Enfin, le ministère de la Santé reconnaît que des Gilets Jaunes blessés ont pu avoir été «fichés»

Bonjour

C’est un nouvel élément, de taille, dans l’affaire grossissante du « fichage » des Gilets Jaunes blessés et pris en charge ces derniers mois dans des établissements hospitaliers publics. Jusqu’ici Agnès Buzyn s’était cantonnée à une déclaration de principe.

« Exaspérée » par le sujet la ministre des Solidarités et de la Santé avait affirmé, le 7 février dernier sur Europe 1 (à partir de 7’) qu’un tel fichier relevait de la fiction. « Je ne demanderai jamais aux soignants de ficher les malades qui arrivent !  avait-elle déclaré avec emphase. Connaître le nombre de personnes hospitalisées qui seraient soit des “gilets jaunes”, soit des forces de l’ordre, ça n’est pas comme ça que fonctionnent les hôpitaux, et heureusement ! »

La question, alors, concernait l’usage qui avait ou non pu être fait du système « SI-VIC ». L’affaire, depuis, a pris de l’ampleur avec les révélations de Mediapart, Libération et du Canard enchaînéJusqu’à l’entrée en scène du Conseil national de l’Ordre des médecins et au dépôt d’une première plainte contre X pour violation du secret professionnel.

A cette double dimension, déontologique et judiciaire il faut aujourd’hui ajouter les déclarations faites au Monde (François Béguin) par la Direction Générale de la Santé (DGS) du ministère des Solidarités et de la Santé – une DGS interpellée la veille par l’institution ordinale. La DGS dont l’une des missions est de « garantir la déontologie, la transparence et l’accès de tous à des soins de qualité ». Le Monde :

« A la DGS, on assure que SI-VIC a déjà été activé ‘’plus d’une centaine de fois’’ depuis sa création, lors d’attentats ou lors d’événements avec de nombreuses victimes. Selon la DGS, le système n’a par ailleurs été activé lors des manifestations de ‘’gilets jaunes’’ sur l’ensemble du territoire national ‘’que les 8 et 15 décembre 2018. Il a ensuite été activé ponctuellement selon la situation locale par les agences régionales de santé ou les SAMU’’ ».

« Sous couvert d’anonymat, un médecin urgentiste de l’AP-HP raconte au Monde avoir trouvé ’très gênant’’ la demande de la direction de remplir SI-VIC, notamment parce que ‘’les patients n’étaient pas informés qu’ils étaient inscrits dans ce fichier’’. Il explique avoir choisi à titre personnel de ne pas remplir les noms des patients, ’sauf en cas d’attentat’’.

« Interrogée par le Monde sur cette absence de communication aux principaux concernés, la DGS assure que ‘’ce système d’information transitoire sera remplacé dans les prochains mois par un système d’information pérenne qui comprendra une fonctionnalité permettant de délivrer à la personne une information sur ses droits’’ ».

Où l’on comprend soudain que le citoyen ne savait, malheureusement, pas très bien, jusqu’ici, comment « fonctionnent les hôpitaux ». Et que le même citoyen aimerait bien, demain, en savoir un peu plus sur cette future « fonctionnalité » sur laquelle la ministre des Solidarités et de la Santé devra sans doute prochainement s’expliquer.

 

A demain

@jynau

1  « Délibération n° 2016-208 du 7 juillet 2016 autorisant le ministère des affaires sociales et de la santé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité l’établissement d’une liste unique des victimes d’attentats pour l’information de leurs proches par la cellule interministérielle d’aide aux victimes, intitulé ‘’SIVIC’’ ».

 

Les  Gilets Jaunes hospitalisés vont-ils porter plainte pour violation du secret professionnel ?

Bonjour

C’est une affaire sans précédent qui, via Libération, Mediapart et Le Canard enchaîné ne cesse de prospérer. Avec, aujourd’hui deux prolongements importants.

Tout d’abord l’entrée en scène du Conseil national de l’Ordre des médecins . Il dit avoir été alerté par des Conseils départementaux de l’Ordre et par des médecins – notamment des responsables de départements d’information médicale ou de services d’urgence. Tous inquiets de l’utilisation faite du système d’identification unique des victimes SI-VIC dans le cadre du mouvement social des Gilets Jaunes.

« Partageant les interrogations de ces médecins au regard du secret médical, le CNOM a saisi dès le 15 avril la Direction générale de la santé (DGS). Rappelant que la finalité de SI-VIC est le dénombrement, l’aide à l’identification et le suivi des victimes dans une situation sanitaire exceptionnelle, l’Ordre a demandé à la DGS de lui apporter toutes précisions utiles au sujet de son déploiement dans le contexte du mouvement social dit des gilets jaunes.  Dans le même temps, l’Ordre a saisi la CNIL, afin de recueillir son avis sur l’extension du système SI-VIC, qu’elle avait autorisé pour faire face à des situations sanitaires exceptionnelles, dans un contexte qui paraît être bien différent. »

Hauts fonctionnaires hospitaliers visés

Ensuite la première action en justice dans ce cadre : un Gilet Jaune  blessé le 9 février devait, ce vendredi 19 avril, porter une plainte contre X, soupçonnant un possible fichage «illicite» par l’hôpital parisien l’ayant opéré, a annoncé son avocat à l’AFP. Ce jour-là, à proximité de l’Assemblée nationale, ce manifestant âgé de 30 ans, Sébastien Maillet, avait eu la main arrachée par une grenade GLI-F4 qui avait explosé. Il avait ensuite été opéré à l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP).

Cette plainte contre X dont l’AFP a eu connaissance, vise les infractions de «collecte illicite de données à caractère personnel» et de «violation du secret professionnel». Le jeune homme estime que le fichier Si-VICa été détourné de sa finalité, avec «pour objectif de créer une liste de personnes militantes». Il fait valoir que son nom a «très certainement» été enregistré dans ce fichier sans son accord et que les médecins ont donc potentiellement violé «le secret professionnel» en dévoilant le nom d’un de leurs patients, militant de la cause des «gilets jaunes».

