Vaccins « mortels » : l’Académie de médecine va-t-elle oser sermonner le Pr Montagnier ?

 

Bonjour

L’abcès grossit et la dérive est qualifiée de «pathétique». Au lendemain de la prestation théâtrale anti-vaccinale du Pr Luc Montagnier une voix officielle s’est élevée : le Pr Marc Gentilini, membre de l’Académie de médecine cité par Le Quotidien du Médecin. L’ancien patron charismatique du service des maladies infectieuses de La Pitié Salpêtrière connaît bien le Pr Montagnier : c’est dans son service que fut prélevé le ganglion d’un patient à partir duquel le Pr Luc Montagnier et son équipe purent isoler le virus de cette maladie qui ne s’appelait pas encore le sida. Nous étions alors en 1983. En 2008 le Pr Montagnier était nobélisé. Il n’a, depuis, cessé d’élargir le champ de ses interventions sans craindre de rompre avec le socle du rationnel. Marc Gentilini :

« Qu’un Prix Nobel de médecine, pasteurien de surcroît, tienne des propos volontairement ambigus et alarmistes sur la vaccination, sujet qui sort de son domaine, est inacceptable. C’est une dérive pathétique (…)  Le Prix Nobel lui a été décerné pour un fait précis, l’isolement du virus du sida dans un ganglion qu’on lui a apporté. Cela lui permet de parler du VIH, mais ce Prix Nobel ne l’autorise pas à dire n’importe quoi sur n’importe quel sujet. »

On sait que Luc Montagnier entend « alerter sur la mort subite du nourrisson ». « C’est quelque chose d’épouvantable, la cause est inconnue, mais il existe des faits scientifiques, montrant qu’un grand nombre de ces morts intervient après une vaccination affirme-t-il. On ne peut pas démontrer une causalité, mais il y a une relation temporelle. »

Savoir être sérieux

Le Pr Montagnier évoque aussi une « corrélation temporelle » entre vaccination contre hépatite B et sclérose en plaque. Il va jusqu’à remettre en cause le bien-fondé du retrait du Lancet  des travaux plus que controversés du britannique Andrew Wakefield sur le vaccin ROR et l’autisme. Marc Gentilini :

« Soyons sérieux, M. Montagnier un lien temporel sans relation de cause à effet établie, n’est pas un argument scientifique. Vous n’avez pas le droit avec le titre que vous portez, d’affoler impunément de jeunes parents dans un domaine dans lequel vous êtes incompétent ! (…) Les tréteaux du théâtre des Mathurins ne sont pas l’endroit idéal pour produire des arguments scientifiques. Des instances existent en France et dans le monde pour les exposer et en discuter (…) Je souhaite que l’Académie de médecine rappelle à l’ordre le Pr Montagnier, membre titulaire depuis 1989 dont les propos contredisent les prises de position et les messages qu’elle a toujours émis en faveur de la vaccination pour défendre et promouvoir la santé publique» 

«Dérive pathétique» ? Que va faire, dans sa sagesse, l’Académie nationale de médecine ? 1 Et que va faire Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé qui vient d’instaurer une obligation vaccinale aujourd’hui radicalement dénoncée, sans aucune preuve scientifique, par un prix Nobel de médecine ?

A demain

1 Scoop : on annonce une « réaction officielle » mardi 14 novembre réaction exprimée conjointement avec l’Académie de pharmacie à l’occasion de leur séance commune.

La justice va enquêter dans la longue affaire de la Dépakine®. Qui, au final, sera inquiété ?

 

Bonjour

Cela couvait, c’est acté : des juges d’instruction vont enquêter dans l’affaire de la Dépakine®. C’est ce qu’a indiqué à l’AFP une « source judiciaire ». Le parquet de Paris a ouvert jeudi 22 septembre une information judiciaire. Celle-ci fait suite à l’enquête préliminaire menée sous son autorité depuis septembre 2015. La « source » a précisé que l’instruction était ouverte pour « tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation du produit et les précautions à prendre ayant eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l’être humain ». Les investigations porteront sur la période de 1990 à avril 2015.Et l’on saura, in fine, ce qu’il peut parfois en coûter de manquer de réactivité.

C’set un rebondissement de taille dans une affaire désormais sous l’œil des médias. C’est aussi une nouvelle équation qui verra la justice travailler sur un dossier radicalement différent des « affaires » et autre « scandales » observés ces dernières décennies dans le champ du médicament. Les juges d’instruction auront la tâche facilitée par le récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendu public le 23 février par le Pr Benoît Vallet, Directeur Général de la Santé. On trouvera ce rapport ici : « Enquête relative aux spécialités pharmaceutiques contenant du valproate de sodium ». Ce rapport avait été demandé en juin 2015 par Marisol Touraine, ministre de la Santé (qui demandait alors une remise des conclusions pour le 15 septembre de la même année).

« Manque de réactivité »

On peut lire ceci, dans la synthèse du rapport de l’IGAS :

« Le constat de la mission est celui d’un manque de réactivité des autorités sanitaires et de celui du principal titulaire de l’autorisation de mise sur le marché [le groupe Sanofi-Aventis]. Les alertes ont, au plan français et européen, motivées d’avantage par des signaux exogènes, notamment médiatiques, que par une prise en compte des données de pharmacovigilance et des publications scientifiques ».

« Terrible langue de bois, écrivions-nous alors. Pourquoi ne pas dire, plus précisément, quels sont les responsables de cette faute ? Et pourquoi ne pas détailler le travail de certains médias qui, en alertant comme ils l’ont fait, ont réussi in fine à pallier une forme d’incurie des autorités publiques. »

On a vu, depuis les développements politiques de ce dossier. Le ministère de la Santé accepte l’idée que plus de 14 000 femmes enceintes ont été « exposées » entre 2007 et 2014 à ce médicament et a annoncé la mise en place d’un dispositif d’indemnisation des victimes. Pour l’heure le groupe Sanofi-Aventis refuse de reconnaître de possibles insuffisances et, donc, de participer aux futures indemnisations qui pourraient être d’un montant global considérable (Le Figaro avançait récemment le chiffre de six milliards d’euros)

« Dès 1968 on lisait… »

Les juges d’instruction pourront aussi se pencher sur les écrits de François Chast, professeur de pharmacie à l’université Paris Descartes auteur de l’ouvrage : Les Médicaments en 100 questions, éditions Tallandier. Et plus particulièrement sur un extrait repris il y a peu sur le site The Conversation : « Après le Mediator, la Dépakine ? » :

« Dès 1968, on lisait dans le prestigieux journal Lancet : « Avant de créer l’anxiété à propos de médicaments utiles, il serait pertinent de savoir si d’autres personnes ont rencontré cette association [entre la Dépakine et une malformation] avant d’inclure les antiépileptiques dans la liste des causes de becs-de-lièvre et de fente palatine ». Il y avait déjà un doute. Les anomalies de fermeture du tube neural (spina bifida) ont été décrites en 1982, toujours dans la revue Lancet. Cette malformation, très sévère, nécessite de nombreuses interventions chirurgicales pendant l’enfance. Et pendant plus de quarante ans les alertes se sont succédé… de plus en plus démonstratives, de plus en plus évidentes !

