Après celle de Steve Maia Canico, comment parvenir à mentir sur la mort de Malik Oussekine

Bonjour

Comment peut-on en arriver à de telles contre-vérités ? « Finalement, on s’est aperçu qu’il n’avait pas reçu de coups. » Invité sur RTL, le 5 août, pour parler de la mort à Nantes de Steve Maia Canico , Jean-Christophe Buisson a établi une comparaison avec la tristement célèbre affaire Malik Oussekine (décembre 1986). Spécialiste d’histoire Jean-Christophe Buisson, 51 ans, est directeur adjoint du Figaro Magazine. Présents dans le studio :Vincent Parizot (journaliste RTL), Ludovic Vigogne (journaliste à L’Opinion). Roland Cayrol (Directeur du Centre d’études et d’analyse).

Sur Twitter, les internautes ont immédiatement réagi aux propos du journaliste – les qualifiant notamment de « révisionnistes ». Certains ont aussi exhumé un ancien tweet du journaliste faisant référence au décès de Malik Oussekine, posté le 12 avril 2013 lors du mouvement de La Manif Pour Tous contre l’instauration du mariage homosexuel en France. Il s’émouvait alors de ce qu’il appelait un « drame » et exhortait le gouvernement « à renoncer à un projet de loi contesté avec force dans la rue ». Où l’on comprend l’usage politique multiple qui peut être fait d’une tragédie.

Puis, face aux protestations, excuses dans l’après-midi du 6 août : « J-Christophe Buisson@jchribuisson Je tiens à m’excuser pour mes propos tenus hier sur @rtl donnant à penser que je mets en doute le fait que Malik Oussekine soit mort à la suite d’une intervention policière le 5 décembre 1986. La justice a rendu son verdict dans cette affaire et je n’entends pas la contester. »

Les auditeurs apprécieront. A commencer par ceux qui se souviennent des difficultés rencontrées, au lendemain de la mort de Malik Oussekine, pour mener l’enquête journalistique et médico-légale. Nous avons déjà rapporté sur ce blog ce qu’il en fut, alors, pour Le Monde 1.  Trois ans plus tard le brigadier-chef  et le gardien de la paix (deux « voltigeurs ») directement impliqués furent jugés pour « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Ils seront condamnés respectivement cinq et deux ans de prison avec sursis.

La Vérité avec un très grand V

Aujourd’hui Jean-Christopbe Buisson, après sa sortie sur RTL, répond aux questions de Libération (Fabien Leboucq Sarah Boumghar).

« Par téléphone, il détaille sa position ‘’un peu compliquée à expliquer’’ : ‘’La justice a tranché en disant que les coups l’avaient tué. Mais la vérité judiciaire n’est pas la vérité avec un grand V.’’ Et d’estimer que ‘’la vérité judiciaire n’est pas la vérité historique et que la vérité historique ne peut pas être établie avant un certain temps’’.

« Sur quoi s’appuie Jean-Christophe Buisson pour remettre en cause cette ‘’vérité judiciaire’’ ? ‘’Secret des sources’’, oppose-t-il. Il établit un parallèle entre le dossier Oussekine et l’affaire Dreyfus. Dans ce dernier cas, la justice a rendu une décision sur laquelle elle est ensuite revenue. Jean-Christophe Buisson veut croire qu’un jour ‘’des rapports parlementaires, médicaux, policiers, qu’il faudra lire entre les lignes’’ pourraient remettre en cause la condamnation des policiers responsables de la mort de l’étudiant en 1986 – sans pour autant donner d’éléments factuels appuyant cette hypothèse…

 « Journaliste et historien, Buisson précise qu’il avait quitté ces deux casquettes en entrant dans le studio de RTL, et que ses propos n’engagent ni le Figaro (pour qui il s’agit bien d’une «bavure policière»), ni son éditeur, puisqu’il s’exprimait à l’antenne ‘’en tant que polémiste’’».

Où l’on en vient à se demander le nombre de casquettes possédées par M. Buisson.

