«Plus belle la vie» : faire une croix sur la GPA à la télévision comme on le fit sur le tabac ?

Bonjour

On n’attend plus, sur ce sujet, que l’avis médiatique éclairé de l’omniprésente Marlène Schiappa. Où il est question de « Plus belle la vie », célèbre série diffusée sur France 3.  Onze ans déjà que la France (cinq millions de téléspectateurs quotidiens) découvre cette mise en scène du quotidien des habitants d’un quartier imaginaire de Marseille : « le Mistral ». Une fiction à la française avec deux types d’intrigues : la vie personnelle des habitants (joies, peines, amours etc.) et de sombres intrigues policières marseillaises sans accent. Joli succès d’audience (presque salué par … Le Monde diplomatique et dénoncé par … Libération) ). Une fiction régulièrement pimentée de polémiques (cannabis, triolisme, poppers, inceste, viol, mariage pour tous, transidentité etc.). Et aujourd’hui : la GPA.

« Dans l’épisode du 23 juillet dernier, rapporte France Inter (Clément Polyn)l’un des personnages principaux de la série, Céline, qui ne peut pas avoir d’enfant, révèle à l’un de ses amis avoir fait appel à une mère porteuse britannique et à un donneur de sperme anonyme. Son ami lui rappelle alors que la gestation pour autrui est interdite en France. Mais l’héroïne décide tout de même de se tourner vers une médecin favorable à la GPA. »

Aussitôt tonnerre de condamnations. A commencer par celle d’un sénateur (Les Républicains, Vendée). Bruno Retailleau :« On peut attendre autre chose du service public qu’il utilise l’argent des Français pour faire la promotion de la marchandisation du corps humain. Pouvoir acheter un enfant ne sera jamais la marque d’un progrès de la civilisation. »

Mais il y a plus, comme l’observe Le Figaro (Agnès Leclair) . La série «vise à rendre acceptable une pratique d’exploitation du corps des femmes, interdite en France et dans la plupart des pays d’Europe», jugent les associations féministes réunies sous la bannière de la Ciams (Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution) 1. Où l’on perçoit que l’opposition à la GPA réunit bien des énergies.

Corps des femmes en esclavage

«Nous voulons alerter l’opinion publique sur le traitement favorable de la GPA. La série présente la pratique de “location d’utérus” sous un angle socialement admissible. Elle ne rappelle jamais que cette pratique repose sur un système d’exploitation et d’instrumentalisation du corps des femmes et qu’elle relève de la vente d’enfant», précise Ana-Luana Stoicea-Deram, présidente du Collectif pour le Respect de la Personne.

La Ciams dénonce la «banalisation» du recours à la GPA «par le biais d’arguments fallacieux», notamment dans un dialogue où une jeune femme médecin évoque des cas de GPA «où tout s’est bien passé» ou encore dans la mise en avant «d’une avocate brillante et spécialisée dans les causes justes» comme mère d’intention.

«Ces propos s’appuient toujours sur des situations individuelles présentées comme positives mais masquant la situation réelle de la GPA dans le monde: un système d’exploitation des plus pauvres au profit des plus riches par le biais du tourisme procréatif, renouvelant les pratiques de trafic triangulaire», s’insurge encore la Ciams dans un communiqué.

Les associations reprochent également à la série «l’utilisation des vieux poncifs sur le dévouement féminin ainsi que sur la nécessité de la maternité». Quant à la «pirouette» des scénaristes, qui ont choisi de clore cette séquence en racontant que cette GPA était une escroquerie, elle «n’exonère pas la production de sa responsabilité», estiment-elles.

« Le collectif demande notamment à la société de production de rappeler ‘’de façon explicite’’ l’interdiction de la GPA, ajoute Le Figaro.  La députée (Calvados, PS) Laurence Dumont, qui s’est jointe à cette initiative, a de son côté écrit au ministre de la Culture et à la présidente de France Télévisions pour les alerter. »

Interdire (de montrer) ou débattre (du sujet). C’est, désormais toute la question à laquelle doit répondre ceux qui gouvernent la télévision.

A demain @jynau

1 Premières organisations signataires : Amicale du nid, CADAC Collectif des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception, Chiennes de garde, CNFF – Conseil National des Femmes Françaises, Coordination nationale de Osez le féminisme!, CQFD Lesbiennes féministes, Du Côté Des Femmes – DCDF, ELCEM, Encore féministes, Femmes libres / Radio libertaire, Femmes solidaires- Marseille, Forum Femmes méditerranée, Initiative Féministe Euromed IFE-EFI, L’Association Française des Femmes Médecins, AFFM,, La CLEF (Coordination française du Lobby Européen des Femmes), La ligue du droit international des femmes, La Marche Mondiale des Femmes, L’Assemblée des Femmes, Le CEL de Marseille, Le CoRP -Collectif pour le Respect de la Personne, les VigilantEs, LFID – Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie, Libres MarianneS, Osez le féminisme ! 13, Osez le féminisme Vaucluse, REFH – Réussir l’égalité femmes-hommes, Regards de femmes, Réseau Féministe « Ruptures », Zeromacho

Premières signatures individuelles : Laurence DUMONT (Députée socialiste du Calvados), Henriette AUBAY (Militante des droits de l’enfant), Françoise LAROCHE (Féministe – Var), Dr Annie Laurence GODEFROY  (Médecin – militante féministe), Dr Olivier MANCERON (humaniste pro-féministe), Claire DESAINT (vice-présidente de REFH), Fanny COHEN HERLEM (Psychiatre qualifiée en pédopsychiatrie- Travaille en Protection de l’Enfance), Blandine DEVERLANGES, Patricia MORIN (avocate – Lyon), Andrée SODJINOU (psychologue – Ile de France), Marie Jo. BONNET (spécialiste de l’histoire des femmes), Cécile BLUMENTAL, Nicole FOUCHE (Vice-présidente de REFH – Réussir l’égalité femmes-hommes), Yvette ROUDY (ancienne Ministre des droits des femmes).

Christophe Castaner a-t-il commis un attentat véritable contre la langue française ?

Bonjour

C’est la polémique du jour : Christophe Castanet, ancien socialiste aujourd’hui ministre contesté de l’Intérieur est cloué au pilori des puristes politiques. Ces derniers (ils sont souvent loin du centre) l’accusent d’avoir usé du mot « attentat » pour qualifier les dégradations dont sont l’objet un nombre croissant de locaux servant de « permanences » à des élus du parti macroniste. Jusqu’ici le terme « saccage » prévalait.

