Bonjour
La médecine et la religion aident, aussi, à prendre la mesure du temps qui passe. En octobre 1940 une loi crée, en France, un « Ordre des médecins ». Il sera dissous en 1944 et institué sous une nouvelle forme en 1945.
De 1973 à 1981 c’est le Pr Jean-Louis Lortat-Jacob qui préside le Conseil national. Dès sa nomination, confronté à un manifeste de médecins réclamant la dépénalisation de l’avortement ce chirurgien désigne les signataires du manifeste comme une « association de malfaiteurs ». Une initiative qui ruinera durablement l’image de cette institution ordinale que François Mitterrand, en dépit d’un engagement électoral pré-1981, ne dissoudra pas.
Nous sommes en 2018. Dans son homélie prononcée lors de sa traditionnelle audience place Saint-Pierre le pape François a, 10 octobre, qualifié de « tueurs à gages » les médecins pratiquant des IVG. C’était une homélie consacrée au commandement biblique de « ne pas tuer ».
« Interrompre une grossesse, c’est comme éliminer quelqu’un. Est-il juste d’éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Ce n’est pas juste de se débarrasser d’un être humain, même petit, pour résoudre un problème. C’est comme avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème. »
Le pape François a ensuite fustigé « la dépréciation de la vie humaine », en raison des guerres, de l’exploitation de l’homme et de l’exclusion. Et d’ajouter à cette liste l’avortement « au nom de la sauvegarde d’autres droits ». « Mais comment un acte qui supprime la vie innocente peut-il être thérapeutique, civil ou tout simplement humain ? », a encore demandé le souverain pontife. En juin, le souverain pontife avait déjà comparé l’avortement pratiqué en cas de handicap du fœtus à un eugénisme « en gants blancs », comme celui pratiqué par les « nazis ».
« Au siècle dernier, tout le monde était scandalisé par ce que faisaient les nazis pour veiller à la pureté de la race. Aujourd’hui nous faisons la même chose en gants blancs. Pourquoi ne voit-on plus de nains dans les rues ? Parce que le protocole de nombreux médecins dit : il va naître avec une anomalie, on s’en débarrasse. »
Réconciliation
La Croix rapporte en outre que le 18 mai dernier le pape avait comparé les expérimentations sur des embryons humains et l’avortement d’enfants à naître malades, aux pratiques du médecin nazi Josef Mengele et aux Spartiates qui jetaient les nourrissons faibles du haut d’une montagne. « Nous faisons pareil aujourd’hui, avait-il poursuivi, mais dans les laboratoires et les cliniques. »
Le Conseil national de l’Ordre des médecins français allait-il réagir ? Lointain successeur du Pr Lortat-Jacob le Dr Patrick Bouet vient d’adresser (lettre datée du 11 octobre, lendemain de l’homélie vaticane) un courrier au représentant du souverain pontife en France, Mgr Luigi Ventura – courrier consulté le 12 octobre par l’Agence France-Presse.
Le pape « a prononcé des mots très durs sur l’avortement, qui ont fortement ému la communauté médicale française que j’ai l’honneur et la responsabilité de représenter » écrit le président du Conseil national de l’Ordre des médecins français.
« Comment ne pas réagir à des termes d’une telle violence, alors que les professionnels de santé ont fait vocation d’écoute, d’aide et de soutien à leurs concitoyennes pour les accompagner dans des moments parfois difficiles de leur vie, et pour leur assurer un accès à l’interruption volontaire de grossesse dans les meilleures conditions possibles si elles en expriment le souhait ? »
« Si je comprends que sa Sainteté, au nom de sa foi, souhaite défendre des principes importants pour l’Eglise qu’il dirige [le Conseil national de l’Ordre] ne peut accepter que l’anathème soit ainsi jeté sur l’ensemble du corps médical, qui s’en retrouve stigmatisé. [L’Ordre] ne peut non plus tolérer que la souffrance physique, psychique et morale vécue par des femmes en détresse, parfois en grande souffrance quand elles ont recours à l’interruption volontaire de grossesse, soit niée.
« Je perçois aujourd’hui, Monseigneur, l’émotion et l’incompréhension ressenties par les médecins et les femmes ainsi désignées, et souhaite vous les faire connaître en leur nom ».
Les médecins catholiques vont-ils, à leur tour, dénoncer les propos tenus en leur nom par le Dr Bouet ? Et après ? Dieu seul sait combien de temps il nous faudra encore patienter avant la réconciliation ?
A demain