Homéopathie et politique : la contre-attaque de l’industrie, le grand embarras d’Agnès Buzyn

Bonjour

On ne rit plus. « Dérembourser les médicaments homéopathiques ? C’est menacer directement un millier d’emploi ! ». Tel était, hier, le message délivré, sur  RTL et depuis Lyon, par la patronne des Laboratoires Boiron. Message à l’adresse des auditeurs de-la-première-radio-de-France, mais aussi à celle d’Agnès Buzyn, du gouvernement et du président de la République.

On n’entendait guère, jusqu’ici, cette industrie dans les médias. Il y a un an, elle était encore soutenue, de fait,  par Agnès Buzyn, ancienne hospitalo-universitaire 1. Puis, soudain, les vents ont tourné. Sa cote a baissé. Les attaques redoublées et médiatisée des rationalistes, la résurgence d’un front « anti », la montée en puissance des Académies de médecine et de pharmacie ont bouleversé la donne. Homéopathie nouvelle sidérurgie ?

Avant de bouter la bouter hors de la Faculté, tout s’est cristallisé sur la question du remboursement : en finir avec ce statut dérogatoire. Repousser dans l’ombre cette pratique née à la fin du XVIIIe siècle avec Samuel Hahnemann et ses trois préceptes: celui des «similitudes» (soigner le mal par le mal) et ceux des «hautes dilutions» et de leur «dynamisation». Tourner une page ouverte il y a trente-cinq ans, avec la publication au Journal Officiel d’un arrêté daté du 12 septembre 1984 signé par Georgina Dufoix. Alors ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale du gouvernement de Laurent Fabius, elle obtenait de faire rembourser à 65% nombre de spécialités homéopathiques n’ayant jamais fait la preuve de leur efficacité.

Avril 2019 : la Haute Autorité de Santé (HAS) se prononcera avant l’été sur la question sans fond de « l’efficacité » des spécialités homéopathiques. Evaluation des risques en somme. Puis il faudra gérer les risques et c’est bien le politique qui devra trancher. Et après bien des atermoiements Agnès Buzyn s’est médiatiquement engagée : en l’absence d’efficacité ces spécialités seront déremboursées.

C’était compter sans la résilience de la partie adverse. On assiste ainsi au début d’une vaste contre-attaque réunissant dix-huit acteurs du secteur (fabricants, syndicats, organisations professionnelles), comme le révèle Le Parisien (Florence Méréo). Le quotidien y donne la parole à Valérie Poinsot, directrice générale de Boiron, « leader français et mondial de l’homéopathie ».  Un site internet (MonHomeoMonChoix.fr) avec une pétition en ligne et un numéro gratuit permettra de recueillir les signatures des partisans. Des affiches sont distribuées aux médecins, pharmaciens, sages-femmes avec notamment un slogan- menace : « et si on respectait le choix des Français», qui seraient 56% à avoir déjà utilisé ce procédé thérapeutique.

Trente-cinq kilogrammes de documents

Valérie Poinsot explique avoir envoyé à la HAS un dossier de 35 kg de documents prenant la défense de l’homéopathie.

«  Nous sommes habitués à ce genre de pratique et de pression. Ce n’est pas leur première fois ! Moi, je vois là des Académies en total décalage avec la réalité du soin et avec les praticiens qui exercent au quotidien. Nous avons d’un côté, un professionnel sur deux qui considère comme bénéfique l’effet de l’homéopathie sur ses patients. Et de l’autre, des académiciens, qui ne sont pas au chevet du malade, mais qui se prononcent contre. »

« Ce n’est pas l’évaluation par la HAS qui nous gêne, mais la non-prise en compte de notre spécificité. La HAS évalue le service médical rendu d’un médicament par rapport à une indication et à une posologie. Or, l’homéopathie n’a pas une indication thérapeutique, mais plusieurs, en fonction de la maladie. Prenez Nux Vomica, un de nos produits phare : on peut l’utiliser pour faciliter la digestion. Mais avec une dilution différente, il est aussi utile contre la migraine ou les troubles du sommeil. Les critères doivent tenir compte de cela, sinon l’étude sera biaisée. »

Et la directrice générale de Boiron de faire de la politique expliquant qu’une partie de ceux qui consomment ses produits « ont un faible pouvoir d’achat ». « Le remboursement à hauteur de 30 % permet aussi aux mutuelles de compléter la prise en charge. Cela ne sera plus le cas s’il y a déremboursement, dit-elle encore au Parisien. Et surtout parce que dérembourser est un non-sens sur le plan de la santé publique. Les études (NDLR : financées par le laboratoire) montrent que les patients sous homéopathie consomment moins d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires sans être moins bien soignés ». Campagne ou lobbying ? « Appelez cela comme vous voulez : pour les dix-huit acteurs de cette campagne, il s’agit de se mobiliser pour donner la parole aux Français. Ils sont les premiers concernés et ceux que l’on a le moins entendus ! »

Politiquement explosif

 Libération (Eric Favereau) a interrogé le Pr Bernard Bégaud, pharmacologue à l’université de Bordeaux qui « travaille depuis plus de trente ans sur l’utilisation des médicaments, leur intérêt et leurs risques ». « L’emballement actuel contre l’homéopathie ? Il surprend ce spécialiste.

