Alertes au feu lancées dans les hôpitaux des Assistances publiques de Marseille et de Paris

Bonjour

La canicule s’est enfuie mais le feu couve toujours. C’est un bel exemple du poids d’un travail journalistique dans le champ de l’alerte-préventive. La démonstration qu’un scoop peut, aussi, être bénéfique.

Soit un rapport officiel d’août 2017 dont l’existence vient d’être révélée par  Le Journal du dimanche (Pierre Bafoil et Guylaine Idoux, Anne-Laure Barret). Un document établi par la sous-commission départementale de sécurité des Bouches-du-Rhône dont Le JDD reproduit des extraits. Un document qui dormait dans des tiroirs sécurisés et que l’on s’apprêtait à oublier. Ses auteurs établissent que face au risque d’incendie la situation la plus sérieuse est observée dans l’immeuble de grande hauteur de La Timone, haut de 17 étages.

« Un rire nerveux. C’est la réponse gênée d’un agent du service de sécurité incendie du CHU de la Timone, à Marseille, lorsqu’on lui demande comment faire face à un éventuel sinistre dans les étages de cette tour. « C’est ma plus grande crainte, confie-t‑il. Notre gros souci, c’est de pouvoir évacuer les personnes à cause des fumées. Le système de sécurité présente des défaillances. » En cas de départ de feu, plus de mille personnes pourraient se retrouver piégées dans les locaux vétustes de cet immeuble de grande hauteur. En 2017, la sous-commission de sécurité des Bouches-du-Rhône a émis un avis défavorable à son exploitation. »

Au-delà du cas de l’hôpital marseillais, Le JDD assure qu’une dizaine d’établissements ne respectent pas les normes de sécurité incendie. Et le JDD de préciser que ni la municipalité (représentée à la commission de sécurité et au conseil de surveillance de l’hôpital) ni le directeur de La Timone, ni l’Agence Régionale de Santé (vers laquelle le ministère des Solidarités et de la Santé avait élégamment renvoyé) n’avaient « accepté de répondre »aux questions légitimement posées.

Surtout ne pas inquiéter inutilement !

Contactée par l’Agence France-Presse la direction de l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille), dont dépend La Timone, est convenue dans un communiqué que la mise à niveau d’un hôpital construit au début des années 1970 avec les normes en vigueur aujourd’hui « nécessite des travaux importants », qui seront engagés dans le cadre d’un projet de modernisation immobilière de 315 millions d’euros.

« Alors que le directeur de la Timone, pénalement responsable en cas d’incendie, n’avait pas accepté de répondre à nos sollicitations avant la parution de cet article, la direction de l’AP-HM , dont dépend La Timone, a convenu dans un communiqué publié dimanche après-midi que la mise à niveau d’un hôpital construit au début des années 1970 avec les normes en vigueur aujourd’hui « nécessite des travaux importants », qui seront engagés dans le cadre d’un projet de modernisation immobilière de 315 millions d’euros. »

Ce projet de modernisation, déclaré éligible en janvier 2018, est dans sa phase d’approbation pour mise en œuvre. « Si l’Etat le valide définitivement, il apportera un financement à hauteur de 50 % », précise l’AP-HM, soulignant que le département, la région, la métropole Aix-Marseille-Provence et la ville de Marseille se sont engagés à cofinancer ce plan pour 130 millions d’euros.

« Mais il ne faut pas inquiéter inutilement », a insisté auprès de l’AFP le secrétaire général de l’AP-HM, Pierre Pinzelli. Ce dernier affirme qu’avant ces interventions sur la structure même du bâtiment « toutes les mesures de veille et de sécurité » ont été prises, avec notamment un service de sécurité incendie de huit personnes 24 heures sur 24 et « un système de détection incendie parfaitement opérationnel et aux normes ». Précisant que 2 millions d’euros ont été consacrés aux travaux de mise en sécurité de La Timone entre 2018 et 2019, l’AP-HM souligne notamment la présence de portes coupe-feu automatiques permettant de cloisonner chaque étage de façon étanche, ainsi que de moyens de lutte directe contre les flammes disponibles à chaque étage.

Ceci n’a pas empêché le Dr Renaud Muselier, ancien interne des hôpitaux de Marseille, diplômé en médecine du sport et en rééducation fonctionnelle – par ailleurs président LR de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur de dénoncer « une situation d’une extrême gravité ».« Des clarifications sont nécessaires et des décisions doivent être prises » explique-t-il, compte-tenu de ces « graves failles en termes de sécurité ».

Ne jamais en parler à l’extérieur !

Et dans la capitale ? Interrogé sur Franceinfo  François Crémieux, directeur général adjoint de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ne pouvait pa ne pas réagir à l’enquête du JDD :

« Les moyens humains viennent compenser des moyens techniques qui, dans certains bâtiments, sont défaillants. Nous avons toute une série de mesures qui permettent de pallier ces manquements techniques (…). À l’hôpital Bichat, une cinquantaine de pompiers se relaient jour et nuit pour assurer la sécurité du bâtiment, compte tenu du fait que les conditions techniques ne sont pas toutes aux normes. Il y a donc six pompiers, 24h sur 24, qui assurent la sécurité. »

« Pour prendre la mesure du non-respect des normes incendie hospitalières à travers le pays, il faut plonger dans un rapport édifiant publié par la Cour des comptes en 2013, précise encore le JDD. Selon ce document, il y a six ans, 16% des bâtiments des CHU avaient reçu un avis défavorable à la poursuite d’exploitation par la commission de sécurité incendie, soit 213 au total. Parmi les hôpitaux pointés du doigt figuraient la Timone ainsi que les CHU de Nantes, Besançon et Rangueil, à Toulouse.  En 2013, la Cour des comptes relevait également qu’un carton rouge donné par les pompiers n’entraînait presque jamais de fermeture administrative »

Et l’hebdomadaire dominical d’interroger : après l’incendie de Notre-Dame de Paris  faut-il s’inquiéter des « libertés » prises par endroits avec la réglementation ? Rappeler que la responsabilité pénale personnelle des directeurs d’hôpitaux est engagée en cas de sinistre ? « C’est le grand secret des directeurs de grands hôpitaux universitaires comme de petits établissements : l’évolution incessante des normes antifeu suscite une tension permanente, ajoute le JDD. « La complexité du problème de la sécurité incendie est impossible à expliquer au grand public, c’est pour ça qu’on n’en parle jamais à l’extérieur, murmure l’ancien numéro un d’un CHU de province. »

Silence à l’extérieur ? C’est, à l’évidence, une grave erreur.