«Certains événements politiques comme le mouvement des Gilets Jaunes révèlent que des administrateurs, des hauts fonctionnaires, peuvent se comporter comme des voyous en violant la loi et en faisant du fichage discriminatoire à raison de l’appartenance politique, et plus odieux encore, au sein même des hôpitaux publics sur des blessés dont certains gravement mutilés», a commenté auprès de l’AFP Me Arié Alimi, son avocat.

Ces administrateurs, ces hauts fonctionnaires œuvrant au sein des hôpitaux publics se reconnaîtront-ils ? Engageront-ils une action pour diffamation ?

A demain

@jynau

Gilets Jaunes : aux urgences de l’AP-HP, les blessés sont-ils oui ou non secrètement fichés ?

Bonjour

17 avril 2019. C’est un papier-document bien mordant que publie le volatile satirique. Page 3, signé Jérôme Canard : « Les blouses blanches face à un drôle de fichage des gilets jaunes ». Où l’on apprend que les établissements de l’Assistance Publique- Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont « noté avec zèle le nom des blessés de certaines manifs ».

Illustration : une note « urgent » de la Direction générale datée du samedi 16 mars dernier et signée de l’administrateur de garde comportant cette mention ainsi libellée : « Attention : il est indispensable de saisir les identités dans victimes en temps rééel dans SI-VIC » (sic) 1. A l’heure actuelle (17h15) elles ne sont pas toutes saisies. Merci d’avance ».

Copie de cette note, par mail, à Anne Rubinstein, directrice de cabinet de Martin Hirsch, directeur général ou encore Arnaud Poupard, son « conseiller pour la sécurité ».

Fichage politique

« Joint par CheckNews (Jacques Pezet, Libération) le Dr Gérald Kierzek dit avoir été témoin de ces consignes le samedi 13 avril à l’hôpital Hôtel-Dieu, à Paris: «J’étais de garde pour la première fois un samedi. J’ai entendu un coup de fil, où la cadre de santé, c’est-à-dire l’infirmière en chef, disait « comme d’habitude, vous appelez l’administrateur de garde quand c’est un gilet jaune ».» 

 « Le médecin s’est alors renseigné pour connaître les raisons de ce signalement et découvre que l’administrateur de garde doit entrer les données de ces patients ‘’dans le fichier SI-VIC, qui est un fichier de traçabilité en cas d’attentats ou d’événements graves.’’  CheckNews a pu constater que des gilets jaunes avaient été enregistrés dans ce fichier de gestion des victimes, le 22 mars 2019, au motif de l’événement ‘’violences urbaines’’Pour Gérald Kierzek, ce ‘fichage politique’’, débuté au mois de décembre, ‘’contrevient au code déontologique des soignants et vient rompre la base de la relation médecin-malade, qui est le secret professionnel’’. Il se défend de toute indignation à but politique, estimant qu’il trouverait tout aussi choquant qu’on enregistre des données personnelles, telles que la préférence sexuelle ou la couleur de peau des patients.

« Le 11 janvier 2019, Médiapart avait révélé que la Direction Générale de la Santé avait ‘’activé le dispositif SIVIC, normalement prévu pour les situations d’attentat afin d’assurer un suivi des victimes et aider à la recherche de personnes’’ lors des manifestations du 8 et 15 décembre, et notait déjà les réactions indignées de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF). Irrité, son porte-parole, le Dr Christian Prudhomme expliquait alors que ‘’le patient a le droit au secret médical. Sauf qu’il est référencé dans un fichier que le ministre de l’Intérieur aurait le droit de consulter !’’.

Exaspération et trombinoscope

« Selon un décret pris par le gouvernement le 9 mars 2018, «seuls les agents des agences régionales de santé, du ministère chargé de la santé et des ministères de l’intérieur, de la justice et des affaires étrangères nommément désignés et habilités à cet effet par leur directeur sont autorisés à accéder aux données mentionnées […] dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à l’exercice des missions qui leur sont confiées.» En théorie, les agents du ministère de l’intérieur pourraient donc avoir accès aux données de ce «système d’information pour le suivi des victimes» (SIVIC). »

Contacté par CheckNews, Martin Hirsch, Directeur général de l’AP-HP s’étonne de la réaction du Dr Gérald Kierzek: «En fait, on a une procédure SIVIC qui est appliquée systématiquement pour les grands événements, où il peut y avoir un nombre important de blessés. On y enregistre aussi bien les manifestant que les forces de l’ordre, et comme ça, on peut faire remonter le nombre de blessés dans le cadre des manifestations, mais on ne transfère rien de nominatif. Je suis surpris qu’il ne découvre ça qu’aujourd’hui.»  Comme la Direction générale de la santé, il assure que les données personnelles ne sont pas transmises au ministère de l’intérieur, «sauf en cas d’attentats ou quand il y a l’accord de la famille».

Le Dr Kierzek est-il surpris de la surprise de son Directeur général ? Pour sa part, « exaspérée »  par ce sujet Agnès Buzyn avait affirmé, le 7 février dernier sur Europe 1, qu’un tel fichier relevait de la fiction. « Je ne demanderai jamais aux soignants de ficher les malades qui arrivent ! » avait-elle déclaré avec emphase.

Elle venait de recevoir le prix « trombinoscope » de la meilleure ministre de l’année. Pourquoi ? « Je fais de la politique à manière, a-t-elle répondu. Visiblement cela a été reconnu. »

A demain

@jynau

1 On verra ici ce qu’est le dossier en question : « Délibération n° 2016-208 du 7 juillet 2016 autorisant le ministère des affaires sociales et de la santé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité l’établissement d’une liste unique des victimes d’attentats pour l’information de leurs proches par la cellule interministérielle d’aide aux victimes, intitulé ‘’SIVIC’’ ».

