Palu : Agnès Buzyn interdira-t-elle une étrange «médication maison» promue par Cédric Villani ?

Bonjour

L’Académie nationale de médecine part en guerre. Tiré depuis la paisible rue Bonaparte le premier missile a la forme discrète d’un communiqué  – c’est aussi une « prise de position officielle » adoptée lors de la séance du mardi 19 février 2019 par 76 voix pour, 9 voix contre et 12 abstentions.

Cible désignée : la campagne médiatique et commerciale : « Éliminons le paludisme à l’aide de feuilles d’Artemisia » incitant à traiter les malades avec des tisanes ou des capsules de feuilles séchées d’Artemisia annua. Cette action est menée par une association française, « La maison de l’Artemisia », qui crée des succursales dans plusieurs pays d’Afrique, et le soutien d’une association luxembourgeoise, avec le message suivant : chaque village africain doit apprendre à planter des pieds d’Artemisia dans un jardin, récolter et sécher les feuilles pour disposer ainsi d’un « médicament maison » permettant de traiter chaque accès palustre sans qu’il soit nécessaire de consulter un agent de santé ou d’absorber une Combinaison Thérapeutique à base d’Artémisine (CTA), l’un et l’autre n’étant pas toujours disponibles.

L’Académie précise que ces associations ont réussi à entraîner dans leur sillage des « célébrités non médicales de tous horizons », à bénéficier d’une audition à l’Assemblée nationale 1 et d’échos médiatiques (Le Monde 24/04/2018, L’Obs 9/10/2018, Paris Match 06/11/2018, Le Figaro 23/11/2018, La Croix 17/12/2018) qui s’amplifient depuis le début du mois de novembre. Leur discours s’appuie sur des expérimentations d’une biologiste américaine, Pamela Weathers, qui teste la plante chez des rongeurs et tente d’identifier et de doser des composés autres que l’artémisinine présents dans les Artemisia

Cédric Villani et Juliette Binoche

Un essai contrôlé chez l’homme, a été mis en ligne le 5 décembre dernier, publié dans une revue spécialisée de phytothérapie 2. Cette étude, réalisée en 2015 dans cinq bourgades de République Démocratique du Congo (RDC), sur 957 patients (enfants > 5 ans et adultes) ayant un paludisme à P. falciparum non compliqué, compare l’efficacité d’une tisane d’Artemisia consommée pendant sept jours au traitement par l’artésunate-amodiaquine (ASAQ), une Combinaison Thérapeutique à base d’Artémisine (CTA) recommandé en RDC, pendant trois jours, ce qui rend douteuse la qualité du double insu.

« Malgré un évident lien d’intérêts et de nombreuses insuffisances méthodologiques qui auraient dû entraîner un rejet de l’article par les relecteurs, les auteurs proclament la supériorité de la tisane d’Artemisia sur le CTA en utilisant trois critères : disparition de la fièvre, de la parasitémie et taux d’échecs entre J21 et J28 qui atteint le niveau invraisemblablement élevé de 65,6% dans le bras ASAQ, aucun test n’étant effectué pour différencier les rechutes (vrais échecs) des réinvasions, accuse l’Académie. La consommation d’Artemisia seule pendant 7 jours, par des litres de tisane de composition incertaine, expose les jeunes enfants  impaludés à un risque élevé d’accès pernicieux. De plus, cette monothérapie favorise l’émergence de souches de P. falciparum résistantes, alors qu’aucune molécule n’est actuellement disponible pour remplacer l’artémisinine dans les CTA. »

Incompétence et bonnes intentions

L’OMS, en 2007, se prononçait pour le retrait de tout médicament à base d’artémisine seule ; en 2012, elle déconseillait formellement l’utilisation de feuilles séchées en raison de la concentration faible et variable d’artémisine dans la plante et de sa dégradation dans l’eau à forte température ; en 2015, elle publiait une 3ème édition des « Recommandations pour le traitement du paludisme » précisant le traitement des accès simples à P. falciparum, les CTA recommandées et le protocole d’urgence artésunate IV + CTA pour les accès pernicieux.

En France l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM) a suspendu en 2015 et 2017 la mise sur le marché de produits à base d’Artemisia proposés sur internet ou par l’intermédiaire d’associations pour la prévention et le traitement du paludisme, « susceptibles de présenter un danger pour la santé humaine ».

Conclusion, à l’adresse, notamment, d’Agnès Buzyn, ministre française des Solidarités et de la Santé :

« L’Académie Nationale de Médecine, inquiète des dangers immédiats de l’utilisation des feuilles séchées d’Artemisia pour le traitement et la prévention du paludisme et soucieuse de préserver l’avenir de l’efficacité thérapeutique de l’artémisinine, tient à mettre solennellement en garde les autorités de santé, les populations des zones de transmission du paludisme, les voyageurs séjournant dans ces pays, face aux recommandations scientifiquement incertaines et irresponsables pour l’utilisation de cette phytothérapie, dangereuse pour l’avenir de la lutte antipaludique. Elle demande que cesse une campagne de promotion organisée par des personnalités peut-être bien intentionnées mais incompétentes en paludologie. »

A demain

@jynau

1 Extraits de Paris Match daté du 6 novembre 2018 : « Juliette Binoche et les députés Cédric Villani et Stéphane Demilly organisent le 13 novembre à l’Assemblée nationale, la projection d’un documentaire sur l’artemisia, une plante qui guérit le paludisme. Juliette Binoche et les députés Cédric Villani (LREM) et Stéphane Demilly (UDI) s’engagent dans la lutte contre le paludisme. Ils organisent la projection d’un documentaire* sur l’artemisia, une plante qui prévient et guérit du paludisme, le 13 novembre à l’Assemblée nationale. En Afrique, en Europe et aux Etats-Unis, des médecins, chercheurs et ONG valorisent l’utilisation naturelle de cette plante, déconseillée par l’OMS, pour lutter contre le fléau mondial.

