Truvada® : le « traitement préventif » du sida sera dès demain disponible partout en France

Bonjour

Nouvelle étape, française, dans la lutte contre le VIH/sida sur le territoire national. L’information a été donnée jeudi 9 juin à New York par Marisol Touraine – à l’occasion de la réunion de haut-niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur « la fin du sida ». Les détails figureront dans un arrêté à paraître vendredi 10 juin 2016 au Journal Officiel. La ministre des Affaires sociales et de la Santé y autorisera tous les « médecins expérimentés » dans la prise en charge du VIH (et qui exercent dans les Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic – CeGIDD) à prescrire le Truvada® en traitement préventif.

Marisol Touraine explique qu’avec cette mesure « elle renforce la protection des personnes les plus exposées au SIDA ». La ministre rappelle que ce « traitement » vise « à faire reculer le nombre de contaminations chez certaines populations particulièrement exposées au risque de contamination ». Comprendre : il n’a pas « vocation à se substituer au préservatif », moyen de prévention prioritaire, « efficace dans 99 % des cas contre le sida ».

Au moins un par département

Comme toujours la ministre prend soin de refaire la chronologie de ses actions passées : elle a autorisé, fin 2015, la prescription, « de façon encadrée à l’hôpital », et la « prise en charge à 100 % » du Truvada® préventif contre le SIDA. Aujourd’hui elle « va plus loin » en permettant que ce traitement soit prescrit au sein des CeGIDD, structures « qui travaillent au contact des populations les plus exposées au risque de contamination ».

Les « Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic – CeGIDD » existent depuis le début de cette année 2016. Ils ont pris la suite des CDAG (centre de dépistage anonyme et gratuit) et des CIDDIST (Centre d’Information, de Dépistage et de Diagnostic des Infections Sexuellement Transmissibles). En théorie il y a au moins un CeGIDD par département, ouvert au minimum quatre demi-journées par semaine et offrant dans toute la mesure du possible une consultation en fin de journée ou le samedi. Le CeGIDD pourra aussi ouvrir des antennes dans le département, mais celles-ci ne seront pas astreintes à un minimum horaire.

Eradication et résistances

Plus généralement la ministre de la Santé fait valoir que cette mesure vient compléter l’arsenal qu’elle a personnellement déployé pour toucher les personnes les plus éloignées de la prévention et du dépistage. C’est ainsi que les associations peuvent désormais réaliser des « dépistages communautaires par tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) ». Elles pourront proposer prochainement des « autotests de dépistage » gratuitement aux usagers, notamment dans les structures de prévention engagées dans la lutte contre le sida.

TROD, Truvada® et autotests ; avancer « main dans la main » avec les associations ; aller vers les populations les plus éloignées du système de santé ; voilà, selon elle, la solution pour éradiquer cette infection.

On peut comprendre cette démarche, voire même partager cet enthousiasme. On peut aussi regretter de ne pas disposer d’une évaluation chiffrée des premières prescriptions, prises en charge à 100% du Truvada® préventif. Qu’en est-il du phénomène, redouté par certains spécialistes, des possibles résistances virales ? Ce médicament se substitue-t-il (ce qu’il ne devrait pas) au préservatif ? On peut le dire autrement : sommes-nous pleinement, ici, dans le champ de la réduction raisonnée des risques ?

A demain

Hépatite C : combien de temps faudra-t-il à Marisol Touraine pour tenir son engagement ?

Bonjour

Marisol Touraine, le 25 mai, discours solennel, extrait:

« Aujourd’hui, je décide l’accès universel aux traitements de l’hépatite C. Le recours à ce traitement, comme à tout traitement, ne doit dépendre que du choix du patient, éclairé par son médecin, dans le cadre de leur colloque singulier. Le patient doit pouvoir décider en fonction de son appréciation personnelle des avantages et des inconvénients d’être traité, avantages et inconvénients qu’il appartient au médecin d’exposer.(…)

La ministre de la Santé ajoutait:

« S’agissant des patients F2, des patients transplantés ou en attente de greffe ainsi que des populations vulnérables tout stade de fibrose confondu dans la mesure où ils sont les plus exposés, je signerai l’arrêté d’extension (…) dès les prochains jours. Pour tous les autres patients infectés par le VHC, les F0 asymptomatique et F1, j’ai saisi la semaine dernière la HAS dont l’avis est obligatoire. Elle doit me remettre, pour le mois de septembre, ses recommandations sur les modalités de mise en œuvre de l’accès universel au traitement. Je signerai le nouvel arrêté dans la foulée. »

C’était, écrivions-nous, « presque trop beau pour être vrai », comme un instant de grâce, le politique décidant et l’intendance suivant, le retour à une époque passée, l’oubli des contingences financières et des diktats de Big Pharma. Les médias généralistes reprirent, sans sourciller, l’annonce de la ministre de la Santé. Puis il passèrent à autre chose, le code du travail, la contestation sociale, l’Euro menacé par les cheminots.