«  Il y a régulièrement des vagues de critiques, mais j’ai rarement assisté à des flots de prises de position incessantes venant d’associations aussi variées, savantes ou pas savantes. Et je m’interroge sur les raisons qui poussent tant de personnes éminentes à se mobiliser sur quelque chose qui n’est quand même franchement pas majeur. Pour moi, nous sommes encore une fois dans un combat entre la règle et la raison. Chaque fois que la règle s’impose à la raison, nous allons au-devant de problèmes.

« On ne peut pas dire que ceux qui réclament le déremboursement ont tort. Ils se situent dans la règle et il n’y a sans doute pas d’études convaincantes. Donc, on applique le règlement commun : on dérembourse. Mais en écho, la raison interroge : est-ce là une décision essentielle, concernant la politique des médicaments en France ? Quand je vois les prises de position sans appel de nombre de sociétés savantes, j’aimerais les entendre prendre position, par exemple, sur le mésusage des médicaments (par excès et par défaut) dont le coût pour la collectivité française est estimé à 10 milliards d’euros par an, ce qui est quand même considérablement plus que les quelque 100 millions d’euros de l’homéopathie. Surtout quand on pense aux conséquences graves et massives de ce mésusage pour les Français. Mais là, c’est plutôt un lourd silence qui prévaut (…)

 « Je suis pragmatique, je respecte la règle, mais je suis pour la raison. Il y a plus de 10 millions de gens qui achètent de l’homéopathie. Que vont-ils faire si le remboursement s’arrête ? Vont-ils continuer ? Vont-ils aller vers d’autres pratiques médicales parallèles, pour certaines inquiétantes ? Ou vers des médicaments classiques mais remboursés, et là n’y a-t-il pas un risque ? Il faudra se poser ces questions. Et si on dérembourse, on ne pourra plus éviter un grand débat sur l’ensemble des médicaments. »

Où l’on voit, Grand Débat ou pas, que le déremboursement des médicament homéopathiques est, d’ores et déjà, un dossier politiquement explosif.

A demain

@jynau

1 « La guerre de l’homéopathie touche peut-être bientôt à sa fin. Après de longs atermoiements, Agnès Buzyn devrait prochainement décider du déremboursement des médicaments homéopathiques. » Slate.fr, 4 avril 2019

 

 

 

Tabac et post-vérité : Marisol Touraine réhabilite Champix®, médicament controversé

Bonjour

En 2011 Xavier Bertrand l’avait déremboursé. Six ans après Marisol Touraine, sur le départ, vient de signer un arrêté remboursant le Champix® . Voici cet étrange médicament controversé remboursé depuis le 1er mai « dans le sevrage tabagique, en seconde intention, après échec des stratégies comprenant des substituts nicotiniques chez les adultes ayant une forte dépendance au tabac ».

 Comment comprendre ? L’arrêté ministériel publié au Journal Officiel du 27 avril – fait suite à un avis de la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) daté du 9 novembre 2016. la Commission considère que le Champix® « n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu dans la stratégie du sevrage tabagique ». Et dans le même temps elle estime que « le service médical rendu par Champix®  est important dans le sevrage tabagique des sujets ayant une forte dépendance au tabac que ces sujets soient atteints de BPCO ou de maladies cardiovasculaires mais également s’ils n’ont pas d’affection particulière ».

Cinq mois plus tard la ministre de la Santé décide que le Champix® (multinationale américaine Pfizer) sera remboursé. Depuis 2011 son prix était libre dans les pharmacies d’officine. Prix libre mais nombreux effets secondaires et précautions particulières :

« Ce médicament peut entraîner des modifications du comportement ou de l’humeur notamment agitation, hostilité, agressivité envers soi-même ou envers les autres, dépression. Si vous avez des pensées ou un comportement inhabituels ou si vos proches remarquent un changement d’humeur survenant sous traitement, cessez l’usage du médicament et consultez votre médecin. La prudence est recommandée en cas d’antécédent de troubles psychiques, de maladie cardiovasculaire, d’épilepsie ou d’antécédent de convulsions. »

Rien sur la cigarette électronique

 Le principe actif du Champix® est la varénicline.  Cet agoniste partiel des récepteurs nicotiniques du système nerveux central est surveillée de près par les autorités sanitaires en raison de la possibilité de survenue de la somme de ses effets indésirables : attitudes suicidaires, pertes de connaissance, crises d’épilepsie, qui peuvent avoir de graves conséquences, entre autres chez les conducteurs d’engins (pilotes de ligne, par exemple).

En 2009 puis en 2011 des doutes sur la tolérance de la varénicline avaient conduit l’Afssaps (ancienne agence du médicament) à placer le Champix® sous surveillance. Et le 31 mai 2011, le ministre de la santé Xavier Bertrand décidait de dérembourser le médicament. Sans pour autant l’interdire (comprenne qui pourra…). Puis, en 2015, une vaste étude rétrospective ne retrouva pas de relation entre ce médicament et l’incidence d’événements cardiovasculaires ou de pensées suicidaires. Vint ensuite une autre étude rapportant un risque significativement plus élevé d’événements neuropsychiatriques avec Champix® ou Zyban® qu’avec des patchs à la nicotine ou un placebo.