« En déplacement à Perpignan le 31 juillet, Christophe Castaner a préféré parler d’’’attentat’’,  rapporte Le Figaro (Loris Boichot). En marge d’une manifestation des «gilets jaunes» dans la ville des Pyrénées-Orientales, six hommes cagoulés, vêtus de noir, avaient alors transpercé, à coups de raquette de tennis et de marteau, les vitres du local du député LREM Romain Grau. dans lequel se trouvait l’élu. L’un d’entre eux avait déversé de l’essence sur une chaise, avant d’y mettre le feu et de s’enfuir. Aucune interpellation n’a eu lieu à ce stade. »

«Le principe de l’attentat, c’est de préparer l’acte, s’est justifié Christophe Castaner devant les caméras. Là, on a des gens qui sont venus avec des bidons d’essence. Ils s’étaient équipés et ont tenté notamment d’attenter à la vie d’un parlementaire présent dans la permanence». Selon L’Indépendant, le ministre de l’Intérieur a aussi apporté son «soutien à toutes les autres victimes d’attentats tels que celui qui a été commis samedi dernier. Et ce, quelle que soit leur couleur politique». Une allusion aux plus de soixante-dix actes malveillants commis contre les députés de tous bords depuis juin 2017 –  et particulièrement pendant le mouvement des Gilets Jaunes.

Au sein du Rassemblement national (RN), le mot «attentat» est considéré comme un abus de langage. «Ce ne sont pas des attentats. (…) On voit bien [que Christophe Castaner] essaie de justifier lui-même un mot qui résonne autrement dans l’imaginaire collectif», a affirmé jeudi le porte-parole du parti lepéniste, Sébastien Chenu, sur RMC/BFMTV. Et M. Chenu, néanmoins, d’assurer «condamner» ces actes. Mêmes critiques dans les rangs de la gauche de la gauche. Pour le communiste Ian Brossat, impossible d’«[assimiler] une vitre de permanence cassée à un attentat». La fédération rennaise du parti de Jean-Luc Mélenchon, de son côté, voit dans l’emploi de ce terme l’«injonction émotionnelle disproportionnée d’un pouvoir répressif et autoritaire».

Où l’on en vient à se poser la question de la définition du terme. La « préméditation » justifie-t-elle la qualification ?

Mélenchon, Robespierre et Mme de Staël

Si l’on en reste à l’essentiel, avec le CNRTL, l’attentat est une « entreprise criminelle perpétrée contre une personne ou contre une communauté, et particulièrement dans un contexte politique » . Christophe Castaner, ancien socialiste devenu macroniste appréciera comme il se doit ces deux citations :

1 « Vers ce temps, un homme, auquel il faut épargner son nom, proposa de brûler vifs ceux qui seraient convaincus d’un attentat contre la vie du premier consul. » Mmede Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 2, 1817, p. 38.

2. « Quelle paix peut exister entre l’oppresseur et l’opprimé? Quelle concorde peut régner où la liberté des suffrages n’est pas même respectée? Toute manière de la violer est un attentat contre la nation. » Robespierre, Discours,Sur la guerre, t. 8, 1792, p. 198.

Mais nous sommes sous la Vème et il nous faut nous pencher sur le  code pénal (article 412-1) : « Constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ». L’attentat y est alors est puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d’amende. Et les peines sont portées à la détention criminelle à perpétuité et à 750 000 euros d’amende lorsque l’attentat est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique.

Le débat soulevé est donc le suivant: le saccage/attentat de la permanence d’un député relève-t-il de la «mise en péril des institutions de la République» ? La justice, aveugle, appréciera.

A demain

Homards réfrigérés et nouilles instantanées : Victor Hugo, le gouvernement, sa diversité

Bonjour

25 juillet 2019. La France en alerte caniculaire violacée. Tous prié.e.s de ne plus bouger, de boire allongé.e.s. Le spectre de 2003 est dans toutes les têtes gouvernementales, dans toutes les préfectures, toutes les mairies des villes et des villages. Seul le Tour de France est autorisé à rouler – ainsi que la ministre des Solidarités et de la Santé qui multiplie les déplacements caniculaires dans les lointains déserts.

Pendant ce temps là les médias batifolent, régalent les foules, aidés en par les appétits des ministres intègres  (image hugolienne 1). « Presque entièrement blanchi par les conclusions de deux enquêtes portant sur l’affaire qui porte son nom le ministre démissionnaire entend désormais prendre sa revanche sur ceux qui ont provoqué sa chute, rapporte Le Figaro.  Invité au 20H de France 2, l’écologiste a fustigé le «journalisme de diffamation», soutenant: ‘’Il n’y aurait jamais dû y avoir d’affaire Rugy. Et aujourd’hui, en revanche, c’est sûr, il y aura une affaire Mediapart’’. » Et François Goullet de Rugy d’affirmer, une nouvelle fois, devant une France en nage, qu’il ne goûte ni les homards de Bretagne ni le caviar de Sologne.

Mais, insiste le vieux Figaro  tous les membres du gouvernement ne semblent pas d’accord avec leur ancien collègue. 

C’est tout particulièrement le cas de la médiatiquement omniprésente Marlène Schiappa. Au micro de RTL, après sa sortie diabolique sur la GPA ; la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes et de la lutte contre les discrimination s’est désolidarisée (euphémisme) de l’ex-ministre. «Je comprends très bien que François de Rugy se sente harcelé et dénonce, de son point de vue, une tentative de démolition, a-t-elle distillé. Mais je pense qu’il faut prendre de la hauteur, et prendre le point de vue du journaliste d’enquête qui fait son travail. Je crois qu’on ne peut pas plaider pour la transparence d’un côté et fustiger cette transparence de l’autre. ».

Poursuivant sur la question de la transparence, la secrétaire d’État auprès du Premier ministre a regretté que la vie des membres du gouvernement «fasse l’objet de beaucoup de mythes». Et Marlène Schiappa, nouveau Ruy Blas :

 «La vérité, c’est que lorsque nous faisons un dîner de travail, le soir, nous buvons des carafes d’eau et mangeons des nouilles chinoises instantanées, qui coûtent 1,73€ en supermarché. Dans mon appartement de fonction, j’ai un portant à vêtement Ikea à 9€, que j’ai payé moi-même».