« D’après la plus grande étude clinique conduite à ce jour (sur 1000 patients en République démocratique du Congo), les tisanes d’artemisia auraient une efficacité spectaculaire (99%) contre la maladie parasitaire, sans provoquer d’effets secondaires. Aux Etats-Unis, les travaux de la biologiste Pamela Weathers attestent de la sûreté et de l’efficacité de cette thérapie naturelle dont le faible coût et la disponibilité immédiate font d’elle un moyen de lutte particulièrement adapté aux pays en développement.

« Ces médecins, chercheurs et ONG souhaitent que l’artemisia entre dans l’arsenal thérapeutique pour lutter contre la maladie qui tue un enfant toutes les deux minutes dans le monde (90% des cas et des décès se concentrent en Afrique subsaharienne). Les propriétés antimalariennes mises en avant par les promoteurs de l’artemisia seraient capables d’éradiquer le fléau qui sévit avec force depuis des siècles. Engagée sur le sujet, Juliette Binoche a prêté sa voix à « Malaria Business ». L’actrice, qui sera présente lors de la projection du documentaire, souhaite insister sur l’urgence à agir contre le paludisme qui tue chaque année près d’un million de personnes dans le monde.

* « Malaria Business », de Bernard Crutzen, diffusé en novembre sur France 24

2 Artemisia annua and Artemisia afra tea infusions vs. artesunate-amodiaquine (ASAQ) in treating Plasmodium falciparum malaria in a large scale, double blind, randomized clinical trial. Munyangi J, Cornet-Vernet L, Idumbo M, Lu C, Lutgen P, Perronne C, Ngombe N, Bianga J, Mupenda B, Lalukala P, Mergeai G, Mumba D, Towler M, Weathers P. Phytomedicine. 2019 April; 57:49-56. doi: 10.1016/j.phymed.2018.12.002

 

Obstétrique et politique : Agnès Buzyn va-t-elle oser faire fermer la maternité de Bernay ?

Bonjour

Après celui du Blanc (Indre) c’est le dernier abcés recensé sur un tissu hospitalier français : la maternité de la petite cité de Bernay (Eure). Agnès Buzyn y est attendue ce 18 février pour, espère-t-elle, en finir politiquement avec une affaire médiatiquement enkystée – comme celle du Blanc.

« Lors du lancement du grand débat national à Grand Bourgtheroulde (Eure), le Président Emmanuel Macron avait fait la promesse aux élus d’une visite ministérielle pour expliquer le choix gouvernemental de fermeture de cette maternité » rappelle L’Eveil de Pont-Audemer. La décision prises par Agnès Buzyn de fermer la maternité de Bernay (son service accouchement) a évidemment été beaucoup critiquée dans la région, par des élus, des professionnels, des usagers… Des propos qu’elle a tenus au sujet de cette maternité de Bernay lors d’une visite à Rouen, le 13 octobre 2018, lui ont même valu d’être d’assignée en justice. »

Interrogée par France 3 Normandie, Agnès Buzyn déclaré   : « On ne peut pas se permettre d’avoir une maternité ouverte avec une liste des gardes où il y a des trous et des nuits entières où il n’y a pas d’obstétricien. En cas de césarienne, nous n’avons personne pour la faire. C’est un risque majeur. » Où l’on retrouve, sous de nouveaux visages l’équation de la réduction des risques. D’un côté le pouvoir politique soutenant que trop peu d’accouchements expose les femmes à des risques inacceptables. De l’autre des élus locaux soutenus par la population arguant que c’est bien au contraire l’éloignement et les délais de transports qui exposent les femmes à des dangers inacceptables.

Cette question avait été parfaitement illustrée en 2012. « Une femme âgée d’environ trente-cinq ans a, vendredi 19 octobre, perdu son nouveau-né en le mettant au monde dans son véhicule automobile conduit par son compagnon, rapportions-nous alors sur Slate.fr. Le couple circulait sur l’autoroute A20 vers une maternité de Brive (Corrèze). La femme venait de consulter, à Figeac (Lot), son gynécologue-obstétricien qui lui avait conseillé une admission dans une maternité pouvant prendre en charge une grossesse délicate et un accouchement potentiellement à risque. Enceinte de sept moins, elle résidait non loin de Figeac où la maternité a été fermée en 2009. Appelés et arrivés en urgence les pompiers n’ont pu que constater la mort du nouveau né. »

François Hollande et Marisol Touraine

Ces faits avaient alors vite trouvé un large écho et pris une dimension nationale. Les réactions politiques et professionnelles se multiplient de même que les accusations visant les responsables d’une politique sanitaire qui a conduit – paradoxalement pour des raisons sanitaires— à fermer de nombreuses petites maternités.  Clôturant le 20 octobre à Nice le congrès de la Mutualité française, François Hollande s’était emparé de ce fait divers, demandant à Marisol Touraine, ministre de la Santé, de diligenter une enquête. Il avait aussi rappelé l’un de ses engagements de campagne: «aucun Français ne doit se trouver à plus de 30 minutes de soins d’urgence».

Dans le même temps, la coordination nationale pour la défense des hôpitaux et maternités de proximité demandait un moratoire sur la fermeture des maternités. Même tonalité chez le syndicat national des gynécologues obstétriciens (Syngof).  Interrogé sur Europe 1, Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France avait saisi l’opportunité de ce «nouveau drame» pour fustiger violemment la politique sanitaire française. «C’est un drame comme il arrive très souvent depuis des années, accusait-il, sans citer de chiffres sur le nombre de ces drames. Au début des années 2000, il y avait 700 maternités en France, et il n’en reste que 535. 535 pour 65 millions d’habitants et pour un pays qui a la plus forte fécondité en Europe.»

