Vraie fausse nouvelle et maladie d’Alzheimer : mais pourquoi certains médias font-ils ça ?

Bonjour

Lire le journal ?. Il aura donc suffit, début août 2019, d’un article du Guardian (Kevin Rawlinson), pour relancer, en France, le moteur médiatique alternatif rêves/cauchemars. Un papier assurant que des chercheurs avaient mis au point un « test sanguin » permettant de détecter Alzheimer « 20 ans » avant les premiers symptômes, a été repris par plusieurs médias français.

« Avec toutes les confusions et imprécisions de l’original » accuse Arrêt sur Images (Juliette Gramaglia) . « Un pas de géant », « une avancée majeure », « une petite révolution »… Depuis quelques jours, plusieurs médias généralistes sont à la fête. La raison : on aurait trouvé « un test sanguin pour détecter la maladie [d’Alzheimer] 20 ans avant qu’elle ne se déclare » (20 Minutes) BFMTV, LCI, France Bleu, Franceinfo, Midi Libre, La Provence, La Nouvelle République plusieurs sites d’information ont ainsi relayé, avec des formulations semblables ».

Tout, ici, remonte ici à une publication dans Neurology, « High-precision plasma β-amyloid 42/40 predicts current and future brain amyloidosis ».Un travail américain ;158 personnes en bonne santé volontaires ; la recherche sanguine de deux types de protéines bêta amyloïdes ; un PET-Scan pour de visualiser les dépôts pathologiques cérébraux ; Un autre PET-Scan quelques mois plus tard ; des corrélations ultérieures entre les résultats sanguins et l’évolution des images.

Boules de cristaux

Le Figaro (Cécile Thibert) a voulu en savoir plus – et a interrogé le Pr Bruno Dubois directeur de l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). «C’est un travail de qualité, ils montrent que la présence de protéines bêta amyloïdes dans le sang est corrélée à la présence de plaques amyloïdes, dit-il. Mais le fait d’avoir des plaques ne veut absolument pas dire que l’on va développer la maladie. Certaines personnes en ont et ne seront jamais malades. En revanche, tous les malades d’Alzheimer ont des plaques. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante».

Nous sommes en 2019 etil n’existe aucun moyen de prédire la maladie d’Alzheimer. « Et quand bien même cette boule de cristal existerait, elle ne serait pas d’une grande aide: il n’existe aucun traitement permettant de ralentir ou de guérir la maladie » assène Le Figaro. «En clinique, chez les personnes qui n’ont aucun symptôme, nous ne faisons pas de dépistage. Même si nous détections des lésions, que pourrait-on faire à part leur dire ’’je n’ai rien à vous proposer’’?», confirme le neurologue parisien.

Ce qui ne signifie pas qu’il faut baisser les bras : il est possible de limiter le risque de développer la maladie en agissant sur les principaux leviers: faire de l’exercice, éviter le tabac et l’alcool, surveiller l’état de ses artères (cholestérol, glycémie, tension artérielle, poids) et avoir une alimentation équilibrée

Sans oublier de stimuler sans cesse son cerveau. Notamment en lisant les journaux.

A demain @jynau

Une interne violée au sein de l’hôpital de la Timone. Accusations de failles dans la sécurité

Bonjour

L’information a été révélée ce mardi 18 juillet par le syndicat autonome des internes des hôpitaux de Marseille (SAIHM). Les faits remontent au dimanche 9 juillet date à laquelle une interne en 9e année de médecine a subi une violente agression à caractère sexuel au sein de l’internat de l’hôpital de la Timone 1. « Elle souffre, en plus du traumatisme psychique, de multiples plaies de la face, fractures des os du crâne et d’une hémorragie intracrânienne », précise le SAIHM. Selon La Provence l’information avait été tenue secrète jusque-là pour permettre aux enquêteurs de mener leurs investigations en toute discrétion.

Le 9 juillet, vers 18 h 30, une première interne est violemment bousculée par un homme et réussit à s’échapper. Quelques minutes plus tard, une seconde jeune femme entre dans le bâtiment réservé aux internes en médecine et pharmacie où elle réside (situé dans l’enceinte de l’hôpital de la Timone). Un homme « l’a suivie, l’a frappé au visage et a tenté de la violer à quelques pas de sa chambre » a expliqué au Quotidien du Médecin Justin Breysse, président du SAIHM. L’agresseur emprunte la porte d’entrée du bâtiment où résident cent-cinquante internes et dans lequel on ne peut normalement entrer qu’avec un badge. « C’est une zone d’accès sécurisée. Mais cette porte était cassée depuis six mois », souligne Justin Breysse.

Précédentes alertes

Ce dernier déplore les failles de l’administration qui n’ont pas tenu compte des précédentes alertes. « Depuis 2014, nous réclamons des mesures de sécurité. Il y a deux ans, des cambriolages ont été signalés. Il y a eu aussi des intrusions de personnes sans domicile fixe ou encore des toxicomanes. Nous avons l’impression d’être méprisés par la direction », ajoute le président du syndicat.

« Le directeur de la Timone s’est rendu sur place et a apporté son soutien à l’interne blessée notamment afin qu’elle puisse bénéficier des conditions optimales de sécurité et de calme lors de son hospitalisation, précise France Bleu Provence. Un soutien psychologique lui a également été proposé. »

Le SAIHM et la direction hospitalière ont confirmé que la victime avait porté plainte. L’agresseur a été interpellé lundi 17 juillet. Il était déjà connu des services de police, indique l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille. Une surveillance de l’internat par caméra a été mise en place. Un agent de sécurité est en poste depuis le 10 juillet devant l’entrée de la résidence. Et la porte cassée a finalement été réparée.