 « En 1974 la mention de « tics » apparaît dans la rubrique des effets indésirables. En 1984, on définit un syndrome de retard mental ou d’autisme chez des enfants exposes in utero. En 1985, il est signalé : « En cas de grossesse, réévaluer la balance bénéfice/risque. » Dix ans plus tard, on note un renforcement des mises en garde dans la « notice patient » avec la mention de cas de polymalformations et de dysmorphies faciales. Enfin, en 2004, l’accumulation des signaux justifie des mesures d’information à l’attention des prescripteurs et des patients.

Rétropédalages

« Alors qu’en 2005 les risques malformatifs sont spécifiquement attribués au médicament, en revanche, les retards de développement et l’autisme font dire à l’industriel que les résultats des études sont « contradictoires ». C’est en 2006, seulement, que le Résumé des caractéristiques du produit (RCP, véritable carte d’identité du médicament, précisant ses caractéristiques en termes d’indications, de contre-indications, d’interactions médicamenteuses et de précautions d’emploi) mentionne ces retards : « Pas de diminution du QI global mais légères diminutions des capacités verbales et de hausse du recours à l’orthophoniste. » Le médicament est « déconseillé » aux femmes enceintes.

« Pourtant, la Haute Autorité de Santé indiquait en 2010 « qu’aucun effet indésirable nouveau et grave n’était signalé depuis 2004 ». C’était évidemment inexact et le rétropédalage s’est révélé délicat. Ainsi, en 2011, le RCP indiquait que ce médicament ne devait pas être utilisé pendant la grossesse et chez les femmes en âge de procréer, « sauf en cas de réelle nécessité».

L’ouvrage du Pr Chast est en vente depuis le 16 septembre. Les juges d’instruction peuvent se le procurer pour la somme de 14,90 euros (prix public TTC).

A demain

Rabotage historique des dépenses de santé: la douloureuse des 10 milliards est confirmée

Bonjour

Raboter sur les dépenses de santé. Manuel Vals, nouveau Premier ministre, l’avait annoncé lors de son intronisation. Il avait aussi renvoyé à plus tard « pour les détails ». Christian Eckert, nouveau secrétaire d’Etat à la santé vient d’apporter les premières précisions lors du conseil des ministres de ce 23 avril. On attend les réactions.

Ne pas dégrader

Les « dépenses de santé » ne devront pas progresser de plus de 2 % par an en moyenne dès 2015, et ce jusqu’en 2017.  C’est là un « effort incontournable » pour permettre à l’assurance maladie d’économiser 10 milliards d’euros d’ici à 2017. Le tout, assure le gouvernement, « sans dégrader la qualité des soins ». On ne parle plus désormais de les améliorer. Tout cela en tenant compte du vieillissement de la population des pathologies chroniques et des coûts immanquablement inflationnistes des progrès techniques et des prix insupportablement  élevés accordés à certaines nouvelles spécialités pharmaceutiques (1). Et sans même évoquer le gigantesque chantier de la dépendance abandonné en rase campagne depuis le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

« Efforts d’efficience »

On sait que chaque année, le gouvernement fixe un objectif de progression dans le budget de la Sécurité sociale un objectif de progression limitée (Objectif national des dépenses d’assurance maladie ou Ondam). En 2015, 2016 et 2017, la hausse sera contenue à 2 % par an. En moyenne. « Le respect de cette trajectoire de moyen terme s’appuiera sur des efforts d’efficience approfondis dans le secteur de la santé » annonce le gouvernement.

Historique

L’effort annoncé est d’ores et déjà historique. « Il faut remonter à 1997, année de création de l’Ondam, pour constater un tel niveau : la hausse des dépenses avait alors été fixée à moins de 2 %. Elle a depuis toujours été supérieure, atteignant environ 3 % par an en moyenne depuis 2008, rappelle l’Agence France Presse. Pour 2014, l’enveloppe globale des dépenses de santé a été plafonnée à 179,1 milliards d’euros, soit une progression de 2,4 %. Mais elles devraient être inférieures à cet objectif, comme c’est le cas chaque année depuis 2010.  En 2013, 1,4 milliard d’euros avaient ainsi été économisés. »

« Au total, la limitation de l’Ondam  contribuera à hauteur de 10 milliards d’euros à la réduction de dépenses entre 2015 et 2017 » précise le gouvernement. Soit, très précisément l’objectif assigné à l’assurance maladie pour contribuer aux économies de 50 milliards d’euros sur les dépenses publiques prévues d’ici à 2017.

Ambulatoire et génériques

Les recettes ? Rien de changé depuis les premiers mots du nouveau Premier ministre. A commencer par le développement de la chirurgie ambulatoire (parvenir à un taux d’ « au moins 50 % des interventions chirurgicales », pratiquées ainsi d’ici à 2016  – contre environ 40 % actuellement).  Augmentation de la part de consommation des médicaments génériques (un quart du marché français d’ici à 2017).

Et amélioration du « parcours de soins du patient » – dans le cadre de la très attendue «  stratégie nationale de santé » aux commandes de laquelle est Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé.  On en connaît peu de choses sinon le fondement : abattre les cloisons entre les  soins de ville, les soins hospitaliers et le continent médico-social.

The Lancet

Promesse gouvernementale : « ces économies seront générées sans dégrader la qualité des soins et le remboursement ».  Pour sa part Marisol Touraine s’est récemment avancée : elle a récemment assuré qu’en matière de santé il n’y aurait « ni déremboursement ni nouvelle franchise ». On ne parle plus, pour l’heure des ambitions affichées dans le texte qu’elle a signé il y a peu dans The Lancet.