 « Plus des deux tiers des maternités ont fermé en France au cours des quarante dernières années, précisait il y a quelques jours La Croix. On en dénombrait 1 747 en 1972, 1 128 en 1981, 815 en 1996 et 544 en 2012. En dépit de ce mouvement, le temps d’accès médian des parturientes aux services de soins reste stable – 17 minutes – avec des disparités parfois fortes. Ainsi 25 % des femmes de Corse-du-Sud sont à plus de 39 minutes de la maternité. » Et La Croix d’évoquer l’existence de « taux de fuite » (la proportion des femmes qui ne vont pas accoucher à la maternité la plus proche). En 2012, selon la Cour des comptes, ce taux était de 41 % à la maternité d’Altkirch (Haut-Rhin), de 29 % à celle d’Issoire (Puy-de-Dôme) ou de 25 % à celle de Thiers, dans le même département.

 Dépasser les actuelles impasses ? Des solutions sont possibles. On pourrait notamment, comme dans certains pays d’Europe du Nord, encourager les accouchements aidés à domicile pour les grossesses sans complications. Ce qui suppose toutefois une surveillance systématique de qualité de l’ensemble des grossesses (elle existe déjà pour une large part) ainsi que la prise en charge spécialisée des grossesses et des accouchements à risque dans des maternités spécialisées. Ceci est d’autant plus réalisable que la France est dotée d’un système d’aide et de transports médicaux d’urgence (Samu, pompiers, centres 15) parmi les plus denses et les plus performants au monde.

A demain

@jynau

Cocaïne, mafias et euphories : voici les origines contrôlées des drogues consommées en France  

Bonjour

30 janvier 2019. Gros succès de La Croix qui se penche aujourd’hui sur la cocaïne, nouvelle passion des Français. Le quotidien catholique (Marie Boëton et Marianne Meunier) explique que désormais « plus d’un Français sur vingt a pris de la cocaïne au moins une fois dans sa vie » – «  un chiffre qui a quadruplé depuis 2000 ». « La consommation sur les lieux de travail s’est particulièrement répandue, notamment parmi les métiers les plus pénibles, ajoute-t-il. La ‘’blanche’’, longtemps réservée à une élite fortunée, touche désormais tous les milieux sociaux. Consommée de façon assumée, elle n’a pourtant rien perdu de sa dangerosité. » On lira notamment ce qu’il en est des soignants, des serveurs, et du remplacement par la cocaïne des traditionnels alcools des marins-pêcheurs.

En 2018, 2,8 % des 18-25 ans (et 3,4 % des 26- 34 ans) ont découvert les joies de la cocaïne. Ses tarifs ont chuté, passant de 150 € le gramme à la fin des années 1990 à 85 € aujourd’hui. Un prix qui peut descendre à 60 €, voire 50 €/g en cas d’achat en plus grande quantité. Elle était impliquée, au moins en partie, dans 18 % des décès par overdose en 2016, contre 11 % cinq ans plus tôt.

Où l’on saisit, une nouvelle fois, la dimension éminemment « politique » des phénomènes que certains voudraient cantonner dans une conception étriquée de la la « santé publique ». Dans un entretien accordé à La Croix le psychiatre Laurent Karila accuse les pouvoirs publics de ne pas alerter suffisamment sur la dangerosité de l’euphorisante  cocaïne désormais commandée par SMS ou Snapchat. Pour l’heure Agnès Buzyn ne répond pas.

Parallèlement à La Croix, c’est un document riche d’enseignements que vient de mettre en ligne l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) : le « Rapport national sur les drogues 2018 ». On y apprend que « l’herbe de cannabis est la seule substance illicite dont on observe la production en France ». « Alors que la culture d’herbe était majoritairement le fait de petits cultivateurs autosuffisants, la situation a commencé à changer, à partir de 2011, avec l’apparition de ‘’cannabis factories’’ tenues par le crime organisé et l’investissement de particuliers dans la culture commerciale » précise l’OFDT.

Cocaïne colombienne via le port du Havre

Confirmation géopolitique et commerciale : la France, compte tenu de sa position géographique au cœur de l’Europe occidentale, est une zone de transit pour les principales substances illicites (cannabis, cocaïne, héroïne, drogues de synthèse) produites dans le monde. Elle l’est aussi par ses départements d’outre-mer situés sur le continent américain (Guadeloupe, Martinique et Guyane) à proximité des grandes zones de production et de transit de la cocaïne (Colombie, Venezuela).

Mais encore ? La « résine de cannabis » consommée en France provient du Maroc, le plus souvent via l’Espagne tandis que l’herbe de cannabis provient principalement d’Espagne, des Pays-Bas et de Belgique. De nouvelles routes de trafic émergent, par l’intermédiaire de la Libye pour la résine de cannabis et de l’Albanie pour l’herbe de cannabis.
Quant à la cocaïne de plus en plus consommée en France, elle provient essentiellement de Colombie avant de  transite essentiellement au sud par l’Espagne et au nord par les Pays-Bas (Rotterdam) et la Belgique (Anvers). Précision : depuis quelques années, la cocaïne transitant par le Venezuela puis les Antilles françaises pénètre sur le continent européen par le port du Havre. Quant au trafic de « mules » empruntant la voie aérienne entre la Guyane et la métropole, il est aussi « en forte augmentation ».

L’héroïne consommée en France ? Elle provient majoritairement d’Afghanistan (héroïne brune) et transite via la route des Balkans (Turquie, Grèce, Albanie). Et on retrouve aux Pays-Bas (de préférence à la Belgique) la plate-forme principale où les trafiquants français s’approvisionnent ; un pays d’où proviennent également les drogues de synthèse (MDMA/ecstasy, amphétamines) consommées en France.

Derniers chiffres : en 2017, le nombre total de personnes mises en cause pour usage de stupéfiants en France a été d’environ 164 000 contre un peu moins de 160 000 en 2016. La même année, sur dix personnes mises en cause pour une infraction à la législation sur les stupéfiants, huit le sont pour « usage simple ». Le nombre des personnes impliquées pour des faits de trafic (14 570), de même que celui des usagers-revendeurs (17 700), a augmenté de 7 % par rapport à 2016. En 2010, 90 % des interpellations concernaient l’usage simple de cannabis, 5 % celui d’héroïne et 3 % celui de cocaïne. Combien seront-ils en 2019 ?