Dans l’attente de connaître le prix des vêtements du portant, le géant suédois appréciera. Quant à Marlène Schiappa elle ne porte «aucun jugement» sur les travaux réalisés par le ministre François Goullet de Rugy quand il était locataire à titre gracieux d’un des palais de la République/ Elle conclut : «Il ne faut pas s’imaginer qu’on a un compte ouvert avec lequel on peut réaliser toutes les dépenses qu’on souhaite réaliser». Qui, à dire vrai, aurait pu imaginer une telle générosité ?

A demain @jynau

1 RUY BLASsurvenant. 
Bon appétit, messieurs !

Tous se retournent. Silence de surprise et d’inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face.

                    Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !
Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
– Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et sa grandeur,
Tout s’en va. – nous avons, depuis Philippe Quatre,
Perdu le Portugal, le Brésil, sans combattre ;
En Alsace Brisach, Steinfort en Luxembourg ;
Et toute la Comté jusqu’au dernier faubourg ;
Le Roussillon, Ormuz, Goa, cinq mille lieues
De côte, et Fernambouc, et les montagnes bleues !
Mais voyez. – du ponant jusques à l’orient,
L’Europe, qui vous hait, vous regarde en riant.
Comme si votre roi n’était plus qu’un fantôme,
La Hollande et l’Anglais partagent ce royaume ;
Rome vous trompe ; il faut ne risquer qu’à demi
Une armée en Piémont, quoique pays ami ;
La Savoie et son duc sont pleins de précipices.
La France pour vous prendre attend des jours propices.
L’Autriche aussi vous guette. Et l’infant bavarois
Se meurt, vous le savez. – quant à vos vice-rois,
Médina, fou d’amour, emplit Naples d’esclandres,
Vaudémont vend Milan, Leganez perd les Flandres.
Quel remède à cela ? – l’État est indigent,
L’état est épuisé de troupes et d’argent ;
Nous avons sur la mer, où Dieu met ses colères,
Perdu trois cents vaisseaux, sans compter les galères.
Et vous osez ! … – messieurs, en vingt ans, songez-y,
Le peuple, – j’en ai fait le compte, et c’est ainsi ! –
Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
Le peuple misérable, et qu’on pressure encor,
A sué quatre cent trente millions d’or ! (…)

Greta Thunberg ou la grande peur d’Asperger, par Laurent Alexandre et Pascal Bruckner

Bonjour

Ainsi donc, prises dans les phares médiatiques Greta Thunberg, 16 ans. Phares médiatiques planétaires et lunettes politiques françaises. Et polémique à tout-va puisque l’adolescente entrera dans quelques heures au sein de notre Assemblée nationale. par les 162 députés membres du collectif « transpartisan » pour le climat « Accélérons ».

Une adolescente descendue de Suède, parée de toutes les vertus et de tous les péchés, entre icône et sorcière. Une Jeanne d’Arc pour temps de grands effondrements.

C’est là un phénomène peu banal dont l’une des caractéristiques principale est de montrer le syndrome d’Asperger mis en scène et monter sur les estrades. De ce point de vue il nous faudra désormais compter avec ces invraisemblables lignes glanées dans le flots des tweets et signées @dr_l_alexandre :

« Je ne suis pas jaloux de @GretaThunberg. J’aimerais pas (sic) avoir des TOC graves, une dépression infantile, un mutisme sélectif, un Asperger avec monoideation et des troubles alimentaires graves me conduisant à être minuscule! Je respecte l’enfant malade mais regrette sa manipulation »

Une fraction de la Toile s’indigna. Réponse du Dr Laurent Alexandre :

« Je rappelle que ce sont les parents de @GretaThunberg qui ont révélé son dossier psychiatrique (pas moi). Et je pense que cela devrait être un délit de révéler le dossier médical de son enfant mineur ! Je trouve cela dégueulasse ! Signalez les parents de @GretaThunberg ».

Et dans le flot des indignations hurlées sur la Toile, ce rappel d’un papier de Slate.fr signé de Claude Askolovitch et publié en avril dernier : « Mais pourquoi Pascal Bruckner déteste-t-il Greta Thunberg ? ». L’auteur y disséquait un papier du Figaro : « Greta Thunberg ou la dangereuse propagande de l’infantilisme climatique » – papier dans lequel le philosophe, romancier et essayiste français, 70 ans, cite Platon et « la très jeune Suédoise Greta Thunberg ». Extraits :

«  L’égérie de la contestation, la très jeune Suédoise Greta Thunberg, est loin de lever l’ambiguïté. Outre qu’elle affiche son Asperger comme un titre de noblesse, son visage terriblement angoissant semble dire: si vous ne le faites pas pour la planète, faites-le au moins pour moi. Apprendre par la presse qu’elle a cessé il y a quatre ans de parler, de manger, de jouer du piano par souci du climat et qu’elle n’est allée mieux que quand ses parents ont décidé de ne plus prendre l’avion et de manger vegan jette de sérieux doutes sur ses motivations. Elle a été reçue par Christine Lagarde et Emmanuel Macron, est pressentie pour le prix Nobel de la paix.

« Sa notoriété est symptomatique du caractère délirant que peut prendre la nécessaire mobilisation pour le climat. Comment ne pas songer à l’enfant star Jordy qui, en 1992, à l’âge de 4 ans, devient célèbre grâce à une chanson, Dur dur d’être bébé!, vendit près de 6 millions de disques et, bouleversé par ce succès planétaire précoce, finit par se fâcher avec ses parents et sa maison de disques, accusés de l’avoir exploité? ‘’Dur, dur d’être une ado qui porte toute la misère du monde! ‘’ pourrait chanter Greta Thunberg. On a très envie de l’aider: mais prendre le globe en otage pour une thérapie familiale donne le sentiment d’une duperie. »

Claude Askolovitch :

« Pour le philosophe Bruckner, la vilenie est ici, retient contre l’adolescente son handicap comme son apparence: ‘’Outre son Asperger qu’elle affiche comme un titre de noblesse, son visage terriblement angoissant semble nous dire, si vous ne le faites pas pour la planète, faites-le au moins pour moi.’’ Soupèse-t-on la vindicte? La bouille ronde d’une adolescente, que l’humanité tourmente, angoisse Monsieur Bruckner. L’autisme que ne masque pas une jeune fille sans filtre, l’autisme qu’elle tente de nous faire comprendre, lui semble une arrogance, un empiétement indu. Elle l’embête, la bougresse, avec sa différence! Ne pourrait-on pas, enfin, laisser penser en paix les adultes et sain·es d’esprit?