1er mai 2017 : le Champix® est à nouveau remboursé par l’Assurance Maladie. Il ne doit toutefois être prescrit qu’en « seconde intention » – et « après échec des stratégies comprenant des substituts nicotiniques ». L’arrêté de Marisol Touraine ne dit rien sur la cigarette électronique.

A demain

 

 

E-cigarette : par décret, il ne sera plus interdit de vapoter au restaurant et au café

Bonjour

La carte et le territoire : il aura fallu huit ministres pour signer le « Décret n° 2017-633 du 25 avril 2017 relatif aux conditions d’application de l’interdiction de vapoter dans certains lieux à usage collectif ». Un texte paru aujourd’hui au Journal Officiel et qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain. Une traduction de ce texte est fournie par vapingpost.com (Nathalie Dunand).

 Courteline n’est pas loin. L’interdiction de vapoter concernera « les locaux recevant des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l’établissement, fermés et couverts, et affectés à un usage collectif, à l’exception des locaux qui accueillent du public ». On peut donc en conclure que bars, cafés et restaurants sont exclus de l’interdiction puisqu’ils « accueillent du public ». Idem pour les hôtels, les administrations. Qu’en sera-t-il pour les hôpitaux, les établissements psychiatriques, les prisons ?

Reste aussi à définir, pour les travailleurs, les locaux fermés et couverts à usage collectif qui « reçoivent des postes de travail ». « Couloirs, espaces autour de machines à café ou fontaine à eau par exemple, semblent exclus du champ de l’interdiction » croit pouvoir lire vapingpost.com.  Tel ne devrait pas être le cas des open space.

150€ maximum

Les huit ministres du gouvernement sur le départ précise « qu’une signalisation rappellera le principe de l’interdiction de vapoter et, le cas échéant, les conditions d’application dans l’enceinte des lieux concernés ». Ne pas respecter les interdictions de vapoter expose à une contravention de 2e classe (150€ maximum). Les responsables qui ne mettraient pas en place la signalisation s’exposent quant à eux une contravention de 3e classe (450 € maximum).

On sait par ailleurs que le vapotage est prohibé « dans les établissements scolaires et les établissements destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs », mais aussi « dans les moyens de transport collectif fermés ».

Sont chargé de l’exécution du présent décret,: la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la ministre des affaires sociales et de la santé, le garde des sceaux, ministre de la justice, la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le ministre de l’intérieur, la ministre de la fonction publique et le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

Eux et leurs successeurs.

A demain

Acide hyaluronique : Emmanuel Macron face à la double peine des genoux arthrosiques

Bonjour

Ainsi donc, Marisol Touraine n’aura pas fait le geste qu’ils attendaient 1. Son pouce s’est tourné vers le sol ; le couperet est tombé : les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique seront déremboursées à partir du 1er juin comme on peut le lire dans le décret paru il y a quelques jours au Journal Officiel. Pour Marisol Touraine l’affaire est entendue : les solutions viscoélastiques présentent « un service rendu insuffisant pour leur maintien au remboursement ». Vraiment ? On observera qu’avec la même appréciation la ministre a pris une décision contraire pour les quatre « médicaments Alzheimer ».

Tout cela n’a pas été sans heurts ni pleurs. Cette décision ministérielle a déclenché la colère des rhumatologues. Dans une lettre envoyée à Marisol Touraine, les membres du Collège français des médecins rhumatologues, de la Société française de rhumatologie et du Syndicat national des médecins rhumatologues écrivent : « Nous sommes en colère, car outre la diminution des possibilités de traiter les patients arthrosiques, nous savons que ceux qui vont pâtir le plus de ce déremboursement sont les patients pauvres. C’est pour eux une double peine : malade et dans l’incapacité d’accéder à des soins par manque de moyens financiers. Quelle injustice !»

Selon le quotidien Le Parisien, le ministère de la Santé a fait savoir qu’il restait sur le marché une version « médicament » de l’acide hyaluronique injectable ayant la même finalité thérapeutique que la version dispositif médical visée par le décret. Mais selon les médecins interrogés, « elle est moins performante et nécessite des injections plus fréquentes ». Par ailleurs, cette version n’est plus remboursée qu’à 15 % par l’Assurance maladie ; un taux qui autorise les complémentaires santé à ne pas la prendre en charge.

« Inique »

Nous en étions là et puis cette annonce : les candidats à la présidence de la République sont « interpellés » sur le sujet.  Le Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales (SNITEM) vient de demander par un courrier adressé aux candidats à l’élection présidentielle le 10 avril, leur position quant au maintien de la radiation des solutions viscoélastiques d’acides hyaluroniques injectables pour le traitement de l’arthrose du genou de la liste des produits et prestations remboursables (LPPr), une fois le président de la République élu. Les auteurs de cette initiative jugent « inique » la décision de Marisol Touraine.