A demain

1 Créé en 1974 au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, le Centre Hospitalier de la Timone est le plus important de la région PACA. Il est considéré par son activité, son équipement de pointe et ses moyens humains comme le troisième hôpital européen.

Quelques précisions sur « l’espoir fou » du vaccin contre le sida mis au point à Marseille

 

Bonjour

Nous rapportions hier les échos médiatiques qui avaient suivi une conférence de presse donnée à Marseille sur le thème d’un vaccin thérapeutique contre l’infection par le VIH.  La Provence révélait qu’un protocole mené depuis 2013 auprès de 48 patients avait livré des résultats encourageants (contenu payant). Ce vaccin expérimental aurait permis « de faire disparaître les cellules infectées du corps d’une dizaine de volontaires qui étaient porteurs du virus ». Une avancée qui permettait au quotidien de titrer en une « Un espoir fou ». Le Point avait repris l’information provençale :

« Sous la conduite du Dr Isabelle Ravaux à l’hôpital de la Conception de Marseille  et d’Erwann Loret, biologiste au CNRS, trois doses ont été injectées sur des patients volontaires. Ces 48 personnes ont donc arrêté leur trithérapie. ‘’Le résultat le plus remarquable est que les cellules infectées par le VIH ne sont plus détectables chez une dizaine de patients. Et ce, depuis deux ans, ce qui est tout à fait exceptionnel, détaille Erwann Loret à nos confrères de La Provence. Si des épisodes de ce type sont observés parfois chez des patients, cela ne s’était encore jamais produit sur une telle durée.’’ Le vaccin aurait donc eu un effet et diminué le nombre de cellules infectées par le virus. »

Le chercheur du CNRS est une personnalité qui a déjà été au centre de quelques controverses médiatiques 1. La dernière conférence de presse devait susciter une nouvelle polémique, l’entourage d’Erwann Loret laissant entendre qu’il avait été interdit de s’exprimer par la direction générale du CNRS.  Il expliquait aussi « proposer avec l’Agence du médicament, à des patients qui ont repris la trithérapie d’arrêter leur traitement, sous suivi médical. »

Les réponses du CNRS et de l’Agence du médicament

Censurer un chercheur est une affaire d’une particulière gravité. Nous avons demandé ce qu’il en était au CNRS. Voici sa réponse :

« Lundi 27 février, le CNRS a été informé de la tenue d’une conférence de presse organisée par la Société BIOSANTECH en présence d’un chercheur du CNRS, Erwann Loret. Le CNRS lui a demandé de ne pas participer à cette conférence de presse. En effet, à notre connaissance, l’essai clinique s’est terminé en fin de phase I/IIa depuis plus d’un an. Les résultats de l’étude adossés à cet essai ont été publiés le 1er avril 2016.

Le CNRS n’a connaissance d’aucun projet de poursuite d’essai clinique. Si cela était le cas, il serait conduit sous la responsabilité exclusive de l’entreprise BIOSANTECH, promoteur de l’essai, comme cela a toujours été le cas.

 « Le CNRS rappelle que les relations de partenariat établies entre la recherche publique et les entreprises s’inscrivent dans des cadres juridiques clairs, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un produit de santé répondant à un enjeu aussi important que celui du sida. A ce jour, l’entreprise BIOSANTECH est titulaire d’une licence de brevet lui donnant l’autorisation d’utiliser la technologie. Il n’y a plus aucune relation de co-développement formalisé entre le CNRS et cette entreprise. Cette situation n’interdit en rien à Erwann LORET de présenter ses travaux dans des congrès tel que celui qui s’est tenu récemment à Berlin. »

 Nous avons également demandé à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) quel était le stade de développement des essais cliniques. Voici sa réponse :

« L’ANSM a autorisé cet essai en 2013. Il comportait deux parties, une première partie avec une recherche de doses, aujourd’hui terminée, puis une deuxième partie sur un groupe de patients différents avec la dose sélectionnée lors de la première partie. Le passage à la deuxième partie était subordonné à une nouvelle autorisation de l’ANSM. A ce jour, l’ANSM n’a pas reçu de demande d’autorisation pour débuter cette deuxième partie. » 

 Nous publierons bien évidemment, s’ils le souhaitent, les précisions des responsables de l’essai marseillais.

 A demain

1 « Vaccin sida : Biosantech avait-elle le droit de présenter ses premiers résultats à la presse ? » Journalisme et santé publique, 29 octobre 2015

 

Vaccin anti-sida : l’Agence du médicament autorisera-t-elle l’expérience de Marseille ?

Bonjour

Trente ans après on pensait en avoir fini avec les révélations, via la presse régionale, des nouveaux et formidables espoirs vaccinaux  contre le sida. Or voici, une nouvelle fois, qu’un abcès médiatique est collecté à Marseille. La Provence révèle qu’un protocole mené depuis 2013 auprès de 48 patients a livré des résultats encourageants (contenu payant). Ce vaccin expérimental aurait permis « de faire disparaître les cellules infectées du corps d’une dizaine de volontaires qui étaient porteurs du virus ». Une avancée qui permet au quotidien de titrer en une « Un espoir fou ». Le Point a repris l’information provençale :