Accès universel en deux temps

Marisol Touraine avait, le 25 mai, ajouté : « les prix doivent baisser. Il en va de la crédibilité de notre engagement. » La crédibilité de son engagement ?  Nous sommes aujourd’hui le 9 juin. La ministre vient de recevoir une lettre, dont copie a été adressée au Dr Dominique Martin, directeur général  de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament. Elle a été adressée, depuis Bagnolet, par Pascal Mélin, président de SOS hépatites Fédération. Extrait :

« Le 25 mai dernier lors de la journée nationale de lutte contre les hépatites virales, vous avez annoncé la fin du rationnement et l’accès universel au traitement pour toutes les personnes atteintes d’hépatite C. Vous avez annoncé un accès universel en deux temps :

Premièrement et « dans les prochains jours »,  la signature d’un arrêté permettant  l’extension des indications de traitements pour les patients au stade F2 de fibrose, les patients transplantés ou en attente de greffe ainsi que des populations « vulnérables », tout stade de fibrose confondu, dans la mesure où elles sont les plus exposées. Sur ce premier point, la  commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé a donné son avis le jour même. (…)

« Devoir d’alerte »

Madame la Ministre, nous sommes à plus de deux semaines de votre déclaration et toujours aucun arrêté  n’est paru au journal officiel. Des malades injustement privés de traitements depuis 18 mois ont cru à des avancées dans le respect de leur droit constitutionnel d’accès aux soins. (…) Cette situation d’attente continue d’engendrer un marché parallèle de médicaments particulièrement inquiétant. J’exerce aujourd’hui mon devoir d’alerte auprès de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament.(…) »

Les jours sont devenus des semaines. Le temps est compté. Mme Touraine  est sous surveillance citoyenne. Le devoir d’alerte est exercé. Combien de temps faut-il, à un ministre de la Santé, pour tenir un engagement solennel ?

A demain

PS: L’arrêté est finalement paru au « Journal officiel » du 11 juin. Il constitue bien la première étape de l’élargissement des nouveaux antiviraux à action directe. Ces derniers bénéficient d’une extension d’indication aux patients présentant un stade de fibrose hépatique F2, aux patients transplantés ou en attente de greffe, aux patients en hémodialyse, à ceux présentant des manifestations extra-hépatiques du virus de l’hépatite C, à ceux infectés par un virus de génotype 3, ou co-infectés par un autre virus à tropisme hépatique ainsi qu’aux populations « vulnérables », tout stade de fibrose confondus (usagers de drogues, personnes détenues, femmes en désir de grossesse ou toute autre personne pour laquelle la réunion de concertation pluridisciplinaire estime le risque de transmission élevé).

Grâce à Marisol Touraine les sages-femmes pourront réaliser certaines IVG et vacciner

Bonjour

C’est un décret publié au Journal Officiel du dimanche 5 juin 1. On y apprend que Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, « élargit le champ de compétences » des sages-femmes : elles pourront désormais réaliser des interruptions volontaires de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse et vacciner l’entourage de la mère et du nouveau-né.  L’entourage ? Il comprend « les personnes vivant dans le même domicile que l’enfant ou fréquentant régulièrement ce domicile, ou étant chargées de sa garde régulière en ce lieu ».

Cette mesure ne doit pas surprendre : elle était inscrite dans la loi de « modernisation de notre système de santé ».  Cette nouvelle facilitation de l’accès des femmes à l’IVG et de la vaccination est par ailleurs conforme aux recommandations du Haut conseil de la santé publique (HCSP). « C’est, en outre, une étape importante dans l’histoire de la profession, qui bénéficie ainsi de missions élargies, mieux reconnues et plus en phase avec la réalité du métier de sage-femme » ajoute le service de presse de Marisol Touraine.

Faire et faire savoir

Il ajoute, ce qui n’est pas faux, que l’éventail du rôle des sages-femmes est souvent peu connu. Que la plupart des femmes pensent que leurs compétences se limitent au « suivi de la grossesse » et à la « pratique de l’accouchement ». C’est oublier que les sages-femmes font (et feront) beaucoup plus que cela.

Que serait l’action politique si elle ne narrait sa propre histoire ?  Peu de choses sans doute. C’est aussi pourquoi Marisol Touraine lancera, mardi 14 juin, une campagne nationale d’information pour faire connaître toute l’étendue des compétences des sages-femmes. Mieux encore on nous apprend, en amont de l’événement, que les « outils de cette campagne » seront présentés à la presse « dans le cadre d’un déplacement de la ministre au sein d’une maison de santé pluri-professionnelle ; et ce « en présence des représentants de l’Ordre national des sages-femmes et des principales organisations syndicales de la profession ».

Voilà qui est dit. Reste à savoir quels vaccins – et si ces derniers seront ou non acceptés.

A demain

1 « Décret n° 2016-743 du 2 juin 2016 relatif aux compétences des sages-femmes en matière d’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse et en matière de vaccination »

 

Salles de shoot : feu vert de Marisol Touraine. Tout est enfin en place, mais plus rien ne bouge.

Bonjour

Que se passe-t-il ? Qui s’intéresse encore aux « salles de consommation à moindre risque à destination des toxicomanes » ? Aujourd’hui vendredi 25 mars 2016  Marisol Touraine « donne le feu vert au lancement des expérimentations ». Et le sujet a comme déserté l’espace médiatique français.  Un paradoxe puisqu’après deux décennies de polémiques  toutes les conditions sont désormais réunies pour le lancement de cette expérimentation : le texte signé par Marisol Touraine, précisant les modalités concrètes que devront respecter ces salles,  a en effet été publié ce jour même au Journal officiel.