« Ces produits aident à lutter contre les symptômes de la gonarthrose, affection chronique évolutive et invalidante. On estime à plus de 2,5 millions le nombre de personnes de plus de 65 ans qui en souffrent. Ils diminuent – voire font disparaître- les symptômes, et surtout retardent la pose de prothèses de genou. Les AH-IA sont d’autant plus indispensables que plusieurs autres produits visant à soigner l’arthrose ont été radiés de la LPPr ou de la liste des spécialités remboursables ces dernières années. Les patients ont aujourd’hui peu d’options thérapeutiques. Le corps médical est quant à lui pratiquement démuni avec à sa disposition des traitements souvent non adaptés à la chronicité de la gonarthrose (antalgiques, anti-inflammatoires…) et présentant un risque d’iatrogénie. »

 Les auteurs craignent que cette mesure ne conduise à un « système de santé à deux vitesses ». Deux vitesses est le mot. On attend avec intérêt les réponses (elles seront publiées) de François Fillon et de celle du fondateur chaque jour plus pressé du mouvement « En Marche ! ».

A demain

Casse-tête buralistique : le paquet neutre doit-il être vendu debout ou présenté couché ?

Bonjour

On touche à une carte et le château menace de s’écrouler. Si l’on en croit leur site, les buralistes se posent « légitimement la question » : les paquets neutres, dans le linéaire, on les range en position debout ou couchée ?

C’est aussi une question sans pied de corbeau : dans les deux cas, les consommateurs-fumeurs présents dans le débit de tabac (même le nez devant le comptoir) ne pourront plus distinguer ni les marques ni les dénominations commerciales : elles seront « pratiquement » hors de sa portée de vue. Et c’est ainsi que les châteaux de cartes s’écroulent :

« La logique d’exposition du produit, d’avant le paquet neutre, perd son sens. La priorité, devant un mur de paquets neutres, doit être donnée au repérage par le vendeur : grâce aux nouvelles étiquettes ou tout autre système de repérage rapide du produit demandé par le client. En sachant que les noms de la marque et de la dénomination commerciale apparaissent tant sur la face avant que sur la tranche en dessous du paquet. »

Cigarette électronique

Il faut savoir qu’il existe un texte réglementaire en vigueur sur l’agencement du point de vente  (un arrêté du 9 novembre publié au Journal Officiel).

Cet arrêté évoque l’interdiction de la Publicité sur le Lieu de Vente (PLV), les modalités d’identification et les étiquettes. Concernant le rangement, il est stipulé : « les produits du tabac sont rangés dans le mobilier de manière à faciliter le repérage par le débitant lors de la mise en rayon et lors de la vente à la clientèle ».  Ainsi , concernant la question du « debout ou couché », il apparaît donc que le buraliste est libre d’opter pour ce qui lui est le plus pratique.

Aucune disposition nouvelle ne semble avoir été prise pour obtenir que les mineurs ne puissent plus acheter comme ils l’entendent des paquets de cigarettes neutres. Où l’on voit que contrairement aux orfraies la porte d’entrée du tabac n’est pas la cigarette électronique mais bien la porte du buraliste.

A demain

Affaire mortelle de Rennes : on sait désormais dans quels délais Paris devra être averti

 

Bonjour

Aussi étrange que cela puisse être il reste encore des failles dans le corsetage jacobin qui caractérise la France. On l’a vu lors de l’affaire de l’essai clinique mortel BIOTRIAL de Rennes. Des heures, des jours, presque qu’une semaine avant d’avertir par le menu les directions des administrations centrales concernées, d’alerter Paris, le ministère. Plus haut peut-être.

On avait, à Rennes, perçu l’irritation de Marisol Touraine d’avoir été informée après la circulation de la rumeur dans les milieux journalistiques. La situation aurait pu se reproduire dans une autre affaire, récente et mortelle : celle de Nantes 1. Ces décalages temporels ne devraient plus, à l’avenir, se reproduire. Le Journal Officiel de ce dimanche 27 novembre vient en effet de publier un décret circonstancié signé, pour Manuel Valls, par Marisol Touraine. Il est ici clairement des « événements indésirables graves » (EIG):

Pronostic vital

« Un événement indésirable grave associé à des soins réalisés lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d’actions de prévention est un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale. »

« Tout professionnel de santé quels que soient son lieu et son mode d’exercice ou tout représentant légal d’établissement de santé, d’établissement ou de service médico-social ou la personne qu’il a désignée à cet effet qui constate un événement indésirable grave associé à des soins le déclare au directeur général de l’agence régionale de santé au moyen du formulaire prévu (…) ».

« Décret n° 2016-1606 du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des événements indésirables graves associés à des soins et aux structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients »

Fin des scoops ?

Reprenons : Tout professionnel de santé (quels que soient son lieu et son mode d’exercice ou tout représentant légal d’établissement de santé … ) qui constate un événement indésirable grave associé à des soins le déclare au directeur général de l’agence régionale de santé.  Certes. Mais dans quel délai ? La réponse est simple : sans délai :

 « Cette déclaration s’effectue en deux parties : une première partie effectuée sans délai, qui comprend les premiers éléments relatifs à l’événement puis, après analyse, une seconde partie effectuée dans les trois mois suivants, qui comprend les éléments de retours d’expérience ainsi que les mesures correctives prises ou envisagées ».

