Nous achevons (aujourd’hui 31 décembre 2013) une étape de notre aventure-blog. Une autre s’ouvre ici-même.
Une occasion pour quelques réflexions et répondre à une question existentielle : le moi est-il haïssable sur la Toile ?
Dans un récent numéro de La Revue du Praticien Médecine Générale 1 Philippe Eveillard tranche dans le vif du style : il faut dire « je » et le dire dès la première phrase d’un post. Si nous tombions dans le piège qu’il nous tend nous nous précipiterions pour dire non. Nous ne traiterons pas ici de ses innombrables biais : Jaddo est « la référence »,, « je » est un « gage d’authenticité, un « gage de spontanéité », un « gage de sensibilité », voire un gage « d’aisance dans l’écriture ». On réclame ici des points de suspension. Se méfier comme de l’aisance comme de la peste. Rien de pire que la fausse aisance.
Faire ultra-court
Spécialiste et critique de l’art du blog l’auteur grave les tables de la Toile : un post (un billet) doit être court (jamais plus de « trois écrans d’ordinateur »). Pourquoi ? Pour ne pas solliciter « excessivement » l’ascenseur. La encore le bât blesse et le syllogisme jésuitique pointe à l’horizon du clavier : il faut un « je » parce qu’il faut être court car sinon on est trop long et dans ce cas on passe de la « confidence » à la « confession ». Qui comme chacun sait à Rome ne saurait se faire en public.
Chasser le commentaire
La vérité est peut-être plus profonde. A peine cachée derrière une lapalissade. Ecrire pour autrui c’est écrire pour être lu. A fortiori sur la Toile et, en l’espèce, au sein du « Club des médecins blogueurs » de Dominique Dupagne. Ecrire pour être lu c’est d’une manière ou d’une autre tenter de créer de l’émotion.
Les blogs sont jeunes, tous les styles sont permis et la notoriété se mesure à l’aune des « commentaires ». Du nombre des commentaires, plus ou moins «modérés ». On y voit l’intérêt de la provocation, de l’accusation, de la diatribe, du scandale. On y entend gronder les foules.
Une confidence ?
Les blogs et la Toile babillaient hier encore. Aussi le « Je », dans sa prime jeunesse, sort grandi de l’usage que l’on fait de lui. Bien sûr cela ne durera pas. Le « On », dans sa maturité, peut le laisser s’ébattre. Les «Nous » le regardent. Les « Ils », déjà, plissent leurs sourcils. Quant au « Tu », la nostalgie est déjà là, camarade.
Nous atteignons les limites du post. Confidence publique :
« J’ai commencé ce blog en août 2011 . Près de 30 mois et plus de 550 textes plus tard je quitte l’hébergement offert par l’Ecole des hautes études de la santé publique (Ehesp). Antoine Flahault, alors directeur de ce bien bel établissement, m’y avait proposé de tenter l’aventure du blog. Qu’il en soit remercié.
J’ai tenté, j’ai essuyé quelques difficultés, je n’ai jamais regretté. En parallèle de cette autre aventure, collective, qu’est Slate.fr et l’écriture pour un « pure player », j’ai beaucoup appris.
Les temps changent et c’est tant mieux. Je poursuis aujourd’hui l’aventure sur un autre site avec toujours le même et passionnant objectif ; croiser le « journalisme » et la « santé publique ». Continuer à faire le passeur entre ces mille et un mondes. Et, bien immodestement, tenter de nous aider à nous comprendre. Bien immodestement aussi tenter de mettre le clavier là où l’on pense devoir le placer. Sans aucune méchanceté, mais au risque de ne pas flatter.
2014
En un mot: continuer à remplir une tâche qui fait que le « Je » est, sinon « haïssable » (comme il l’était jadis au sein des colonnes du Monde), du moins à proscrire. Un pronom trop personnel qui dessert son utilisateur – à s’interdire autant que faire se peut. Nous nous en expliquerons peut être sous peu. Par exemple ici-même en 2014. Bonne année à celles et ceux qui lisent ces lignes comme à ceux et celles qui leurs sont proches.
1 « Confidences sur blog ». Revue des blogs. La Revue du Praticien Médecine Générale (Tome 27, n° 911, décembre 2013)