Bonjour
Deux articles passionnants dans la dernière livraison du précieux BEH. L’un confirme la gabegie des dosages de PSA et l’autre une forme de relative stabilisation de l’évolution de l’infection par le VIH en France.
6372 en 2012
Pour ce qui est du VIH, l’étude de l’InVS (1) situe à 6372 le nombre des « découvertes de séropositivité » réalisées en 2012; « forte augmentation » chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), avec une poussée de 14 % en 2012 contre 3 % en moyenne par an entre 2003 à 2011.
Après avoir « diminué significativement entre 2004 et 2008 », le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité s’est stabilisé autour des 6 200 par an ces dernières années, relève cette étude. Rien ne change: on estime en France qu’environ 150 000 personnes vivent avec le VIH, mais que parmi eux 30 000 à 40 000 ignorent leur état sérologique.
Un effet des TROD ?
L’augmentation observée pourrait toutefois être liée à « un recours au dépistage plus précoce » dans la population homosexuelle, avec la généralisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), qui permettent d’obtenir une réponse en quelques minutes seulement contre plusieurs jours pour le test classique. En 2012, plus de 32 000 TROD ont été réalisés dont 13 000 parmi la population homosexuelle. Ces tests ont permis à environ 260 personnes (dont deux tiers d’HSH) de découvrir leur séropositivité.
Parallèlement, l’étude note une stabilité des découvertes de séropositivité chez les hétérosexuels en 2012 avec des diagnostics faits en moyenne de façon relativement tardive. « Les personnes âgées de 50 ans ou plus au moment du diagnostic représentent une part croissante des découvertes de séropositivité », nous apprend cette étude.
Antilles, Guyane et Ile-de-France
Dans cette catégorie, le diagnostic se fait plus tardivement que chez les plus jeunes, « souvent » à l’occasion de complications infectieuses (tuberculose). L’analyse géographique montre que c’est toujours en Guyane, Guadeloupe, Martinique et en Ile-de-France que les découvertes sont les plus nombreuses (en taux par millions d’habitants).
Une analyse par origine des populations infectées en 2012 montre que plus de la moitié (54 %) de celles-ci sont nées en France et 31 % en Afrique subsaharienne. La proportion de personnes nées en France parmi celles qui ont découvert leur infection « a régulièrement augmenté entre 2003 et 2012 » passant de 41 % à 54 %, tandis que la part des personnes nées en Afrique subsaharienne a baissé de 44 % à 31 %.
Les trésors du Sniiram
Pour ce qui est de la prostate les chiffres qui nous sont fournis (2) ont quelque chose de désespérant. Ils vont, à coup sûr, relancer la polémique récurrente de dépistage excessif du cancer de la prostate. Ils mettent aussi en lumière le fait que les recommandations répétées de la HAS ne sont en aucune façon suivies d’effet. La HAS en tirera-t-elle matière à réflexion ? Ces mêmes chiffres aussi, à leur façon, les trésors d’information que recèles le coffre-fort du système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram). Sniiram, ce Sésame de l’Open data. Nous y reviendrons.
Dosage du PSA chez un homme sur trois
Ce travail a été mené sur onze millions d’hommes de 40 ans et plus. Il s’agissait d’estimer le nombre des dosages de l’antigène spécifique de la prostate (PSA), des biopsies et des cancers de la prostate (CPr) nouvellement pris en charge – ainsi que d’estimer les taux de complications dues aux thérapeutiques.
Il apparaît ainsi qu’en 2011, environ 30% des hommes sans CPr ont eu au moins un dosage du PSA, 0,5% une biopsie de la prostate et 0,4% un CPr nouvellement pris en charge. Les médecins généralistes ont prescrit 87% des tests. Le PSA libre rendait compte de 21% des 4,2 millions de tests effectués. Après un dosage du PSA en 2010, 2,1% des hommes ont eu une biopsie l’année suivante et 1% un CPr pris en charge. Parmi ceux présentant un CPr, près de 80% ont eu au moins un traitement spécifique dans les deux années suivantes. Chez les hommes de 50-69 ans, près de 66% ont eu une prostatectomie isolée et, parmi eux, 61% un traitement médicamenteux pour troubles de l’érection et 18% pour troubles urinaires lors des deux ans de suivi.
Recommandations de la HAS sans effet
« Le dosage du PSA en France correspond à un dépistage de masse, contrairement aux recommandations de la Haute autorité de santé, concluent les auteurs. L’hétérogénéité géographique des pratiques et l’utilisation importante du PSA libre, plus coûteux, doivent conduire à une réévaluation des pratiques. L’information du patient doit prendre en compte la fréquence élevée des troubles liés aux traitements. »
Une recommandation qui date, précisément de quinze ans. Voici ce que disait l’ancêtre de la HAS en 1999 :
« De nombreuses interrogations persistent quant à l’efficacité des traitements du cancer de la prostate localisé : le meilleur traitement n’est pas défini. L’intérêt du traitement curatif par rapport à la surveillance et un traitement différé n’est pas démontré (même s’il est suggéré pour certaines tranches d’âge et certains types de tumeur). Il est, en 1998, impossible d’identifier, parmi les tumeurs de prostate détectées, celles qui feront courir un risque vital au patient au cours de son existence et celles qui ne seront pas la cause de son décès. » Elle ajoutait que d’un point de vue économique, l’étude de la littérature montrait qu’il était prématuré d’envisager la mise en place d’un dépistage de masse du cancer de la prostate.
Plus de quatre millions de tests chaque année
En 2009 la HAS considérait qu’aucun élément scientifique nouveau n’était de nature à justifier la réévaluation de l’opportunité de la mise en place d’un programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA. Elle rappelait ses recommandations antérieures et, une nouvelle fois, « insistait sur l’importance de l’information à apporter aux hommes envisageant la réalisation d’un dépistage individuel du cancer de la prostate ».
Gabegie médicale moderne
Aujourd’hui la fréquence des TR n’est pas connue mais on sait que plus de quatre millions de tests sont réalisés chaque année. Et ce chez des hommes sans éléments de suspicion de cancer prostatique aux seules fins de « dépistage » (87% par un généraliste, 3,6% par un urologue). Des différences régionales dans les pratiques apparaissent, que rien n’explique ni ne justifie. Quant aux complications des interventions pratiquées, elles apparaissent de manière indirecte sous la forme de consommation de spécialités pharmaceutiques contre les troubles de l’érection et les incontinences urinaires. Il ne reste plus qu’à connaître le coût de cette forme, moderne et médicale, de gabegie.
Et à réfléchir à cette totale impuissance des autorités sanitaires quant à cette pratique médicale.
A demain
(1) Cazein F, Lot F, Pillonel J, Le Strat Y, Sommen C, Pinget R, et al. Découvertes de séropositivité VIH et sida – France, 2003-2012. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(9-10):154-62
(2) Tuppin P, Samson S, Fagot-Campagna A, et al. Dépistage et diagnostic de cancer de la prostate et son traitement en France (2009-2011) selon le Sniiram. Bull Epidémiol Hebd 2014;9-10:163-71.