A demain @jynau

1 « Un député macroniste relance la polémique sur la mort de Malik Oussekine (1964-1986) » Journalisme et santé publique, 3 mai 2019, « Dans l’ombre de l’affaire Rémi Fraisse, la mort de Malik Oussekine (décembre 1986) » Journalisme et santé publique, 28 octobre 2014 , « La mort de Clément Méric; le souvenir de Malik Oussekine » Journalisme et santé publique, 7 juin 2013

 

«Castration chimique»: Laurent Wauquiez la réclame pour tous les «prédateurs sexuels» 

Bonjour

Un drame, une émotion nationale ? Une loi ! Après la tragédie de Wambrechies (Nord) Laurent Wauquiez, président du parti Les Républicains ne veut pas rester « les bras croisé ». Dans un entretien accordé à 20 Minutes il annonce vouloir une nouvelle loi qui imposerait la « castration chimique » aux violeurs.

 « Nous avons tous été touchés par le caractère tragique de l’histoire d’Angélique. J’ai aussi un sentiment de colère et d’incompréhension : comment se fait-il que cet homme déjà condamné pour viol ait pu être remis en liberté sans surveillance ? Malheureusement ce fait divers n’est pas isolé. Les chiffres sont terrifiants : chaque année 62.000 femmes sont violées en France, une femme de moins de 35 ans sur vingt est agressée sexuellement chaque année et un violeur sur vingt récidive. On ne peut pas rester les bras croisés face à ces réalités. »

 « Les prédateurs sexuels doivent soit subir une castration chimique, soit rester en prison. Il faut ouvrir la possibilité pour le juge de rendre obligatoire la castration chimique. Cela consiste en une injection de produits, à peu près tous les trois mois, pour diminuer les hormones et les pulsions sexuelles. C’est un traitement réversible. Cela permet de diminuer de manière très importante le risque qu’un violeur récidive. »

Laure Cometti (20 Minutes) fait justement observer à Laurent Wauquiez que nombre de psychiatres spécialisés soulignent que cette mesure est loin d’être totalement efficace pour lutter contre la récidive.

« Ce qui m’importe, c’est la protection des victimes, pas les droits des violeurs. Aujourd’hui, la castration chimique se fait à la demande du violeur lui-même, c’est absurde. Il faut que le juge puisse l’imposer au violeur, avec un accompagnement médical et psychiatrique. Et si le violeur refuse, alors il devra rester en prison, en rétention de sûreté. Les Républicains déposeront une proposition de loi pour défendre cette mesure. »

 Vingt ans après

 L’affaire va-t-elle prendre de l’ampleur ? Sur RTL Virginie Duval, présidente de l’Union Syndicale des Magistrats (USM) explique que « la castration chimique existe mais qu’elle ne peut pas être le remède miracle ». « C’est très particulier, et le passage à l’acte de ces personnes doit être évalué. On doit travailler avec ces personnes individuellement, précise-t-elle. Une fois que la personne a été condamnée, on peut notamment prononcer un suivi socio-judiciaire, qui peut comprendre des obligations de soins pour permettre à la personne de travailler sur ces questions. »

« Castration chimique » ? L’affaire a déjà été longuement débattue, en France. Et on imagine que Laurent Wauquiez le sait. Il suffit, pour cela, de consulter Wikipédia. Il y a vingt ans déjà, dans le cadre du suivi socio-judiciaire  institué par la loi Guigou (no 98-468 du 17 juin 1998 « relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs ») les détenus peuvent, sur la base du volontariat, suivre un traitement médicamenteux visant notamment à réduire la production de testostérone.

Laurent Wauquiez sait aussi qu’aujourd’hui ce dispositif n’est pas obligatoire, mais que les détenus qui n’y participent pas, ne peuvent prétendre à des remises de peine ou à la libération conditionnelle.  Et Laurent Wauquiez ne peut ignorer qu’en septembre 2007 le député UMP Bernard Debré avait (déjà) déposé une proposition de loi tendant à imposer la castration chimique aux personnes condamnées après avoir commis une agression sexuelle.

Selon les termes de la proposition, le juge pénal aurait eu la faculté d’obliger les intéressés à suivre un traitement. Celui-ci aurait commencé pendant l’exécution de la peine et aurait pu, le cas échéant, se poursuivre après la sortie de prison. En cas de refus, les intéressés auraient en effet été susceptibles d’être réincarcérés ou placés en détention de sûreté. Mais finalement elle a été refusée par l’Assemblée nationale.

Et Laurent Wauquiez se souvient sans doute que ce projet était réapparu en novembre 2009 avec le projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale – un  projet de loi voulu par le gouvernement Fillon et porté par la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie. Cette proche de Laurent Wauquiez avait même annoncé dans Le Figaro Magazine  une « loi pour la castration chimique avant la fin de l’année ».