Dix milliards, c’est beaucoup, mas cela n’est pas tout. Les autres secteurs de la protection sociale (retraites, famille, chômage) devront, eux, contribuer à hauteur de 11 milliards d’euros aux efforts d’économies. Des « gains d’efficience » dans la gestion des caisses de Sécurité sociale sont également prévus. Sans que des chiffres soient, ici, donnés.

A demain

(1) On attend la fixation du prix du Sovaldi ® qui permet la guérison des personnes atteintes d’hépatite C évoluant de manière chronique. Elles sont environ 200 000 en France. Les négociations avec le fabriquant (la firme américaine Gilead) démarrent sur la base de 60 000 euros le traitement (soit le prix aujourd’hui payé par les établissements hospitaliers. Soit 12 milliards d’euros au total. Deux milliards e plus que les économies annoncées par le gouvernement sur trois ans.

De quel mal souffrait-il, l’«Incorruptible» ?

Entrez, entrez ! Robespierre « dévoilé » ! La lettre de deux Français au Lancet ! La vérité vraie sur le tyran ! Lisez leur diagnostic rétrospectif !  

Du pur buzz. Du buzz pour rire ? Libération s’indigne. Que l’Etre suprême et Maximilien  leur pardonnent.   

Qu’on se le dise : aujourd’hui 20 décembre 2013 un « media briefing » se tiendra à 15 heures en l’Université de Versailles (UFR des Sciences de la Santé, 2 avenue de la source de la Bièvre, 78180 Montigny-le-Bretonneux).  On y parlera de Maximilien Marie Isidore de Robespierre (6 mai 1758 – 28 juillet 1794). Et on y fera des révélations. Non pas sur les causes de sa mort, mais sur le mal dont il souffrait, lui qui fit tant souffrir.

Le dernier radical

Qui, chez les gens de presse, fera le voyage de Versailles jusqu’à la source de la Bièvre ? L’affaire a été éventée comme on a pu le voir sur le site d’un quotidien parisien. Ce matin le radical trotskiste  Pierre Marcelle s’en étouffe dans un ancien quotidien révolutionnaire :

« Sur le coup, a priori, rien… un truc attrapé comme ça dans le brouhaha matutinal, entre ruissellement de la douche et chuintement de la machine à café. «Robespierre a retrouvé sa tête», ou quelque chose de ce genre. Un truc de reconstitution faciale validé par le FBI ou Scotland Yard pour nous découvrir, au choix, le «vrai visage» de «la petite Maddie» disparue en 2007 au Portugal, ou celui, hier, d’Henri IV, alias «le Bon Roi Henri», «Vert galant», moustache en bataille poussée au bouillon de poule au pot dominicale. A ce dernier, une société Visual Forensic et un certain Philippe Froesch s’étaient attelés, avec, il faut bien le dire, un succès médiatique certain, dans la catégorie People mâtinée d’Histoire pour tous et de Psychologies magazine. »

Lettre au Lancet

Tout ceci pour une lettre au Lancet (1). Une lettre  signée Philippe Charlier (Section of Medical and Forensic Anthropology (UVSQ/AP­HP), Montigny­le­Bretonneux 78180, France) et Philippe Froesch (Visual Forensic, Parc Audiovisual de Catalunya, Barcelona, Spain). Soit un légiste prolixe organisant méthodiquement sa médiatisation depuis quelques années (au risque d’être parfois cité sur le blog d’Hervé Maisonneuve). Et un spécialiste de la reconstruction faciale en 3D qui fait parler de lui depuis qu’il a redonné vie au visage du Vert galant.

Regard glaçant

Les deux spécialistes du rétrospectif récidivent aujourd’hui avec le citoyen Robespierre. L’embargo du Lancet était ainsi fixé : 00:01 GMT Friday 20 December, 2013.  « Lorsque j’ai ouvert les yeux de Robespierre, son regard était glaçant, inquiétant. Pas de doutes cet homme faisait peur», expliquait hier sur le site du Parisien/Aujourd’hui en France  Philippe Froesch.

Chaux vive

Le quotidien parisien nous apprend que l’idée de « s’attaquer à ce mythe républicain » est né d’un projet de documentaire hispano-anglais s’intéressant aux pathologies des grands hommes de l’histoire. Une sorte de renaissance du célèbre « Ces malades qui nous gouvernent » en somme.  Il nous apprend aussi que pour  restituer le visage de Maximilien en trois dimensions, il a d’abord fallu numériser son masque funéraire.

Masque funéraire de Robespierre ? On gardait en mémoire que le tyran avait été guillotiné dans l’après-midi du 10 thermidor an II avec vingt-et-un de ses partisans. Que les vingt-deux têtes furent placées dans un coffre en bois, et les troncs rassemblés sur une charrette. Qu’on jeta le tout dans une fosse commune d’un cimetière parisien qui n’existe plus. Qu’on aurait répandu de la chaux : le corps maudit devait partir en fumée.

Musée de cire

Le Parisien/Aujourd’hui en France : « C’est une certaine Anne-Marie Grosholtz qui a réalisé ce masque de cire sur la tête de « l’Incorruptible », très certainement peu de temps après sa décapitation. La jeune Anne-Marie se maria ensuite avec un certain François Tussaud et traversa la Manche. Elle ouvrira à Londres, sur Baker Street, ce qui deviendra l’ancêtre du mondialement célèbre musée de cire, Madame Tussauds ! ». Etrange masque réalisé à chaud dans la soirée du 10 thermidor an II, entre la « Place de la Révolution » et la chaux vive du cimetière des Errancis.

Dans The Lancet Philippe Froesch cite un masque mortuaire de Robespierre de la collection Dumoutier (Musée Granet, Aix-en-Provence). Une copie. Mais une copie de quoi ? « Le fait que l’on parte d’une copie peut faire perdre quelques détails. Mais on utilise un système d’équations mises au point par le FBI. A partir du volume des « cornets » sur les paupières, il est possible d’obtenir la position exacte des yeux et à partir de là reconstruire le visage », explique celui que Le Parisien désigne comme le « designer-enquêteur de l’Histoire ».

Lymphogranulomatose bénigne 

Aujourd’hui l’embargo est tombé. « Charlier et Froesch proposent un diagnostic rétrospectif de sarcoïdose, une maladie auto-immune rare où le corps commence à attaquer ses propres tissus et organes » résume le service de presse du Lancet.