« Sous la conduite du Dr Isabelle Ravaux à l’hôpital de la Conception de Marseille  et d’Erwann Loret, biologiste au CNRS, trois doses ont été injectées sur des patients volontaires. Ces 48 personnes ont donc arrêté leur trithérapie. ‘’Le résultat le plus remarquable est que les cellules infectées par le VIH ne sont plus détectables chez une dizaine de patients. Et ce, depuis deux ans, ce qui est tout à fait exceptionnel, détaille Erwann Loret à nos confrères de La Provence. Si des épisodes de ce type sont observés parfois chez des patients, cela ne s’était encore jamais produit sur une telle durée.’’ Le vaccin aurait donc eu un effet et diminué le nombre de cellules infectées par le virus. »

Le chercheur est une personnalité qui a déjà été au centre de quelques controverses médiatiques 1. Il explique à La Provence que chez deux patients le taux d’anticorps a chuté, car leur système immunitaire « ne voyait plus les cellules infectées » : la « rétroconversion ».  « Nous allons, avec l’Agence du médicament, proposer à ces deux patients qui ont repris la trithérapie d’arrêter leur traitement, sous suivi médical, assure-t-il. Si, après trois mois, les cellules infectées sont toujours indétectables, on pourra alors parler de guérison fonctionnelle. » A l’évidence, Marseille ou pas, l’affaire doit être un peu plus compliquée que ce qu’il nous est donné d’en lire.

A demain

1 « Vaccin sida : Biosantech avait-elle le droit de présenter ses premiers résultats à la presse ? » Journalisme et santé publique, 29 octobre 2015

F. Hollande : «Des propos sans rapport avec la réalité de ma pensée » Quel diagnostic poser ?

 

Bonjour

Pour 24, 50 euros c’est un « parfait suicide politique ». Celui de François Hollande, président de la République française. Personne ne comprend plus rien et le malaise, épidémique, gagne le pays. Comment celui qui incarne leur indépendance peut-il traiter  de « lâches » les magistrats et la magistrature – et ce dans un pénultième et invraisemblable ouvrage de « confidences à des journalistes » ?

« Cette institution, qui est une institution de lâcheté… Parce que c’est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux… On n’aime pas le politique. La justice n’aime pas le politique… »

Les magistrats se sont dits « humiliés ». On le serait à moins. Premier président de la Cour de cassation Bertrand Louvel a déclaré qu’il n’était « pas concevable que la charge de président (…) puisse être utilisée par son titulaire pour contribuer à diffuser parmi les Français une vision aussi dégradante de leur justice ». Inconcevable est bien le mot.  M. Louvel et le procureur général de la plus haute juridiction française, Jean-Claude Marin, avaient été reçus à leur demande en catastrophe dans la soirée du  mercredi 12 octobre par le chef de l’État. Quel aura, alors été leur diagnostic ?

Marbre de la loi

Le lendemain  ils ont exprimé leur indignation sous les ors de la Cour de cassation devant une assemblée de magistrats en grande tenue. Selon M. Marin, l’entretien de la veille à l’Elysée n’avait « pas atténué le sentiment que la magistrature avait ressenti face à une nouvelle humiliation ». Et le premier président a estimé que, venant du garant constitutionnel de l’indépendance de la justice, les propos et commentaires de M. Hollande posaient « un problème institutionnel ». Ces commentaires, M. Marin les a lus dans un silence pesant, détachant chaque mot. Le poids du marbre de la loi…

Puis les deux plus hauts magistrats de France ont été rejoints dans leur indignation par le Conseil supérieur de la magistrature, qui a dénoncé des propos « dangereux et injustes », et par les avocats, qui ont fait part de leur « consternation » et « incompréhension » selon le président du Conseil national des barreaux (CNB) Pascal Eydoux. « Il doit s’excuser, il doit réparer » a même cru devoir déclarer  Me Jean-Pierre Mignard, proche du président. Quel diagnostic ?

Cicatriser

En visite à Ottawa, le Premier ministre Manuel Valls a  tenté de voler au secours de François Hollande dont « l’indépendance de la justice a été la marque de l’action », soulignant que « rien n’a été fait contre la justice » sous sa présidence. Rien n’a été fait mais l’irréparable a été dit, puis imprimé et publié.

Puis, dans un courrier adressé vendredi 14 octobre à leurs représentants, François Hollande a écrit :

« Vous avez exprimé, au nom de l’institution judiciaire, votre vive émotion à la suite de propos publiés dans un livre. Ils sont sans rapport avec la réalité de ma pensée comme avec la ligne de conduite et d’action que je me suis fixée comme président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. »

« Des propos sans rapport avec la réalité de ma pensée ». Quel diagnostic envisager ?

Le procureur Thomas Pison a aussitôt salué – au nom des quatre conférences nationales représentant procureurs et présidents des tribunaux et cours d’appel – « un début d’explication », mais il a prévenu qu’il faudrait du temps « pour que les choses se cicatrisent ». Un procureur connaît-il la profondeur de la plaie ? Le temps que prennent les cicatrices avant qu’on les oublie ?

Epitaphe publique (700 pages)

Le président (PS) de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a déclaré dans un entretien à La Provence « Je me pose des questions sur sa volonté. Une hésitation transparaît. Je lui ai fait part de ma stupéfaction. Il y a un grand besoin d’explication pour comprendre s’il veut vraiment être candidat. » Quel diagnostic porter ?

« En clair, François Hollande dit n’importe quoi lorsqu’il reçoit les journalistes et regrette tout immédiatement après », se gausse Sébastien Lacroix dans L’Union.  Le président « a peut-être finalement écrit là son épitaphe publique. Une épitaphe de près de 700 pages qui, si on y regarde bien, s’apparente à un petit traité du parfait suicide en politique », analyse Pascal Coquis dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace. « Pulvérisé dans les sondages, François Hollande se permet encore de carboniser les lambeaux de popularité qui lui restent », écrit Patrice Chabanet dans Le Journal de la Haute-Marne.