A demain @jynau

Destruction annoncée des stocks français de sperme et d’ovocytes : polémique en gestation

Bonjour

Ainsi donc le président et le gouvernement ont tranché : oui à un possibilité d’un « accès à ses origines » pour les personnes qui naîtront après conception à partir d’un don de gamètes (sperme ou ovocytes) ou d’un don d’embryons. Le texte du projet de loi prévoit que les enfants nés d’un don après l’entrée en vigueur de la loi (sans doute pas avant 2020 ou 2021) puissent accéder, à leur majorité, à des données non identifiantes (âge, caractéristiques physiques, antécédents médicaux…) du donneur – et peut-être même à son identité si le donneur n’y est pas opposé.

Ou l’on voit poindre, sous couvert de transparence, une nouvelle discrimination : certains citoyen.e.s auront un « accès total » à leur origine et d’autres non.

Mais on oublie généralement qu’il y aura une conséquence collatérale de l’accès « pour tous » à des données « non identifiantes » : il est ainsi prévu de détruire tous les stocks actuels de gamètes donnés sous un total anonymat. Ceci n’ira pas sans faire quelques vagues, sans susciter quelques indignations. Nous y reviendrons.Pour l’heure il faut d’ores et déjà compter avec les propos du Pr Michaël Grynberg (AP-HP) au Journal du Dimanche. « Michaël Grynberg, obstétricien ‘’ La mise en œuvre de la loi sur la PMA va être difficile’’ » (propos recueillis par Anne-Laure Barret) :

« L’idée de faire table rase du passé et d’établir une nouvelle liste qui mettrait tout le monde à égalité en détruisant les paillettes congelées me paraît délirantes alors que les banques de gamètes sont quasi vides.Il n’y a pas de solution optimale quand on change le système d’accès au don, mais la destruction des stocks n’est sûrement pas la bonne. »

Et que dire à celles et ceux qui ont donné une fraction de leurs cellules sexuelles en espérant qu’elle permettraient de transmettre la vie et qui apprendront, bientôt, que l’on allait procéder à une « destruction des stocks » ? Et comment parviendra-t-on à les reconstituer alors que la demande sera plus forte (du fait de la « PMA pour toutes ») et ce à partir de donneurs qui ne seront plus, stricto sensu, anonymes.

« On pourrait autoriser le dédommagement des donneurs mais c’est un tabou dans notre pays » observe le Pr Grynberg, qui semble le regretter. Où l’on pressent, comme prévu, les premier nuages annonciateurs de la commercialisation des éléments du corps humain – nuages que la France avait toujours, jusqu’ici, tenus éloignés hors de ses frontières.

A demain @jynau

Homéopathie et politique : cinq député.e.s vont-ils être exclu.e.s du parti macroniste ?

Bonjour

La foudre va-t-elle s’abattre ? Après leur collègue « anti PMA pour toutes » exclue de leur groupe 1 cinq députés « marcheurs » viennent de franchir la ligne rouge macronienne.. Ils affichent, dans Le Journal du Dimanche, leur opposition à la volonté du Prince exprimée par sa fidèle ministre des Solidarités et de la Santé : dérembourser les granules dites homéopathiques.

Ces cinq rétifs cosigne une tribune avec quarante députés de « divers bords » emmenés par Paul Molac, 57 ans (Morbihan, Libertés et Territoires) riche personnalité culturelle et politique bretonne et française 2. Cinq élus dont la diversité dit tout de la richesse problématique du parti présidentiel. Cinq élus qui ne redoutent pas de prendre des risques politique. Par ordre alphabétique : 

1 Blandine Brocard (Rhône), 37 ans. « Elue depuis 2017. A travaillé comme juriste pour l’association des maires ruraux de France pendant dix ans. En octobre 2017, elle prend part à une conférence de presse avec Laurence Cohen (Parti communiste français) et Michèle Rivasi (Europe Écologie Les Verts) pour réclamer un moratoire avant d’étendre les obligations vaccinales pour les jeunes enfants, comme prévu par le gouvernement. Cette initiative est mise en cause par Richard Ferrand, alors président du groupe macroniste. »  

2 Jean-François Cesarini (Vaucluse), 48 ans. « Enfant et adolescent, il connaît une scolarité mouvementée et sera renvoyé de plusieurs établissements. Plus tard, il obtient un DEA en philosophie. À la suite du décès de son père, il hérite de l’affaire familiale (Cebillord et La Crémaillère). Toutefois, la succession n’est pas simple et sera marquée par plus de dix ans de procès contre sa mère pour faux, usage de faux et détournement d’argent (…)

« Il a contribué à la French Tech Culture, en devenant en 2015 l’un des cofondateurs (de l’incubateur de start up The Bridge (…) Durant le Festival Off d’Avignon de 2018, il se produit presque tous les soirs dans une pièce de théâtre, Demain vite !  Il y interprète le rôle d’un professeur qui donne une conférence sur les mérites du siècle à venir. Il est aussi parolier et a ainsi offert une chanson Taïwanà une délégation venue de ce pays. Il est d’ailleurs le président du groupe d’amitié parlementaire à l’Assemblée nationale entre la France et Taiwan, le groupe d’études à vocation internationale sur les questions liées à l’expansion de l’économie taïwanaise. 