A demain

@jynau

PS. Le nombre de décès par surdose en 2015 est de 236 chez les 15-49 ans (373 au total) selon le registre général de mortalité (dont le délai de disponibilité des données est de 2 ans). D’après le registre spécifique des décès par surdose (dispositif DRAMES), qui a recensé 406 décès en 2016, les opiacés sont en cause dans 83 %. Les médicaments de substitution aux opiacés sont en cause dans 46 % des cas et l’héroïne dans 26 %. La cocaïne est impliquée dans 18 % des décès. Le nombre de décès par surdose dans le registre général de mortalité est stable chez les 15-49 ans en 2015, par rapport à 2013 et 2014. Entre 2010 et 2016, les médicaments de substitution aux opiacés sont les principales substances impliquées dans les décès par surdose, devant l’héroïne. L’implication de la cocaïne apparaît en hausse dans les décès en lien avec l’usage de drogues depuis 2014.

 

«Radio France bleu Isère incendiée cette nuit». Pourquoi tant de haine envers les médias ?

Bonjour

28 janvier 2019. Rien ne permet de parler de lien de causalité. Pas même de corrélation. Et pourtant, coment ne pas y songer ? Une synthèse est offerte par Le Figaro. «Pas de radio ce matin». C’est ainsi que le site de France Bleu Isère a annoncé ce lundi avoir été victime d’un incendie, qui a «ravagé» dans la nuit de dimanche à lundi une partie de ses locaux, situés dans le centre-ville de Grenoble. «Heureusement, il n’y a aucun blessé, mais les dégâts sont conséquents et impossible pour le personnel d’accéder aux locaux», souligne la radio sur son site d’informations. Une dizaine de salariés travaillent habituellement à la radio.

L’incendie se serait déclaré vers 2h30 et aurait détruit le rez-de-chaussée du bâtiment, qui comprenait le studio de diffusion. Selon nos confrères, «l’origine criminelle ne fait guère de doute» car «il y a eu deux départs de feu à l’intérieur des locaux et une porte d’entrée a été fracturée». Interrogé par France Info, le rédacteur en chef, Léopold Strajnic, a indiqué qu’aucune menace particulière n’avait été prononcée ces derniers jours à l’encontre de la radio ou des journalistes. «Les relations qu’on avait sur le terrain, pendant les manifestations, étaient relativement saines. Il est beaucoup trop tôt pour émettre des hypothèses», a-t-il indiqué ce matin.

Aucune revendication n’a été retrouvée sur place. Une enquête a été ouverte. Pour continuer à émettre, la direction de la station envisage de délocaliser une partie de ses équipes à Valence ou Chambéry, et d’utiliser les studios de France Bleu Drome Ardèche ou France Bleu Pays de Savoie afin d’assurer une partie des programmes.

Destruction du langage

Rien ne permet de parler de lien de causalité. Pas même de corrélation. Pour autant Le Figaro souligne que cet incendie « s’inscrit dans un climat général de défiance envers les médias ». Il rappelle que ces dernières semaines, plusieurs journalistes ont été victimes de violences alors qu’ils couvraient les manifestations des Gilets Jaunes.

« Souvent traités de «collabos», ils sont soupçonnés de ne rapporter que la parole gouvernementale, de dissimuler les violences policières ou de mentir sur le nombre de participants aux manifestations. Parallèlement, des distributions de journaux ont été perturbées. Cette défiance se retrouve dans un des derniers sondages effectués auprès des Français par l’institut Kantar pour le journal La Croix. Interrogés sur les «critiques et agressivité» touchant les journalistes durant le mouvement des «gilets jaunes», 24 % des sondés les trouvaient justifiées.

Rien ne permet de parler de lien de causalité. Pas même de corrélation. On peut aussi, sur ce thème, conseiller la lecture d’un ouvrage remarquable 1, bientôt indispensable : « La Langue des médias. Destruction du langage et fabrication du consentement » d’Ingrid Riocreux. Editions de l’Artilleur.

A demain

@jynau

1 « Le journaliste l’ignore, mais les mots ont un sens » Jean-Marc Proust, Slate.fr 25 septembre 2016

 

Faudrait-il enfin croire les journalistes quand ils annoncent qu’ils ne sont plus crédibles ?

Bonjour

C’est une vertigineuse mise en abyme offerte par  La Croix (Aude Carasco) : « Baromètre médias, les journalistes sommés de se remettre en question ». Où l’on découvre que dans le 32e « Baromètre de la confiance des Français dans les médias » 1 pour le quotidien catholique, la crédibilité accordée aux différents supports et la perception de l’indépendance des journalistes sont « au plus bas ». Et ce alors même que l’intérêt pour l’actualité remonte après trois années de baisse.

« Insultes, menaces de viol, jets de projectiles, coups, scènes de lynchage… Après plusieurs agressions de journalistes, des agents de protection accompagnent des équipes de télévision ou radio lors de mobilisations de Gilets Jaunes. Une « ‘’escalade de la haine’’ dénoncée par l’ONG Reporters sans frontières, qui héberge sur son site la pétition  #Libresdinformer, lancée par des collectifs de journalistes et de citoyens pour défendre le droit d’informer. »

Journalisme morne plaine. Un quart seulement des sondés jugent que lesjournalistes sont indépendants du pouvoir et de l’argent. La radio, traditionnellement jugée comme le moyen d’information le plus fiable, sort à peine la tête de l’eau (avec 50 % de niveau de confiance, – 6 points sur un an), devant la presse écrite (à 44 %, – 8 points), la télévision (à 38 %, – 10 points), et Internet (à 25 %, comme en 2018). Interrogés sur les critiques et l’agressivité provenant d’une minorité de manifestants envers des journalistes, un petit quart des sondés (23 %) les jugent justifiées, une majorité (39 %) « pas vraiment », et un tiers (32 %) « pas du tout ».

