédiatrie il y a un peu plus de deux mois. Bouleversé par ce drame, le personnel de l’établissement renouvelle toutes ses excuses à la famille que l’Institut a informée et accompagnée dans cette épreuve depuis le début. Gustave Roussy assume pleinement l’erreur pharmaceutique à l’origine du décès et souhaite faire toute la lumière sur les causes de ce drame et sur les mesures mises en place pour qu’aucun événement de cette nature ne puisse plus se reproduire, et ce au-delà des polémiques internes et de l’exploitation qui peut en être faite.

« Une enquête interne approfondie a été diligentée immédiatement après l’accident, conduite en lien avec l’Agence Régionale de Santé. L’analyse précise des causes du décès a montré qu’il s’agissait d’une erreur humaine d’enregistrement d’un produit dans le stock de la pharmacie sous une mauvaise référence, qui n’a pas été décelée ensuite lors de la préparation de la chimiothérapie, en dépit des quatre contrôles existants au cours de la production.

« L’Institut a immédiatement mis en place des mesures informatiques correctives visant à empêcher la reproduction de l’erreur première de gestion de stock, et a déployé un dispositif de contrôle analytique libératoire permettant de valider la conformité du contenu de la totalité des poches dosables produites, adultes et enfants, avant leur administration au patient. Une zone de quarantaine accueille ainsi à présent les poches qui doivent être testées préalablement à leur envoi dans les services, et elles ne peuvent en sortir qu’après retour favorable du laboratoire de contrôle. La réalisation du contrôle pharmaceutique libératoire est désormais clairement signifiée par un symbole vert apposé sur la poche.

« Cette nouvelle organisation, et l’erreur à laquelle elle répond, confirment la nécessité de continuer d’avancer dans le plan de modernisation et de sécurisation de la pharmacie engagé en 2017 en lançant notamment l’acquisition de deux robots de production de chimiothérapies, installés en janvier et juillet 2018, permettant de produire à ce jour 40 % des poches de manière automatisée et sécurisée grâce aux différents contrôles embarqués par ces équipements. 

« Le déploiement du contrôle analytique libératoire par spectrométrie qui a été rendu possible par les travaux de validation des méthodes d’analyse des différentes molécules conduits ces derniers mois par la pharmacie, permet maintenant de sécuriser 50 % supplémentaires de la production. Cette étape garantit que toutes les poches dosables fabriquées manuellement sont conformes à la prescription au moment de leur dispensation.

« Les 10 % restants ne peuvent pas faire l’objet d’une fabrication par robot ou d’un contrôle libératoire, car il s’agit souvent de molécules innovantes pour lesquelles il n’existe pas encore de méthode de dosage. Ces préparations bénéficient d’une première étape de validation pharmaceutique, d’un double contrôle de la préparation des flacons, puis d’un double contrôle durant la préparation reposant sur la vérification systématique par un préparateur de ce qui a été produit par un autre préparateur, soit au total cinq étapes de sécurisation du processus. En complément, l’achat d’un spectromètre de dernière génération a été lancé et l’installation d’un dispositif de caméra permettant de vérifier les étapes de production des préparations non dosables est à l’étude.

« L’acquisition d’un nouveau robot de production est par ailleurs en cours d’instruction afin de poursuivre l’automatisation de la chaîne de production et accompagner le développement d’activité. Deux nouveaux pharmaciens ont été recrutés pour renforcer les équipes sur les deux secteurs stratégiques que sont la production de chimiothérapies et les essais cliniques.

« Ces différentes mesures doivent permettre de sécuriser 100 % des 90 000 poches produites chaque année par la pharmacie de l’établissement. Elles ont été à ce titre soumises ce mercredi 24 juillet à l’Agence Régionale de Santé qui accompagne l’Institut dans cette démarche et fera en sorte que ce qui est arrivé ici ne puisse pas se reproduire ailleurs.

« Le reportage évoque également les difficultés que rencontre la pharmacie de Gustave Roussy depuis deux ans. Celles-ci sont systématiquement tracées dans un outil dédié, permettant leur analyse et la recherche de solution de correction. La très grande majorité d’entre elles sont liées à des aspects organisationnels entraînant à titre principal des retards de livraison des poches et par conséquent de longs temps d’attente en hôpital de jour, toutefois sans conséquences cliniques pour les patients. Les erreurs pouvant aboutir à des conséquences cliniques sont exceptionnelles et traitées immédiatement dans le cadre d’un système de gestion des risques permettant d’adapter au plus vite les dispositifs de sécurisation et éviter ainsi leur reproduction. »

Tenter de se taire ou essayer, coûte que coûte, de tout dire ?

A demain @jynau