« En octobre 2018, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il mène un groupe de 34 députés LREM qui défendent un amendement visant à rendre plus progressive la hausse de la CSG : celui-ci est adopté en commission des Affaires sociales grâce au renfort de députés de l’opposition et de certains MoDem, contre l’avis du groupe LREM et du rapporteur général du PLFSS, Olivier Véran, ce qui occasionne « un remontage des bretelles » de la part de Gilles Le Gendre, président du groupe LREM. »

3 Yves Daniel (Loire-Atlantique), 65 ans. « Rejoint le Parti socialiste en 2010. Investi par ce parti pour les élgislatives de 2012 il bat le député sortant et devient  membre de la commission des Affaires économiques et de la commission des Affaires européennes. Rejoint La République en marche ! au législatives de 2017 et il est réélu au second tour avec 61,79 % des voix face au candidat des Républicains. »

4 Stéphanie Kerbarh (Seine-Maritime), 43 ans. « Mère de deux enfants. Elle est médiatrice économique dans l’industrie et administratrice de l’association Obsar (« Observatoire des achats responsables »). Lors de l’élection présidentielle elle soutient la candidature d’Emmanuel Macron.  Elle est investie par la La République en marche ! pour être candidate aux législative. Elue  avec 62,94 % face à une candidate du Front national. Siège à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, au sein de la majorité parlementaire. Elle est par ailleurs présidente du groupe d’études RSE – Responsabilité sociale des entreprises et membre du groupe d’études économie verte et économie circulaire. »

5 Benoît Potterie (Pas-de-Calais), 51 ans. « Effectue des études d’audio-prothèse puis s’installe comme opticien à Saint-Omer. Il détient en 2017 huit magasins dans la région des Hauts-de-France. Elu député de la 8e circonscription du Pas-de-Calais avec 56,79 % des voix face à une candicate du Front national au second tour des élections législatives 2017. En août 2018, il cosigne, avec une vingtaine de députés LREM, une tribune qui appelle à « aller plus loin » dans les possibilités d’ouverture dominicale des commerces. »

Les arguments des signataires de cette tribune ne sont en rien originaux.  Selon eux,« l’homéopathie répond à un réel besoin médical. Elle contribue indéniablement à diminuer la consommation médicamenteuse et ainsi à combattre l’antibiorésistance reconnue comme un problème majeur en termes de santé humaine et animale au niveau international. »

« Il est difficile d’accepter l’idée selon laquelle cette pratique, qui a longtemps été reconnue par les autorités et la communauté médicale, exercée pendant plus de deux cents ans par des médecins formés, et inscrite à la pharmacopée française en 1965, puisse soudainement être reléguée au rang de “fake médecine” »  ajoutent-ils.

Où l’on en vient à se demander, après tant d’autres (élus ou pas) s’il est besoin d’espérer pour entreprendre et de réussir pour persévérer.

A demain @jynau

1 Agnès Thill, députée de l’Oise, ex-macroniste  aujourd’hui « non-inscrite » pour cause de dissidence éthique signe également cette tribune

2 Paul MOLAC, Député du Morbihan, Libertés et Territoires, Emmanuelle ANTHOINE, Députée de la Drôme, Les Républicains, Sophie AUCONIE, Députée d’Indre-et-Loire, UDI et Indépendants, Ian BOUCARD, Député du Territoire de Belfort, Les Républicains, Blandine BROCARD, Députée du Rhône, La République en Marche, Xavier BRETON, Député de l’Ain, Les Républicains, Moetai BROTHERSON, Député de Polynésie Française, Gauche Démocrate et Républicaine, Fabrice BRUN, Député de l’Ardèche, Les Républicains, Michel CASTELLANI, Député de Haute-Corse, Libertés et Territoires, Jean-François CESARINI, Député du Vaucluse, La République en Marche, Jean-Michel CLEMENT, Député de la Vienne, Libertés et Territoires, Josiane CORNELOUP, Député de Saône-et-Loire, Les Républicains, Yves DANIEL, Député de Loire-Atlantique, La République en Marche, Olivier DASSAULT, Député de l’Oise, Les Républicains, Béatrice DESCAMPS, Députée du Nord, UDI et Indépendants, Frédérique DUMAS, Députée d’Ile-de-France, Libertés et Territoires, Olivier FALORNI, Député de Charente-Maritime, Libertés et Territoires, Michel FANGET, Député du Puy-de-Dôme, Mouvement Démocrate et apparentés, Yannick FAVENNEC, Député de Mayenne, Libertés et Territoires, Laurent FURST, Député du Bas-Rhin, Les Républicains, Bruno JONCOUR, Député des Côtes d’Armor, Mouvement Démocrate et apparentés, Sandrine JOSSO, Députée de Loire-Atlantique, Libertés et Territoires, Régis JUANICO, Député de la Loire, Socialistes et apparentés, Stéphanie KERBARH, Députée de Seine-Maritime, La République en Marche, François-Michel LAMBERT, Député des Bouches-du-Rhône, Libertés et Territoires, Marc LE FUR, Député des Côtes d’Armor, Les Républicains, Gilles LURTON, Député d’Ille-et-Vilaine, Les Républicains, Josette MANIN, Députée de Martinique, Socialistes et apparentés, Sophie METTE, Députée de la Gironde, Mouvement Démocrate et Apparentés, Bertrand PANCHER, Député de la Meuse, Libertés et Territoires, Eric PAUGET, Député des Alpes Maritimes, Les Républicains, Bernard PERRUT, Député du Rhône, Les Républicains, Maud PETIT, Députée du Val-de-Marne, Mouvement Démocrate et apparentés, Christine PIRES BEAUNE, Députée du Puy-de-Dôme, Socialistes et apparentés, Bérangère POLETTI, Députée des Ardennes, Les Républicains, Benoît POTTERIE, Député du Pas-de-Calais, La République en Marche, Frédéric REISS, Député du Bas-Rhin, Les Républicains, Jean-Luc REITZER, Député du Haut-Rhin, Les Républicains, Mireille ROBERT, Députée de l’Aude, La République en Marche, Eric STRAUMANN, Député du Haut-Rhin, Les Républicains, Agnès THILL, Députée de l’Oise, Non-inscrite, Patrice VERCHERE, Député du Rhône, Les Républicains, Michèle VICTORY, Députée de l’Ardèche, Socialistes et apparentés, Stéphane VIRY, Député des Vosges, Les Républicains, Michel ZUMKELLER, Député du Territoire de Belfort, UDI et Indépendants.