Nouveau : à l’AP-HP, les conflits d’intérêts médicaux ne sont plus tout à fait ce qu’ils étaient

Bonjour

Le Canard Enchaîné (Isabelle Barré) mesure-t-il où il pose un pied ? Dans son édition datée de ce 20 mars 2019 il se penche sur  le cas du Pr Philippe Gabriel Steg, 60 ans, un nom de la cardiologie française et internationale 1. Un mandarin moderne, qui vient d’être nommé « vice-président chargé de la recherche au sein du directoire de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ». Ce directoire est présidé par le directeur général Martin Hirsch et compte deux autres vice-présidents :  le Pr Noël Garabédian et Pr Bruno Riou, est le deuxième vice-président. Présentation du nouveau venu sous les ors directoriaux :

« Le Pr Philippe Gabriel Steg est chef du service de cardiologie à l’hôpital Bichat AP-HP depuis 2016, et professeur à l’Université Paris-Diderot et à l’Imperial College de Londres. Il mène plusieurs projets de recherche sur les causes des maladies cardiovasculaires et pilote des essais thérapeutiques internationaux sur les médicaments de la prévention de l’infarctus du myocarde et de ses récidives. Il est auteur ou coauteur de 972 publications originales dans des revues scientifiques internationales à comité de lecture. Son index bibliométrique h (calculé par Web of Science) est à 116, et ses travaux ont été cités plus de 76 000 fois. Il a été « highly cited researcher » (top 1% international des scientifiques les plus cités) chaque année depuis 2014.

Le Pr Steg dirige notamment une équipe sur la recherche clinique en athérothrombose  au sein de l’unité UMR 1148  « Laboratoire de recherche vasculaire translationnelle », co-coordonne depuis 2012 le département hospitalo-universitaire FIRE (pour « Fibrosis, Inflammation and REmodeling »), et depuis 2017 le consortium scientifique « Recherche hospitalo-universitaire » (RHU) iVASC (pour « InnoVations in Atherothrombosis Science ») financé par l’Agence nationale de la recherche. Il préside également le réseau de recherche clinique FACT (pour « French Alliance for Cardiovascular clinical Trials ») créé en 2012. »

Pneumologue rémunéré durant des années par Total

Que dire de plus ? Ce que souligne l’hebdomadaire satirique, peut-être : le nombre très élevé des contrats de consultant avec les géants de Big Pharma (Sanofi, Bayer, Pfizer, MSD, Novartis, BMS, Servier). Pour un total de 226 833 euros entre 2015 et 2018 – auxquels il faut ajouter 45 367 euros d’ « avantages en nature ». Ce sont là, précise Le Canard, des données disponibles sur le site officiel Transparence Santé. Et la procédure en vigueur à l’AP-HP depuis l’étrange affaire du « pneumologue rémunéré par Total » a été parfaitement respectée. Pour sa part le Pr Steg ne voit, ici, aucun « conflit d’intérêts » avec ses nouvelles fonctions.

« On ne va pas lui demander de renoncer à ses contrats » a précisé Martin Hirsch au Canard qui rappelle que le directeur général de l’AP-HP a jadis consacré « un bouquin entier » donnant la recette de la fin des intérêts conflictuels 2. Et le Directeur général de se féliciter du nombre et de la qualité des publications du Pr Steg.

Tout cela, on peut le comprendre, suscite l’ire d’un chef de service. « On rêve ! Cela devrait être un obstacle et ça devient un atout, a-t-il déclaré à l’hebdomadaire. Moi, je publie aussi, sans être payé par les labos. » On observera que ce témoignage confraternel est, malheureusement, anonyme.

A demain

@jynau

1 Rosier F. « Gabriel Steg, cardiologue hyperactif. Portrait. Ce spécialiste de l’infarctus du myocarde est un des rares Français à piloter de grands essais cliniques internationaux. » Le Monde du 13 octobre 2015

2 Hirsch M. « Pour en finir avec les conflits d’intérêts ». Editions Stock.

 

L’étrange métaphore religieuse européenne d’Agnès Buzyn, ministre française de la Santé

Bonjour

Toujours rien d’officiel mais des clignotants qui passent au vert. La fin progressive du mystère : Agnès Buzyn en haut de l’affiche de La République en marche pour les européennes. Ainsi Europe 1 (Hadrien Bect) :

« Aujourd’hui à la Santé, Agnès Buzyn est très bien là où elle est et elle le fait savoir. Au travail, son ministère, elle y tient, elle qui est hématologue de profession. Mais la voilà presque malgré elle émancipée de son statut de ministre de la société civile : d’abord pour défendre un président trop seul au début du quinquennat, ensuite pour parler d’Europe, sujet fondamental pour la ministre, elle qui compare la construction européenne à celle d’une cathédrale au Moyen-Âge : ‘C’est ce que des hommes sont capables de bâtir ensemble qui va les dépasser et leur survivra’, dit-elle. C’est beau comme un discours de campagne. »

 Ainsi, encore, Paris Match (Mariana Grépinet) : « Agnès Buzyn, la pasionaria de l’Europe »

« ‘’L’Europe est le sujet majeur, le sujet d’avenir’’, insiste la ministre de la Santé. Si elle assure que personne ne l’a sollicitée pour être candidate aux élections européennes de mai 2019 sur la liste LREM-Modem, Agnès Buzyn ne ferme pas la porte et loin de là. ‘’Si on (1) me demande c’est qu’on (1) considère que l’Europe mérite que j’abandonne tout ça’’, ajoute t-elle, en référence à la loi Santé qu’elle va porter en mars, à la loi bioéthique qui doit passer en conseil des ministres avant l’été et au chantier de la dépendance.