Conseil de l’Ordre des Journalistes

Violences, fractures et paradoxes révélés par le phénomène des Gilets Jaunes. « Il y a un décrochage important entre les milieux culturels et les niveaux d’éducation, observe le sociologue Jean-Marie Charon. Les plus âgés et les moins diplômés regardent encore très majoritairement le petit écran. Les “intellos” n’ont pas les mêmes sources d’information que les milieux populaires : ils écoutent la radio et s’informent sur les sites de la presse écrite et auprès des médias créés sur Internet. Il y a bel et bien une information à deux vitesses, qui pose plus que jamais le débat de la qualité de l’information. »

Critique majeure : un manque de « terrain » et un plus que trop-plein de « journalisme de commentaire » 2. Pour autant l’utilité du métier de journaliste n’est pas niée. Critiqués voire honnis, les journalistes arrivent en tête des acteurs « qui devraient agir contre la propagation des fake news » (à 37 %), devant les organes de contrôle des médias (35 %), les citoyens eux-mêmes (31 %) et le gouvernement (23 %).

« À travers les critiques exprimées et les réponses faites à ce baromètre transparaît une demande d’évolution dans les modes de traitement (meilleure représentation de la diversité de la société et des opinions, moins de sensationnalisme, plus d’attention portée à la qualité des invités…) et la hiérarchisation de l’information (plus de sujets concernant les grands enjeux de société comme l’environnement et le vivre-ensemble, moins de sujets politiques » résume La Croix.

Et déjà, ici ou là, revient le vieux serpent de mer des périodes de grandes crises : la nécessité de créer un Conseil de l’Ordre des Journalistes comme il en a un, bien connu, des Médecins.

A demain

@jynau

1 « Le 32e Baromètre de la confiance dans les médias ». Étude réalisé par Kantar Sofres/Kantar Media pour La Croix entre le 3 et le 7 janvier 2019.  La méthode utilisée est celle des quotas, auprès d’un échantillon nationale de 1000 personnes, représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus. Les entretiens ont été réalisés en face à face.

2 La Croix rappelle qu’à la faveur du mouvement des Gilets Jaunes de nouveaux débats sont entrés dans les rédactions. Dès la mi-décembre, Laurent Guimier, le vice-PDG d’Europe 1, et son conseiller Guy Birenbaum faisaient leur « média culpa » dans une tribune aux Échos,confessant un manque de terrain et un trop-plein de « journalisme de commentaire », et invitant les médias à se « réinvestir dans des missions » délaissées. Des discussions ont également été ouvertes à TF1 ou BFMTV. Une consultation a été lancée au sein de la radio France Info, qui possède sa propre agence de vérification. « Si les violences sont inexcusables, il est indispensable, sain et utile qu’un débat et un dialogue aient lieu, estime Vincent Giret, son directeur. Il y a une prise de conscience que le paysage de l’information a changé et qu’on ne peut plus travailler comme hier. »

Politique : le rapport du député Touraine annonce la fin de la « bioéthique à la française »

Bonjour

Annoncé hier en « avant-première » par Le Figaro (Agnès Leclair), le voici exposé sur le site de La Croix (Loup Besmond de Senneville). Et le voici présenté par Le Monde (Solène Cordier). Et pour le vieux quotidien vespéral aucun doute : le rapport de de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique est « audacieux ». « Audace », vraiment ? Cette « qualité de l’âme, qui incite à accomplir des actions difficiles, à prendre des risques pour réussir une entreprise considérée comme impossible ».

Comme prévu les recommandations de cette mission d’information parlementaire embrasse des thèmes variés incluant la procréation médicalement assistée (PMA), l’auto-conservation ovocytaire, l’intelligence artificielle ou les recherches sur l’embryon humain.  Et comme prévu le député Jean-Louis Touraine (anciennement socialiste, LRM, Rhône) n’a pas fait dans le détail – prenant le risque délibéré de relancer les polémiques et d’interdire « l’apaisement » souhaité par Emmanuel Macron avant de légiférer.

Le Pr Touraine prend soin de rappeler que la France fut ici « à l’avant-garde » en étant le premier pays à se doter, dès 1983, d’un Comité consultatif national d’éthique (CCNE).  Une initiative de François Mitterrand et qui permis la traduction de l’éthique dans le droit. Et le député Touraine de revendiquer  « un groupe de propositions cohérentes et moins frileuses que par le passé », mais pour autant inscrites dans « l’esprit de la conception bioéthique à la française »- ce  qui, sauf à tordre cet esprit, est hautement discutable.

Ainsi « l’extension à toutes les femmes des techniques de PMA ». « Au nom de l’égalité des droits, la mission d’information parlementaire souhaite notamment que toutes les femmes bénéficient des mêmes modalités de remboursement par la Sécurité sociale, résume Le Monde. Mais le rapporteur va plus loin. Il préconise plusieurs changements qui, s’ils étaient adoptés, auraient des conséquences pour l’ensemble des couples ayant recours à la PMA (…) Sur la question de l’accès aux origines, M. Touraine se dit favorable à ce que les enfants nés d’un don puissent, à leur majorité, accéder à des informations non-identifiantes (caractéristiques médicales) ainsi qu’à l’identité de leur géniteur. »

Filiations anticipées

On voit mal comment de telles dispositions s’inscrive dans « l’esprit de la conception bioéthique à la française » – une conception fondée sur l’inscription de la PMA dans le champ de la thérapeutique de la stérilité et sur le respect absolu de l’anonymat des donneurs – de sang comme de gamètes.