Libération dénonce le « paternalisme » du projet de loi bioéthique, filiation et PMA

Bonjour

Après Le Journal du Dimanche, Libération. Quatre jours après l’hebdomadaire dominical et le « lever de voile » d’Agnès Buzyn, le quotidien de Jean-Paul Sartre (Eric Favereau et Catherine Mallaval) s’est « procuré l’avant projet de loi » qui veut étendre l’accès à la PMA/IAD à « toutes les femmes ». Le texte est toujours en cours d’examen au Conseil d’Etat et devrait être présenté en Conseil des ministres fin juillet.

Surprise : là où le JDD voyait une loi qui allait « révolutionner la famille » l’ex quotidien révolutionnaire ne perçoit qu’une bien maigrelette avancée. Où l’on voit s’éloigner un peu plus – après l’excommunication d’Agnès Thill par les macronistes – le débat « apaisé » voulu par Emmanuel Macron.

« Sérieux, austère, pointilleux, et au final très réglementaire. Lourd de 32 articles, le projet de loi sur la bioéthique,  manque un peu de… vie, commente Libé. Que reste-t-il du rapport du député Jean-Louis Touraine (LREM) destiné à servir de support au projet de loi bioéthique ? Le souffle de décrassage et de levée des interdits n’est plus franchement là. Qu’en est-il même de l’esprit qui se voulait ne pas être ’trop frileux’’, selon les mots de l’auteur du rapport. Voilà un projet certes important et utile, mais il reste d’inspiration très ‘’paternaliste’’.»

Certes « un grand pas va être franchi avec l’ouverture (remboursée) de la PMA/IAD à toutes les femmes, en couple (hétéro ou homo) ou célibataire » mais, ajoute Libé, le détail des articles de cette loi semble surtout obéir à un « désir d’apaisement » souhaité par le président de la République ainsi que par sa ministre des Solidarités et de la Santé… « Tant et tant qu’étrangement, l’Inter-LGBT, qui devait faire de la marche des fiertés prévue ce samedi une fiesta (enfin la PMA pour toutes quand même !), s’apprête à défiler sous le mot d’ordre : ‘’Filiation, PMA : marre des lois a minima !’’. »

Du corps charnel au corps en fabrication

Des sujets de déception, sinon de combat ? Pourquoi continuer à interdire de dépister la trisomie 21 sur les embryons conçus en éprouvette pour de futurs parents souffrant de maladies génétiques ? Pourquoi diable l’Etat se sent-il obligé d’encadrer les « greffes fécales » ?  Pourquoi ce silence pesant sur l’insémination post-mortem ? Quid « des assignations de sexes forcées auxquelles on procède sur les enfants nés intersexes » ? Va-t-on continuer, demande Libé, à les «mutiler», pour reprendre le vocabulaire de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme ? Pourquoi ne pas faciliter l’inscription à l’état civil français des enfants nés de GPA à l’étranger ? Pourquoi, en somme, ne pas plus entrouvrir la porte à une GPA toujours prohibée ?

Les attentes progressistes risquent fort d’être également décues au chapitre (encore en gestation) de « l’accès aux origines » la filiation entre les personnes qui ont eu recours à un don et les enfants ainsi nés. « Nombreux (hétéros ou homos) sont ceux qui craignent une forme de stigmatisation de ces enfants nés de don, prévient Libé. Quant à opter pour un mode d’établissement de la filiation ‘’à part’’ pour les couples de lesbiennes dans une loi destinée à promouvoir l’égalité de toutes face à la PMA, voilà qui tient un peu de l’oxymore. » Et encore :

« A moins qu’il ne s’agisse d’une tactique destinée à apaiser la Manif pour tous, qui sera forcément satisfaite que l’on crée un mode de filiation à part pour les couples de femmes, quitte à faire grincer la communauté LGBT. Cette dernière se demande aussi comment les couples de lesbiennes qui continueront à aller à l’étranger ou fabriqueront un bébé hors cadre médical avec un ami donneur pourront faire établir la filiation avec leur enfant dans ce cadre.

« Plusieurs associations auraient préféré que l’on étende aux homosexuels les règles aujourd’hui applicables aux couples hétérosexuels. Après consentement des deux femmes à une PMA devant notaire (comme c’est le cas pour les couples hétéros), celle qui n’a pas porté l’enfant aurait pu bénéficier d’une présomption de comaternité en cas de mariage ou de la possibilité d’une reconnaissance en dehors du mariage. Ce qui est peu ou prou le système en vigueur au Québec et en Belgique. »

L’honnête homme complétera cette lecture avec un remarquable opuscule :« L’Homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué »signé de Sylviane Agacinski (Gallimard. 48 pages. 3,90 euros). On espère que la maison Gallimard à prévu, avant l’été, une distribution de ce texte de combat, philosophique et politique, aux députés et aux sénateurs.

A demain @jynau 

Addictions : avant même le cannabis légalisé, Emmanuel Macron est attendu sur les opiacés

Bonjour

C’est une tribune dominicale forte autant qu’originale à lire dans le JDD. Elle est signée de quatre-vingt dix médecins et autres soignants spécialisés dans le champ des addictions 1. Ils alertent le président Macron et et le gouvernement Philippe sur un risque addictif encore mal connu du plus grand nombre. Ecoutons-les :

« La crise des opiacés fait rage aux États-Unis : avec 72.000 morts en 2017, les overdoses aux antidouleurs dérivés de l’opium tuent plus que les accidents de la route et les armes à feu réunis. La prise de conscience du corps médical comme des politiques a été tardive, laissant la situation dégénérer en crise majeure de santé publique. La France pourrait à son tour encourir le risque d’une crise sanitaire. Il est urgent d’agir.