Nous étions alors au lendemain d’une affaire de viol et de meurtre commis par un homme récidiviste, affaire qui avait suscité une vive émotion en France. L’Assemblée nationale avait adopté un amendement permettant au juge d’imposer cette mesure, mais le Sénat l’avait retiré, laissant au médecin le soin d’apprécier son opportunité en fonction du patient. Laurent Wauquiez sait tout cela. Pourquoi n’en parle-t-il pas ?

A demain

Scoop dans « La Croix » : Manuel Valls en harmonie avec Nicolas Sarkozy pour condamner la GPA

Bonjour

Nicolas Sarkozy attaque dans Le Figaro Magazine ?  Manuels Valls lui répond dans La Croix. Première surprise : le Premier ministre est pleinement d’accord avec l’ancien président de la République pour que la pratique de la « grossesse pout autrui » (GPA) soit interdite en France. Seconde : il faut aller plus loin encore et tout mettre en œuvre pour la prohiber à l’échelle mondiale. Rien de moins. Avec le rappel général, dans La Croix (et à deux jours de la Manif pour tous) que la famille est  « un repère, un pôle de stabilité ».

 Pratique intolérable

« Il faut affirmer des positions claires : la GPA est et sera interdite en France, affirme Manuel Valls. C’est le choix très ferme du président de la République et de son gouvernement. La France n’a jamais varié sur ce sujet. Elle est opposée à la légalisation de la GPA qui est, il faut le dire, une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes.

Le Premier ministre révèle aussi au quotidien chrétien que la France « exclut totalement » d’autoriser « la transcription automatique » des actes de filiation d’enfants nés par mère porteuse à l’étranger, « car cela équivaudrait à accepter et normaliser la GPA ». « Il est incohérent de désigner comme parents des personnes ayant eu recours à une technique clairement prohibée tout en affirmant qu’ils sont responsables de l’éducation des enfants, c’est-à-dire chargés de la transmission de nos droits et de nos devoirs, déclare-t-il.  Il ne faut pas laisser dire non plus que ces enfants sont sans filiation ni identité. Ils ont une filiation et une identité, mais établies à l’étranger. »

Vives protestations

Manuel Valls reprend et développe ici les arguments défendus (notamment à gauche) par celles et ceux qui contestent la décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamnant la France pour ne pas autoriser la transcription des actes de filiation des enfants nés à l’étranger – décision prise au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Or le gouvernement de Manuel Valls n’a pas fait appel, dans les délais prévus, de la condamnation de la CEDH. Ce refus  de faire appel des arrêts de la cour européenne avait suscité de très vives  protestations à droite comme chez de nombreuses personnalités socialistes. Sans parler du mouvement  « la Manif pour tous », qui a fait de la GPA son nouveau combat après sa mobilisation contre le mariage homosexuel.

Plus loin encore

Mais le Premier ministre va plus loin encore et, pour la première fois, annonce une action internationale de la France dans ce domaine :

«  Il faut rappeler la responsabilité de tous les États dans la lutte contre la commercialisation des êtres humains. La France entend promouvoir une initiative internationale qui pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA n’accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants des pays qui l’interdisent. À la demande du président de la République, Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, prendra dans les semaines qui viennent des initiatives pour trouver le cadre approprié. C’est une action de long terme. »

Comité d’éthique

Sur l’autre front de contestation, celui de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes, une pratique actuellement interdite  en France, le Premier ministre explique que la position du gouvernement « est claire ». « Nous n’avancerons pas plus loin sur cette question tant que nous n’aurons pas l’avis du Comité consultatif national d’éthique ».

Ce qui, au vu des avis antérieurs, de ce Comité, revient à dire que la PMA restera interdite en dehors des couples, mariés ou non, composés d’un homme et d’une femme en âge de procréer. Il est probable que les déclarations (assez inattendues) de Manuel Valls susciteront quelques réactions. A droite comme à gauche.

A demain

Homosexualité, PMA, GPA: Sarkozy attaque la Cour de cassation et réécrit la Constitution

Bonjour

Il arrive que les politiques se saisissent de l’éthique à des fins politiciennes. Laissons dans l’ombre les marigots de l’ancien parti majoritaire. Ne retenons qu’une information, prise au vol dans le moulin médiatique à paroles qu’est redevenu celui qui fut président de la République française (2007-2012).