« L’Europe est la cathédrale du futur, ce que des hommes sont capables de construire, ce qui va les dépasser et leur survivra », dit, comme habitée par le sujet, l’ancienne belle-fille de Simone Veil qui fut la première femme présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel. Estimant que la liste de la majorité doit être composée « d’une équipe qui montre des compétences et des intérêts diversifiés », elle rappelle que c’est en grande partie pour son engagement pro-européen qu’elle a voté pour Emmanuel Macron à la présidentielle.

(…) Nouvelle venue en politique, Agnès Buzyn revendique de faire de la politique autrement, sans changer ce qu’elle est. ‘’On peut faire de la politique sans être dans la posture et sans mentir, en étant gentil, honnête…’’, dit-elle. L’ex-hématologue pourrait accepter un nouveau défi, elle qui se décrit comme ‘’une femme de bataille mais très posée’’. Et de conclure : ‘’Je ne me défile pas devant les combats’’. »

Survivre à ses bâtisseurs

Sans oublier Le Figaro pour qui  la  «Mme Santé» du gouvernement cache de moins en moins bien son intérêt pour ce « changement de carrière ». Se présentant en privé (et de plus en plus en public) comme une «combattante», la ministre de la Santé parlerait du Vieux Continent avec « lyrisme ». Elle oserait comparer la construction européenne à une « cathédrale du futur », patiemment érigée, survivant à ses bâtisseurs.  « J’en ai marre qu’on me cantonne uniquement à mon champ de compétences Je veux bien parler tous les jours de la grippe et des urgences mais je suis engagée sur tous les  sujet, déclarait-elle le 10 février dernier.  On a besoin d’un récit collectif. Je veux pouvoir m’autoriser à parler de tout. »

Sortir de son champ de compétences, donc. Parler de tout et métaphoriser en liberté. A commencer par cet étrange fil rouge catholique de la « cathédrale », cette église où se trouve le siège de l’évêque (la cathèdre) ayant la charge d’un diocèse. Sans doute peut-on, par métaphore, désigner ainsi ce qui évoque une cathédrale par ses dimensions, sa magnificence, etc. «  (…) nous quittâmes enfin ce sale canot sauvage pour entrer dans la forêt par un sentier caché qui s’insinuait dans la pénombre (…), illuminé seulement de place en place par un rais de soleil plongeant du plus haut de cette infinie cathédrale de feuilles. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 204.

Il n’en reste pas moins que c’est là, pour parler de l’Union européenne depuis un pays attaché comme la France à la séparation des Eglises et de l’Etat, une bien étrange image.

A demain

@jynau

(1) Le Canard Enchaîné de ce 6 mars s’interroge : « Qui est ‘’on’’ ? »

 

 

Ordre et probité : après le Canard Enchaîné, la «stupeur» du premier syndicat médical français

Bonjour

Comme annoncé hier Le Canard Enchaîné a publié ses révélations comptables concernant l’Ordre des médecins (80 millions d’euros de cotisations anuelles – non augmentées cette année). Cela donne, en tête de page 3, « La Cour des comptes envoie l’Ordre des médecins en soins intensifs » (Didier Hassoux). Un long développement avec des exemples individuels mais anonymisés. Qui est donc ce Dr G., pneumologue qui entre février 2016 et septembre 2018 a participé, avec la bénédiction de l’Ordre national, à 11 congrès internationaux tous organisés par une même boîte spécialisée dans l’assistance respiratoire (séjours financés à hauteur de 27 500 euros) ? Qui sont ces « quinze médecins » cardiologues, ophtalmologues et oncologues, qui « participent chaque année à plus d’une dizaine de congrès » ?

On connaît la réponse du Conseil national qui, ici, botte en touche et accuse, non sans raison, le pouvoir exécutif :

« Depuis 2010, l’Ordre des médecins a pris clairement position en faveur d’une transparence totale des relations entre les médecins et les industriels. L’Ordre a été de l’avis de tous les observateurs en pointe sur ce dossier, et a régulièrement sollicité le Conseil d’Etat pour le faire avancer. Pour ce faire, l’Ordre a alerté le gouvernement à plusieurs reprises sur la nécessité de publier le décret d’application permettant d’assurer le contrôle de toutes les déclarations de liens d’intérêt entre le corps médical et l’industrie de la santé (communiqué de presse du 30/03/16).

 « Or, ce décret n’a toujours pas été publié. Les suspicions actuelles de conflits d’intérêts de certains praticiens auraient pu être évitées si nos recommandations avaient été entendues. La section « relations médecins-industrie » du Conseil national de l’Ordre des médecins est d’ores et déjà prête à faire face aux nouvelles responsabilités qui lui incomberont quand le décret sera publié. L’Ordre ne peut assumer que ses responsabilités, et il le fait. Il ne peut assumer le reste : sans publication du décret, la transparence souhaitée par l’Ordre ne pourra être pleinement effective. »

De la probité et des dangers qu’il y aurait à en manquer

L’affaire ordinale va-t-elle prendre de l’ampleur dans un monde médical habituellement confraternellement feutré ? Rien n’interdit de le penser. Premier symptôme du défeutrage, la réaction de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF) 1. Son président (le  Dr Jean-Paul Ortiz, néphrologue) dit « avoir pris connaissance avec stupeur d’un article paru ce jour dans un journal satirique concernant le Conseil national de l’Ordre des médecins ».