Et tous les éditorialistes de se rejoindre : « Une fin de mandat pathétique. » A quand temps des cicatrices ?

A demain

 

Burkini, extension du mal : le Premier ministre désavoue sa ministre de l’Education nationale

 

Bonjour

Les températures montent, le tonnerre gronde, quelques éclairs sur le Conseil d’Etat. Ce matin, à la fraîche, sur RMC-BFM TV le Premier ministre Manuel Valls a enfoncé son clou : les arrêtés municipaux anti-burkini  « ne sont pas une dérive ». Trente communes littorales françaises ont, ces derniers jours, interdit le port de ce vêtement de bain « cachant le corps et les cheveux ».

Quelques minutes plus tôt, sur Europe 1, sa ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem avait  déclaré que la « prolifération » de ces arrêtés n’était « pas la bienvenue »« Jusqu’où va-t-on pour vérifier qu’une tenue est conforme aux bonnes mœurs », s’interrogeait la jeune ministre – tout en rappelant son opposition au burkini.

Le Français est différent

« Ces arrêtés ne sont pas une dérive. C’est une mauvaise interprétation des choses. Ces arrêtés ont été pris au nom même de l’ordre public », a aussitôt rétorqué le Premier ministre. Reprenant sa déclaration peu banale faite à La Provence le chef socialiste du gouvernement a réitéré son soutien aux maires qui prennent de tels arrêtés.Ainsi donc le port du burkini sur les plages n’est  « pas compatible avec les valeurs de la France et de la République ».

La presse étrangère se gausse ? La belle affaire ! « La France est un pays différent, estime Manuel Valls La conception libérale des anglo-saxons n’est pas la mienne (…) La laïcité est le fruit d’une confrontation mais c’est aujourd’hui la possibilité de croire ou de ne pas croire ». Le clou, toujours le clou, et le spectacle :  « Le burkini c’est un signe politique de prosélytisme religieux qui enferme la femme. (…) Je crois qu’on ne peut pas accepter le prosélytisme mais on ne peut pas accepter l’humiliation non plus. » 1

Le Premier ministre faisait ici référence à  la verbalisation d’une femme toulousaine qui, à Cannes, portait un simple voile sur la tête à Cannes. « Tout ce qui peut apparaître comme une stigmatisation  est évidemment condamnable » a-t-il concédé. « Nous ne sommes pas en guerre contre l’Islam qui a toute sa place dans la République.(…) La République est bienveillante [avec les musulmans], nous les protégerons contre les discriminations. »

Regarder la fraternité

Manuels Valls ferraillant en direct  avec Najat Vallaud-Belkacem. Le Premier ministre contre la ministre de l’Education nationale ? La désagréable impression de regarder une très mauvaise série télévisée. Un « House of Cards » de bas étage. Dans la série la ministre aurait sans doute démissionné.

Entre ces deux responsables de l’exécutif : Bernard Cazeneuve,  ministre de l’Intérieur soutient comme il le peut un Premier ministre sur le fil de la République. Il exige une « fermeté absolue sur la laïcité » mais réclame une « proportionnalité » dans la mise en œuvre de ces arrêtés. Cela donne :

« Comme l’a indiqué le Premier ministre, on peut prendre ces arrêtés mais il faut prendre dans un contexte où ils permettent de faire cesser les troubles à l’ordre public sans jamais perdre de vue la fraternité. »

 « Ne jamais perdre de vue la fraternité ». Il fallait y penser.

A demain

1 Près de deux Français sur trois sont opposés au port du burkini sur les plages. Le tiers restant est « indifférent ». Et  6 % de la population est favorable au port du maillot de bain intégral. C’est ce que conclut un sondage Ifop réalisé pour Le Figaro de ce 25 août. « Nous sommes sur un niveau similaire à ce que nous mesurions ensemble en avril dernier à propos du port du voile ou du foulard dans la rue (63 % y étaient opposés). La plage n’apparaît pas comme un espace public à part et est assimilée à la rue, espaces dans lesquels le port de signe ostentatoire est également refusé par deux tiers des Français », explique Jérôme Fourquet de l’Ifop.

Noter toutefois que l’institut de sondage n’a pas demandé à son échantillon s’il approuvait « l’interdiction de ce maillot islamique sur la plage ». Réprouver n’est pas, on le sait, interdire et encore moins condamner.

Christian Estrosi euphémise : le burkini n’est pas son «idéal de la relation sociale»

Bonjour

Le mal tissulaire est pratiquement invisible mais l’épidémie flambe : partie de Cannes elle a désormais touché Menton, Villeneuve-Loubet, Saint-Laurent-du-Var, Beaulieu-sur-Mer, Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes). Mais aussi : Le Lavandou, Cavalaire-sur-mer, Cogolin et Sainte-Maxime et Fréjus (Var). Sans parler de bouffées en Corse et dans le Pas-de-Calais.

On retiendra le mot de David Rachline, 28 ans, le sénateur et maire (Front National) de Fréjus dans une interview à l’AFP: « Il n’y a pas de burkini à Fréjus et s’il y en avait, je prendrais les dispositions qui s’imposent pour l’interdire ».  Le lendemain il expliquait avoir « par deux fois, reçu des signalements par des Fréjusiens et par la police municipale, de quelques cas de burkinis ». Combien on ne le saura pas. Et aucune échauffourée. Mais l’arrêté municipal est là.