Sarcoïdose donc, ou lymphogranulomatose bénigne ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann. Un triumvirat en l’honneur du dermatologue français Ernest Henri Besnier (1831-1909), du dermatologue suédois Cæsar Peter Møller Boeck (1845-1917) et de son confrère Jörgen Nilsen Schaumann (1879-1953). Les deux signataires français de la lettre au Lancet prennent soin de rappeler le rôle d’un pionnier. Il se trouve qu’il était britannique, et plus précisément anglais : Sir Jonathan Hutchinson (1828-1913).  Il publia  le premier sur le sujet en 1877, et ce n’était pas dansThe Lancet (2) Le célèbre hebdomadaire existait pourtant déjà. Il a vu le jour le 5 octobre 1823. Soit précisément deux ans et cinq mois après la mort – de moins en moins inexpliquée (3)–  de l’Empereur.

Bientôt viendra le documentaire. S’intéresser à Robespierre ?

« Passant, ne t’apitoie pas sur mon sort
Si j’étais vivant, tu serais mort. »

1 ‘’Robespierre: the oldest case of sarcoidosis?’’ Philippe Charlier, Philippe Froesch www.thelancet.com Vol 382 December 21/28, 2013

2 Hutchinson J. Anomalous diseases of skin and fingers: case of livid papillary psoriasis? Illustrations of clinical surgery. London: J and A Churchill, 1877: 42.

 3 Goldcher A. Napoléon premier, l’ultime autopsie. Paris, éditions SPM. 2012 (diffusion l’Harmattan). Cet ouvrage magistral vient d’être distingué (Prix Jean-François Coste) par l’Académie nationale française de médecine.

De quel mal souffrait-il, l’« Incorruptible » ?

Entrez, entrez ! Robespierre « dévoilé » ! La lettre de deux Français au Lancet ! La vérité vraie sur le tyran ! Lisez leur diagnostic rétrospectif !  

Du pur buzz. Du buzz pour rire ? Libération s’indigne. Que l’Etre suprême et Maximilien  leur pardonnent.   

Qu’on se le dise : aujourd’hui 20 décembre 2013 un « media briefing » se tiendra à 15 heures en l’Université de Versailles (UFR des Sciences de la Santé, 2 avenue de la source de la Bièvre, 78180 Montigny-le-Bretonneux).  On y parlera de Maximilien Marie Isidore de Robespierre (6 mai 1758 – 28 juillet 1794). Et on y fera des révélations. Non pas sur les causes de sa mort, mais sur le mal dont il souffrait, lui qui fit tant souffrir.

Le dernier radical

Qui, chez les gens de presse, fera le voyage de Versailles jusqu’à la source de la Bièvre ? L’affaire a été éventée comme on a pu le voir sur le site d’un quotidien parisien. Ce matin le radical trotskiste  Pierre Marcelle s’en étouffe dans un ancien quotidien révolutionnaire :

« Sur le coup, a priori, rien… un truc attrapé comme ça dans le brouhaha matutinal, entre ruissellement de la douche et chuintement de la machine à café. «Robespierre a retrouvé sa tête», ou quelque chose de ce genre. Un truc de reconstitution faciale validé par le FBI ou Scotland Yard pour nous découvrir, au choix, le «vrai visage» de «la petite Maddie» disparue en 2007 au Portugal, ou celui, hier, d’Henri IV, alias «le Bon Roi Henri», «Vert galant», moustache en bataille poussée au bouillon de poule au pot dominicale. A ce dernier, une société Visual Forensic et un certain Philippe Froesch s’étaient attelés, avec, il faut bien le dire, un succès médiatique certain, dans la catégorie People mâtinée d’Histoire pour tous et de Psychologies magazine. »

Lettre au Lancet

Tout ceci pour une lettre au Lancet (1). Une lettre  signée Philippe Charlier (Section of Medical and Forensic Anthropology (UVSQ/AP­HP), Montigny­le­Bretonneux 78180, France) et Philippe Froesch (Visual Forensic, Parc Audiovisual de Catalunya, Barcelona, Spain). Soit un légiste prolixe organisant méthodiquement sa médiatisation depuis quelques années (au risque d’être parfois cité sur le blog d’Hervé Maisonneuve). Et un spécialiste de la reconstruction faciale en 3D qui fait parler de lui depuis qu’il a redonné vie au visage du Vert galant.

Regard glaçant

Les deux spécialistes du rétrospectif récidivent aujourd’hui avec le citoyen Robespierre. L’embargo du Lancet était ainsi fixé : 00:01 GMT Friday 20 December, 2013.  « Lorsque j’ai ouvert les yeux de Robespierre, son regard était glaçant, inquiétant. Pas de doutes cet homme faisait peur», expliquait hier sur le site du Parisien/Aujourd’hui en France  Philippe Froesch.

Chaux vive

Le quotidien parisien nous apprend que l’idée de « s’attaquer à ce mythe républicain » est né d’un projet de documentaire hispano-anglais s’intéressant aux pathologies des grands hommes de l’histoire. Une sorte de renaissance du célèbre « Ces malades qui nous gouvernent » en somme.  Il nous apprend aussi que pour  restituer le visage de Maximilien en trois dimensions, il a d’abord fallu numériser son masque funéraire.

Masque funéraire de Robespierre ? On gardait en mémoire que le tyran avait été guillotiné dans l’après-midi du 10 thermidor an II avec vingt-et-un de ses partisans. Que les vingt-deux têtes furent placées dans un coffre en bois, et les troncs rassemblés sur une charrette. Qu’on jeta le tout dans une fosse commune d’un cimetière parisien qui n’existe plus. Qu’on aurait répandu de la chaux : le corps maudit devait partir en fumée.

Musée de cire

Le Parisien/Aujourd’hui en France : « C’est une certaine Anne-Marie Grosholtz qui a réalisé ce masque de cire sur la tête de « l’Incorruptible », très certainement peu de temps après sa décapitation. La jeune Anne-Marie se maria ensuite avec un certain François Tussaud et traversa la Manche. Elle ouvrira à Londres, sur Baker Street, ce qui deviendra l’ancêtre du mondialement célèbre musée de cire, Madame Tussauds ! ». Etrange masque réalisé à chaud dans la soirée du 10 thermidor an II, entre la « Place de la Révolution » et la chaux vive du cimetière des Errancis.