« Douze millions de Français utilisent des médicaments opiacés, sans être alertés sur leur potentiel addictif et sur les risques d’overdose. Les hospitalisations pour ce motif ont doublé, les décès triplé. Il existe pourtant un antidote, à base de naloxone, que la personne concernée ou son entourage peuvent administrer ‘facilement’. Mais il est réservé aux acteurs du soin en addictologie, sans diffusion ni information large aux différents acteurs de la santé.

« La priorité est d’en étendre l’accès aux médecins généralistes, de les former et les sensibiliser à son usage. Ces overdoses peuvent, en effet, concerner n’importe quel consommateur d’antidouleurs, prescrits par tout médecin en toute bonne foi. Cantonner l’information sur les opiacés et sur leur antidote aux centres spécialisés est absurde, dangereux et irresponsable.

« Le problème des opiacés est révélateur d’un dysfonctionnement structurel dans la prise en charge des addictions. Il est admis que le médecin généraliste est le point d’entrée dans le soin : il accueille, soigne et oriente, le cas échéant, vers un spécialiste. Or, l’addictologie s’est construite – à son insu – comme une spécialité médicale, en tension avec les parcours de soins classiques, et parfois dans l’oubli de ses dimensions non médicales.

« Les résultats sont éloquents : 52% des généralistes déclarent traiter différemment leurs patients souffrant d’addiction des autres et nous manquons de ponts entre addictologie et médecines du travail ou scolaire, pourtant concernées par ces situations. Le corps médical peut se trouver démuni face à une pathologie courante qui, rappelons-le, ne concerne pas que les marginaux et les exclus.

« Étendre l’accès au naloxone, continuer de décloisonner le monde de l’addictologie et impulser une vaste campagne de prévention au niveau de la menace sanitaire à laquelle nous sommes exposés : voilà trois mesures urgentes et complémentaires à engager pour éviter que ne soient reconduites les erreurs du passé, avec leurs effets dramatiques en matière de santé publique. »

Eviter que ne soient reconduites les erreurs du passé, avec leurs effets dramatiques en matière de santé publique. Voilà une phrse qui devrait siffler au oreilles présidentielles et gouvernementales. Seize ans après 2003 l’effervescence actuelle de l’exécutif vis-à-vis d’une canicule annoncée en témoigne : il peut exister un réactivité politique après une erreur majeure du passé et ses effets dramatiques de santé publique. Pourquoi ce qui a été possible avec une montée de température ne pourrait-il pas être anticipé face à la menace montante des opiacés ?

A demain @jynau

1 Dr Guy Sebbah, Directeur général Groupe SOS Solidarités, Paris Dr William Lowenstein, Interniste et addictologue, Président de SOS Addictions, Paris Pr Amine Benyamina, psychiatre addictologue AP-HP, Villejuif Dr Pierre Polomeni, Psychiatre addictologue, Paris Christian Ben Lakhdar, économiste, Lille Dr Laurent Karila, psychiatre addictologue, Paris Jean- Pierre Couteron, psychologue addictologue, porte-parole de la fédération addiction, Paris Dr Franck Questel, praticien hospitalier addictologue, Paris Dr Nicolas Delos, médecin généraliste CSAPA, Limoux Dr Philippa Bain, médecin coordonnateur, Trèbes  Dr Valérie Garambois, Médecin coordonnateur, Carcassonne Dr Olivier Jenny, médecin addictologue, Grenoble Dr Amille Barrault, médecin addictologue, Créteil Marie Jo Lizée, infirmière addictologue, Lyon Dr Chanaelle Obadia, médecin généraliste, assistante spécialiste Paris Dr Philippe Grunberg, médecin généraliste, Montfermeil Dr Emmanuelle Peyret, psychiatre addictologue, Paris Dr Caroline Le Lan, praticien hospitalier addictologue, Rennes Dr Claire Peloso, pharmacien, Paris Karine Beyer, cadre de santé, Agen Dr René Maarek, pharmacien, Paris Dr Joëlle Benkel, praticien hospitalier, addictologue, Sevran Dr Grégoire Cleirec, médecin addictologue, Paris Mokka Lorberg, psychopraticienne addictologie, Paris Annie Bressler, infirmière addictologue, Montereau Dr Gérard Campagne, médecin addictologue, Bayonne Isabelle Grospelier, infirmière addictologue, Longjumeau Dr Xavier Marcos, médecin addictologue, Gonesse Dr Thierry Saint Marie, psychiatre addictologue, Bicêtre Dr Ramos Anivel, médecin addictologue, Périgueux Dr Anne Marie Simonpoli, praticien hospitalier, Colombes Dr Valérie Bourcier, médecin addictologue, Créteil Sylvie Poinet, infirmière addictologue, Rouen Dr Wajdi Mehtelli, psychiatre addictologue, Paris Dr Laure Spinosi, addictologue, Tourcoing Dr Michel Crouzer, médecin addictologue, Poissy Dr Aymeric Reyre, psychiatre addictologue, Bobigny Dr Jean Pierre Mugard, addictologue, Avignon Dr Sophie Arnaud-Reveneau, médecin addictologue, Lyon David Saint Vincent, directeur. Association la Passerelle, Elbeuf Dr Xavier Aknine, médecin généraliste, Gagny Lilian Babé, Consultant Indépendant en Addictologie, Besançon Dr Mario Blaise, psychiatre addictologue, chef de pole, Centre médical Marmottan, Paris Dr Marie-Alice ROBERT, Médecin addictologue, Nantes Dr Jean-Paul BOYES, Médecin Coordonnateur, RAMIP – Réseau Addictions Midi-Pyrénées, Toulouse Dr DUTECH Michel, médecin, président de la Forms et du RAP 31, Nailloux Dr Lydia, BRISPOT, Médecin généraliste, Colomiers Dr Gérard FONTAN, Médecin généraliste, Toulouse Dr Pascale HEREDIA-RODIER, médecin addictologue, Toulouse Dr Jacques BARSONY, médecin retraité, Toulouse Dr Elodie LALEU, Médecin généraliste addictologue, Toulouse Dr Jacques DIAZ, hépatogatroentérologue, Toulouse Lionel DIENY, Directeur, Association CMSEA, Metz Laurence Emin, Directrice, Association Addiction Méditerranée, Marseille Dr Agnès LAFFORGUE, Médecin généraliste, Toulouse Dr Marie-Josée FERRO COLLADOS, Médecin addictologue, Toulouse Dr Céline MAUROUX Médecin généraliste, Montastruc La Conseillère   Dr Roch PONS, médecin généraliste, Levignac Dr Karima KOUBAA Medecin addictologue, Toulouse Dr Jean Michel OLIVER, Hepatogastroenterologue, Muret Dr Nabil YAJJOU Médecin généraliste, Toulouse Dr Anne Tironneau-Fouqueray    Médecin territorial Conseil départemental Haute Garonne, Toulouse Dr Yves Leglise, CHU Montpellier et Groupe SOS Solidarités, Montpellier Dr Sylvain Guichard, Médecin addictologue, Montpellier Docteur Hélène Donnadieu Rigole : Responsable du Département d’Addictologie, CHU Montpellier Professeur Dominique Larrey, Pôle Digestif – Hépato- Gastro- Entérologie – CHU Montpellier Dr Karine VOIRET, médecin addictologue, Marseille Dr Marine DOS SANTOS, médecin addictologue, Arles Dr André MADRID, médecin généraliste, Marseille Dr Anne CHEVAI, médecin addictologue, Paris Dr Rebecca ROTNEMER, médecin addictologue, Paris Dr Marie-Pierre PETIT, médecin addictologue, Avignon Dr Jean NOUCHI, médecin addictologue, Nice Dr Christian ADDA, médecin addictologue, Limoux Dr David ESSERPE, médecin addictologue, Marseille Dr Stéphane PLAT, médecin addictologue, Nîmes Dr Alexia DEGRANDSART, médecin addictologue, Les Andelys Dr Anne-Gaëlle DRAPIER, médecin addictologue, Paris Dr Christine ETCHEPARE, médecin addictologue, Paris Dr Pascale ROLLAND, médecin addictologue, Paris Dr Linda BELARBI-MERINE, médecin addictologue, Paris Dr Samia CHENA, médecin addictologue, Paris Dr Christophe LAMBERT, médecin addictologue, Nice Dr Dominique LEONARDI, médecin addictologue, Nice Dr Jean-Paul BELMONDO, médecin addictologue, Marseille Dr Dominique DUFEZ, médecin, Avignon Dr Marta COLLE, médecin addictologue, Saint Denis  Dr Pascale SANTANA, médecin addictologue, Saint Denis Dr Philippe Grunberg, médecin généraliste, Gagny Dr Aram KAVCIYAN, Psychiatre, Praticien Hospitalier, Chef du service addictologie du CH de Montfavet