En théorie, et si les mots ont un sens, les médias ne devraient plus être informés avant la ministre de la Santé

A demain

 1 On avait officiellement appris, dans la soirée du 17 novembre par un communiqué urgent, que quatre patients adultes traités pour lymphome au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes avaient présenté des complications graves entre le 10 et le 13 novembre 2016. Et que trois d’entre eux étaient décédés.

Comme dans l’affaire de l’essai clinique mortel de Rennes la ministre de la Santé avait saisi l’Inspection générale des affaires sociales. Et l’ANSM, en charge de la sécurité des médicaments, avait « lancé une enquête ». Des résultats devaient être connus avant le 27 novembre. Force est de constater que ce n’est pas le cas.

A compter de 2021 de vraies factures détaillées pourraient être remises aux hospitalisés

Bonjour

C’est une information glanée dans le Journal Officiel par Le Quotidien du Médecin (Anne Bayle-Iniguez) : le détail d’un décret d’application de la loi qui se propose de « moderniser notre système de santé » – une loi qui, déjà, est retenue dans ce qui sera le bilan positif du quinquennat de François Hollande.

Nous parlons ici du « Décret n° 2016-1471 du 28 octobre 2016 relatif à l’information du patient sur le coût des prestations délivrées par un établissement de santé ».   Publics concernés : établissements de santé ; assurés des régimes obligatoires d’assurance maladie.  Objet : modalités d’information de l’usager sur le coût des prestations délivrées par un établissement de santé.

Exigences particulières

Ce texte comptable n’est pas sans intérêt : il précise le contenu des informations sur le coût des prestations reçues que tout patient devra recevoir systématiquement à la sortie d’un établissement de santé (hôpital, clinique, établissement médico-social). Là encore c’est le souci de transparence qui prévaut : cette « note écrite » devra détailler le coût global de la prise en charge du patient incluant le montant couvert par l’assurance-maladie obligatoire, la part réglée par les organismes complémentaires et le reste à charge de l’usager.

« Ce document devra « être remis au patient au plus tard à sa sortie de l’établissement ». Il ne préjugera toutefois pas « de la fixation définitive des montants pris en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie, des montants définitivement facturés à l’organisme d’assurance maladie complémentaire et des montants définitivement facturés aux patients. » Bien évidemment les prestations « hôtelières » dues pour exigences particulières  du patient (chambre individuelle, télévision en couleurs et trois dimensions, wifi gratuit etc.) seront également mentionnées.

Apocalypse assurée

Certains applaudiront devant une telle adaptation des vieux hôpitaux charitables français aux lois du marché et de sa comptabilité. D’autres dénonceront la poursuite d’une politique qui faite et fera de l’hôpital public une entreprise parmi toutes les autres dans un monde courant au capitalisme intégral et, de ce fait, à une apocalypse assurée. Mais les deux camps ont encore du temps pour fourbir leurs armes. Signé, pour le Premier ministre, par la ministre de la Santé ce décret prévoit en effet :

« Le texte entre en vigueur selon des modalités calendaires arrêtées par le ministre chargé de la santé afin de tenir compte de la montée en charge des systèmes d’information des différentes catégories d’établissements et des prestations concernées, qui s’étale entre 2017 et 2021. »

Nous serons alors, déjà, à l’approche de la fin du prochain quinquennat. Qui aura pris la suite de Marisol Touraine ? Le tiers payant sera-t-il intégralement généralisé ? Les pharmaciens vaccineront-ils ? A quel prix le paquet de tabac ? Qui nous gouvernera ? Et l’hôpital public, dans quel état ?

A demain

Une journaliste (La Croix) au Comité national d’éthique. Le président se confie au Figaro

 

Bonjour

Le Comité national d’éthique a trente-trois ans et une (ancienne) journaliste de La Croix vient d’entrer en son sein. Ceux qui croient aux ciels et ceux qui n’y croient pas y verront-ils quelques présages ? Pour l’heure l’institution est comme au point mort. Aucun avis depuis janvier dernier et un renouvellement des membres qui était attendu depuis avril.

Une jachère de six mois… Les plus méchantes des langues voyaient dans cette atonie forcée une manœuvre gouvernementale et présidentielle : ne pas réveiller les clivages sociétaux sur la grande question sociétale de la procréation médicale assistée autorisée aux femmes seules et/ou homosexuelles ; ne pas réveiller l’hydre de la mère porteuse.