Toutes les conditions sont désormais réunies pour le lancement de l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque (SCMR) en France : le texte signé par Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, précisant les modalités concrètes que devront respecter ces espaces,  a en effet été publié ce jour au Journal officiel. Avec le lancement de cette expérimentation visant à  réduire les risques pour les toxicomanes, « La France fait le choix d’inclure plutôt que d’exclure. D’accompagner,  plutôt que de stigmatiser», a déclaré la ministre.

C’est un très long arrêté qui fixe les modalités concrètes (présence du matériel médical, horaires d’ouverture, déroulement de la consultation d’accueil, etc.) que devront respecter « les associations porteuses de projets de SCMR, en lien avec les collectivités locales ».

« Leurs » substances psycho-actives

« SCMR » (salle de shoot) ? Il s’agit d’un nouveau dispositif visant à réduire les risques auxquels s’exposent les usagers de drogues. Il a été voté, après d’innombrables atermoiements, dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé.  « Il s’agit d’espaces où des toxicomanes majeurs,  précarisés et en rupture avec le système de santé, sont accueillis pour venir consommer leurs substances psycho-actives dans des conditions d’hygiène adaptées, avec du matériel stérile et sous supervision de personnels de santé » précise-t-on dans l’entourage de Marisol Touraine. On ajoute :

« Avec le lancement de cette expérimentation, la France rejoint les nombreux pays où de tels espaces ont été ouverts (Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Danemark, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas et Suisse) et se sont montrés concluants. L’expérience étrangère a en effet montré que les SCMR permettent aux usagers de recevoir conseils spécifiques, induisant ainsi une diminution des comportements à risque, des overdoses mortelles et parfois même l’accompagnement vers des traitements de substitution. Ont également été mis en évidence une réduction de l’usage de drogues en public et des nuisances associées. »

« Il ne s’agit en aucun cas de banaliser la consommation de drogues. Mais fermer les yeux face à telle une réalité sociale et sanitaire ne fera pas disparaître le problème. La France fait donc le choix d’inclure plutôt que d’exclure. D’accompagner,  plutôt que de stigmatiser. »

 Jean-Marie Le Guen, août 2012

Il y a quatre ans la gauche arrivait au pouvoir. Jean-Marie Le Guen, député (socialiste) et adjoint au maire de Paris demandait en août au gouvernement (socialiste) d’autoriser la création de salles d’injection de drogue. Cette mesure s’imposait, selon lui, du fait de l’augmentation de la consommation d’héroïne à Paris. Il le faisait dans une interview accordée au Parisien. « Aujourd’hui il y a une urgence, expliquait le député, médecin de formation. La consommation d’héroïne augmente à Paris. Le nombre de seringues utilisées dans les distributeurs automatiques progresse de 7% au premier semestre 2012 par rapport à la même époque en 2011 et les personnels des associations trouvent davantage de seringues dans les rues. C’est préoccupant. Il faudrait autoriser, comme cela se fait à l’étranger, des salles de consommation de drogue, mais de façon très encadrée. »

Cet homme politique aurait pu être ministre de la Santé. Il ajoutait : « François Hollande avait fait part pendant la campagne présidentielle de son intérêt pour ce genre d’expérimentation. Je demande aujourd’hui que le gouvernement donne son accord pour la mise en œuvre de ces salles de consommation. »

Quatre ans plus tard  Jean-Marie Le Guen est secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement.  Avant 2012 on débattait, on s’enflammait, plusieurs grandes villes de France avaient manifesté un intérêt pour le sujet. Puis le dossier a été particulièrement mal géré. On s’est essoufflé. Printemps 2016, rien n’a changé – mais il semble que ces villes…Paris… le pays…, ont désormais d’autres priorités.

A demain

PS: Le Conseil de Paris a voté mardi 29 mars l’attribution d’une subvention de 850.000 euros qui permettra d’ouvrir à l’automne 2016 à l’hôpital Lariboisière (Xe arrondissement) la première salle de consommation à moindre risque (SCMR) de la capitale. Cette salle comprenant un accueil, une salle d’attente et de consommation, sera aménagée sur 450 m2 dans l’enceinte même de l’hôpital. Gérée par l’association Gaia Paris, elle devrait pouvoir accueillir 200 personnes par jour.

 

Euthanasie : Véronique Fournier est-elle vraiment à la tête du «Centre national de la fin de vie» ?

Bonjour

Pataquès. La situation est inédite et bien embarrassante. Résumons. Le 6 janvier Marisol Touraine annonçait la création du « Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie ». Le décret relatif à cette création était publié  le même au Journal officiel. La ministre de la Santé annonçait aussi que la nomination du président de ce centre interviendrait très prochainement.

Moins de vingt-quatre heures plus tard Libération levait le voile : «Véronique Fournier, présidente du nouveau Centre national de la fin de vie». L’annonce faisait aussitôt grincer quelques dents plus ou moins confraternelles, comme nous l’évoquions le 8 janvier : « Véronique Fournier présidente … Controverse sur cette nomination ».