Aucune rixe à Cannes. Mais trois femmes ont déjà été verbalisées : elles ont dû payer une amende de 38 euros. Liquide accepté.

Femmes asservies

Et Nice, où l’on imaginait Christian Estrosi piaffant ? C’est fait : la mairie vient de prendre le désormais célèbre arrêté contre cette tenue enveloppante de bain. Dans une lettre adressée à Manuel Valls, Christian Estrosi, premier adjoint à la mairie de Nice, estime que « la dissimulation intégrale du visage ou le port d’une tenue intégrale pour aller à la plage ne correspond pas à notre idéal de la relation sociale ». Comment mieux le dire ? Quel est cet idéal ? Agrée-t-il le bikini ? Ose-t-il le string ? M. Estroni ne s’étend pas sur le sujet.

Manuel Valls (Parti Socialiste) ne dit rien d’autre que Christian Estrosi (Les Républicains) ou que Brigitte Bardot (Non Inscrite). Selon le Premier ministre l’idée que des femmes en burkini puissent s’abattre sur les plages de notre pays est « la traduction d’un projet politique, de contre-société, fondé notamment sur l’asservissement de la femme ». Le port du burkini « n’est pas compatible avec les valeurs de la France et de la République » a-t-il déclaré il y a quelques jours. C’était  dans un entretien au quotidien régional La Provence.La, précisément où flambe les arrêtés d’interdit.

« Ces costumes de bain enveloppants sont extrêmement rares sur les plages françaises, noyés parmi les bikinis et maillots une pièce, observe Le Figaro. En revanche, sur la côte méditerranéenne, une minorité de femmes musulmanes restent voilées et couvertes sur la plage. » Elles y sont encore, pour l’heure, tolérées.

A demain

Touquet Paris-Plage atteint par les anti-burkinis. Le monokini interdit dans la capitale

 

Bonjour

Progression vers le nord de l’épidémie municipale anti-burkini. Désormais touchés : Oye-Plage (maire socialiste) et Le Touquet (maire Les Républicains). Aucune tenue de plage « incompatible avec les valeurs de la France et de la République » (Manuel Valls) n’a certes encore été vue dans la mer du Nord. Mais rien ne dit qu’elle ne viendront pas un jour.

« Le burkini amplifie la zizanie à gauche » notent les observateurs.  A dire vrai la zizanie est, à gauche, semée depuis bien longtemps et cette métaphore herbacée n’est plus vraiment de saison. On est ici passé de l’ivraie et de l’herbe folle à la fracture identitaire  – une schizophrénie des deux gauches dont les symptômes s’expriment chaque jour un peu plus au grand jour.

Ainsi donc, pour le Premier ministre, le port du burkini  « n’est pas compatible avec les valeurs de la France et de la République » :

« Je comprends les maires qui, dans un moment de tension, ont le réflexe de chercher des solutions, d’éviter des troubles à l’ordre public. Je soutiens donc ceux qui ont pris des arrêtés, s’ils sont motivés par la volonté d’encourager le vivre-ensemble, sans arrière-pensée politique (…). Je ne crois pas qu’il faille légiférer en la matière : la réglementation générale des prescriptions vestimentaires ne peut être une solution. »

Ronrons au Conseil d’Etat

Manuel Valls marche sur des œufs politiques. La plage est minée, et il le sait. L’affaire est selon lui d’une gravité extrême mais il ne légifèrera pas. C’est le Conseil d’Etat qui se prononcera quand les conseillers seront rentrés. Il nous dira si un maire peut interdire  « une tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse, alors que la France et les lieux de culte religieux sont actuellement la cible d’attaques terroristes ».

Tenue de plage … ostentatoire… espace public… appartenance religieuse… asservissement de la femme… projet de contre-société… On entend déjà, à l’ombre de la place Colette, ronronner les spécialistes hors catégorie du droit administratif. Peut être en viendra-t-on, qui sait,  à saisir la Cour européenne des droits de l’homme.  Pour l’heure le Collectif contre l’islamophobie en France annonce qu’il attaquera  tous les arrêtés municipaux interdisant le port du burkini
Manuel Valls peut ici compter sur Jean-Pierre Chevènement, homme d’une particulière complexité qui appelait il y a quelques jours les musulmans vivant en France « à la discrétion ». « La déclaration de l’ancien ministre de l’intérieur, pressenti pour prendre la direction de la  Fondation pour l’islam de France, a provoqué de vives réactions, y compris en privé au sein du gouvernement, plusieurs ministres l’ayant trouvé au mieux maladroite, au pire choquante » croit savoir Le Monde.

« Rien d’autre à faire ? »

Entre autres ennemis dans son camp Manuel Valls peut compter sur Benoît Hamon, le député des Yvelines et jeune candidat à la nouvelle primaire du PS. Sur France Inter :

 « On en est arrivé aujourd’hui à ce que, sur le burkini, le Premier ministre s’exprime, dise que c’est une forme d’asservissement de la femme, mais qu’il ne faut pas légiférer. Mais si c’est si grave, qu’il légifère !  « Ces débats n’ont qu’une conséquence, c’est d’expliquer aujourd’hui que la France a un problème avec l’islam et les musulmans ».

Les communistes de sont pas plus tendre : « Il n’a rien d’autre à faire, le Premier ministre de notre pays ? » (Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, France Info).