« Si les faits s’avéraient exacts à l’issue de l’enquête définitive, ils seraient d’une extrême gravité et porteraient atteinte à l’honneur et à la probité de toute la profession médicale, que le Conseil de l’Ordre est censé défendre, ajoute-t-il. La CSMF espère que le rapport définitif ne confirmera pas ces allégations. La CSMF appelle le Conseil national de l’Ordre à tout faire pour défendre l’honneur et la probité de notre profession, puisqu’il s’agit là de sa mission centrale. »

Probité : « Droiture qui porte à respecter le bien d’autrui, à observer les droits et les devoirs de la justice ; Rigueur, exactitude appliquée à serrer la vérité, la justesse au plus près ».  Mieux vaut ne pas en manquer.

A demain

@jynau

1 Ce syndicat se présente ainsi : « Créé en 1928 la Confédération des Syndicats Médicaux Français est le premier syndicat de médecins français. Elle regroupe des syndicats de médecins libéraux généralistes et spécialistes et deux structures nationales, Les Généralistes-CSMF (médecins généralistes) et Les Spé-CSMF (médecins spécialistes). Elle fédère également 101 syndicats présents dans chaque département de métropole et d’outre-mer, les médecins à exercice particulier (MEP) et les médecins hospitaliers exerçant en libéral.

 Elle défend et représente ses membres dans les différentes négociations, tables rondes auprès des institutions publiques notamment. Elle contribue tout au long de leur pratique à la formation permanente et les accompagne tout au long de leur parcours. Dans ses valeurs, la CSMF revendique l’indépendance et la probité de la médecine, défend un contrat avec la société et l’esprit conventionnel. Elle soutient une médecine « libérale et sociale », véritable acteur économique, d’innovation et de progrès. Elle assure la défense syndicale individuelle et collective de tous les médecins libéraux. Elle est présidée par le Dr Jean-Paul Ortiz, médecin néphrologue, depuis mars 2014.».

Exclusivité : l’Ordre des Médecins répond aux questions dérangeantes du Canard Enchaîné

Bonjour

C’est sans précédent depuis soixante-dix ans : le Conseil national de l’Ordre des médecins vient d’être interrogé par Le Canard Enchaîné au sujet d’un pré-rapport de la Cour des Comptes – document qui fait suite à un contrôle de plusieurs mois de l’ensemble des échelons territoriaux de l’Ordre.

Première réaction : l’Ordre tient à exprimer « son plus vif étonnement » sur le fait que ce pré-rapport « ait été communiqué à la presse » – et ce  alors que la phase contradictoire n’a pas débuté, puisqu’il n’a été destinataire d’aucun document de la part de la Cour des Comptes. C’est ainsi que le président du Conseil national de l’Ordre des médecins, le Dr. Patrick Bouet, a fait part de son « étonnement » au président de la 6e chambre de la Cour des Comptes 1.

Deuxième réaction : « Depuis 2013, l’Ordre s’est pleinement engagé dans un processus de modernisation de son organisation. De nombreuses réformes ont été menées depuis six ans : missions élargies, parité totale des élus avec l’élection de binômes, rationalisation des patrimoines immobiliers, optimisation de la gestion des ressources… La gestion de l’institution est plus saine aujourd’hui qu’elle ne l’était hier et nous poursuivons ces efforts pour l’ensemble des échelons : règlement électoral, règlement intérieur, règlement de trésorerie révisé. »

Troisième réaction : « L’Ordre contestera avec force un certain nombre d’informations telles que relayées aujourd’hui dans l’article du Canard Enchaîné ».

Et voici, en exclusivité, les réponses de l’ Ordre des médecins aux questions soulevées par l’hebdomadaire satirique paraissant le mercredi :

Plaintes pour abus sexuels non traitées :

 « Le Conseil national est pleinement engagé contre le harcèlement et les abus sexuels dans le milieu médical. Il a fixé, en novembre 2017, trois principes clés pour la profession : transparence, prévention et sanction. Le rapport d’activité de la juridiction ordinale démontre par ailleurs que dans de nombreuses affaires dites de mœurs, l’Ordre est également plaignant.

 « Dès que l’Ordre a connaissance de faits suffisamment précis et circonstanciés, il les transmet à la juridiction disciplinaire qui juge en toute indépendance. A plusieurs reprises, nous avons encouragé les personnes qui déclarent être victimes de harcèlement sexuel dont l’auteur serait médecin à porter plainte devant les instances ordinales, afin que les abus soient reconnus et sanctionnés professionnellement.

« Par ailleurs, plusieurs circulaires communes à l’Ordre, au Garde des Sceaux et au ministère de la Santé ont été diffusées, demandant aux Procureurs de la République d’informer l’Ordre des médecins de plaintes pénales déposées à l’encontre de médecins. Ces circulaires restent trop souvent sans effet ; l’Ordre des médecins le déplore, et demande à nouveau que les procureurs informent systématiquement l’Ordre pour qu’il puisse saisir systématiquement les juridictions disciplinaires, quand bien même les faits reprochés aux médecins seraient commis dans un cadre privé. »

Absence d’appel d’offres pour les achats audiovisuels et informatiques :

« Les dépenses de l’Ordre sont faites conformément à la loi. L’obligation de passer par des appels d’offres pour ce qui concerne les marchés conclus à titre onéreux sera applicable à compter du 1er janvier 2020 (ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017). Il s’agissait d’une demande des Ordre des professions de santé. Les décrets d’application de cette ordonnance n’ont cependant pas encore été publiés. L’Ordre des médecins se conformera bien sûr à cette obligation quand elle sera applicable, et a d’ores et déjà réorganisé ses services juridiques pour ce faire. »

Décalage dans le budget de l’aménagement du siège du Conseil national de l’Ordre des médecins :

 « Un effort de rationalisation a été opéré en 2017 avec la fusion sur un seul site de l’ensemble des services du Conseil national. Ce rapprochement de l’ensemble des activités dans un lieu unique permet d’économiser de nombreux frais. Il permet par ailleurs aux services de l’Ordre de gagner en productivité et efficacité.