« Attentif à  »l’intérêt supérieur de l’enfant », le rapporteur imagine en outre de modifier l’établissement du mode de filiation pour tous les enfants issus de PMA, en instaurant une  »déclaration commune anticipée de filiation » des futurs parents, ajoute Le Monde. Cette mention figurerait sur l’acte de naissance intégral de l’enfant, lui permettant d’en avoir connaissance à sa majorité. Cette proposition, défendue notamment par la sociologue de la famille Irène Théry, impliquerait une modification du code civil. Elle aurait surtout comme effet de rompre avec le secret qui entoure souvent les naissances avec dons de gamètes dans les couples hétérosexuels. Une petite révolution. » Petite est ici de trop.

Jean-Louis Touraine entend encore « permettre la reconnaissance de la filiation à l’égard du parent d’intention pour les enfants issus d’une GPA pratiquée à l’étranger, dès lors qu’elle a été légalement établie à l’étranger ». L’objectif avancé est bien évidemment comme toujours celui de « conférer un statut à l’enfant ». Mais comment ne pas voir là le premier pas vers la dépénalisation d’une pratique jusqu’ici condamnée, précisément  au nom de « la conception bioéthique à la française ».

Cultures d’embryons humains

Ce n’est pas tout. « Jean-Louis Touraine préconise la levée de l’interdiction de créer des embryons transgéniques ‘’afin de favoriser la recherche scientifique’’, ainsi que l’allongement de la durée de culture des embryons – aujourd’hui limitée à 7 jours –, à 14 jours, voire au-delà (…) » observe La Croix. Réfutant tout eugénisme, le rapport porte aussi la marque d’une volonté de repérer les maladies le plus tôt possible, par exemple en autorisant les médecins à détecter les trisomies sur les embryons avant qu’ils soient réimplantés dans l’utérus. Le député propose aussi de permettre à tous les couples de se soumettre à des tests génétiques avant de concevoir un enfant, afin de pouvoir détecter un certain nombre de maladies génétiques graves pouvant survenir « chez l’enfant ou l’adulte jeune.

« À la lecture de ce rapport, il est frappant de constater que la loi apparaît souvent, en creux, comme un empêchement au progrès technique, résume le quotidien catholique. Une orientation confirmée vers la fin du texte : ‘’Il faut prendre en compte l’accélération des avancées scientifiques et des technologies biomédicales, dans un contexte de mondialisation des enjeux de santé et de recherche, ainsi que les nouvelles demandes de la société induites par ces innovations’’. »

« Ceux qui ne veulent pas réviser la loi parce qu’ils ont peur des évolutions ne tiennent pas compte des évolutions scientifiques et techniques, a insisté Jean-Louis Touraine devant la presse. Il ne faut pas croire que ce que l’on dit maintenant va être gravé dans le marbre. Ce que nous avons retenu devra être revu dans le futur (…). Il nous faut toujours être dans le progrès contrôlé, prudent. »

Mais comment invoquer la prudence quand, précisément, on entend graver dans le marbre de la loi des dispositions opposées à ce qui, depuis plus d’un demi-siècle, fonde, définit et structure « la bioéthique à la française ».

A demain

@jynau

 

«Il faut qu’Emmanuel Macron cesse d’employer le langage de mabouls» (un proche du Président)

Bonjour

François Sureau, 61 ans, est une riche personnalité atypique du paysage médiatique. On peut en prendre la mesure dans un solide portrait du Monde (Pascale Nivelle): « François Sureau, la mauvaise conscience d’Emmanuel Macron. Gardien des libertés publiques et ardent défenseur des demandeurs d’asile, l’avocat et écrivain tape sur la loi asile-immigration, tout en conservant l’oreille du président de la République. » (Pascale Nivelle).

« Longtemps, il s’est ennuyé à chercher un sens à sa vie. Il grimpait, grimpait, passant de l’ENA au Conseil d’État, sautant d’un cabinet d’avocats d’affaires à la gestion des affaires, dans les assurances (AXA) ou la finance (MultiFinances International), parfait petit soldat de son milieu. « J’avais le goût assez jésuitique de répondre aux réquisitions du jeu social », explique-t-il. »

Ancien de   Saint-Louis-de-Gonzague et de Sciences Po, officier dans la Légion étrangère, il fut aussi maître des requêtes au Conseil d’Etat ; fils du Pr Claude Sureau (gynécologue-obstétricien de renom, également libre et atypique, qui a marqué son époque), chroniqueur à La Croix, l’homme était ce matin l’invité de la matinale de France Inter  : « François Sureau : « Le gilet jaune est l’expression même de la soumission du peuple français » ».

France Inter qui lui demanda de revenir sur sa formule (nous soulignons) utilisée dans un entretien accordé il y a quelques jours au Figaro (Eugénie Bastié) :

« Je pense aussi que le public, et je ne m’en exempte pas, aimerait que l’État lui dise simplement les choses. Qu’il cesse d’employer le langage de mabouls qu’il affectionne et déploie au long de lois interminables et pour la plupart inutiles, y trouvant l’excuse de son inaction profonde. Il y a dans cette insurrection larvée une protestation contre le «monde virtuel» du gouvernement. »

Aliéné, barjo, cinglé, hurluberlu, insensé, malade.

Connaissez- vous « maboul », cet adjectif populaire et familier?  Qui a perdu la raison, fou. Complètement maboul.  « (…) le troisième « éminent » rédacteur en chef de la Lanterne, était maboul bien avant qu’on le sût. Il était président du conseil au moment de la déclaration de guerre. » (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 150.)

François Sureau :

« La confiscation de l’activité politique par le langage de l’administration, de la technocratie, est quelque chose d’absolument surprenant. Allez sur YouTube et regardez comment parlaient Mitterrand ou Pompidou, vous serez saisis, sur une autre planète (…) Ce n’était pas une langue différente, c’était la langue d’une époque où il y avait du Victor Hugo chez les ouvriers, chez les paysans (…) Aujourd’hui …. on assiste par exemple aux « Assises de la mobilité » Quand je les ai vu apparaître, j’ai vu quelque chose se dégrader dans le pays  (rires dans le studio) On est assis et on bouge… Cela fait penser à ce que disait un vieux gaulliste qui disait ‘’Pourquoi les assises, la correctionnelle aurait suffi.