Seins nus autorisés

Et puis, dans ce concert, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. Elle condamne le burkini « au nom du féminisme ». La voici aussitôt taclée, dans Libération, par  Jean Baubérot, historien et sociologue de la laïcité:

« En tant que ministre de la République, représentante de l’Etat, Laurence Rossignol se devrait d’être neutre alors qu’elle moralise… Il faut être ferme vis-à-vis de tout acte qui limiterait la liberté des femmes. Mais la société ne peut pas se donner une virginité féministe sur pareil prétexte. Moi, j’attends plutôt Mme Rossignol sur l’égalité des sexes et les inégalités socio-économiques qui perdurent (…).

« Je remarque, d’ailleurs, qu’on est passé de la lutte contre les femmes pas assez vêtues des années 60, à celle contre les femmes désormais trop vêtues… Quand mes sœurs ont commencé à porter des maillots de bain deux pièces, ma mère était contre, alors qu’elle ne se jugeait pas particulièrement étroite d’esprit ! Il y a par ailleurs en France une société du voir qui accorde beaucoup trop d’importance au paraître. Personnellement, je pense que l’habit ne fait pas le moine. »

Cracheurs de feu

L’habit ? Les moines ? En France le code pénal interdit « l’exhibition sexuelle » dans son article 222-32. Mais dans sa sagesse le même code ne définit pas le concept qu’il utilise. L’exhibition des seins nus (à des fins de bronzage et sur une plage) est ainsi très largement tolérée. A l’inverse, dans nombre de lieux publics, c’est le règlement intérieur qui fait loi. Les piscines municipales interdisent le plus souvent le monokini (sauf à certaines plages horaires). La règle est la même à Paris-Plage où les « tenues indécentes (naturisme, string, monokini, etc.) » font partie des interdictions :

« Sont notamment interdits : — les tenues indécentes (naturisme, string, monokini, etc.) ; — les activités professionnelles ou rémunérées (cracheurs de feu, jongleurs, mendicité, etc.) hors celles dûment autorisées ; — les objets et instruments bruyants (sifflets, tam-tam, djumbe, etc.). »

Pour l’indécence, l’amende est de 38 euros. Cartes de crédit acceptées.

A demain

 

Le burkini, un maillot de bain ? Non, c’est un «projet de contre- société» (Manuel Valls)

 

Bonjour

De l’art, subtil, d’exercer le pouvoir en jetant, l’été, un peu d’huile sur le feu. La France  avait œuvré au mieux avec la loi du 11 octobre 2010 « interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ». Six ans plus tard le chef du gouvernement prend soudain position contre un vêtement de plage qui ne laisse voir que le visage. Nous sommes le 17 août, grand soleil sur la France, le Premier ministre a choisi La Provence : « Valls sur le Burkini : « Une vision archaïque de la place de la femme dans l’espace public » » (sur abonnement).

L’AFP reprend et explique que le Premier ministre a mis les points sur les i du burkini.  « Le burkini n’est pas une nouvelle gamme de maillots de bain, une mode. C’est la traduction d’un projet politique, de contre-société, fondé notamment sur l’asservissement de la femme. »  Manuel Valls copie, ici, sa ministre des Droits des femmes (Laurence Rossignol) et dit « comprendre » et « soutenir » les quelques maires qui ont pris des arrêtés interdisant le port de ce maillot de bain intégral sur les plages de leur commune. 1

Comprendre un réflexe.

« Je comprends les maires qui, dans ce moment de tension, ont le réflexe de chercher des solutions, d’éviter des troubles à l’ordre public. Je soutiens donc ceux qui ont pris des arrêtés, s’ils sont motivés par la volonté d’encourager le vivre ensemble, sans arrière-pensée politique. » « Les plages, comme tout espace public, doivent être préservées des revendications religieuses. » Or, derrière le burkini, « il y a l’idée que, par nature, les femmes seraient impudiques, impures, qu’elles devraient donc être totalement couvertes. Ce n’est pas compatible avec les valeurs de la France et de la République. Face aux provocations, la République doit se défendre ».

Une fois ces fortes choses dites le Premier ministre refuse de légiférer.

« Je ne crois pas qu’il faille légiférer en la matière : la réglementation générale des prescriptions vestimentaires ne peut être une solution. » « Avant de penser à légiférer, nous ferons appliquer la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public – nous le rappellerons, avec le ministre de l’Intérieur, aux préfets et aux forces de sécurité. » Manuel Valls en appelle surtout aux « autorités musulmanes » qui, selon lui, « doivent aussi condamner le voile intégral, condamner les actes de provocation qui créent les conditions d’une confrontation. » C’est pour lui aux musulmans, « à leurs autorités, à leurs familles, dans leurs engagements personnel, professionnel, social, de dire qu’ils rejettent cette vision mortifère de l’islam ».

Ne montrer que le visage

Où l’on voit que le Premier ministre assimile le « voile intégral » et un vêtement de plage qui conduit in fine à ne montrer que le visage. Le chef du gouvernement s’exprime aussi sur  les auteurs de « prêches de haine prononcés dans certaines mosquées ». Pourquoi les laisse-t-on prêcher ?  « D’abord, parce que certains sont Français. Quant à ceux qui sont étrangers et tiennent un discours de haine passible de la loi, ils doivent être expulsés. Ils le sont. Ça a déjà été le cas pour 82 d’entre eux. » « Tous ceux qui prônent des discours n’ayant rien à voir avec nos valeurs doivent être poursuivis. Il ne faut passer aucun compromis avec ceux qui mettent en cause le modèle républicain. Nous avons aussi besoin d’imams parlant français, formés à nos valeurs. »

Manuel Valls en appelle enfin « à l’islam de France et à ses institutions », à qui « il appartient de réagir ». « Je rajouterai, à l’attention de nos compatriotes musulmans, que nous serons aussi impitoyables à l’encontre de tous ceux qui voudraient les prendre comme boucs émissaires et voient dans l’islam un coupable idéal des actes de terrorismes. Ils trouveront toujours l’État à leur côté pour les protéger. »

Camouflet catholique

La fatalité étant ce qu’elle est François Hollande est reçu, ce mercredi 17 août 2016, en audience privée au Vatican par le Pape François, souverain pontife. Le président de la République française sera accompagné tout au long de son déplacement par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve.