Dans The Lancet Philippe Froesch cite un masque mortuaire de Robespierre de la collection Dumoutier (Musée Granet, Aix-en-Provence). Une copie. Mais une copie de quoi ? « Le fait que l’on parte d’une copie peut faire perdre quelques détails. Mais on utilise un système d’équations mises au point par le FBI. A partir du volume des « cornets » sur les paupières, il est possible d’obtenir la position exacte des yeux et à partir de là reconstruire le visage », explique celui que Le Parisien désigne comme le « designer-enquêteur de l’Histoire ».

Lymphogranulomatose bénigne 

Aujourd’hui l’embargo est tombé. « Charlier et Froesch proposent un diagnostic rétrospectif de sarcoïdose, une maladie auto-immune rare où le corps commence à attaquer ses propres tissus et organes » résume le service de presse du Lancet.

Sarcoïdose donc, ou lymphogranulomatose bénigne ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann. Un triumvirat en l’honneur du dermatologue français Ernest Henri Besnier (1831-1909), du dermatologue suédois Cæsar Peter Møller Boeck (1845-1917) et de son confrère Jörgen Nilsen Schaumann (1879-1953). Les deux signataires français de la lettre au Lancet prennent soin de rappeler le rôle d’un pionnier. Il se trouve qu’il était britannique, et plus précisément anglais : Sir Jonathan Hutchinson (1828-1913).  Il publia  le premier sur le sujet en 1877, et ce n’était pas dans The Lancet (2) Le célèbre hebdomadaire existait pourtant déjà. Il a vu le jour le 5 octobre 1823. Soit précisément deux ans et cinq mois après la mort – de moins en moins inexpliquée (3)–  de l’Empereur.

Bientôt viendra le documentaire. S’intéresser à Robespierre ?

« Passant, ne t’apitoie pas sur mon sort
Si j’étais vivant, tu serais mort. »

1 ‘’Robespierre: the oldest case of sarcoidosis?’’ Philippe Charlier, Philippe Froesch www.thelancet.com Vol 382 December 21/28, 2013

2 Hutchinson J. Anomalous diseases of skin and fingers: case of livid papillary psoriasis? Illustrations of clinical surgery. London: J and A Churchill, 1877: 42.

 3 Goldcher A. Napoléon premier, l’ultime autopsie. Paris, éditions SPM. 2012 (diffusion l’Harmattan). Cet ouvrage magistral vient d’être distingué (Prix Jean-François Coste) par l’Académie nationale française de médecine.

 

 

 

 

Virus H7N9 : les démangeaisons libérales du Figaro

Faudra-t-il un jour prochain alerter la population française du risque de pandémie associé au nouveau virus aviaire H7N9 aujourd’hui émergent en Chine ? Fort bien informé Le Figaro s’inquiète ici du grand silence du ministère de la Santé. Que n’auraient pas dit ses informateurs zélés si le même ministère avait déjà appelé les médecins et la population à la plus grande vigilance ? Gouverner c’est certes prévoir. Mais prévoir  n’est pas tambouriner 

 « Grippe chinoise : le silence du ministère ». C’est le titre d’un article du Figaro de ce jour, article que l’on pourra lire in extenso ici. L’auteure y souligne que « les autorités de santé ont fait le choix de ne pas communiquer vers le grand public. » Elle indique notamment qu’en fin de semaine dernière, quelque 6 500 médecins ont reçu une mise en garde intitulée: «Alerte sanitaire. Recommandation de prise en charge des cas suspects de grippe A H7N9». Cette mise en garde était, dit Le Figaro, signée du Syndicat des médecins libéraux (SML). Le SML « deuxième syndicat de médecins en France », écrit à ses adhérents: «Même si de nombreuses inconnues persistent, les formes cliniques observées ce jour en Chine sont graves dans plus de 90 % des cas (…). Une hospitalisation en urgence après appel au Samu Centre 15 est recommandé devant toute personne ayant voyagé ou séjourné en Chine et qui, au cours des dix jours après son retour, présente des signes cliniques d’infection respiratoire aiguë.»

L’extrême vigilance du syndicat libéral

Et Le Figaro ce citer un médecin parisien (anonyme) qui a reçu cet e-mail et qui s’étonne: « C’est fou de voir que c’est un syndicat qui nous informe d’une alerte sanitaire et pas les autorités compétentes ! » Interrogé – toujours par Le Figaro –  le Dr Roger Rua, président du SML, explique avoir voulu faire une «campagne préventive» pour les médecins, en amont, avant que le ministère et le directeur général de la Santé (DGS) ne mènent eux une information destinée au grand public. «Le DGS m’a prévenu il y a une dizaine de jours de la situation en Chine. Nous voulions faire circuler l’information chez les professionnels, mais ne pas affoler les gens.» Jean-Yves Grall, le DGS, assure en effet avoir alerté les médecins, hôpitaux, Samu, aéroports, etc.: «Nous avons sensibilisé l’ensemble des professionnels qui pourraient être confrontés à des cas de H7N9. C’est un sujet surveillé de près. Notre vigilance est extrême.»

Les réfrigérateurs des cabinets

« En revanche, rien pour le grand public, que ce soit en termes de spots radio-télé ou de campagne dans la presse écrite, observe Le Figaro. La crise du H1N a laissé des traces dans les relations entre médecins libéraux et autorités de santé, les premiers reprochant au ministère d’avoir découvert les détails de son plan grippal dans la presse. L’été 2009, la ministre de la Santé avait annoncé un plan de vaccination mais en excluant les médecins de ville au motif que le mode de conditionnement des vaccins rendait leur conservation difficile. ‘’Nous avons des réfrigérateurs dans nos cabinets’’, avaient répondu en substance les praticiens. Le ministère avait finalement décidé de les inclure dans la vaccination, désengorgeant ainsi les gymnases bondés de patients. Pour ne pas affoler la population via ‘’les gros titres du 20 heures’’, c’est donc une communication a minima qui a été choisie en ce qui concerne la grippe chinoise. Paul, un trentenaire parisien parti en vacances en Chine il y a une semaine, confirme: ‘’Avant de partir, on ne nous a rien dit. Rien du tout.’’ »

Tancer les autorités ?

Mais encore ? Le SML pense-t-il véritablement devoir pallier les insuffisances supposées de la DGS ? A partir de quel degré d’urgence les autorités sanitaires doivent-elles sonner le tocsin et alerter la population « via les gros titres du 20 heures (ou la Une du Figaro ? 1 ). Les risques d’une alerte trop précoce (et la psychose collective  pouvant en résulter) ne sont-ils pas supérieurs aux bénéfices préventifs pouvant en résulter ? Quel doit être ici le rôle des médias d’information générale ? Doit-il être de tancer à titre préventif les autorités sanitaires sur la base d’une action syndicale ?