 « Après çà il y a eu pire : la Loi d’Orientation des Mobilités … Au plein début de la crise des Gilets Jaunes on fait passer une loi de 80 pages qui prévoit le fichier national des cyclistes… l’interdiction de construire des carrefours en amont des ronds-points … les péages urbains … et tout ça exprimé dans une langue invraisemblable où le maire de Trifouilly-les-Oies se voit qualifié d’AOT pour Autorité Organisatrice de Transports. Il n’y a plus de brigade de gendarmerie, plus de poste, plus de boulangerie, plus de café mais, tenez-vous bien, le maire est une AOT. C’est surréaliste… ! »

 Surréalisme et jactance. Où l’on saisit mieux en quoi la récente « Itinérance Mémorielle » présidentielle a pu être de nature à impacter les esprits d’un pays devenu un conglomérat de « territoires » quand, hier encore, il n’en formait qu’un.

A demain

@jynau

Doctolib s’explique sur les refus de soins opposés aux patients les plus défavorisés 

Bonjour

Suffirait-il d’écrire pour être entendu ? Nous rapportions hier soir la décision du Défenseur des droits visant les plates-formes de prise de rendez-vous en ligne chez les médecins et les chirurgiens-dentistes : « Doctolib et Monrendezvous priées de ne plus afficher les refus de soins aux plus défavorisés ». Où l’on apprenait, grâce au Monde, que Jacques Toubon donnait six mois aux plates-formes Internet comme Doctolib et Monrendezvous pour modifier leurs pratiques, qu’il juge discriminatoires ». La suite pratique d’une  saisine du Défenseur des droits, le 10 janvier 2017, par trois associations. Médecins du monde, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et le Comité interassociatif sur la santé.

« Par deux décisions du 22 novembre 2018, rendues publiques lundi 17 décembre, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, enjoint à ces sites Internet de faire disparaître les mentions discriminatoires comme « les bénéficiaires de la CMU [couverture maladie universelle] ne sont pas acceptés au cabinet », « bénéficiaires CMU : pas de rendez-vous (le docteur n’a pas le lecteur de cartes). Merci de prendre rendez-vous avec l’hôpital », ou encore « les AME [aide médicale de l’Etat] ne sont pas acceptées ».

« La première décision s’adresse aux médecins, associations et plates-formes ; la seconde vise, sans la nommer, la plate-forme leader du marché, Doctolib. Jacques Toubon considère ces plates-formes comme responsables de leur contenu. »

Précisions nocturnes

Ecrire et être entendu. Ainsi, dans la nuit, ce message de Stanislas Niox-Chateau Cofondateur et Président de Doctolib:

« Doctolib partage totalement la préoccupation du Défenseur des Droits. Nous sommes opposés à toute discrimination des patients, quelle qu’en soit la cause. En particulier, nous condamnons fermement les pratiques de refus de soins et réaffirmons notre engagement pour garantir un traitement équitable de chaque patient.

« Le problème mis en évidence par le Défenseur des Droits était simple : certains praticiens (adhérents à Doctolib ou à d’autres services de prise de rendez-vous en ligne) avaient décidé d’adresser un message spécifique aux patients bénéficiaires de la CMU-C ou de l’AME sur leur fiche personnelle de présentation. Les praticiens sont libres d’afficher le contenu qu’ils souhaitent pour présenter leurs activités.

« Doctolib n’intervient que pour modérer le contenu de ces fiches de présentation. Cependant, nous avons pro-activement travaillé avec le Défenseur des Droits au cours des dernières semaines afin de résoudre ce problème. Nous avons ainsi pris contact avec les praticiens concernés pour leur demander de supprimer toute mention discriminatoire de leur fiche personnelle de présentation, ce qu’ils ont accepté (…) »

Fiches personnelles

Où l’on comprend (dans l’attente d’autres explications, dont celles de Monrendezvous) ce qu’il en est du partage des tâches. Et que, pour les plates-formes, la responsabilité première incombe aux « praticiens-inhérents » qui adressent « un message spécifique aux patients bénéficiaires de la CMU-C ou de l’AME » (sic). Où l’on croit comprendre, aussi, que Doctolib aurait quelque peu tardé à « modérer » certains contenus – avant de saisir qu’ils étaient discriminants pour certains patients. Et ce alors même que la plate-forme est opposée à toute discrimination – et « en particulier » les pratiques de refus de soins.

Ainsi donc suffisait-il que des associations s’indignent en janvier 2017 pour que  Doctolib demande aux praticiens concernés de bien vouloir supprimer, en 2019, « supprimer toute mention discriminatoire de leur fiche personnelle de présentation ». Ce que ces praticiens ont accepté.

A demain

@jynau

La « PMA pour toutes/sans père » est-elle vraiment compatible avec les droits de l’Homme ?

Bonjour

C’est d’ores et déjà acté dans La Croix, média plus que sensible à cette nouvelle morale en marche qu’est la bioéthique : dans un avis adopté mardi 20 novembre, les membres de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) « souhaitent l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ».

« Pour fonder leur argumentaire, ils s’appuient sur le principe d’égalité, écrit Loup Besmond de Senneville. Les soutiens de l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ne manqueront pas de souligner que ce rapport constitue un ‘’feu vert’’  supplémentaire.  La CNCDH préconise, par 27 voix pour, 3 contre et 8 abstentions, le changement de la loi. Dans ce texte de treize pages, ses membres se positionnent notamment en faveur de l’extension de la PMA, mais aussi pour la levée de l’interdiction du double don de gamètes, pour le remboursement de la PMA par la Sécurité sociale, pour le changement des règles de filiation et l’autoconservation des ovocytes. »