«Révolution dans la filiation» : Agnès Buzyn lève le voile gouvernemental dans le JDD

Bonjour

23 juin 2019. Ainsi donc c’est le Journal du Dimanche (Anne-Laure Barret, Emmanuelle Souffi, Hervé Gattegno). Outre un entretien ministériel, il aura eu l’exclusivité. On y trouvera l’essentiel de l’avant-projet de loi de révision de la loi de bioéthique – qui ne sera présenté en conseil des ministres que dans un mois. Un texte actuellement examiné par le Conseil d’Etat.

« PMA, Filiation, Embryons : La loi qui va révolutionner la famille » titre le quotidien dominical. Ce qui est sans doute un tout petit peu excessif. Qu’apprendra-t-on que nous ne pressentions ? Rien, ou presque. A commencer par le remboursement de l’insémination artificielle avec sperme de donneur pour les femmes vivant seules ou avec une autre femme.

On retiendra aussi la possibilité plus ou moins offerte à certains enfants d’avoir accès à leurs origines : Agnès Buzyn. affirme souhaiter « lever le voile sur l’origine de la filiation » pour les enfants nés grâce à un donneur, afin qu’ils accèdent à des informations sur celui-ci à leur majorité.  « Il faut établir une filiation qui a la même portée et les mêmes effets que la filiation biologique ou adoptive sans bouleverser le droit de la filiation actuel. Elle reposerait sur une reconnaissance de filiation avant la naissance du bébé », explique la ministre, qui se dit favorable à la création d’« un nouveau type de filiation qui concernera aussi les couples hétérosexuels qui ont recours à un don » :

Pour ce qui est des dons de sperme et d’ovocytes, Agnès Buzyn :

 « L’anonymat au moment du don sera préservé, mais il s’agit ensuite de permettre à l’enfant d’avoir accès à son histoire et à l’identité de son donneur quand il aura atteint ses 18 ans. Ça peut être un accès à des informations non identifiantes sur le donneur voire connaître son identité si le donneur y a consenti soit au moment du don, soit au moment où l’adulte en fait la demande. Les modalités de cet accès aux origines sont étudiées par le Conseil d’Etat ».

Anticipant les travers d’une telle mesure, Agnès Buzyn dit ne pas redouter une chute des dons en expliquant que « dans les pays qui ont généralisé cet accès aux origines, les dons ont diminué avant de remonter parce que ce ne sont pas les mêmes personnes qui donnent. » Ce qui ne manquera pas d’être discuté et contesté. « Les jeunes qui demanderont à connaître l’identité de leur donneur ne prendront pas ce dernier pour un parent. Etre parent, ce n’est pas des gamètes, mais de l’amour », affirme encore la ministre des Solidarités et de la Santé  

Quant à l’autorisation pour les femmes de congeler leurs ovocytes (comme c’est possible en Espagne ou en Belgique) la ministre révèle que le gouvernement allait l’autoriser, de façon très encadrée à partir de 30 ou 32 ans. Pourquoi ? « Pour éviter une baisse de la natalité due notamment à l’allongement des études ». Ce qui ne manquera pas de surprendre les principales intéressées.