Cette audience privée est la seconde visite de François Hollande au Vatican, après celle du 24 janvier 2014. Elle devrait, selon le Palais de l’Elysée,  marquer un « resserrement des liens ». On se souvient que l’Eglise s’était opposée à la loi sur le mariage pour tous, votée en 2013 par le Parlement français. Le Saint-Siège avait aussi refusé d’accréditer, en 2015, un ambassadeur proposé par la France, Laurent Stefanini, catholique pratiquant et homosexuel. Le Monde rappelle qu’après un an de vacance du poste c’est un autre diplomate, Philippe Zeller, qui a finalement été agréé. On peut voir là une forme de camouflet.

A demain

1 On peut, sur ce sujet, lire dans Libération l’enrichissant entretien avec Jean Baubérot, historien et sociologue de la laïcité : « Burkini : ‘’On peut être choqué sans pour autant interdire’’»

 

Sida : récidive d’un « grand contaminateur »

Un homme déjà condamné à Colmar pour avoir sciemment transmis le VIH par voie sexuelle vient d’être écroué à Lyon pour des agissements similaires. Mais encore ?  

C’est en France une triste première médicale et judiciaire.  Une première pour l’heure sans grand écho. Un homme de 38 ans, condamné par le passé à six ans de prison pour avoir sciemment transmis le sida à des partenaires, a été mis en examen et écroué à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône) pour des faits similaires. L’information est dite « de source policière ». Cette source ajoute que l’homme a été mis en cause pour cinq nouveaux faits. Une information judiciaire pour « administration de substances nuisibles » a été ouverte.

« Il a eu des rapports sexuels non protégés sans parler de sa séropositivité, et malheureusement une victime parmi les cinq a été contaminée », a précisé une source policière à l’Agence France Presse, confirmant ainsi une information préalablement diffusée par le quotidien régional La Provence. En pratique c’est une plainte d’une de ses ex-compagnes qui a alerté les policiers de Miramas (Bouches-du-Rhône). « Elle a été informée par quelqu’un de la maladie de cet homme et elle a fait des recherches sur internet où elle a découvert qu’il avait déjà fait de la prison ferme »,  a ajouté  la même source.

L’homme – un  chauffeur de bus, qui s’était installé à Istres à sa sortie de prison en 2008 – a expliqué aux enquêteurs « faire un blocage psychologique » et « avoir peur que sa partenaire le laisse tomber ». Ce même homme avait été condamné – en janvier 2005 – par la cour d’appel de Colmar à six ans de prison ferme pour avoir contaminé par le VIH deux de ses partenaires. L’une des deux se serait suicidée, précise l’AFP.

Ou l’on ouvre à nouveau le dossier médico-judiciaire de contamination non accidentelle par le VIH lors de relation sexuelle, sujet que nous avions abordé en octobre dernier sur ce blog à l’occasion d’un précédent procès qui se tenait à Paris. L’homme avait alors été condamné à neuf ans de prison pour avoir transmis le virus du sida à son ancienne compagne. Au moment des faits il se savait séropositif vis-à-vis du VIH depuis quatre ans.

Auparavant  la cour d’appel de Fort-de-France avait condamné en 2007 à dix ans d’emprisonnement  un homme ayant contaminé cinq mineures. D’autres condamnations avaient suivi à Aix-en-Provence en 2009 (trois ans), à Rennes en 2010 (six mois) ou encore à Strasbourg en mars 2011 (trois ans). Après l’émergence de cette nouvelle maladie, la découverte de ses modes de transmission et la mise au point des marqueurs sérologiques (1) de l’infection le milieu associatif spécialisé s’était longtemps déclaré « réservé » (sinon franchement hostile) à l’égard d’une pénalisation de telles contaminations.

L’un des  principaux  arguments avancés tenait alors au fait que condamner (stigmatiser) nuirait au nécessaire dépistage volontaire de cette infection. Les responsables de ce milieu associatif sont aujourd’hui silencieux. Est-ce parce qu’ils estiment que les arguments d’hier ont perdu de leur pertinence ? Parce que cette problématique de santé publique s’est banalisée et, partant, qu’elle ne passionne plus les médias  et donc – ce qu’il est convenu de nommer –  l’opinion publique ?

L’administration de substances nuisibles  est en France passible de 15 ans de réclusion criminelle, voire de 20 ans si elle est commise avec préméditation.