Ces questions ne sont certes pas nouvelles et les épisodes récents du H5N1 puis (plus encore) du H1N1 ont montré à quel point l’adéquation entre la réalité épidémique à venir et la juste mobilisation des professionnels et de la population peut être un exercice difficile, parfois chaotique, et dispendieux. Mais ces épisodes ont aussi permis d’apprendre et de rôder les mécanismes ; de huiler les rouages de l’articulation entre le savoir d’épidémiologie virologique et les décisions géostratégiques de politique sanitaire. Les informations documentées, vérifiées et, autant que faire se peut, hiérarchisées circulent désormais à une vitesse sans précédent.

En témoignent les dernières publications scientifiques du Lancet et du New England Journal of Medicine que nous avons rapportées il y a peu sur ce blog et sur le site Slate.fr. On peut en conclure que les autorités sanitaires nationales et internationales sauront réagir en temps et en heure. C’est sans doute à cette aune qu’il faut mesurer les inquiétudes du SML et  les échos libéraux que peut leur donner Le Figaro. Pour sa part dans son édition datée de demain 7 mai Libération observe que le  ministère de la Santé fait « motus », ne donne pas  de consignes  » y compris pour les voyageurs ». « Depuis quelques jours, pourtant, on sent une légère poussée d’inquiétude rue de Grenelle mais aussi au siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève, autour de ce nouveau virus H7N9 qui sévit surtout en Chine » croit pouvoir préciser le quotidien.

1 On observera incidemment que rien n’interdit aujourd’hui à un média d’alerter s’il le juge nécessaire les professionnels de santé et l’ensemble de la population de la menace potentielle inhérente au H7N9. L’hypothèse peut en effet être raisonnablement posée que  les rédactions des différents médias possèdent désormais peu ou prou les mêmes informations que la Direction générale de la santé en particulier, le gouvernement en général.

De ce point de vue on se doit d’observer la situation est radicalement différente de celle qui, par exemple, prévalait durant les premiers jours de la canicule de 2003 (lorsque la préfecture de police de Paris et le cabinet du ministre de l’Intérieur d’alors disposaient des relevés quotidiens alarmants de mortalité de la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris). Différente également de celle qui prévalait il y a trente ans lorsque le ministère de la justice prenait la décision de faciliter les collectes de sang en milieu carcéral; et ce alors même que les premières données épidémiologiques disponibles  laissaient redouter que la prévalence du LAV/VIH  dans la population carcérale ne constitue, précisément, une contre-indication absolue à cette pratique.

 

 

 

 

 

Statines : savoir raison garder grâce à Prescrire

Dernière initiative en date dans la « controverse » sur les statines : celle de Prescrire qui joue ici pleinement son rôle de formation médicale (et pharmaceutique) continue. Serait-il déraisonnable d’imaginer que le Pr Philippe Even intègre cette analyse et ces recommandations. Notamment dans les prochaines éditions de son ouvrage médiatisé à haute dose (Le Nouvel Observateur) et promis, dit-on, à un bel avenir en librairie. En devanture dès le 21 février.     

Dans les prolégomènes de la polémique annoncée il y avait eu la réaction, acide, de la HAS. On la retrouvera ici. Puis il y a eu celle, sans précédent d’un consortium réunissant associations de malades et sociétés savantes des spécialités médicales concernées. Nous en avons parlé ici. Vient aujourd’hui celle exhaustive mais nullement roborative, de Prescrire. On la trouvera ici, en accès libre.

Nous avions pour notre part retrouvé une trace d’une lecture faite par Prescrire sur les statines. C’était en 2003 et sous le titre « L’âge d’or des statines » nous y avions consacré une chronique dans Médecine & Hygiène (aujourd’hui Revue Médicale Suisse).  Dix ans plus tard elle prend une saveur nouvelle.

Extraits :

« Peu suspecte – c’est un doux euphémisme – d’être dépendante de l’industrie pharmaceutique, la revue mensuelle Prescrire (près de 30 000 abonnés, médecins et pharmaciens) tresse, dans son dernier numéro (daté d’avril), une forme de couronne de laurier à la famille des statines ou plus précisément aux deux molécules de cette famille (la pravastatine et la simvastatine) qui ont été les mieux évaluées. On sait que les statines – qui agissent avant tout, mais pas seulement, par inhibition compétitive de l’HMG CoA réductase – dont les spécialistes de médecine cardiovasculaire sont unanimes à vanter les mérites, sont commercialisées depuis plus de dix ans et qu’elles permettent de réduire durablement certaines des anomalies des concentrations sanguines de cholestérol.


Elargir les indications ?

La question aujourd’hui soulevée est, concrètement, celle de l’élargissement de leurs indications. Une étape importante avait été franchie en juillet 2002 avec la publication dans les colonnes du Lancet d’une étude qualifiée, au choix d’«étude-phare» ou encore de «travail-pivot» par les spécialistes de la lutte contre les affections cardiovasculaires. Menée pendant cinq ans sous la direction du Pr Rory Collins (Université d’Oxford, Royaume-Uni) auprès de 20 536 personnes âgées de 40 à 80 ans, cette étude (dénommée Heart Protection Study (HPS)) démontrait en substance que la prise quotidienne de simvastatine permettait d’obtenir une importante réduction du risque de mortalité par infarctus du myocarde ou par accident vasculaire cérébral.


L’originalité de ce travail (financé à la fois par Merck Sharp and Dohme et les pouvoirs publics britanniques) était d’apporter la démonstration que cette réduction de la mortalité – de l’ordre de 18% pour les décès par infarctus – concernait autant les personnes qui ont des taux sanguins anormalement élevés de cholestérol que celles qui n’en ont pas mais qui sont, pour d’autres raisons – hypertension artérielle, diabète, antécédents d’infarctus – exposées au risque d’accident cardiovasculaire.