Amputée de la moitié de ses membres  l’institution ne pouvait plus vivre. Dépérissement politiquement programmé. Et puis, soudain, un arrêté au Journal Officiel (du 5 octobre) : « Arrêté du 27 septembre 2016 portant nomination au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé » 1

« PMA pour toutes» 

« L’évolution du CCNE son évolution est observée à la loupe alors que le président de la République a déclaré qu’il suivrait l’avis de l’instance sur le sujet très controversé de l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de femmes et aux célibataires, observe Le Figaro. C’est dans un contexte très tendu que l’avis du CCNE sur la PMA, initialement annoncé pour l’automne 2013, se fait attendre. Sa nouvelle composition fera-elle basculer l’avis du CCNE en faveur de la PMA «pour toutes» alors que l’on disait le CCNE très divisé sur cette question? »

Et Le Figaro a obtenu, sur ce point majeur, quelques mots de Jean-Claude Ameisen, président du CCNE :

« C’est un sujet où nous avançons lentement car c’est la première fois que le CCNE l’examine de manière transversale. PMA pour les femmes seules, pour les couples de femmes, anonymat du don, conservation des ovocytes, GPA: nous revisitons l’ensemble des questions sur les indications sociétales de l’AMP. Ce renouvellement, prévu par les statuts, a repoussé l’avis de plusieurs mois. De nouvelles personnes, de nouveaux regards… cela relance le processus. Nous espérons pouvoir le rendre à la fin de l’année ou début 2017».

 Sciences et Religions

Voire après les résultats de l’élection présidentielle… ?  Jean-Claude Ameisen « prévoit également d’organiser des Etats généraux sur l’ensemble de la loi relative à la bioéthique à l’automne 2017 puis d’écrire un rapport sur le sujet avant que le législateur ne se penche sur la révision des lois de bioéthique ».

Parmi les nominations dévoilées mercredi, celles des membres issus des «principales familles philosophiques et spirituelles» qui sont désignés par l’Élysée font en tout cas l’objet d’une attention toute particulière. « D’autant qu’en 2013, les responsables religieux avaient été rayés de la liste des membres, se souvient Le Figaro. Leur remplacement par des laïcs, sans consultation des instances représentatives des autorités religieuses comme c’était le cas autrefois, avait été vu comme un coup de barre à gauche et avait fait scandale. »

 Aujourd’hui, pour représenter le courant de pensée catholique, c’est Dominique Quinio, ancienne directrice du journal La Croix et présidente des « Semaines sociales de France », qui vient d’être nommée par le président de la République, en remplacement du philosophe et théologien Xavier Lacroix. Le Figaro se souvient qu’elle avait accompagné François Hollande pour sa première visite au Vatican en janvier 2014. À la Conférence des évêques de France, on se contente d’indiquer ‘’qu’un lien a été fait [par l’Élysée] au sujet de la succession de Xavier Lacroix’’. Sans préciser s’il s’agit d’une décision concertée… »

La Science, le Juste, le Vrai

C’est Abdennour Bidar, docteur en philosophie qui sera pour sa part chargé de représenter le courant de pensée musulman au CCNE. Ancien chargé de mission sur la laïcité auprès du ministère de l’Éducation nationale, il a notamment participé à la rédaction de la charte de la laïcité à l’école. On observera aussi le départ de la controversée Dr Véronique Fournier, nommée  présidente du Centre national des soins palliatifs et auteure, à La Documentation française du tout récent « La mort est-elle un droit ? »

Et maintenant ? «François Hollande a déclaré qu’il suivrait l’avis du CCNE sur la PMA sans père et il nomme certains de ces membres: il y a là un problème d’éthique évident, tacle Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour tous. Nous nous interrogeons sur l’indépendance et l’impartialité de cette instance». Cette présidente de s’interroge également sur la «sur représentation» de chercheurs et de personnalités du monde médical au CCNE. «Ils travaillent sur des avis qui concernent directement leur pratique. On peut se demander s’ils ne manquent pas de recul dans leur réflexion», dit Mme de La Rochère.

On peut se le demander… se demander également si la science dit le vrai…. On peut aussi lire, de Jean-Claude  Carrière, « Croyance ».

A demain

1  Les membres nouvellement nommés sont les suivants :

En qualité de personnalités désignées par le Président de la République appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles : Mme Dominique QUINIO, en remplacement de M. Xavier LACROIX ;Abdennour BIDAR, en remplacement de M. Ali BENMAKHLOUF.

En qualité de personnes qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d’éthique :

Sur désignation du vice-président de la Cour de Cassation : Pierre DELMAS-GOYON, en remplacement de Mme Frédérique DREYFUS-NETTER.

Sur désignation du garde des sceaux, ministre de la justice : Mme Dominique THOUVENIN en renouvellement de son mandat. Sur désignation du ministre chargé des affaires sociales : Mme Sophie CROZIER, en remplacement de M. Alain CORDIER.

Sur désignation du ministre chargé de l’éducation nationale : Mme Carine CAMBY, en remplacement de M. André COMTE-SPONVILLE.

Sur désignation du ministre chargé du travail : Mme Martine LE FRIANT, en remplacement de M. Régis AUBRY.

Sur désignation du ministre chargé de la communication : Michel VAN-PRAËT en renouvellement de son mandat.

Sur désignation du ministre chargé de la famille : Mme Christiane BASSET en renouvellement de son mandat.

Sur désignation du ministre chargé du droit des femmes : Yves CHARPENEL, en remplacement de Mme Claire LEGRAS.

En qualité de personnalités appartenant au secteur de la recherche :

Sur désignation de l’administrateur du Collège de France : Mme Monique CANTO-SPERBER, en remplacement de Mme Claudine TIERCELIN.