Nomination éventuelle

Nous sommes le 10 janvier et plus rien n’est acquis. Un vide étonnant qui libère quelques prises de parole. Il y a d’abord eu une dépêche, datée du 8 janvier, de l’Agence de Presse Médicale (APM, sur abonnement) qui parle d’une éventuelle nomination. Extraits :

« L’éventuelle nomination du Dr Véronique Fournier en tant que présidente du nouveau Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, avancée jeudi par le quotidien Libération, soulève des critiques, notamment de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, en raison notamment de ses prises de position sur l’euthanasie.

Refus de s’exprimer

« Sur son site internet, Libération affirme, sans préciser sa source, que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, « Marisol Touraine […] a décidé de nommer à la présidence de ce nouveau lieu la Dr Véronique Fournier, directrice du centre d’éthique clinique [CEC] de l’hôpital Cochin » (Paris, AP-HP).

« Joints par l’APM vendredi, ni le cabinet de Marisol Touraine ni Véronique Fournier n’ont souhaité s’exprimer à ce sujet. En revanche, des sources compétentes ont confirmé à l’APM que la nomination du Dr Fournier est bien pressentie. »

Nommée ou pressentie ? Pourquoi un tel silence ? L’APM rappelle aussi que le Dr Fournier a été nommée membre du Comité consultatif national d’éthique en janvier 2015 et qu’elle a été coauteure d’une étude du CEC de Cochin de décembre 2013, où l’équipe se demandait si le recours à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles (AHA) en néonatologie
ne serait pas « le talon d’Achille » de la loi Leonetti d’avril 2005 sur la fin de vie.

Pas d’expérience

Pour sa part la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs ne cache pas, publiquement, son étonnement du choix annoncé par Libération.

« La Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) s’étonne donc de la nomination, par Madame la Ministre Marisol Touraine, d’une personnalité qui, d’une part, n’a pas l’expérience de la pratique des soins palliatifs et, d’autre part, tient des positions en faveur de la dépénalisation de l’euthanasie.

« La SFAP s’inquiète notamment des orientations qui pourront être données aux travaux de ce centre et de la teneur de la campagne de communication que celui-ci devra mettre en œuvre dans un an en faveur du grand public, des professionnels et des aidants auprès des grands malades en soins palliatifs. »

L’épreuve de la rencontre

Joint par l’APM le 9 janvier, le président de la SFAP, le Dr Charles Joussellin, a précisé que cette société savante  avait pris position à partir de l’information de Libération, sans avoir reçu de confirmation officielle. Il estime que Marisol Touraine serait mieux avisée de nommer un médecin ou un soignant qui ait « au moins l’expérience de la confrontation avec le patient en soins palliatifs », de « l’épreuve de la rencontre ». Le Dr Joussellin a encore expliqué à l’APM que Véronique Fournier « développe une thèse utilitariste qui objective le malade ». Il ajoute :

« Si l’on parle de l’homme en soins palliatifs selon sa maladie, les traitements, les techniques, l’homme disparaît un petit peu pour être un objet que l’on peut faire disparaître plus facilement. Je suis très attaché à la subjectivité: un sujet malade rencontre un sujet soignant, et cette rencontre a une valeur considérable, qui doit être première. »

Libertarienne et individualiste

On rappellera que la Sfap s’oppose à toute forme d’aide active à mourir. La Croix (Marine Lamoureux) aborde à son tour le sujet et cite « un bon connaisseur du secteur  » : « C’est un signe politique majeur et catastrophique (…) Véronique Fournier défend une éthique de l’autonomie à l’anglo-saxonne, libertarienne et individualiste, en rupture avec la conception des soins palliatifs, fondée sur une éthique de la bientraitance qui n’accélère, ni ne prolonge, la fin de vie du patient ».

Peut-elle dans ces conditions, présider un «Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie » ? Nous donnerons, ici et dès que possible, de plus amples informations.

A demain

 

Vous n’avez pas d’enfants ? Vous pouvez néanmoins donner vos cellules sexuelles. Voici comment.

Bonjour

Hier encore c’était formellement interdit. A compter d’aujourd’hui c’est autorisé. Marisol Touraine, ministre de la Santé, l’a souhaité. Sa volonté se traduit par un arrêté publié aujourd’hui au Journal officiel : « Arrêté du 24 décembre 2015 pris en application de l’article L. 2141-1 du code de la santé publique et modifiant l’arrêté du 3 août 2010 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation » ; un arrêté signé la veille de Noël par le Pr Benoît Vallet, directeur général de la santé.

En pratique cette mesure fait que « toute femme de 18 à 37 ans » ou « tout homme de 18 à 45 ans » considéré comme étant  en bonne santé pourra donner une fraction de ses ovocytes ou de ses spermatozoïdes .Ou du moins se porter candidat à un tel don. Depuis quarante ans (et la naissance des Centres d’études et de conservation du sperme) cette possibilité était réservée aux personnes ayant déjà eu (au moins) un enfant. Il s’agissait notamment d’être certain que le donneur ne puisse pas, en cas d’accident ou de maladie conduisant à la stérilité, regretter d’avoir aidé à une procréation sans avoir lui-même pu être parent.