Saisit-on cette méchanceté? Il ne s’agit plus seulement de fustiger un emballement médiatique et politique, de regretter –fut-ce avec véhémence– l’embrigadement de la jeunesse, «nos bambins», dans les luttes des adultes. Le philosophe, ici, chasse une intruse, et il la chasse pour ce qu’elle est. Jeune et handicapée, Greta Thunberg est d’autant plus détestable –un peu sorcière, perverse et laide, angoissante. On parle ainsi d’une fille de 16 ans. »

Et le journaliste de citer alors un autre papier, sur le même sujet publié peu auparavant également dans Le Figaro et signé du Dr Laurent Alexandre 1. Extraits :

« Le comité Nobel de la Paix envisagerait de décerner son prix à l’idole des jeunes, Greta Thunberg, qui est effectivement la réussite marketing de la décennie. Mais, pour qui roule-t-elle ?

« Il est déjà paradoxal que Greta Thunberg symbolise un engagement messianique planétaire, alors que son visage n’affiche jamais la moindre empathie. Cette enfant est d’autant manipulable que ses parents ont rendu public son handicap (ce qui est irresponsable de leur part): en tant que médecin, je pense que révéler l’état neuropsychiatrique de ses enfants mineurs aux médias devrait être un délit! On sait depuis la description du syndrome par Hans Asperger 2 en 1941, que les enfants Asperger sont parfois géniaux mais toujours fragiles ; les instrumentaliser est une faute morale. Mais surtout, Greta Thunberg roule pour l’extrême gauche anticapitaliste (…) 

Suivre Greta Thunberg aggraverait le réchauffement climatique, augmenterait le gâchis d’argent public, entraînerait une dictature verte régressive et nous mettrait à la merci de la Chine et la Russie. Tous les démocrates libéraux, tous les héritiers de Raymond Aron doivent combattre les utopies mortifères qu’elle véhicule. »

Avoir raison avec Greta ou tort avec Aron ?  Claude Askolovitch, pour finir :

« Pascal Bruckner se dégoûte de l’autisme de Greta, qu’elle a l’impudeur de ne pas renier. Il ignore encore, curieux littérateur, que prophètes et prophétesses ne se revendiquaient pas de la normalité. Il ignore encore, cœur asséché, ce que disent les yeux fous et l’âme brûlante d’une Cassandre, et les mondes cachés que la banalité nous empêche de saisir. Il ignore, Bruckner, d’autres Asperger célèbres qui, étranges parfois aux autres êtres humains, ressentaient des vérités supérieures.

« Il ignore une femme rare, à laquelle la jeune Greta me fait penser, du nom de Temple Grandin, autiste Asperger qui raconta son histoire de l’intérieur et qui –entre autres exploits surhumains– conçut des abattoirs aussi doux et efficaces que possible, pour épargner ces animaux que nous allions manger. Autiste, elle avait ressenti la souffrance, la peur et la solitude devant la mort des animaux, ces non-humains, nos semblables.

« Greta Thunberg, elle, ressent la Terre. Elle n’a besoin pour cela ni de gourou ni de complot: elle se contente d’entendre des évidences. Elle fut aussi écolière, lycéenne, cela me revient, malheureuse dans un établissement bourgeois, normal, où elle était moquée et s’épanouit dans un quartier de pauvres, d’immigré·es, d’étrangèr·es, souvent fidèles à l’islam, cette rude foi dont Pascal Bruckner doit bien se méfier. Plût au ciel que notre philosophe, satisfait et grisé de ses mots et de sa cour, fut un peu autiste, un peu Asperger et même enfant, qui sait, et réapprenne à aimer ce qu’il ne comprend pas. »

A demain @jynau

1 Ce dernier y était présenté ainsi : « Laurent Alexandre est chirurgien-urologue, diplômé de Sciences Po, HEC et l’ENA, et cofondateur du site Web Doctissimo. Il est l’auteur de plusieurs essais. Son dernier ouvrage, qui vient de paraître, est « L’IA va-t-elle aussi tuer la démocratie ? « coécrit avec Jean-François Copé (JC Lattès, 2019) ».

2 Sur ce thème : « Les enfants d’Asperger Le dossier noir des origines de l’autisme » Edith SchefferPréface : Josef Schovanec, traduction (anglais) : Tilman Chazal. Sans oublier l’ouvrage dérangeant de Hugo Horiot, comédien, écrivain et autiste consacré à l’intelligence des autistes : « Autisme: j’accuse ! » (Editions de l’Iconoclaste). «

Vincent Lambert : dans l’attente de sa mort, inéluctable, ses parents rendent les armes

Bonjour

Lundi 8 juillet 2019. Cela fera l’ouverture du journal de France Inter. Hier les parents de Vincent Lambert déposaient plainte au commissariat de Reims contre le docteur Vincent Sanchez, du Centre Hospitalier Universitaire de Reims, pour «tentative d’homicide volontaire». Aujourd’hui ils abandonnent la partie.

«Cette fois, c’est terminé. Nos avocats ont multiplié ces derniers jours encore les recours et mené d’ultimes actions pour faire respecter le recours suspensif devant l’ONU qui bénéficiait à Vincent. En vain», écrivent dans un courrier transmis à la presse Viviane et Pierre Lambert – ainsi que la sœur de Vincent, Anne Lambert, et son demi-frère David Philippon. L’ultime plainte n’est certes pas retirée mais «la situation de santé» de Vincent Lambert a évolué, indique l’un des avocats au Figaro. «Des complications résultent de sa sédation, affirme Me Paillot. Dès lors, remettre en route l’alimentation et l’hydratation amènerait Vincent à se retrouver dans une situation d’obstination déraisonnable».

«Un recours n’aurait plus de sens au regard des dispositions de la loi Leonetti», poursuit l’avocat – qui estime toutefois que Vincent Lambert «meurt aujourd’hui d’une application de la loi Leonetti qui ne lui était pas destinée.» La plainte pénale déposée «était destinée à appeler une dernière fois au secours : vendredi, Vincent était encore susceptible d’être sauvé». «Un jour, on fera les comptes. Mais aujourd’hui est venu le temps du recueillement. Ses parents accompagnent Vincent dans ses derniers moments», insiste le conseil de Pierre et Viviane Lambert, qui appelle à la «dignité» et à la hauteur de vue.»