« Le décalage s’explique en partie par les travaux d’aménagement, qui ont été plus importants que prévu. L’expertise initiale en matière d’amiante a notamment été remise en cause au fur et à mesure de l’avancée du chantier, ce qui a conduit à faire des travaux conceptuels sur la structure elle-même de l’immeuble. Des coûts additionnels ont également concerné les installations électriques ou encore la mise aux normes des extractions de fumée.

« Le produit de la vente de l’ancien siège du CNOM (180 boulevard Haussmann) a cependant suffi à assumer ces coûts additionnels imprévus sans que le Conseil national soit contraint de souscrire de prêt additionnel. »

Hausse des indemnités entre 2011 et 2017 :

 « Le niveau des indemnités des Conseillers nationaux n’a pas évolué. C’est le nombre de journées indemnisées qui a augmenté. Depuis 2013, et dans le but d’accompagner la modernisation de l’Ordre, la collégialité du Conseil national a été renforcée par la mise en place de Bureaux ouverts à l’ensemble des conseillers ordinaux, précédés systématiquement par des réunions des sections du Conseil national de l’Ordre.

« Par ailleurs, le Conseil national a notamment été saisi de façon plus fréquente en commission des appels administratifs, dans la cadre notamment de l’activité multi-sites ; l’Ordre a été saisi d’une nouvelle mission : l’insuffisance professionnelle ; le service d’entraide et le service « relations médecins-industrie » ont été consolidés et renforcés. Les demandes d’interventions extérieures du CNOM, sollicitant son expertise sur de multiples sujets, en lien avec la démographie médicale, les qualifications, l’exercice professionnel, la déontologie et les technologies numériques ont considérablement augmentées.

« Cette activité accrue a mécaniquement augmenté la mobilisation et le nombre de jours de présence des conseillers ordinaux. Dans le même temps, et depuis 2013 : la valeur des indemnités journalières est restée fixe et n’a pas augmenté ; le remboursement des frais ne se fait plus de façon forfaitaire, mais sur frais réels plafonnés.

« Le Conseil national reconnaît et revendique l’augmentation mécanique du montant des indemnités, qui témoigne non pas d’une augmentation de leur valeur mais de l’activité renforcée du Conseil. Les nouvelles modalités de remboursement des frais ont par ailleurs entraîné la diminution des remboursements, compensant financièrement l’augmentation mécanique des indemnisations.

« Dans le même temps, le Conseil national de l’Ordre des médecins a pris des mesures pour rationaliser l’ensemble des processus d’indemnisation et de remboursement des frais pour tous les échelons de l’institution : le rapport de la Cour des Comptes pourra permettre d’approfondir encore cette rationalisation, en la traduisant dans le règlement de trésorerie applicable et opposable à tous les échelons territoriaux.

« Il est par ailleurs faux de dire que les indemnités n’ont pas de base juridique puisqu’elles sont expressément prévues par les articles D. 4125-8 et D. 4125.9 du code de la santé publique. »

Relations médecins-industrie et absence de sanctions contre des médecins :

 « Depuis 2010, l’Ordre des médecins a pris clairement position en faveur d’une transparence totale des relations entre les médecins et les industriels. L’Ordre a été de l’avis de tous les observateurs en pointe sur ce dossier, et a régulièrement sollicité le Conseil d’Etat pour le faire avancer. Pour ce faire, l’Ordre a alerté le gouvernement à plusieurs reprises sur la nécessité de publier le décret d’application permettant d’assurer le contrôle de toutes les déclarations de liens d’intérêt entre le corps médical et l’industrie de la santé (communiqué de presse du 30/03/16).

« Or, ce décret n’a toujours pas été publié. Les suspicions actuelles de conflits d’intérêts de certains praticiens auraient pu être évitées si nos recommandations avaient été entendues. La section « relations médecins-industrie » du Conseil national de l’Ordre des médecins est d’ores et déjà prête à faire face aux nouvelles responsabilités qui lui incomberont quand le décret sera publié. L’Ordre ne peut assumer que ses responsabilités, et il le fait. Il ne peut assumer le reste : sans publication du décret, la transparence souhaitée par l’Ordre ne pourra être pleinement effective. »

Où l’on comprend, tout bien pesé entre les lignes, que la dérangeante curiosité du volatile n’aura peut-être pas été inutile.

A demain

@jynau

1 La Cour des comptes a aussitôt publié le communiqué suivant:

« La Cour déplore la publication par Le Canard enchaîné d’un article évoquant des observations provisoires sur le Conseil national de l’Ordre des médecins. La publication d’observations provisoires, de nature confidentielle, porte atteinte au bon déroulement des procédures encadrant la phase contradictoire des travaux de la Cour, qui n’est pas achevée. Conformément au code des juridictions financières, la Cour arrêtera ses observations définitives au terme de cette phase.La Constitution confie à la Cour la mission de contribuer à l’information des citoyens par ses rapports publics. Toute divulgation d’observations non définitives nuit à la procédure contradictoire et à la bonne information des citoyens. »

Chasser le conflit d’intérêts : un spécialiste des antibiotiques épinglé par Le Canard Enchaîné

Bonjour

C’est une chasse médiatique ouverte tous les jours de l’année. Aujourd’hui 20 février 2019 le trophée est exposé en page 3 du Canard Enchaîné (Isabelle Barré). Soit le cas du Pr Antoine Andremont qui se présente ainsi sur le Huffpost :

« Antoine Andremont est l’un des principaux experts internationaux dans le domaine de l’étude de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Professeur à la faculté de médecine de l’université Paris-Diderot, il dirige le laboratoire de bactériologie de l’hôpital Bichat-Claude Bernard. Il effectue des missions régulières pour l’OMS et a créé la start-up Da Voleterra pour développer des innovations contre les bactéries résistantes. »

 Ou encore, sur le site de vetagro.sup.fr :

« Après une formation clinique de base en pédiatrie, complétée par une formation à la recherche aux Etats-Unis et un séjour en milieu tropical dans le cadre du volontariat pour le Service National Actif, j’ai opté pour la bactériologie médicale en France depuis 1979. Dans cette spécialité, j’ai occupé jusqu’en 1996 le poste d’adjoint au Laboratoire de Microbiologie Médicale de l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif), qui est le plus important centre français de recherche et de traitement en cancérologie.