Le jeune site médical basé à Genève et destiné au grand public www.planetesante.ch rappelle fort opportunément  sur ce thème que la plupart des pays européens (dont la Suisse mais à l’exception des Pays-Bas) « condamnent sévèrement ce comportement ».  Précisément, qu’en est-il en Suisse (2) ? « Les tribunaux s’appuient sur deux dispositions du Code pénal suisse. La première (Article 122), protège l’intégrité corporelle, et réprime donc les lésions corporelles graves. Celui qui en est reconnu coupable encourt une peine privative de liberté pour dix ans au plus, ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, peut-on lire. En l’occurrence, on considère qu’il s’agit d’une infraction intentionnelle, qui peut mettre en danger la vie d’autrui. Elle suppose donc un comportement dangereux et des lésions corporelles graves. »

L’autre disposition invoquée par les tribunaux est la propagation d’une maladie de l’homme (Article 231). Selon cet article, celui qui aura, intentionnellement, propagé une maladie de l’homme dangereuse et transmissible sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende au moins. Ces peines peuvent être modulées selon que la personne a agi «par bassesse de caractère», ou par négligence.

Qu’en est-il lorsque le ou la partenaire accepte le risque, autrement dit consent à un rapport sexuel non-protégé, en connaissance de cause? Pour la plupart des tribunaux cantonaux, cela ne rend pas le comportement de la personne séropositive non-punissable, mais peut amener à une diminution des indemnités pour tort moral allouées à la victime, en considérant qu’elle a dans une certaine mesure contribué à son dommage, pour n’avoir pas refusé des rapports non protégés.

Une question nullement négligeable est celle de savoir si l’efficacité des  traitements antirétroviraux (étable depuis maintenant près de dix ans) font ou non évoluer la jurisprudence. « La sévérité des tribunaux pourrait s’atténuer avec le temps, puisque les traitements antirétroviraux ont changé la donne. En effet, les données statistiques et épidémiologiques récentes montrent qu’il n’y a pas de transmission lorsque l’infection est contrôlée, peut-on lire sur www.planetesante.ch.  Qu’entend-on par là? On entend une personne séropositive qui suit un traitement antirétroviral de manière conséquente, chez qui la charge virale n’est pas détectable dans le sang depuis six mois, même avec des méthodes ultrasensibles, et qui n’est pas porteuse d’une autre maladie sexuellement transmissible. Les tribunaux genevois ont déjà ouvert la voie en prononçant l’acquittement de plusieurs personnes dans cette situation. Un autre fait pourrait peser progressivement dans la balance, c’est la baisse considérable du taux de mortalité des personnes porteuses du VIH, qui a rejoint celui des patients traités avec succès contre le cancer. »

Cette évolution du droit face aux évolutions de la médecine n’est pas le moins intéressant des thèmes de santé publique et de bioéthique inhérents au sida. On pourrait regretter que le journalisme français d’information générale (qui se passionna et s’entredéchira durablement à propos de différents sujets associés à cette maladie) n’y accorde plus guère d’attention (3). La  triste  et première médicale que nous évoquions plus haut pourrait peut-être y contribuer.

 (1) Une relecture de cette période est depuis peu proposée dans l’ouvrage « SIDA 2.0. Regards croisés sur 30 ans d’une épidémie » de Didier Lestrade et Gilles Pialoux (Editions Fleuve noir). Une relecture partielle, précieuse et inattendue. Elle vient témoigner à sa façon que sur ce sujet les braises des passions d’hier ne sont nullement éteintes ; du moins chez certains des historiques français de ce qui demeurera restera la grande affaire de santé publique de notre époque. Une affaire qui reste à écrire par des historiens.

(2) Sur ce thème on peut fort utilement se reporter à l’ouvrage de l’avocate  Antonella Cereghetti  Médecin et droit médical, Editions Médecine & Hygiène. (Genève)

 (3) « Au lieu de donner l’amour il a donné la mort »

Ajoutons cette dépêche de l’AFP datée du 16 février:

 « Un éducateur spécialisé, reconnu coupable d’avoir sciemment transmis le virus du sida à deux partenaires, a été condamné jeudi par le tribunal correctionnel de Draguignan à deux ans de prison, dont un an avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans. Cet homme de 39 ans, originaire d’Avignon (Vaucluse), était poursuivi pour « administration de substances nuisibles suivie de mutilation ou infirmité permanente ». Le tribunal a accompagné la peine, qui se déroulera sous bracelet électronique, d’une obligation de soins psycho-thérapeutique. Il a également accordé une provision de 30.000 et 50.000 euros à chacune des deux victimes.
La procureure de la République Catherine Doustaly avait requis trois ans de prison « avec un sursis partiel ou total ». « C’est un comportement suicidaire pour lui mais criminel pour les autres, réitéré sur plusieurs années », a-t-elle dénoncé.
Les faits remontent entre 2003 et 2006, période au cours de laquelle Christophe Veyron, alors infirmier à Brignoles (Var), a eu des relations « sentimentales » avec des rapports sexuels non protégés avec deux partenaires de Carpentras et de Perne-les-Fontaines (Vaucluse).
L’un et l’autre ont toujours affirmé que Veyron les avait rassurés, leur affirmant qu’il était « clean ». A l’un d’eux, il avait même produit un résultat d’analyses négatif qui s’avérera avoir été falsifié. L’enquête conduite par les gendarmes a mis en évidence le fait que Veyron, qui a toujours refusé d’effectuer des tests de dépistage, se savait contaminé par un ancien partenaire. Ce qu’il a nié à la barre. Selon le psychiatre, il était dans « un déni face au réel de sa maladie ».
Pour son avocat Me Michel Roubaud, qui a plaidé la relaxe, « l’élément intentionnel est impossible à caractériser ».
« Au lieu de donner l’amour, il a donné la mort, une mort qu’on ne voit pas mais une mort latente », a plaidé en partie civile Me Isabelle Colombani, rappelant que ses clients « portaient la mort en eux » ».