Prières et pensées

Les médias rappellent à l’unisson que Vincent Lambert est hospitalisé au CHU de Reims après un accident de la circulation survenu en 2008. Que l’ultime décision a été rendue possible le 28 juin par la Cour de cassation. Et que le protocole terminal prévoit notamment l’arrêt de l’hydratation et de la nutrition du patient ainsi qu’une «sédation profonde et continue». Les parents dont les médias rappellent sans cesse que ce sont de « fervents catholiques » :

«La mort de Vincent est désormais inéluctable. Elle lui a été imposée à lui comme à nous. Si nous ne l’acceptons pas, nous ne pouvons que nous résigner dans la douleur, l’incompréhension, mais aussi dans l’espérance. Nous voulions tous vous remercier de votre amitié, de votre amour, de votre soutien, de vos prières pendant toutes ces années. Il n’y a plus rien à faire sinon prier et accompagner notre cher Vincent, dans la dignité et le recueillement. Vous êtes avec nous tous par la pensée et la prière auprès de Vincent».

Face à eux, dans une tragédie jusqu’ici sans fin : l’épouse de Vincent, Rachel, ainsi que six de ses frères et sœurs et son neveu François. Ils plaident depuis des années dans les émdias contre tout «acharnement thérapeutique» et pour laisser mourir cet homme devenu « le symbole du débat sur la fin de vie en France ». Dimanche, le père de Vincent Lambert avait dénoncé, en arrivant au CHU, «l’assassinat» en cours de son fils. Le collectif «Je soutiens Vincent», également opposé à l’arrêt de l’alimentation, a annoncé à l’AFP l’annulation du rassemblement prévu lundi après-midi. Les avocats des parents Lambert avaient déclaré un peu plus tôt à l’AFP qu’ils n’y participeraient finalement pas.

Dans quelques heures, dans quelques jours, le CHU de Reims nous apprendra la mort de Vincent Lambert. On en parlera au journal de France Inter. Chronologie. Derniers commentaires. Premières analyses. Fin du règlement des comptes. Début de l’apaisement. Et peut-être découvrirons-nous alors, plus tard,  que « l’affaire Vincent Lambert » nous aura, collectivement, aidé à progresser dans notre regard sur la mort.

A demain @jynau   

Cannabis légal et «PMA pour toutes» : le Rassemblement national lève son voile sociétal

Bonjour

« Sociétal » : « Qui se rapporte aux divers aspects de la vie sociale des individus, en ce qu’ils constituent une société organisée ». Le très jeune eurodéputé (Rassemblement national, France) Jordan Bardella a exprimé ce vendredi 21 juin son opposition à la légalisation du cannabis. Sur RTL il a calmement expliqué que cela enverrait « un signal dramatique en termes de banalisation de la consommation» de drogue. Cette personnalité politique montante s’exprimait au lendemain de la publication d’une note par des économistes chargés de conseiller le Premier ministre et prônant cette légalisation. Jordan Bardella, 23 ans, a étrillé cette «vieille relique soixante-huitarde».

«C’est une drogue qui a des conséquences dramatiques sur la santé publique, la santé des enfants», a(-t-il doctement expliqué. «Légaliser le cannabis c’est envoyer un signal dramatique en termes de banalisation de la consommation de ce genre de produits», a-t-il poursuivi. «Au RN, »nous y sommes opposés. Affirmant n’avoir jamais consommé de cannabis ni de tabac car il a «la santé saine», Jordan Bardella a rappelé avoir «grandi en Seine-Saint-Denis» où il a «vu le trafic» dans certains quartiers. «Il faut surtout renforcer la prévention et expliquer dès le plus jeune âge que ces drogues sont nocives», a mis en avant le deuxième vice-président du RN. «Il faut mettre tous les moyens pour éradiquer le trafic de drogue qui mine les territoires», a-t-il insisté. Pour l’heure ni le Premier ministre ni le président de la République n’ont osé prendre la parole sur le sujet.

Construction psychologique de l’enfant

Dans le même temps la cheffe du RN sort de sa traditionnelle réserve sur les sujets sociétaux pour mieux embrasser l’électorat conservateur. « La prise de position n’a rien d’inédit. Elle a pourtant eu l’effet d’une détonation au sein du parti à la flamme, résume Le Figaro (Charles Sapin). Invitée mercredi 19 juin de Ruth Elkrief sur le plateau de BFM TV, Marine Le Pen a été amenée à se positionner sur l’ouverture de PMA aux couples de femmes. «Nous sommes contre, a rétorqué (sans ciller) la cheffe du RN. J’entends beaucoup parler d’envie. Moi ce qui m’intéresse, c’est l’intérêt de l’enfant. Or pour l’instant, et j’aimerais que cela reste comme cela, un enfant a un père et une mère. Il faut que cette filiation soit reconnue […] Tout ce qui contribue à dissimuler cette vérité biologique, qui est utile pour la construction psychologique de l’enfant, je suis contre.»

« Une prise de position, plus ferme qu’à l’accoutumée, contrastant avec le peu d’appétence prêté à la patronne du RN pour les sujets sociétaux, observe Le Figaro. ‘’Marine Le Pen a toujours considéré que ce sont des sujets de guerre civile. Elle a suffisamment été jugée par les cathos moralistes pour en devenir une elle-même’’, confiait un membre de son entourage lors des Etats généraux de la bioéthique en 2018.  Un constat vérifié au moment des mobilisations contre le ‘’Mariage pour tous’’ lors du dernier quinquennat. »

Sur ce sujet Emmanuel Macron postule désormais que les débats  seront apaisés.

A demain  @jynau

De l’ivresse et de l’addiction alcoolique : de Gustave Flaubert à William Lowenstein

Bonjour

Comment faire, au mieux, avec l’ambivalence alcoolique ?  Dans Le Figaro (Aude Rambaud) le Dr William Lowenstein, président de SOS addictions traite, avec l’aisance qu’on lui connaît, de la maladie alcoolique dans ses dimensions médicales et politiques. Que retenir ? Tout d’abord que l’alcoolisme n’est pas une fatalité française. Certes, explique-t-il, du fait de sa production de vin notre pays a un lien historique et culturel avec l’alcool et ne peut pas le considérer comme une « drogue ».