Quelque soit le taux de cholestérol

Parallèlement à la réduction de la mortalité, les auteurs de ce travail expliquaient avoir observé une fréquence nettement moindre de pathologies vasculaires aux conséquences non mortelles chez les personnes prenant la simvastatine par rapport à celles prenant une substance placebo.
Jusqu’alors les statines ne pouvaient, selon la réglementation en vigueur, être prescrites que dans différentes formes d’hypercholestérolémie et ce «en complément d’un régime adapté et assidu». Les résultats de l’étude HPS fournissaient pour la première fois la démonstration que la prise au long cours d’une statine était de nature à procurer de substantiels avantages préventifs et ce – surprise – quelque soit le taux sanguin de cholestérol dès lors que le patient présentait un risque cardiovasculaire.


Ce résultat soulevait bien évidemment de nombreuses et troublantes questions quant à la réalité et à l’ampleur des mécanismes d’action des statines qui sont aujourd’hui consommées par près de trois millions de personnes en France.
«On peut raisonnablement supposer qu’outre leur action anticholestérolémiante ces médicaments jouent un rôle dans les différents processus pathologiques impliqués dans les maladies cardiovasculaires, qu’il s’agisse de facteurs infectieux, de la coagulation sanguine ou de la formation des plaques d’athéromes sur les parois artérielles, expliquait au
Monde le Pr Gabriel Steg (Hôpital Bichat, Paris). Quoi qu’il en soit, les résultats de l’étude HPS sont indiscutables et conduiront immanquablement à un bouleversement des pratiques médicales vis-à-vis des personnes à risque cardiovasculaire.»


MSD et Bayer

Pour sa part, la firme MSD expliquait alors avoir demandé à l’Agence européenne des médicaments une extension des indications de la simvastatine. Les responsables de MSD situant alors à 20 millions le nombre des personnes concernées par les risques cardiovasculaires en France, pariaient sur une augmentation rapide et importante des ventes de leur médicament. Le paradoxe voulait que les nouveaux bénéfices de cette classe thérapeutique fussent établis quelques mois après une étonnante controverse internationale concernant les effets secondaires musculaires graves, parfois mortels, d’une statine commercialisée par la multinationale pharmaceutique allemande Bayer et qui fut retirée du marché mondial en août 2001.

Aucun effet secondaire notable de ce type n’a été observé lors des cinq ans qu’a duré l’étude HPS, ce qui laisse penser aux spécialistes que ce sont des éléments spécifiques à la statine de Bayer (dosage trop important, mauvaises conditions de prescription et de surveillance ?) qui furent, en fin de compte, à l’origine des phénomènes pathologiques observés aux Etats-Unis et dans différents pays d’Europe. »

Dix ans ont passé. Prescrire a méthodiquement continué son travail. Il en rappelle l’essentiel. C’est à la fois utile et heureux. On peut imaginer que le Pr Philippe Even s’y intéressera.

 

 

C’est quoi, précisément, une première médicale ?

 

La question se pose après les nombreux échos  médiatiques rencontrés ces derniers jours par les publications préliminaires des équipes du Dr Lanza (dégénérescence rétinienne) et du Pr Baulieu (maladie d’Alzheimer)  

Il y a l’affaire et il y a la première. Le scandale et la justice saisie ; le triomphe et le Nobel en vue. Le revers et l’avers de la même médaille médicale passée au feu des lumières médiatiques. L’une des versions du bien et du mal. Ce serait beau comme l’antique et le religieux si la réalité n’était pas – un tout petit peu – plus complexe.

On n’épuisera certes pas ici ce sujet foisonnant et qui confère au journalisme médical l’une de ses spécificités et toute sa richesse potentielle. Il y a sept ans nous avons vécu en accéléré et de manière hautement condensée ce double phénomène avec l’affaire Hwang Woo-suk : du nom d’un biologiste coréen fétu de clonage chez les mammifères, porté au pinacle par ses pairs américains (puis par la presse internationale d’information générale) avant d’être mis au cachot pour ne pas avoir respecté quelques principes sacrés de la recherche en biologie.

Mais pour une affaire sublime et tragique, combien de sujets de seconde zone. Un large pan de l’espace médiatique dévolu aux choses du corps est pris aujourd’hui par l’affaire des prothèses mammaires ; un sujet bien atypique, bien croustillant (ou du moins traité comme tel) qui nous réserve encore bien des rebondissements. Un sujet qui n’a guère fait d’ombre à deux annonces formatées pour faire un bruit certain.

L’affaire Lanza

La première a été lancée par l’auguste et célèbre Lancet. L’hebdomadaire médical londonien a, il y a quelques jours et pour des raisons mal élucidées, levé bien avant l’heure l’embargo concernant une publication concernant des greffes de cellules souches embryonnaires humaines chez des personnes souffrants de maladies dégénératives de la rétine. Lever un embargo confère toujours une certaine notoriété à l’objet concerné. Un média (généralement d’information générale souhaitant faire un coup) a choisi de le briser, violant ainsi des règles non écrites pour prendre l’avantage sur ses concurrents ? C’est donc que l’affaire est d’importance se disent ces derniers. Et la machinerie de se mettre en branle dans le désordre. Bourdonnements assurés sur Toile et sur papier.

De quoi s’agit-il ici ? De la publication des premiers résultats très préliminaires obtenus par la société américaine Advanced Cell Technology (ACT) sur deux patientes atteintes de maladies caractérisées par une dégénérescence rétinienne. Chez ces deux patientes des cellules souches embryonnaires d’origine humaine avaient été greffées au sein du tissu rétinien. L’une d’elles, âgée d’environ 70 ans, souffre de la forme dite sèche de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ; il s’agit là de la forme la plus fréquente d’une maladie qui constitue la principale cause de cécité chez les personnes ayant dépassé les cinquante ans. La seconde patiente est atteinte de la maladie de Stargardt, affection héréditaire de l’œil qui se manifeste dans l’enfance et mène à une perte de la vision centrale.

Ces greffes ont, disent les auteurs de ce travail, été plutôt bien supportées par les deux femmes. C’était très précisément l’objectif de cet essai clinique dit de phase I. Mais les auteurs ajoutent que leur vue s’est très modestement et de manière pour une large part subjective améliorée. Faut-il d’ailleurs parler ici d’amélioration ? Sans ce dernier point les médias n’auraient sans aucun doute fait écho à ce travail. Mais avec une amélioration de la vue (même modeste, même très modeste) tous les titres sont possibles. On pourra toujours, ensuite, préciser (comme le font d’ailleurs les auteurs dans leur publication) qu’ « un suivi continu et de nouvelles études sont nécessaires » avant d’ajoute que la prochaine étape d’ACT consistera à traiter des patients atteints de formes précoces de la maladie. Il y aura aussi  le lancement d’un essai en Europe, sur un patient atteint de la maladie de Stargardt, et ce au Moorfields Eye Hospital de Londres.