« Pressions » et altruisme

Pourquoi élargir ainsi le cercle des donneurs ? Afin de lutter contre l’insuffisance des dons de gamètes nécessaires aux trois mille couples infertiles aujourd’hui en attente en France. Une précaution pratique a été prise : « une donneuse qui n’a pas eu d’enfant aura la possibilité de bénéficier ultérieurement d’une partie des gamètes donnés, si elle devient infertile » ; mais « à condition de toujours privilégier le don ». « La répartition entre le don et la conservation pour soi dépendra du nombre d’ovocytes matures recueillis : il peut ainsi arriver que la conservation à son bénéfice ne soit pas réalisable et la donneuse en est clairement informée » précise-t-on au ministère de la santé. C’est là un point qui reste à éclairer.

Autre précaution : « chaque candidat au don réalisera un entretien psychologique préalable pour vérifier qu’il ne fait l’objet d’aucune pression et s’assurer du caractère altruiste de sa démarche ». On ne précise pas, au ministère, de quelles pressions il pourrait être question. Pas plus que l’on ne précise quel autre raison que l’altruisme pourrait motiver une telle démarche.  On estime, enfin, que ces nouvelles conditions (parfois controversées dans les milieux médicaux spécialisés) respectent pleinement les grands principes français du don ». A savoir : l’anonymat, la gratuité et le consentement librement exprimé.

A demain

 

Dr Véronique Fournier, présidente controversée du «Centre national de la fin de vie».

Bonjour

Le 6 janvier Marisol Touraine annonçait la création du « Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie ». Il s’agit ici d’une initiative qui vise « à mieux informer les patients sur leurs droits effectifs ». Le décret relatif à cette création a été publié ce jour au Journal officiel. Et déjà une impression d’usine à gaz avec un conseil d’orientation stratégique comprenant, outre son président, pas moins de quatorze membres. Ce centre sera notamment chargé, d’ici un an, de mettre en œuvre une grande campagne nationale de communication à destination des Français sur les soins palliatifs.

La ministre de la santé annonçait aussi, le 6 janvier, que la nomination du président de ce centre interviendrait très prochainement. De fait, moins de vingt-quatre heures plus tard Libération (Eric Favereau) levait le voile : «Véronique Fournier, présidente du nouveau Centre national de la fin de vie». Une annonce qui fait grincer quelques dents confraternelles dans le milieu, à haute valeur idéologique, de la fin de vie.

« Soins palliatifs » et/ou « fin de vie »

Véronique Fournier, donc, auteure de plusieurs tribunes dans Libération. Véronique Fournier est cardiologue et médecin de santé publique. Elle commence sa carrière dans ce dernier domaine et publie L’Hôpital sens dessus dessous (Michalon, 1996). Après plusieurs années d’expérience humanitaire, notamment avec Médecins du monde, elle rejoint en 1999 le cabinet du ministre de la Santé Bernard Kouchner. Elle prend alors en charge la préparation de la loi « Droits des malades » et la révision de la loi bioéthique. Ces sujets l’incitent à créer en 2002 le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin à Paris, qu’elle continue de diriger aujourd’hui. Auteure, également, du « Bazar bioéthique » (Robert Laffont, 2010)

Cette nomination est vivement critiquée dans les milieux aux antipodes des défenseurs du droit de mourir dans la dignité – comme l’association Alliance Vita qui qualifie cette nomination « d’inquiétante » et cite l’une des  déclarations de Véronique Fournier faite au Monde en 2012:  « Si on légalise sur une euthanasie volontaire, contre les médecins, on va braquer les médecins. En France, les soins palliatifs s’opposent à l’euthanasie, or, il faudrait que l’euthanasie devienne le soin palliatif ultime. » Plus généralement la lecture de ses écrits laisse une impression de relative confusion entre les notions de soins palliatifs et de suicide médicalement assisté.

Cardiologue de formation

Pour Libération aucun doute, ce choix s’imposait. Extraits :

« Membre du Comité national de bioéthique, Véronique Fournier est une des personnalités les plus ouvertes et les plus compétentes sur ces questions. Cardiologue de formation, elle est soucieuse des réalités des pratiques, loin des postures souvent figées des uns et des autres. «Les soins palliatifs font du bon travail, mais ce n’est pas la réponse pour tout le monde et, de toute façon, on n’arrivera jamais à mettre des soins palliatifs partout», disait-elle dans un entretien récent à Libération. «Arrivent des situations nouvelles : le continent des « vieux ». Beaucoup de personnes âgées meurent mal. Surtout quand elles sont démentes et en institution. Nous sommes et serons de plus en plus nombreux à finir nos jours ainsi. Qu’est-ce que cela veut dire de « bien », mourir quand on est vieux, dément et en institution? Il est temps d’y réfléchir

 Thuriféraire

Réfléchir ? Certains spécialistes, médecins et laïcs, de l’éthique des soins palliatifs regrettent ce choix. Ils voient parfois dans la première présidente de cette structure nationale un thuriféraire de l’euthanasie,  une figure du combat pour la sédation profonde et continue. Ils observent aussi que ce médecin n’est pas véritablement spécialiste de l’accompagnement et des soins palliatifs. On peut ajouter, d’un point de vue démocratique, que cette nomination survient quelques jours avant l’adoption (en commission mixte paritaire) de la proposition de loi Claeys-Leonetti « créant de nouveaux droits en faveurs des malades et des personnes en fin de vie » voulue par François Hollande ; une proposition dans laquelle Marisol Touraine n’a jamais caché ne voir là qu’une « première étape ». Sans jamais préciser ce que serait la seconde.