« Résultat, les pouvoirs publics encouragent encore son usage et en tolèrent l’abus. Mais nous ne sommes pas une exception. Tous les pays producteurs ont le même problème: l’Allemagne ou l’Australie avec la bière, le Royaume-Uni avec le whisky, la Russie avec la vodka. D’où le résultat: une population qui ne prend pas suffisamment au sérieux les méfaits de l’alcool et des centaines de milliers de vies ruinées. »

La réalité ambivalente est qu’entre 10 et 15 % des adultes présentent une « consommation à risque » ou un « problème avec l’alcool ». Mais dans l’imaginaire collectif, ces personnes sont « faibles », n’ont « pas su se contrôler », se sont « laissées aller ». Loin de les considérer come des malaeds de l’alcool on peut soutenir qu’elles n’ont tout simplement pas observé les messages de prévention en faveur d’une consommation modérée : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Aconsommer avec modération ». Comment un alcoolique pourrait-il soutenir qu’il n’était pas prévenu ? Dr Lowenstein :

« Quelle hypocrisie que ces messages! Allez, bonnes gens, consommez avec modération, mais consommez. Cela revient, de la part des autorités sanitaires, à se dédouaner des abus. A la place, il faudrait des slogans sur les ravages de l’alcool ; le nombre de cancers par an, de femmes dépendantes, de morts, de familles brisées, car c’est cela la réalité. Mais non, on préfère pacifier, sous-estimer les risques réels de cette vraie drogue. Les gens ne réalisent pas la gravité de la dépendance à l’alcool: ce chaos, cette survie douloureuse au quotidien. Je le dis, cette addiction est l’une des plus sévères qui soient avec les addictions aux amphétamines ou à la cocaïne. »

« Cette maladie entraîne une perte totale de contrôle vis-à-vis des autres. Aucune autre drogue, sauf la cocaïne, n’est aussi désinhibitrice, déstabilisatrice, entraînant paranoïa et violence, au point de terrifier sa propre famille. Et puis elle tue, par cancer, par maladie cardio-vasculaire ; par overdose, c’est le coma éthylique. En outre, la dépendance est terrible, plus forte que celle à l’héroïne. On se réveille la nuit pour boire, et un sevrage trop brutal entraîne des souffrances neuronales, des délires, des crises d’épilepsie qui peuvent être fatales. Enfin, la rémission est très difficile car le quotidien est envahi par l’alcool, contrairement aux autres drogues dures difficiles d’accès ».

Tragique ambivalence du politique

De même que le diable dans les détails l’ambivalence niche aussi dans la thérapeutique.

« Pendant des années, le problème de l’alcool était celui des psychanalystes, on recherchait ce qui n’avait pas tourné rond dans l’enfance, on faisait le point sur des souvenirs douloureux. Il fallait à tout prix trouver une explication, et la seule solution était l’abstinence. C’était au patient de se guérir lui-même, une question de volonté. Heureusement, les progrès en neurosciences permettent de faire le ménage dans ces vieilles croyances. L’alcoolisme est bien une maladie fonctionnelle liée à des perturbations neuronales en raison d’une surexposition à l’alcool. Demander à une personne dépendante de faire preuve de volonté revient à demander à une malade d’Alzheimer de faire des efforts de mémoire! »

Et en écho l’ambivalence, tragique, du politique – comme avec le tabac, autre substance addictive majeure dont la consommation nourrit les caisses de l’Etat.

« Ah, si seulement les politiques luttaient contre l’abus d’alcool avec la même efficacité que contre l’insécurité routière… Ce n’est pas seulement 100 à 200 vies par an qu’on sauverait grâce à la limitation de vitesse à 80 km/h, mais des milliers. Je rappelle que l’alcool, c’est plus de 40 000 morts en 2015 en France, dont la moitié liée à la consommation de vin. Seulement voilà, il n’y a ni volonté ni intelligence politique. Par pression des lobbys, par clientélisme, par attachement à leurs origines et au territoire, les parlementaires sont en plein déni et se montrent même cyniques en la matière en défendant ardemment le vin. Quant aux lois votées, elles ne sont pas appliquées. N’importe quel jeune de moins de 18 ans peut se procurer de l’alcool sans avoir à montrer de pièce d’identité. »

Dès lors interdire l’alcool ? Le diaboliser pour en finir avec nos démons ?

« Non, diaboliser l’alcool serait aussi peu intéressant et aussi ridicule que le fait de sous-estimer ses méfaits comme le font les politiques. L’alcool a une fonction initiale bénéfique. Mais sa consommation devrait rester occasionnelle, avec une prise de conscience massive du danger qu’il représente pour la santé et la liberté de chacun. »

Gustave Flaubert ne nous dit, au fond, rien d’autre. Dans sa première « Education sentimentale » (1845) : « C’était bien là le réveil de l’ivresse dans toute sa misère, avec sa chaelur aigre et son délire qui tombe. ».

Puis, un quart de siècle plus tard, à Mlle Leroyer de Chantepie : « La vie n’est supportable qu’avec une ivresse quelconque. » Il lui restait dix ans à vivre.

A demain @jynau

Emmanuel Macron: sa promesse concernant la «PMA pour toutes» sera-t-elle tenue avant Noël?

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4 juin 2019. C’est un serpent de mer politique. Régulièrement évoqué, n’émergeant jamais. François Hollande était officiellement pour – mais personnellement contre. Emmanuel Macron en a fait l’une de ses « promesses de campagne » – à condition que le débat soit mené dans une France « apaisée ». Et depuis deux ans force est de constater que l’on attend l’apaisement.

« PMA pour toutes » : on sait qu’il s’agit d’un bouleversement radical, la transformation d’une pratique thérapeutique (contre la stérilité ou l’hypofertilité) en une réponse à une demande : celle exprimée par une femme fertile,  homosexuelle ou vivant seule. De nombreuses questions pratiques restent sans réponse – à commencer par le remboursement de ces actes médicaux par la collectivité et la menace d’une pénurie de sperme de donneurs. Pour autant il est acquis qu’une majorité des députés de la majorité macronienne votera la promesse présidentielle. Reste à savoir quand.

Or en dépit des assurances données ces derniers mois par le pouvoir exécutif rien n’est encore acquis quant à l’examen du projet de révision de la loi de bioéthique par le Parlement. Symptôme qui ne trompe pas quant à l’effervescence accordé au Figaro (Mathilde Siraud) par Stanislas Guerini, 37 ans, délégué général de LREM.

« Enfin, je plaide pour que le projet d’ouverture de la PMA à toutes les femmes soit étudié avant la fin de l’année au Parlement ».

Ce qui, au mieux, renvoie la promulgation de la loi à l’année 2020. Invité à s’expliquer ce matin sur RTL (Elizabeth Martichoux), le délégué général du parti macroniste a déclaré, en substance, que pour de nombreuses femmes en attente de cette ouverture il y avait grande urgence, désormais, à ne plus tarder 1. Dans le même temps M. Guerini, député de Paris, ne cache pas qu’il a mille et une autres priorités : la transformation du modèle social, la lutte contre la fracture territoriale et la transition écologique. LREM sera exigeant sur le conseil de participation citoyenne  « Il ne faudra pas, dit-il, jouer petit bras. J’en serai le garant et la vigie. » Une vision politique qui n’est pas sans surréalisme.