Pour La Croix, rien de très inattendu (encore que…) dans cet avis mis au point par un groupe d’une dizaine de conseillers qui ont auditionné dix-sept  personnes de tous horizons, dont des juristes, des membres d’association et des médecins. « Son originalité consiste davantage dans l’argumentation qui est employée, en particulier celle ayant trait à la notion d’égalité, estime le quotidien catholique.  La Commission estime ainsi que l’extension de la PMA ‘’procède autant d’une consécration du principe d’égalité de traitement que de la cohérence de notre système juridique ’’. »

Comprendra qui le pourra.  Il faudra pour cela gommer la frontière existant entre une thérapeutique et l’expression d’un nouveau droit fondé sur l’expression d’une souffrance. « Si cette interprétation surprend, c’est qu’elle diffère très sensiblement de celle du Conseil d’État en la matière, se plait à souligner La Croix. Ces derniers mois, les membres de la plus haute juridiction administrative ont en effet exprimé à plusieurs reprises une conception très différente de l’égalité. C’est notamment le cas dans l’avis sur la révision des lois de bioéthique rendu en juillet. Dans ce texte, les juristes différenciaient clairement les situations des couples hétérosexuels et des autres ».

Oppositions et confessions

« Avec cet avis, la CNCDH se met en opposition non seulement avec le Conseil d’État, mais aussi avec le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme, analyse, très critique, la juriste Aude Mirkovic dans La Croix. L’égalité ne suppose pas de traiter tout le monde de la même manière, mais de réserver le même traitement à ceux qui sont dans une situation comparable. »

Et La Croix de confesser avoir interrogé un syndicaliste qui siège au sein de la CNCDH. Un homme (ou une femme) qui défend le « sérieux » des auditions menées par le groupe de travail : « Nous avons eu une discussion contradictoire avec des experts de tous bords. »

Néanmoins, confie le quotidien catholique, il/elle fait partie de ceux/celles, « minoritaires », qui sont en désaccord avec une partie des conclusions. « Ma question n’est pas tant de savoir s’il faut un papa et une maman. Elle est autre: pouvons-nous vraiment fonder une société sur l’absence des hommes ? ». Qui répondra ?

A demain

@jynau

 

Ethique sans frontières : un médecin français peut-il euthanasier en Belgique ?

Bonjour

Plus jamais de repos dominicaux ?  C’est une information de La Croix (Loup Besmond de Senneville). Le Conseil national de l’Ordre des médecins français se prononcera bientôt sur une question d’une particulière originalité : un médecin français est-il libre d’adresser (certains de) ses patients en Belgique (dans une  »maison de repos ») afin de pouvoir librement, ensuite, les euthanasier ? On connaît des sujets géo-éthiques moins compliqués.

C’est pourtant bien la question dont vient de se saisir, jeudi 8 novembre, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). « C’est une question qui est à l’ordre du jour de notre réflexion » , a confié à La Croix le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Cnom. » Pourquoi à La Croix ? On ne le saura pas. En écho, La Croix, dans sa sagesse :

« Disons-le d’emblée : la question est pour l’instant purement théorique, et l’Ordre ne recense aucun médecin français exerçant de telles pratiques. Mais c’est un texte publié fin octobre en Belgique qui a poussé l’instance médicale française à engager la réflexion. Le Comité consultatif d’éthique de Belgique a en effet publié le 22 octobre un avis sur cette épineuse question.

« Dix-huit mois auparavant, il avait en effet été saisi par le ministre wallon de la santé, à la suite d’« un cas concret, qui lui a été signalé par ses services » : « Un médecin établi en France peut-il venir en Belgique avec son patient et le faire admettre dans un centre de court séjour belge ou dans une maison de repos et de soins belge afin de l’y euthanasier, à sa demande ? »

Et La Croix de nous expliquer que, dans un texte de trois pages, les experts du Comité d’éthique belge font état de leurs divisions. Les uns affichent leurs réticences, affirmant qu’un tel cas poserait « de sérieuses questions »« Le fait d’envoyer [dans un centre de repos belge] un patient dans le seul but d’y pratiquer une euthanasie ne correspond pas aux objectifs poursuivis par ces centres. » De même, craignent-ils encore, « l’acceptation occasionnellement donnée dans ces centres ouvre la porte à une pratique qui pourrait rapidement devenir une habitude ».

Assurance maladie, démocratie et euthanasie

A l’opposé d’autres estiment au contraire « qu’il n’y a aucun inconvénient éthique à ce qu’un médecin, de nationalité belge ou non, autorisé à exercer en Belgique, pratique en Belgique une euthanasie dans les conditions prévues par la loi ». Reste la dimension financière – sur laquelle rien ne nous est dit. Qu’en dira notre Assurance Maladie ?

 Faudrait-il, ici,  rappeler que chez nos amis vivant de l’autre côté de la minuscule bourgade de Quiévrain la pratique de l’euthanasie est légale depuis une quinzaine d’années ? Et que depuis 2005, une directive européenne permet aux médecins d’exercer dans les différents pays de l’Union. On peut le dire autrement : au plan strictement juridique, rien n’interdit aujourd’hui à un médecin français de franchir la frontière, la main dans la main avec un patient, pour euthanasier ce dernier. Puis de revenir dans exercer dans son cabinet français.Avant de recommencer.

Si l’on en croit La Croix (et le dernier rapport de la commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie) vingt-trois personnes/patients sont venus de l’étranger pour se faire euthanasier en Belgique en 2016 et 2017. Et le quotidien catholique, en cette fin de dimanche de 11 novembre 2018, de citer le Pr Paul Cosyns, coprésident du Comité d’éthique belge, professeur émérite de psychiatrie de l’université d’Anvers :

 « Ce n’est pas du tout dans l’esprit de la loi de permettre ce genre de pratique. Cela s’assimilerait à une forme de tourisme d’euthanasie. »

Tourisme ? La belle affaire qui nous conduira bientôt, en charters offerts, au bord du Styx …  Où l’on voit, une nouvelle fois, que la Belgique  n’est pas la Suisse. Mais qu’elle pourrait bientôt, sous d’autres masques démocratiques et déontologiques, y faire songer.

A demain

@jynau