 « Depuis 1996 je dirige le Laboratoire de Bactériologie du Groupe Hospitalier Bichat-Claude Bernard qui est un CHU de 1300 lits à forte composante infectieuse, chirurgicale et cardiologique. Sur le plan universitaire, j’ai été Professeur à la Faculté de Pharmacie de Chatenay-Malabry (Université Paris XI) de 1988 à 1996 puis à la Faculté de Médecine Xavier-Bichat (Université Paris VII) depuis lors. Ma recherche s’effectue au sein de l’UMR 1137 INSERM, (IAME) dirigée par E. Denamur. Mon activité actuelle intègre les composantes hospitalières, universitaires et de recherche centrées sur le rôle des flores commensales dans l’évolution de la résistance bactérienne et la survenue des infections nosocomiales et les moyens de la combattre. J’assure un rôle d’expert judiciaire auprès de la Cour d’Appel de Paris et de la Cour de Cassation dans le domaine des infections microbiennes et de l’hygiène. »

 L’hebdomadaire satitique ajoute que cet expert a aussi été retenu, en tant que tel, par le ministère de la Recherchedans le cadre d’un « programme prioritaire » ayant pour objectif la lutte contre la résistance aux antibiotiques (40 millions d’euros). Quoi de plus logique quand on sait que la France ne figure pas en bonne position (euphémisme) à l’échelle mondiale : avec 125 000 infections par an et 5 500 décès prématurés, elle est le 6ème pays européen le plus touché – après l’Italie, la Grèce, la Roumanie, le Portugal et Chypre.

Demain, sur le pré

Là où le bât blesse, « le hic » pour l’hebdomadaire satirique, c’est la « boîte privée Da Volterra » fondée par cet expert et qui « espère bien faire fortune sur le marché … de l’antibiorésistance ». « Da Volterra » , spécialisée dans le champ a priori porteur du microbiote et qui, fin 2017, a obtenu 20 millions d’euros auprès de la Banque européenne d’investissement pour développer son « produit phare » DAV132 qui a terminé deux essais cliniques de phase I.  Il s’agit ici de prévenir les maladies nosocomiales et de lutter contre l’antibiorésistance.

Le DAV132 est « un produit à base d’absorbant délivré uniquement dans la partie basse de l’intestin grêle. Co-administré avec des antibiotiques, n’importe lesquels, il permet d’éviter les effets néfastes de ces derniers sur la flore intestinale » expliquait en 2017 à La Tribune (Jean-Yves Paillé) Florence Séjourné, présidente de Da Volterra. « Pour éviter l’émergence de la résistance aux antibiotiques , le DAV132 agit comme un filtre », précisait-elle.  En s’associant à des laboratoires pharmaceutiques, Da Volterra espérait lancer le produit en 2019-2020 en Europe. Et aux Etats-Unis.

Y-at-il là un cas flagrant de conflit d’intérêts ? Le Canard le pense. Le Pr Andremont pense le contraire. Mon lien avec la société Da Volterra a été porté à la connaissance [du ministère] lorsque je l’ai rejoint en 2017 » a-t-il expliqué au volatile, ajoutant posséder aussi des « don de souscription d’actions » de la société. Mais Le Canard de citer un confrère (anonyme) de notre expert : « Je ne connais pas de situation de conflit d’intérêt aussi claire. C’est l’un des experts qui a conseillé au ministère de mettre en place ce plan, lequel fait monter le sujet de l’antibiorésistance, ce qui ne peut que bénéficier à Volterra et à son cours de Bourse ».

Où l’on en vient à regretter que ce confrère n’ose pas s’exprimer à visage découvert. Avant d’en découdre sur le pré.

A demain

@jynau

AP-HP et Canard Enchaîné : Mireille Faugère renonce au Conseil supérieur de la magistrature

Bonjour

Il n’aura suffi que de quelques heures. Le 16 janvier, peu après la sortie du Canard Enchaîné, rebondissement dans le dossier Mireille Faugère : cette ancienne directrice générale de l’AP-HP  « a retiré sa candidature au Conseil supérieur de la magistrature ». Un renoncement qui fait suite aux informations de l’hebdomadaire satirique quant à une série de rémunérations considérées comme indues par la justice administrative – ce que l’intéressée conteste. Refus de rembourser les sommes réclamées (148 934 €) correspondant notamment à des jetons de présence en tant que membre des conseils d’administration d’EDF et d’Essilor de 2010 à 2013 – ce que le droit administratif interdit.

Quelques heures après la sortie du Canard Enchaîné le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) annonçait qu’il retirait sa proposition de nomination de Mireille Faugère au Conseil supérieur de la magistrature. Officiellement Richard Ferrand a reçu un courrier de l’ancienne directrice générale de l’AP-HP (aujourd’hui à la Cour des Comptes)  « l’informant du retrait de sa candidature ». Et Richard Ferrand de faire savoir qu’il  « regrette de ne pas avoir été informé par Mireille Faugère de sa situation ». Ainsi ignorait-il la situation, en amont, de celle qu’il avait choisie.

C’est ainsi que, le même jour, la commission des Lois de l’Assemblée n’a pas auditionné l’ancienne directrice de l’AP-HP. Où l’on perçoit, une nouvelle fois, le poids que peut avoir l’hebdomadaire satirique dans les champs de l’exécutif et du législatif.