A demain @jynau

Invisible, la tension monte dans les services d’urgence des hôpitaux de France

Bonjour

Comment parler d’un grève qui ne se voit pas – d’un mouvement qui, pour autant, met potentiellement en péril des vies humaines ? Une protestation montante que le pouvoir exécutif semble minimiser. « La fièvre monte aux urgences » titre aujourd’hui Le Journal du Dimanche (Anne-Laure Barret et Juliette Demey). Mouvement lancé en mars au sein de l’AP-HP. Prochaine étape, trois mois plus tard : manifestation nationale du 6 juin à Paris.

Comme à chaque fois à l’hôpital, le casse-tête de la « visibilité » confronté aux « assignations » des soignants : affichant être en grève, les grévistes travaillent… Innover ? Cela donne une vidéo venue de Valence et pleine d’humanité : « La Colère dans le Cathéter ». Et puis cette « note interne de la Fédération hospitalière de France datée de mai » que le JDD « s’est procurée » et qui dénonce :

« Une pression forte sur les urgentistes pour assurer la continuité et un fort recours à l’intérieur (…) des situations de quasi-rupture de continuité de service public, avec parfois l’obligation de réduire le nombre de praticiens présents et ainsi de dégrader la prise en charge. »

Virginie (infirmière au CHU de Valence) : « Cet hiver, on a manqué de couvertures, de nourriture, d’adrénaline. A 190 passages par jour au lieu de 130, c’est comme à al boucherie : premier arrivé, premier servi. On devient maltraitant. » Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF- alliée à la CGT) :

« Quand un patient qui doit être hospitalisé ne l’est pas dans l’heure, çà se traduit par une surmortalité de 30% pour les cas les plus graves ; ça va craquer cet été. »

A demain

@jynau

Ethique et religion : première excommunication politique à La République en marche

Bonjour

A partir de quand une grande famille doit-elle exclure l’un de ses membres ? La question est aujourd’hui soulevée avec Agnès Thill, sous peu condamnée à l’exil politique. Jadis on eût parlé d’excommunication. Aujourd’hui on saisit la « commission des conflits ». Soit le dernier rebondissement en date d’une « série » avec pitch sur fond de convictions éthiques et de non-dits politiciens : l’affaire Agnès Thill.

Un premier abcès s’était collecté en janvier dernier. C’était à lire dans Le Journal du Dimanche : « Des députés En marche dénoncent les « théories complotistes » de leur collègue Agnès Thill » (Anne-Charlotte Dusseaulx). Nous avions alors déjà rapporté ce qu’il en était des convictions de cette ancienne députée socialiste devenue macroniste et opposée à la « PMA pour toutes » -une opposition radicale qui la conduit à faire d’étranges ellipses sur fond d’écoles coraniques.

Agnès Thill, donc, députée de l’Oise, 54 ans, élevée dans une famille ouvrière chrétienne, ancienne institutrice et que l’on commençait à entendre sur toutes les radios périphériques. Agnès Thill, cible purificatrice d’une vingtaine d’élus La République en marche (LREM) qui portaient, la concernant, le diagnostic soviétique de complotisme – très mauvais pronostic. Plusieurs cadres du parti, dont son patron Stanislas Guerini, 36 ans, ancien de l’Ecole alsacienne  et le chef de file des députés du groupe majoritaire Gilles Le Gendre, 60 ans, ancien du collège Sainte-Croix  avaient alors déjà pris leurs distances avec les propos de leur collègue l’élue, dénonçant des opinions « contraires » aux engagements de leur mouvement politique

Insultes et complotisme

« Si nous connaissons tous l’opposition d’Agnès Thill à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes, et nous respectons ses convictions, bien que nous ne les partagions pas, le débat politique ne doit en aucun cas être nourri d’insultes ni de théories complotistes » écrivaient les vingt députés LREM à leur président. Ils rappelaient à Gilles Legendre qu’Agnès Thill avait déjà fait l’objet d’un avertissement « l’automne dernier » et attendent une « réponse de fermeté ». « Nous ne pouvons tolérer les délires islamophobes, homophobes et paranoïaques d’Agnès Thill » écrivaient-ils encore quand cette dernière appelaient à « débattre sur le fond ». Dans le même temps l’entourage de Gilles Le Gendre faisait savoir à Libération qu’ « exclure Agnès Thill serait la pire des décisions ». « On ne veut pas en faire une martyre ».

Trois mois plus tard le martyre est programmé. « C’est le dérapage de trop pour Agnès Thill, rapporte Le Figaro. Après ses propos polémiques concernant le secrétaire d’État Gabriel Attal, qui ont suscité des réactions indignées chez les marcheurs, le chef de file de La République en marche souhaite sanctionner la députée anti-PMA. Stanislas Guerini, patron de LREM, a indiqué, ce lundi sur France Inter, sa volonté de saisir la commission des conflits pour instruire le cas de la députée, qui avait déjà écopé d’une mise en garde, après ses propos sur le secrétaire d’État Gabriel Attal. »

Mardi 23 avril, un tweet de la parlementaire avait provoqué des réactions indignées chez les marcheurs. Alors que, dans les colonnes de Libération , le secrétaire d’État faisait part de son homosexualité et de son désir d’enfant – tout en  laissant entendre ne pas être opposé à une «GPA éthique», Agnès Thill, sur le réseau social : «Au moins la couleur est annoncée. Bioéthique en juin». La publication a entraîné une pluie de réactions indignées au sein de la majorité.