 

A demain

 

 

 

Grippe aviaire : inquiet, le gouvernement élargit considérablement la «zone de biosécurité»

Bonjour

Nous avons franchi une nouvelle étape. Vendredi 18 décembre le gouvernement a  a imposé de nouvelles mesures visant à « assainir les zones de production de volailles ». Une nouvelle et vaste  « zone de restriction » a été définie. Elle comprend désormais toute la région Aquitaine (Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques) ainsi que les départements voisins du Gers, des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Vienne, auxquels il faut ajouter trente communes du Lot (dont celle de Gourdon) et une commune de Charente (celle de Palluaud).

Tout est précisé dans un arrêté paru vendredi au Journal officiel : « Arrêté du 17 décembre 2015 déterminant des dispositions de lutte complémentaires contre l’influenza aviaire hautement pathogène suite à la détection de la maladie sur le territoire français »

Lâchers de gibiers à plumes

Dans cette vaste zone de strictes  « mesures de biosécurité » doivent dorénavant être appliquées pour l’élevage, le transport et l’abattage des volailles. Ainsi les véhicules utilisés pour les déplacements d’oiseaux ou « de tout autre matière ou substance susceptible d’être contaminée » doivent être « nettoyés et désinfectés », au même titre que les élevages. Dans ces derniers une période de « vide sanitaire » doit en outre être respectée entre deux cheptels.

Les animaux vivants et les œufs  à couver ne pourront pas sortir de la « zone de restriction », sauf dérogation du préfet dans certains cas. Les « rassemblements d’oiseaux » vivants comme les foires et marchés, ainsi que les lâchers de gibiers à plumes sont soumis à autorisation préfectorale. La vente de volailles non plumées provenant de la « zone de restriction » est interdite, tandis qu’un « traitement assainissant » est obligatoire pour les sous-produits destinés à l’alimentation animale (abats, carcasses…).

Extrait témoignant de la complexité :

« L’épandage de la litière usagée, du fumier, du lisier ainsi que des sous-produits tels que les coquilles et les plumes ne peuvent être réalisés qu’à condition de la mise en œuvre de procédés assainissant préalables ou de l’expédition dans des conditions satisfaisantes de biosécurité, à destination d’une usine agréée pour le traitement ou l’entreposage temporaire en vue d’un traitement ultérieur visant à détruire tout virus de l’influenza aviaire éventuellement présent conformément au règlement (CE) no 1069/2009 du 21 octobre 2009.

« La cession ou la vente de sous-produits de volailles crues à destination de l’alimentation animale sans traitement assainissant est interdite, ces produits ne peuvent sortir de la zone de restriction, sans rupture de charge, qu’à destination d’un établissement assurant un traitement thermique assainissant. En l’absence d’éléments probants sur le respect de ces dispositions le préfet peut interdire les déplacements ou épandage et faire procéder à l’exécution des mesures adaptées au frais de l’intéressé. »

Oiseaux vivants et œufs à couver

Rien de nouveau, pour l’heure, sur le front épidémiologique. Depuis la confirmation d’un cas de grippe aviaire en Dordogne  (le premier en France depuis 2007) trente foyers ont été progressivement découverts dans cinq départements du Sud-Ouest. L’Agence de sécurité sanitaire et alimentaire (Anses) a affirmé il y a quelques jours  que la principale souche identifiée du virus n’est pas transmissible à l’homme.

Les ministres de l’Agriculture et de la Santé  rappellent que la consommation de volailles et de foie gras ne présente aucun risque de contamination. Le gouvernement a fort prudemment prononcé l’interdiction de l’exportation d’oiseaux vivants et d’œufs à couver provenant de Dordogne et de 225 communes des Landes tandis que dix-sept pays et territoires ont imposé des embargos, larges ou ciblés, sur les produits avicoles français.

A demain

Pris avec (un peu) de cannabis ? Vous ne voulez pas être jugé ? Pas de problème, Il vous suffira, désormais, de payer

Bonjour

« Rarement réforme judiciaire n’aura été aussi peu assumée » écrit Le Monde (Laurent Borredon et Jean-Baptiste Jacquin). Le Monde qui assume avec une manchette fumante : « Les fumeurs de cannabis pourront désormais échapper au tribunal ». Pour l’heure les autres médias ne relaient pas – sauf France Culture. Les radios périphériques hésitent. France Inter fait l’impasse. Tout se passe comme si les médias n’y croyaient pas vraiment.

Politiquement miné

A compter de ce vendredi 16 octobre nous entrons, en France, dans le système de la « transaction pénale ». Lisons Le Monde, donc, puisqu’il a saisi l’ampleur sociétale, du sujet :

« La mise en œuvre de la transaction pénale, voulue par la loi d’août 2014, a fait l’objet de la publication discrète, jeudi 15 octobre, d’un décret d’application au Journal officiel. Ce dispositif permet aux officiers de police judiciaire de proposer pour les petits délits une amende, qui serait immédiatement payée, plutôt que de déclencher la lourde machine judiciaire.