A demain

@jynau

Justice, amour, argent et politique : où l’on reparle soudain de l’AP-HP et son ancienne directrice 

Bonjour

Le temps passe-t-il trop vite ? C’était il y a, déjà, cinq ans. Décembre 2013, dépêche d’ APM News :

« Le président du conseil de surveillance de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), Jean-Marie Le Guen, a rendu hommage à la « compétence » de l’ex-directrice générale de l’AP-HP, estimant qu’elle avait été victime d’une « certaine forme d’injustice »  lors d’un « moment de convivialité » organisé à l’occasion du départ de Mireille Faugère.

Lors d’une intervention d’une dizaine de minutes, prononcée dans une salle comble de l’hôtel Scipion (Paris Vème), Jean-Marie Le Guen a estimé que l’assistance était venue pour montrer son « amitié » à Mireille Faugère, cette amitié tenant à sa « personnalité » mais aussi aux « circonstances » de son départ.

 « Mireille Faugère a été révoquée de ses fonctions le 13 novembre et a été remplacée le jour même par Martin Hirsch. Comme l’avait révélé l’APM, elle n’a appris la nouvelle que dix jours avant ce conseil des ministres. « Nous sommes tous convaincus qu’une certaine forme d’injustice vous a été faite », a souligné Jean-Marie Le Guen qui a toutefois noté que « l’engagement public s’accompagne souvent d’injustices ». (…)

« Intervenant par la suite, sans reprendre les termes utilisés deux jours avant dans une interview au Parisien  Mireille Faugère a  souligné qu’elle vivait son départ comme « un chagrin d’amour ». Et comme lors de moments de dépit amoureux, « on n’est pas prêt à trouver un nouveau boyfriend », a-t-elle ajouté en faisant référence à son avenir professionnel mais tout en se disant convaincue de « pouvoir rebondir ». »

Rebondir après un deuil amoureux ? Le dernier rebondissement est à découvrir dans Le Canard Enchaîné de ce 16 janvier (Isabelle Barré). Où l’on apprend que Richard Ferrand, ancien journaliste socialiste aujourd’hui président macronien de l’Assemblée Nationale, aimerait désigner Mireille Faugère au Conseil supérieur de la magistrature. Et Le Canard d’actualiser un riche dossier ouvert il y a deux ans et dont nous nous étions fait l’écho. Une affaire de très gros sous, un argent public versé avant d’être réclamé.

Factures volatilisées

Au début du mois d’octobre 2016 le Canard Enchaîné avait mis ses palmes dans le vaste plat des factures impayées : 80 millions d’euros de factures dues à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris s’étaient volatilisées en 2011 quand l’AP-HP était dirigée par Mireille Faugère dont le Canard révélait alors le montant assez mirobolant des émoluments.

Dans un communiqué, l’AP-HP traitait en quelques lignes alambiquées de la demande de Martin Hirsch à celle qui était devenue  « conseillère maître à la Cour des comptes » :

« (…) le Conseil de surveillance a pris acte avec satisfaction de ce que le Directeur général avait pris la décision qu’il lui incombait de prendre, en demandant le reversement des sommes liées aux activités privées de l’ancienne Directrice générale, en conformité avec la politique générale menée en matière de contrôle des cumuls d’activité, soutenue par le Conseil de surveillance ; il a demandé à être informé des suites, dans le cadre d’une procédure dont il a été rappelé le caractère contradictoire. »

« En poste de septembre 2010 à mi-novembre 2013, Mireille Faugère a en effet coûté fort cher à l’AP-HP, conservant ou acquérant malgré ses fonctions à titre personnel des mandats au sein de conseils d’administration d’organismes divers (entreprises publique et privée, fondation, association) expliquait le site Hospimédia. Des mandats qu’elle avait mentionnés lors de son recrutement sans susciter d’observations ni d’objections, s’est étonnée la chambre, qui ne précise pas le montant mais signale qu’ils contrevenaient aux règles d’exercice définies par la loi de juillet 1983 ‘’portant droits et obligations des fonctionnaires’’. »

Garantir l’indépendance des magistrats

Il fallait aussi compter avec les écarts de rémunérations avec les textes réglementaires  – et ce, semble-t-il, pour un montant avoisinant les 530 000 €. L’ancienne DG touchait un peu moins de 300 000 € brut par an, dont une part fixe de 250 000 €. Soit un montant supérieur de 50% au salaire perçu par son prédécesseur, Benoît Leclercq, et son successeur, Martin Hirsch (environ 200 000 € par an dont 165 000 € en fixe). Sans oublier une indemnité de licenciement brute de 125 000 € quand ce même montant n’aurait pas dû excéder 25 881 € net (la moitié de la rémunération de base nette pendant trois mois). Ainsi que des jetons de présence en tant que membre des conseils d’administration d’EDF et d’Essilor de 2010 à 2013 – ce que le droit administratif interdit.

Le Canard Enchaîné précise aujourd’hui que Mireille Faugère, 62 ans, refuse de rembourser les sommes réclamées (148 934 €)  par Martin Hirsch en dépit d’un jugement du tribunal administratif de Paris (elle a fait appel). Et le Canard d’observer que cette situation ne manque pas d’interroger quand il s’agit d’une nomination au Conseil supérieur de la magistrature qui a pour rôle de garantir l’indépendance des magistrats de l’ordre judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif. Cela ne devrait pourtant n’être qu’une formalité pour celle qui, après la direction générale de l’AP-HP, a été nommée à la Cour des Comptes. Tel est du moins le point de vue de l’hebdomadaire satirique.

Quant à Jean-Marie Le Guen, il a quitté la politique et le socialisme pour rejoindre, à la mi-juin 2017, Siaci Saint-Honoré, importante société française de courtage en assurance, en tant que conseiller du président du groupe. Le temps passe trop vite.

A demain

@jynau