 A peine l’embargo du Lancet était-il levé que l’information circulait sur les sites spécialisés dans les investissements boursiers. Il est vrai qu’il s’agit là d’un marché potentiel d’une ampleur considérable. Il est vrai aussi que le Dr Robert Lanza, le patron presque charismatique d’ACT est un familier de ces rouages et ne craint nullement de faire des Unes sans lendemains.  

L’affaire Baulieu

Retour en France. Plus précisément sur la rive gauche de la Seine dans l’un des plus beaux sites d’un Paris qui, dans ce quartier, en compte tant : quai Conti. La presse spécialisée était convoquée séance tenante à l’Académie des sciences où  Etienne-Emile Baulieu professeur honoraire au Collège de France tenait à faire part de sa dernière découverte ouvrant (peut-être) la voie à un possible traitement contre la maladie incurable d’Alzheimer. Passé depuis longtemps maître dans l’art subtil des relations avec la presse le Pr Baulieu, 85 ans, a une nouvelle fois bénéficié d’une grosse et uniforme couverture médiatique hexagonale.   

Elle reproduit généralement in extenso ou presque cette dépêche de l’Agence France Presse (AFP – 24/01/2012 – 19:03:02) :   

« PARIS – La découverte qu’une protéine, la FKBP52, faisait défaut dans le cerveau des malades d’Alzheimer, fait naître l’espoir d’un médicament contre ce fléau moderne qui touche près d’un quart des personnes de plus de 90 ans, selon un chercheur français. Une équipe française de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) dirigée par le Pr Etienne-Emile Baulieu –le découvreur de la pilule abortive RU486, aujourd’hui âgé de 85 ans– a mis en évidence une baisse de 75% de cette protéine dans les cerveaux de personnes décédées d’Alzheimer ou bien de démences séniles de même type.

Cette protéine découverte en 1982 par le même laboratoire de l’Inserm à l’occasion d’autres recherches est présente en temps normal de manière « abondante » dans le cerveau, a expliqué le Pr Baulieu lors de la présentation de ces travaux, objet d’une publication dans le Journal of Alzheimer’s Disease. Cette maladie neurodégénérative qui entraîne la perte progressive des fonctions mentales, notamment de la mémoire, est pour l’instant incurable.

On estime que de 10% à 30% des personnes de plus de 85 ans sont atteints par cette maladie dont le coût mondial a été évalué 604 milliards de dollars (World Alzheimer Report 2010). On sait depuis les travaux du médecin allemand Aloïs Alzheimer (1864-1915) que la maladie se caractérise par la formation de plaques amyloïdes entre les neurones et aussi par des amas anormaux de « protéines tau » qui forment des sortes de « buissons » dans le cerveau.

Or les expériences conduites par l’Inserm quelques heures après la mort sur des cerveaux de personnes décédées d’Alzheimer, ou de pathologies comparables dites « tauopathies », mettent en évidence une « corrélation » et « interaction » entre la protéine FKBP52 et la protéine tau, souligne le Pr Baulieu. Du coup, l’espoir est qu’en agissant sur la première (la FKBP52), on fasse disparaître la forme pathologique de la seconde (tau) ou bien qu’on en bloque l’apparition. « Ce que nous avons identifié avec la FKBP52 c’est une arme pour réguler et modifier la protéine tau qui est notre cible », a indiqué le Pr Baulieu.

Avant de concevoir un médicament, un premier débouché serait « de mesurer cette protéine chez les gens pour savoir s’ils ont un risque d’attraper la maladie », selon le Pr Baulieu. Ensuite, il faudrait « simuler la protéine FKBP52 par des moyens pharmacologiques pour réguler tau et s’attaquer à la forme pathologique de cette protéine », explique le Pr Baulieu. « Optimiste » de nature, le Pr Baulieu « croit qu’en trois ou quatre ans on aura des résultats importants et concrets » avec la mise au point de candidats médicaments permettant de réguler la protéine tau. « Cela peut aller beaucoup plus vite que les gens ne disent », estime le scientifique.

Pour le biochimiste Bernard Roques, membre de l’Académie des sciences et professeur à l’Université Paris Descartes, cette découverte est « simple mais essentielle ». « Ce qui est intéressant, c’est avoir discerné la différence très notable dans la densité de ces protéines entre cerveau pathologique et cerveau normal », explique le chercheur. Mais, selon lui, la mise au point d’un médicament qui ne pourra être qu’une « petite molécule » n’est pas pour demain et pourrait prendre « dix ans ».
ot/jca/nou/jeb »

La voix du Huffington Post français

 Le Pr Baulieu avait préalablement démontré que les meilleurs services sont tout bien pesé ceux que l’on assure soi-même. Il avait ainsi choisi la veille d’inaugurer avec ce travail le blog qu’il tient sur le tout jeune site français du Huffington Post . Et il terminait ainsi son billet inaugural :

«  (…) Pour ce programme l’argent public est très rare, celui des laboratoires pharmaceutiques ne va que vers des molécules qu’ils peuvent créer pour protéger leurs droits de propriété et leurs revenus alors que ni notre FKBP52 naturel et endogène ni ses modulateurs ne les ont intéressés. Ne restent que les ressources de la philanthropie, les dons des particuliers et des entreprises. Je rends hommage à ceux qui m’ont aidé et ont permis ce travail. J’appelle les futurs donateurs à aider ces recherches qui peuvent s’avérer cruciales pour le jour où eux même prendront de l’âge. Soyez égoïstes en étant généreux (lien vers l’appel aux dons sur le site de l’Institut Baulieu)   Le site de l’institut Baulieu
L’annonce officielle de ce travail aura lieu mardi 24 janvier à 11h à l’Académie des Sciences (…). »

Question : Qui dans quatre, dix, vingt ans (ou bien plus) fera le suivi des annonces prometteuses, millésimées 2012, du Dr Lanza et du Pr Baulieu ?

Proposition : Dans l’attente ( et comme y invite Antoine Flahault dans son blog jouxtant celui-ci ) méditer sur le travail du New England Journal of Medicine qui – à l’occasion du deux centième anniversaire de sa fondation – relate ce que furent quelques-unes des vraies grandes premières médicales de ces 200 dernières années.