 Mais le terrain est miné politiquement. Car ces mesures apparemment techniques destinées à désengorger les tribunaux pourront s’appliquer par exemple à la consommation de cannabis, ou à la conduite sans permis ou sans assurance [ce dernier point à ultérieurement -et bien tardivement- été démenti par la Chancellerie… ]. Laisser entendre que les tribunaux n’auraient plus à juger ces délits à forte charge symbolique dans l’opinion publique, et c’est un procès en dépénalisation qui menace le gouvernement de Manuel Valls, lui-même signataire du décret avec quatre de ses ministres [voir ici le texte du décret signé, outre par le Premier ministre, par Christiane Taubira, Michel Sapin, Bernard Cazeneuve et Georges Pau-Langevin]. »

Désengorger

Le pouvoir en place fera valoir qu’il ne s’agit nullement de dépénalisation : les amendes proposées par la police en dehors des tribunaux devront avoir été autorisées « au préalable au cas par cas par le procureur »  puis homologuées a posteriori par le président du tribunal. Et le code pénal restera comme il est, écrit dans le marbre. Reste que la dimension symbolique de la transaction fait que ce marbre apparaître bien friable – et ce du fait même du pouvoir ; un pouvoir qui avoue lui-même qu’il s’agit là de désengorger les tribunaux. Et nombre de magistrats engorgés d’applaudir devant ce pragmatisme républicain. Un pragmatisme inspiré de la vielle pratique des douaniers et qui ajoutera à l’américanisation de la société française.

Petits larcins (moins de 300 euros)

En pratique, il n’y aura pas que le cannabis. Cette transaction pénale s’appliquera « à tous les délits punis au maximum d’un an d’emprisonnement ». Cela ira du vol simple (valeur environ inférieure à 300 euros) aux atteintes involontaires à l’intégrité physique (entraînant une incapacité de travail de moins de trois mois). Sans oublier l’occupation en bande d’un hall d’immeuble. Y ajouter, assure Le Monde : la consommation de stupéfiants et la conduite sans permis.

Explications de texte : « Il s’agit de pouvoir sanctionner certaines infractions de faible gravité auxquelles la réponse pénale traditionnelle semble peu ou mal adapté. » (Dominique Raimbourg, avocat et député (PS, Loire-Atlantique). « Avec la possibilité de consigner le montant de l’amende dès que la personne mise en cause a accepté la transaction pénale, ce sera plus rapide et plus efficace » (Véronique Léger, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats.

Marisol Touraine absente

Jésuites ou paradoxaux (voire les deux) certains soutiennent que ce nouveau dispositif  servira à renforcer la répression de l’usage de stupéfiants. Par quel mystère ? Le recours systématique à l’amende pourra être décidé dans le cas de personnes prises pour des premiers faits – des personnes que la police ne se donnait plus la peine de poursuivre.Les croire sur parole ?

Tout cela, on le voit concerne, au premier chef, la santé publique (1). Pour autant Marisol Touraine n’est pas signataire du décret (2). Drogues illicites mais aussi délits routiers. On se souvient que Christiane Taubira avait fait une spectaculaire marche arrière sur le même sujet : transformer en contraventions  le défaut de permis de conduire ou d’assurance automobile.

De nouveaux nuages se pressent à l’horizon du gouvernement. Le Monde évoque ainsi « les fumeurs de shit pris par une patrouille avec une boulette de résine de cannabis ». Accepteront-ils de se rendre au commissariat « de leur propre gré »? choisiront-ils  l’interpellation et la garde à vue ? C’est une question qu’il aurait fallu leur poser. Plus généralement il faudra observer comment notre vieux pays digérera le passage, à vitesse forcée, au concept de la répression (financière) instantanée.

 A demain

(1) Pour Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction « l‘arrivée de la transaction pénale est une bonne évolution technique, mais pas une révolution pénale, car elle ne touche pas à la symbolique de la pénalisation de l’usage». 

Pour Danièle Jourdain-Menninger, la présidente de la Mildeca, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives «c’est une mesure de simplification des procédures qui ne change rien à la politique actuelle. L’interpréter comme une marche vers la dépénalisation serait une erreur d’analyse». 

Pour sa part  l’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA) a publié le communiqué suivant:

« Débordé par une consommation de masse que la répression n’arrive pas à endiguer, ce gouvernement, comme ceux de la précédente majorité, est tétanisé par la crainte de se voir accusé de laxisme s’il réforme la législation sur une base plus rationnelle. Il vient cependant, quasiment en catimini, de mettre en place une mesure, la transaction pénale, qui permettra dans les faits de remplacer pour les usagers de stupéfiants (et en particulier de cannabis) le passage devant le tribunal par une contravention à l’initiative des policiers.

Loin d’être une dépénalisation de l’usage, la contraventionnalisation sanctionnera moins fort mais permettra une répression plus systématique alors que son échec est patent. Cette réforme procédurale a pour objectif de désengorger les tribunaux, mais pas de changer le cadre législatif. Il est plus que temps d’ouvrir un véritable débat citoyen sur l’ensemble du sujet – l’usage de substances psychoactives licites et illicites et leurs dommages sanitaires et sociaux –, plutôt que de tenter en vain des bricolages juridiques qui ne résoudront rien.

La société est largement prête, et en attente pour un débat serein et dépassionné d’autant que la principale préoccupation de la population pour la santé de la jeunesse n’est pas le cannabis, mais l’alcool. L’ANPAA appelle donc le gouvernement et les élus à faire preuve du courage nécessaire pour ouvrir une consultation publique avec l’ensemble les acteurs de la société. Elle y contribuera activement».