A demain

@jynau 

1 Interrogée quelques minutes plus tard sur France Inter (Léa Salamé) Agnès Buzyn n’a pas été en mesure de fournir de précision quant au calendrier parlementaire

Quand Libération et Le Figaro éclairent de manière exemplaire l’affaire Vincent Lambert

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21 mai 2019. Il y a la solennité tragique du sujet. L’émotion nationale et internationale (« Vincent Lambert: Life support must resume after court reverses ruling », BBC) qu’elle suscite. Les rebondissements spectaculaire dont elle est l’objet. L’affaire Vincent Lambert a pour effet de conduire les médias généralistes à dépasser les propos attendus, à élargir leurs colonnes. C’est le cas aujourd’hui de Libération et du Figaro.

Pour Libé nous venons de citer le remarquable « message aux Français » du Pr  Steven Laureys, spécialiste belge de neurologie, à la tête  Coma Science Group centre pionnier du  CHU de Liège et expert de renommée internationale (on trouvera ici sa biographie résumée). Extrait

« Mon deuxième message est d’inviter chaque citoyen à rédiger un testament de vie ou des directives anticipées, ou à choisir une personne qui saura dire votre souhait si vous n’êtes plus en état de l’exprimer. C’est essentiel que la personne soit entendue et que, par exemple, le choix de Vincent Lambert soit entendu. Mais pourquoi est-il si difficile d’avoir un débat démocratique sur ces sujets ? Les situations ne sont jamais ni toutes noires ni toutes blanches. Avec Vincent, l’histoire s’est tant polarisée qu’elle est devenue une affaire de lobbys. Et cela des deux côtés. On oublie la complexité, la réalité biologique.

« Il n’y a pas un droit à la vie ou la mort, mais un droit à la qualité de vie. En vingt ans, j’ai fait un cheminement, je ne juge plus. Qui suis-je pour dire le bon choix ? C’est triste que ce débat soit si difficile en France. Vous avez d’excellents hôpitaux, des soins intensifs remarquables, mais il y a des choses qui nous échappent. Là est le défi : avoir un débat serein.»Et en écho, dans Le Figaro un texte également remarquable : « Vincent Lambert, l’otage de nos peurs ». Il est signé de Laurence de Charrette. Extrait

«  Vincent Lambert est la victime de cette grande opération de dénégation qu’a entreprise l’homme moderne, qui croit vaincre la mort en la donnant lui-même, ou bien la nie en chassant les mourants des maisons comme autrefois on éloignait les lépreux dont on craignait la contagion. Il est l’exutoire d’une nouvelle poussée de cet hygiénisme hostile à toutes les formes de faiblesse, vues comme autant d’affronts au progrès et d’obstacles à l’épanouissement. Et, plus profondément, il est l’otage de nos peurs

« Dans cette conception manichéenne du monde amputée de transcendance, les ‘’gentils’’ sont ceux qui nous feraient la politesse de s’en aller proprement, vite fait bien fait, s’il vous plaît – «dignement», nous dit-on. Non parce qu’ils seraient forcément si las de cheminer sur la terre, même lorsqu’il leur faut emprunter des sentiers escarpés, mais bien parce que, nous, nous ne voulons pas voir sur leurs visages et dans leurs corps les signes des maladies ou du temps qui passe et nous attend, quelque part, à notre heure.

« Les ‘’méchants’’, quant à eux, chercheraient à imposer une vie monstrueuse à des êtres déchus pour lesquels l’existence serait une humiliation – à moins que ce ne soit l’inverse, et que ce ne soit eux que l’on juge humiliants pour le monde. Ces rustres seraient pleins de cruauté pour les plus faibles et de ridicule dans leur obstination à chercher la grandeur de l’humanité dans ses blessures. Sans doute Romain Gary, si merveilleux poète des fragilités dont on loue l’entrée dans la ‘’Pléiade’’, devrait-il aujourd’hui être classé du côté obscur de la Force…« Aveuglés par cette sorte de dolorisme masochiste – qu’on attribue aux catholiques notamment -, les ‘’méchants’’, toujours, issus d’une caste désuète et ignorante qui n’aurait pas été suffisamment éclairée par les lumières du progrès, nourriraient un appétit malsain pour la souffrance – surtout chez les autres. Peu importe, aux yeux de leurs accusateurs, que de grands établissements de soins palliatifs, comme l’institut Jeanne-Garnier, où Jean Vanier s’est éteint il a deux semaines, aient été au contraire fondés sous l’impulsion des chrétiens… (…)

« Il ne faut pas s’étonner que cette vision tronquée et cruellement privée de compassion de l’humanité conduise à glisser, un jour ou l’autre, du désir d’«accompagner la fin de vie sans faire obstacle à la mort» (soins palliatifs) à la volonté de provoquer la mort en faisant obstacle, cette fois, à la vie. L’euthanasie, qui est au cœur du débat que soulève l’affaire Vincent Lambert, sorte de raccourci magique qui permettrait de passer de vie à trépas en court-circuitant l’agonie, serait ainsi une assurance contre toutes souffrances, espèrent ses partisans. Ils en font ainsi une ‘’liberté’’ (fondamentale, forcément), se refusant à admettre que, par nature, la liberté ne peut déprendre d’un événement et qu’elle ne se conquiert que par la voie intérieure. »

21 mai 2019. Il n’est pas interdit de lire le plus vieux quotidien de France encore en vie et, en même temps, celui créé par Jean-Paul Sartre. Pas plus qu’il est interdit d’imaginer que le message à nous adressé par le Pr Steven Laureys n’est pas incompatible avec les convictions exprimées par Laurence de Charrette.