Sur désignation du directeur de l’Institut Pasteur : Thomas BERGERON, en remplacement de Mme Margaret BUCKINGHAM.

Sur désignation du directeur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale : Mme Anne DURANDY, en remplacement de Mme Marie-Germaine BOUSSER; Francis PUECH en renouvellement de son mandat ;

Sur désignation du directeur général du Centre national de la recherche scientifique : Marc ABELES, en remplacement de Mme Marie-Angèle HERMITTE ; Mme Mounira AMOR-GUERET, en remplacement de M. Patrick GAUDRAY.

Sur désignation de la Conférence des présidents d’université : Régis AUBRY, en remplacement de Mme Véronique FOURNIER.

Les membres inchangés du CCNE sont :

Président : Jean Claude Ameisen; Présidents d’Honneur : Jean-Pierre Changeux, Didier Sicard, Alain Grimfeld

Personnalités désignées par le Président de la République et appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles: Marianne Carbonnier-Burkard, Lionel Naccache, Frédéric Worms

Personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d’éthique: François Ansermet, Hervé Chneiweiss, Alain Claeys, Jean-Marie Delarue, Anne-Marie Dickelé, Cynthia Fleury, Florence Gruat, Frédérique Kuttenn, Michelle Meunier, Jean-Pierre Mignard, Bertrand Weil

Personnalités appartenant au secteur de la recherche: Yves Agid, Laure Coulombel, Pierre-Henri Duée, Jean-Noël Fiessinger, Jean-Pierre Kahane, Alice René, Xavier Vandendriessche, Jean-Louis Vildé.

 

Mort des lasagnes de cheval: le voile se lève sur les viandes et les laits des aliments transformés

Bonjour

Le glas sonne sur les lasagnes de cheval : la France expérimentera à compter du 1er janvier 2017 l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait dans les produits transformés. C’est une nouvelle qui s’inscrit dans la suite des AOC viticoles, ainsi que de la catastrophe de la maladie de la vache folle. C’était là, aussi,  une mesure réclamée par les associations de consommateurs ainsi (plus récemment) que par les éleveurs. Tous les détails figurent dans un décret paru dimanche 21 août au Journal officiel :

« Décret n° 2016-1137 du 19 août 2016 relatif à l’indication de l’origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédient »

Attention

Ce décret « rend obligatoire l’indication de l’origine du lait ainsi que du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédients dans les denrées alimentaires préemballées ». L’expérimentation avait reçu le feu vert de la Commission européenne en mars dernier. C’est là une première européenne qui débutera le 1er janvier prochain et qui durera deux ans, (jusqu’au 31 décembre 2018).

L’étiquetage, assez sommaire devra préciser pour la viande : le pays de naissance, d’élevage et d’abattage des animaux ; et pour le lait : le pays de collecte, le mode de conditionnement et de transformation.

Attention : cette obligation ne vaudra que pour les plats contenant une certaine proportion de viande, et les produits laitiers contenant une certaine proportion de lait, mais ce seuil n’a pas encore été fixé avec les acteurs concernés, a précisé le ministère de l’agriculture.

Lasagnes équins

L’étiquetage des produits transformés est une vieille lune réclamée de longue date par les associations de consommateurs. Une mémoire courte retient,  début 2013, le scandale des « lasagnes frauduleux à la viande de cheval », le bovin ayant laissé la place à l’équin. Une mémoire plus longue distance retient le scandale alimentaire de la vache folle qui à conduit à une obligation d’informer l’acheteur-consommateur sur l’origine des viandes, mais pas encore des viandes non transformées.

Plus loin encore, depuis quatre-vingts ans, le fameux concept d’Appellation d’Origine Contrôlée qui a fait l’originalité et la gloire des meilleures régions viticoles françaises : certification  officielle de provenance, d’élaboration et de et respect du savoir-faire – certification délivrées par un organisme dépendant d’un ministère et sanctionnée par un service de répression des fraudes.

Et avec la crise de l’élevage, ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui ont demandé que l’origine soit indiquée sur les étiquettes des produits transformés – et ce pour encourager l’achat de viande produite en France. A l’issue de l’expérimentation, un rapport d’évaluation sera transmis à la Commission européenne, « sur la base duquel pourra être envisagée la pérennisation du dispositif ».

Ecoulement des stocks

Attention: les pouvoirs publics laissent aux distributeurs jusqu’au 31 mars 2017 pour écouler leurs vieux stocks de plats préparés ne mentionnant pas l’origine des viandes et/ou du lait qu’ils contiennent. Quoi qu’il en soit il faut voir là une information importante : même modeste cette initiative conduira à un peu plus de clarté dans l’immense obscurité des gondoles des super-hyper-mégas supermarchés. On observera aussi que cette démarche coïncide avec une vive polémique sur les projets gouvernementaux actuels de mise en place de logos indiquant les « statuts nutritionnels » ; des logos placés sur les aliments tout préparés de la grande distribution – du moins les aliments destinés aux humains.