(2)  Marisol Touraine estimait jusqu’à présent que  « la contraventionnalisation du premier usage de stupéfiants serait un mauvais signal à adresser ».

Donner ses cellules sexuelles: ce sera possible sans jamais avoir eu d’enfants (Libération)

Bonjour

Quelques lignes discrètes initialisées (C. Ma.) dans l’édition datée du 5 octobre : c’est pourtant bien un scoop de Libération. Le quotidien explique avoir eu entre les mains le texte d’un projet de décret à paraître sous peu au Journal officiel. Un décret d’application de la loi de bioéthique de 2011 –  pour permettre « aux hommes et aux femmes qui n’ont pas eu d’enfant de faire don de leurs gamètes ».

« Il aura fallu attendre quatre ans pour que ce décret d’application de la loi de bioéthique de 2011 soit rédigé, et bientôt signé par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et le Premier ministre , Manuel Valls » assure Libération qui cite Marisol Touraine estimant inacceptable que des couples français puissent se rendre à l’étranger faute d’ovocytes disponibles en France.  Pourquoi quatre ans ? Pourquoi, depuis plus de trois ans, l’actuel gouvernement n’est-il pas allé plus vite pour signer un décret d’application ?

On estime aujourd’hui en France à 24000 le nombre des enfants qui naissent chaque année en France grâce à une conception obtenue par AMP – dans 5% des cas cette conception se fait via un don de gamètes, le plus souvent des spermatozoïdes, parfois des ovocytes dont la France manque.

Dons encouragés

Le décret à paraître vise à encourager les dons, particulièrement d’ovocytes, avec l’objectif d’atteindre le chiffre de 900 donneuses d’ovocytes, soit deux fois plus qu’actuellement. « En permettant donc aux nullipares (les femmes qui n’ont pas eu d’enfant) de donner, mais aussi en prévoyant pour la première fois une compensation. Pas financière mais en nature, écrit Libération. C’est une première: les donneuses (et donneurs) pourront conserver une partie de leurs gamètes en vue d’un éventuel et futur recours à une PMA. »

Cette pratique (ce « troc ») était déjà ici ou là mis en œuvre. En septembre 2012, il y a trois ans, le Pr Joëlle Belaisch Allart, vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) traitait du sujet dans Le Figaro. Extraits :

« Qui peut donner ses ovocytes? Selon la loi française, le don d’ovocytes doit être anonyme et gratuit. La précédente loi de bioéthique (2004) stipulait que les donneuses devaient avoir déjà été mères: étant donné le recul de l’âge moyen de la maternité en France (30 ans), nos donneuses frôlaient donc les 35 ans, un âge auquel, justement, les chances de grossesses commencent à chuter! Dans la nouvelle loi de 2011, les femmes qui n’ont pas encore eu d’enfants sont autorisées à donner leurs ovocytes et se voient proposer la conservation d’une partie d’entre eux pour elles-mêmes. Cependant, comme l’a rappelé l’Agence de la biomédecine, le décret d’application de la loi devant être signé, à l’heure où ces lignes sont écrites, seules les femmes déjà mères peuvent donner leurs ovocytes, chez nous. (…)

Il convient enfin de souligner les contraintes pour la donneuse: en moyenne, trois visites par cycle dans les centres autorisés pour les examens (prise de sang pour dosages hormonaux et échographies). Et si, théoriquement, la donneuse d’ovocytes est prise en charge à 100 % par l’Assurance-maladie, certaines caisses, de moins en moins nombreuses, sont encore récalcitrantes. Par ailleurs, même si les frais sont supposés être remboursés, il persiste un certain flou. Toutes les équipes des centres de dons se battent, avec l’aide de l’Agence de la biomédecine, pour parvenir à obtenir une vraie neutralité financière pour la donneuse.

200 à 300 euros ?

Aujourd’hui, la loi espagnole autorise un défraiement de l’ordre de 900 euros pour les donneuses. La loi française interdit, elle, la moindre rémunération. De nombreux professionnels pensent qu’une solution intermédiaire devrait être possible: l’attribution d’une somme fixe modérée (de l’ordre de 200 à 300 euros) pour chaque donneuse. Cette somme ne serait pas suffisante pour pousser des femmes en situation de précarité à vendre leurs ovocytes, mais elle permettrait à la donneuse d’obtenir un vrai remboursement de tous ses frais: transports, garde des enfants, etc. Cette somme pourrait être versée par l’Assurance-maladie, ou bien par un fond que les candidates alimenteraient – plutôt que de payer, comme actuellement, plusieurs milliers d’euros pour aller à l’étranger. »

Troc autorisé

Ainsi donc, avec ce nouveau décret, la fin vient-elle quelque peu justifier les moyens. Une forme de troc est autorisé. Pour autant, s’il est assoupli par voie de décret, le cadre législatif ne change pas : la loi de bioéthique est fondée sur la finalité médicale de l’AMP et donc du don gamètes : l’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Ce couple doit être composé d’un homme et d’une femme en âge de procréer.

Et le don, celui des organes comme celui des cellules sexuelles, est et demeure gratuit. Le troc autorisé aujourd’hui par voie de décret soit-il être interprété comme un mauvais signe avant-coureur ?

A demain