A demain

@jynau

Vincent Lambert aujourd’hui en «fin de vie» ? Ceux qui le pensent et ceux qui n’y croient pas

Bonjour

20 mai 2019. Affaire Lambert.  Le Figaro éditorialise quand Le Monde organise le débat. Dans le même temps, à mi-chemin, la Sociét française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) s’adresse à la presse . Extrait de son communiqué :

« La SFAP (…) déplore que la situation personnelle de M. Vincent Lambert fasse l’objet de déclarations catégoriques davantage au service de causes opposées que de sa situation singulière, compliquant ainsi la tâche déjà lourde de l’équipe médicale et le vécu de ses proches. Les adhérents de la SFAP portent des attentes et des convictions diverses. La SFAP rappelle toutefois que :

  1. Les équipes de soins palliatifs sont souvent sollicitées dans des situations très complexes qui mettent en tension la nécessaire attention portée à un individu, à son histoire et à ses choix et la responsabilité de la société qui est de veiller sur les personnes vulnérables. Ces équipes sont là pour accompagner et soulager même quand les questions semblent insolubles et que l’incertitude demeure. La SFAP refuse une société qui décide de la vie et de la mort des personnes, et reste engagée dans le refus de l’obstination déraisonnable. Elle souhaite que tous les patients qui en ont besoin puissent bénéficier de soins palliatifs et que des lieux d’hospitalisation puissent accueillir tous les patients cérébro-lésés qui en ont besoin.
  2. Les juridictions françaises et européennes ont jugé que la procédure collégiale menée a respecté la loi française et la convention européenne des droits de l’Homme. Quatre procédures collégiales ont d’ailleurs été menées par trois médecins différents, consultant la famille et associant des intervenants de diverses spécialités. Elles ont abouti chaque fois à la même conclusion. La SFAP ne se prononce pas sur la décision elle-même mais respecte ces procédures;
  3. Chaque situation est singulière, chaque décision est prise en appréciant les éléments uniques et personnels qui caractérisent l’état de santé d’un patient : comme l’a clairement rappelé le Conseil d’Etat, il ne faut en aucun cas tirer des enseignements généraux de la situation de M. Vincent Lambert sur l’ensemble des patients cérébro-lésés.
  4. Les Français doivent être rassurés sur le fait qu’un arrêt des traitements de maintien en vie ne signifie nullement un arrêt des soins, bien au contraire. Les équipes médicales n’abandonnent jamais leurs patients. Un arrêt des traitements de maintien en vie est suivi d’une intensification des soins  avec une attention particulière portée au confort du patient pour lutter contre la souffrance;
  5. L’état de santé dans lequel se trouve Vincent Lambert est une situation de prolongation artificielle de la vie, résultant de l’action médicale. Comment faire pour éviter de créer artificiellement de telles situations ? L’attention portée à l’obstination déraisonnable depuis une dizaine d’années a permis une baisse notable du nombre de ces cas, mais il convient de rester vigilant;
  6. La situation de M. Vincent Lambert ne révèle aucune insuffisance législative. D’une part, la loi Claeys-Leonetti de 2016 n’est pas seulement une loi sur la fin de vie mais est également une loi sur l’obstination déraisonnable.

D’autre part, la singularité de la situation de M. Vincent Lambert relève surtout de la nécessité de prendre une décision en l’absence de consentement du patient, de directives anticipées et de personne de confiance, et du conflit familial qui en est résulté. Aucune loi, dans aucun pays n’est en mesure d’éviter un tel conflit. »

L’honneur de notre société

Dans le même temps les auteurs d’une tribune publiée dans Le Monde soutiennent que Vincent Lambert n’est pas « en fin de vie » mais « en grave situation de handicap ». Qu’il n’a « aucune assistance externe de fonction d’organe vital (poumons, cœur, reins) ». Qu’il n’est pas capable d’amener les aliments à sa bouche et de les avaler, mais qu’il il les assimile normalement. Qu’il n’est pas mourant, mais « en état de conscience altérée chronique ». « Comme lui, il y a près de 1 700 personnes en France, hospitalisées en unités spécialisées EVC-EPR (état végétatif chronique-état pauci-relationnel) ou, pour certaines, à domicile » écrivent les signataires 1

« La conscience est difficile à analyser. Elle fluctue. Même des équipes expérimentées se trompent dans 30 à 40 % des cas dans son diagnostic. Il s’agit d’un sujet de recherche très actif et un grand champ de progression de la connaissance existe dans ce domaine. Une personne diagnostiquée en état végétatif ou pauci-relationnel (EVC ou EPR) peut être consciente. Une telle erreur peut ainsi influencer les décisions de limitation de soins, surtout si on confond corps paralysé et corps inanimé, personne non communicante avec personne végétative. Les patients en EVC-EPR ont besoin de soins simples : stimulations relationnelles, rééducation, nursing, passage des aliments par une sonde. Ils ne peuvent exprimer leur volonté, et nous ne pouvons donc pas la connaître.

A la demande d’une partie de sa famille, donc sans consensus familial, le Conseil d’Etat a validé, le 24 avril,l’application de la loi Claeys-Leonetti dans « l’affaire Lambert », à savoir la décision d’arrêt des « traitements » prise par l’équipe médicale qui s’occupe de lui aujourd’hui, dirigée par un médecin gériatre spécialisé en soins palliatifs. Ces soins actuels sont différents des soins habituellement prodigués à des patients en EVC-EPR quand ils sont hospitalisés dans une unité ne dépendant pas d’un service de soins palliatifs.

Le premier motif d’arrêt des soins était le respect de sa volonté. Or si elle a été rapportée oralement par quelques membres de la famille, elle est contestée par d’autres. Par ailleurs, cette question de la volonté du patient hors d’état de s’exprimer ne se pose, d’après la loi Claeys-Leonetti, qu’en cas d’obstination déraisonnable, ce qui, de l’avis même des experts judiciaires mandatés en septembre 2018, n’est pas le cas (…)

La seconde justification de cette décision est que la loi Claeys-Leonetti a fait de l’alimentation par sonde un traitement que l’on peut donc arrêter. On peut effectivement envisager l’arrêt si son maintien est déraisonnable du fait d’une espérance de vie très courte ou d’une intolérance. II s’agit là d’éviter l’acharnement thérapeutique en fin de vie. Ce n’est pas le cas de Vincent Lambert. Son handicap et son état médical sont stables depuis des années et devraient être pris en charge comme pour tout autre patient en EVC-EPR.

Quelle société voulons-nous ? Nous signataires, médecins spécialisés dans la prise en charge des personnes handicapées, affirmons que c’est l’honneur de notre société que de continuer à prendre soin des plus vulnérables d’entre nous, fussent-ils en état de conscience altérée. »

C’est une assez bonne question: quelle société voulons-nous ?

A demain

1 Les auteurs sont des médecins spécialisés dans la prise en charge des personnes handicapées.  Liste des signataires de la tribune « Affaire Vincent Lambert : ‘’Laisser mourir, fairemourir ou soigner ?’’ »