A demain

 

Fin de vie : voici venu le temps des nouvelles «directives anticipées » (Journal officiel)

 

Bonjour

Non à l’euthanasie, non au « suicide médicalement assisté », non au statu quo. C’est un événement important dans la déjà longue histoire du droit français confronté à la mort. Un décret d’application publié au Journal officiel du vendredi 5 août établit les conditions de rédaction des directives anticipées pour la fin de vie; des directives qui, sauf exception, s’imposeront aux médecins :

« Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie »

Ce texte donne une définition des  « directives anticipées » : un document écrit, daté et signé par leur auteur, majeur, dûment identifié par l’indication de son nom, prénom, date et lieu de naissance. Une personne majeure sous tutelle peut rédiger des directives anticipées « avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué ». Ces  mêmes directives anticipées peuvent être, à tout moment, soit révisées, soit révoquées. En présence de plusieurs écrits répondant aux conditions de validité ce sera « le document le plus récent » qui l’emportera. »

Volonté de la personne

Voici les passages importants de ce document :

« (….) la volonté de la personne sur les décisions médicales relatives à sa fin de vie concernant les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitements ou d’actes médicaux dans le cas où elle ne serait plus en capacité de s’exprimer. Le modèle permet à la personne d’exprimer sa volonté selon l’un ou l’autre des cas suivants :
« a) Dans le cas où elle est en fin de vie ou se sait atteinte d’une affection grave, la personne exprime sa volonté concernant son éventuelle situation future et sur la poursuite, la limitation, l’arrêt ou le refus de traitements et d’actes médicaux, notamment ceux entrepris dans le cadre de son affection ;
« b) Dans le cas où elle ne pense pas être atteinte d’une affection grave, elle exprime sa volonté concernant son éventuelle situation future et la poursuite, la limitation, l’arrêt ou le refus de traitements et d’actes médicaux dans l’hypothèse où elle serait victime d’un accident grave ou atteinte par une affection grave ;
« 3° Une rubrique permettant à la personne d’exprimer sa volonté sur la possibilité de bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque, dans les hypothèses prévues par l’article L. 1110-5-2, les traitements la maintenant en vie sont arrêtés »

Deux versions

Ce décret est complété par un arrêté : « Arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées prévu à l’article L. 1111-11 du code de la santé publique »

Ce texte fixe les modèles des directives anticipées. Deux versions prévoient deux situations : celle « des personnes ayant une maladie grave ou qui sont en fin de vie au moment où elles rédigent leurs directives anticipées » et celle « des personnes qui pensent être en bonne santé (sic) au moment où elles les rédigent ».

Et maintenant ?  La loi disposait déjà, depuis 2005:

«Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment.»

Médiatisation considérable

Les réponses aux principales questions pratiques des «directives anticipées» étaient disponibles sur le site du ministère de la Santé – avec  formulaire-type  disponible ici. Pourtant, en dépit de l’importance du sujet et de la médiatisation considérable des affaires de fin de vie, ce droit n’était pratiquement jamais exercé. «L’utilisation des directives anticipées demeure très confidentielle: selon une étude récente de l’Ined, elles ne concernent que 1,8% des patients pour lesquels une décision de fin de vie a été prise alors qu’ils n’étaient « plus en capacité de participer à la décision », observait ainsi le Comité national d’éthique (CCNE) dans son avis n°121 de juin 2013. Cela pose très clairement la question de l’appropriation de cette pratique, à la fois par les patients et par les professionnels de santé.»1

Parmi les difficultés avancées la  première tenait au document lui-même. Quelle était la valeur de directives rédigées alors que la personne, ayant toutes ses capacités, n’était pas entrée (ou entre à peine) dans la maladie? Comment affirmer que ce qui est dit et écrit en amont de la souffrance serait encore vrai quant les souffrances, l’inconscience, seraient là?

Grande nouveauté

La rédaction de ce document  ne sera toujours  pas une obligation. Mais (et c’est la grande nouveauté de la nouvelle loi Cleys-Leonetti) ces directives s’imposent désormais aux praticiens alors qu’elles n’étaient jusqu’alors que consultatives. Seuls des cas exceptionnels (prévus par la loi) permet aux médecins de ne pas en tenir compte. Les nouvelles directives anticipées n’ont pas de limites dans le temps alors qu’elles  devaient jusqu’à présent être renouvelées tous les trois ans.

Une fois rédigées et signées, elles peuvent être remises à un médecin, à un membre du personnel soignant (d’un EHPAD par exemple) ou à une personne de confiance. Ces directives peuvent aussi être déposées dans le dossier médical partagé, sur un serveur en ligne accessible aux personnels de santé. Bien évidemment il est essentiel  que le médecin et/ou les proches sachent que ce document existe et où il peut être trouvé.

Pour sa part le ministère de la Santé annonce une campagne d’information d’ici la fin de l’année auprès des professionnels de santé, puis du grand public -et ce sous l’égide du tout jeune « Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie ».

Où l’on voit que le politique peut, parfois, modifier la réalité. En mieux – et sans céder aux sirènes nordiques d’un droit au suicide médicalement assisté.

A demain

1 Lire aussi « Fin de vie: vous pourrez peut-être faire votre choix sur votre carte Vitale » (Slate.fr, 22 janvier 2014)