Marbre

Les radios déflorent  aujourd’hui un entretien qui paraîtra demain sur l’éternel papier glacé du Figaro Magazine.  Le nouveau candidat à la présidence de l’UMP s’y dit « favorable » à une nouvelle inscription dans la Constitution de la République française  ( elle aura 56 ans le 4 octobre prochain) :  graver dans son marbre que les techniques de procréation médicalement assistée sont réservées aux seuls « couples hétérosexuels infertiles ».

« Mon devoir sera de rassembler les Français sur une position conforme à nos valeurs, sans rouvrir les plaies. Pour le moins, je considère qu’il faudra inscrire dans la Constitution des verrous juridiques pour réserver la PMA aux couples hétérosexuels infertiles et interdire complètement la GPA (gestation pour autrui). C’est le seul moyen d’enrayer la jurisprudence dont la Cour de cassation, ainsi que c’était prévisible, pose les premiers jalons. »

Spécifique

« Réserver la PMA aux couples hétérosexuels infertiles et interdire complètement la GPA » sont deux objectifs déjà atteints. La pratique des mères porteuses par diverses dispositions pénales qui ne laissent place à aucune discussion. La PMA fait d’autre part l’objet d’une disposition spécifique depuis les premières lois de bioéthique de 1994 :

«L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer (…).»  Article L. 2141-2 du Code de la santé publique.

L’épouse de la mère

Pourquoi vouloir inscrire dans la Constitution des dispositions qui figurent déjà dans le code pénal et celui de la santé publique. L’ancien président de la République invoque « la jurisprudence dont la Cour de cassation pose les premiers jalons ». Il fait référence ici à une toute récente décision sur l’adoption rendue par les magistrats de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire.

La Cour de cassation a estimé le 23 septembre, que le recours à la PMA (à l’étranger et par insémination artificielle avec donneur anonyme) « ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu ».

Fraude à la loi

Ces magistrats écartent ici  toute « fraude à la loi ». C’est cet argument qui avait, ce printemps, été avancé pour refuser une adoption par le tribunal de grande instance de Versailles. La Cour de cassation estime en substance que le fait que des femmes aient recours, à l’étranger, à une pratique interdite en France « ne heurte aucun principe essentiel du droit français ».

Pour comprendre il faut rappeler que  la loi sur le mariage pour tous a  ouvert le droit à l’adoption aux couples de même sexe, mais sans se prononcer sur la question de la PMA. Le gouvernement socialiste n’a donné aucune instruction d’application de la loi aux parquets. Aussi les parquets naviguent-ils à vue –une forte majorité accordant l’adoption, souvent au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Appel solennel

Ce n’était pas le cas du tribunal de grande instance de Versailles qui, en avril dernier  avait refusé une adoption, estimant que « le procédé qui consiste à bénéficier d’une assistance médicale à la procréation interdite en France, puis à demander l’adoption de l’enfant, conçu conformément à la loi étrangère mais en violation de la loi française, constitue une fraude (…) et interdit donc l’adoption de l’enfant illégalement conçu ».

Sans l’évoquer explicitement l’ancien président de la République tient compte ici de la condamnation de la  France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) –condamnation prononcée au motif que la France refuse de transcrire à l’état civil les actes de naissance d’enfants nés par mères porteuses aux Etats-Unis. En dépit d’un appel solennel à François Hollande (lancé en juillet dans les colonnes de Libération) par de nombreuses personnalités de gauche le gouvernement n’a pas fait appel de cette décision.

Marché de l’enfant

On peut voir là une forme d’acceptation a minima de pratiques condamnées en France au nom de l’éthique mais tolérées à l’étranger où elles alimentent de nouveaux marchés. On peut aussi y voir un pragmatisme qui anticipe une dépénalisation prochaine de ces pratiques dans l’Hexagone. Les silences ou les ambiguïtés de l’actuel président de la République sur ces questions expliquent le soudain intérêt que leur porte celui qui l’a précédé à ce poste. Il sait aussi ce qu’il en est des divisions  schizophrénies socialistes quant à la la pratique des mères porteuses.

«  Jamais je n’accepterai la marchandisation de l’enfant » affirme l’ancien président de la République dans le Figaro Magazine. C’est là une belle formule. « La marchandisation de la personne » en eût été une plus belle encore. Ce sera pour la prochaine fois.

A demain