Richesse du concept orwellien

«Énièmes dérapages d’Agnès Thill», a commenté l’ancien ministre et désormais candidat à la mairie de Paris Mounir Mahjoubi. «Vos propos sont en contradiction avec les valeurs d’inclusion de notre mouvement. Prenez vos responsabilités et quittez notre groupe. Je proposerai à plusieurs de mes collègues de saisir à nouveau le bureau pour demander votre exclusion». Christophe Castaner lui-même, sur Twitter également, s’est empressé de recadrer l’élue. «Les mots qui blessent, les paroles qui ostracisent disqualifient – toujours – leurs auteurs et leurs thèses» a soutenu le ministre de l’Intérieur. Et de conclure: «Chacun de tes tweets t’éloigne de ce que nous sommes, de nous, mais pire, ils t’éloignent des valeurs que tu penses servir».

«Il doit y avoir une liberté de vote et y compris une liberté d’expression  concernant la révision des lois sur la bioéthique qui comprend notamment un volet sur la PMA, a précisé Stanislas Guerini. Mais il doit y avoir aussi des débats apaisés sur ces questions-là et elle ne permet pas ce débat apaisé, donc oui, nous avons une commission des conflits au mouvement la République en marche, je la saisirai à nouveau pour que cette commission sereinement puisse instruire son cas.»

Où l’on perçoit toute la richesse orwellienne du concept d’« apaisement » pour justifier ce qui se situe entre le rejet immunologique et l’excommunication démocratique.

A demain

@jynau

Gilets Jaunes, Grand débat et PMA : un nouveau report de la loi bioéthique va faire polémique

Bonjour

Trop de promesses nuit aux promesses. Pour l’heure rien n’est dit, mais tout le laisse entendre : le projet gouvernemental de révision de la loi de bioéthique ne sera pas examiné comme prévu par le Parlement. Et on attend sous peu les premières dénonciations de ce nouveau retard de l’ouverture de la PMA « à toutes les femmes » 1.

L’affaire était transparente entre les lignes du Journal du Dimanche du 28 avril :  « Philippe refait son calendrier » (David Revault d’Allones).  « Si on veut que les mesures post-Gilets jaunes soient lisibles rapidement pour les Français, il y aura forcément des textes qui sont déjà dans les tuyaux et que l’on devra repousser » prévient Sibeth Ndiaye, nouvelle porte-parole du gouvernement. On peut le dire autrement, comme un ministre (anonyme) à l’hebdomadaire dominical : « Il y a un vrai enjeu d’embouteillage ». Et une nécessité, urgente, d’arbitrage.

La menace avait déjà émergé début mars. « Officiellement, le calendrier est pour l’instant maintenu, expliquait alors France Info. La loi doit être présentée en Conseil des ministres avant l’été puis examinée au Parlement d’ici la fin de l’année. Mais tout dépend du grand débat national et des mesures qu’il s’agira de faire voter. Il risque donc d’y avoir un embouteillage parlementaire. Le calendrier sera arbitré entre le grand débat national qui se termine le 15 mars et les élections européennes, le 26 mai 2019. »

Pas informé d’un « report authentique »

Joint par France Info, le député (LREM, Rhône) Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission d’information sur la révision de la loi de la bioéthique, relativisait, indiquant ne pas avoir été informé d’un « report authentique ». « Je ne pense pas qu’il y ait de report, je n’ai pas été informé d’un report authentique. Marlène Schiappa et Agnès Buzyn m’ont dit qu’il n’y avait pas de report significatif, expliquait-il. Le projet de loi doit être déposé en conseil des ministres en juin prochain avant une analyse à l’Assemblée nationale soit en juillet, soit en septembre. Une ou deux semaines de décalage en fonction de l’encombrement de l’agenda, mais pas de report véritable. »

Initialement prévue au Parlement « avant la fin de l’année 2018 », la révision de loi de bioéthique avait été repoussée une première fois, déjà « en raison de l’encombrement du calendrier parlementaire ».

Marc Fesneau, ministre en charge des Relations avec le Parlement, avait alors fixé « un horizon de douze mois » pour une adoption définitive par les parlementaires. « Ce n’est pas repoussé en tant que tel avait-il précisé sur LCI. On verra en termes de calendrier, mais ce sera fin d’année 2019, deuxième semestre 2019, et si ça déborde, ça déborde ».

29 avril 2019, sur France Inter, Stanislas Guérini, délégué général de LREM a dit que, s’il fallait choisir, il préférerait que la loi sur la « PMA pour toutes » soit moins retardée que celle sur l’audiovisuel. En réitérant une fois encore, comme le président de la République, son souhait principal : que le débat soit, enfin, « apaisé ».

 A demain

@jynau

1 PS:  Edouard Philippe a annoncé, le 29 avril que le projet de loi de révision de la loi de bioéthique (incluant la « PMA pour toutes ») serait examiné en conseil des ministres « durant le mois de juillet ». Rien n’est toutefois dit quant à la date de son examen par le Parlement .

 

Homéopathie déremboursée : accusé de fausseté, Xavier Bertrand persiste et chiffre

Bonjour

Séparer le bon grain de l’ivraie. Ici ou là les médias s’y emploient. Journal du Dimanche, 21 avril 2019. Page 11 « Le Vrai du Faux » (Géraldine Woessner). Sujet : « Le déremboursement de l’homéopathie est une fausse bonne idée et coûterait plus cher ! » vient de nous affirmer, sur Twitter, Xavier Bertrand. L’ancien ministre de la Santé, aujourd’hui à la tête des Hauts-de-France reprend ici ce qu’il déclarait au Monde il y a quatorze ans : « Dérembourser l’homéopathie serait une fausse bonne idée, car, aussitôt, on assisterait à un transfert des prescriptions sur l’allopathie, ce qui, économiquement, coûterait plus cher ».

On observera que Xavier Bertrand ne nous dit pas s’il y « croit ». En revanche il chiffre la « fausse bonne idée » : elle coûterait « 128 millions d’euros ». Une somme « que les Français devront payer de leur poche », affirme-t-il. Ce qui, bien évidemment « amputera leur pouvoir d’achat ».

Dilution/dynamisation

Or Le Journal du Dimanche soutient précisément le contraire ; dénonçant « les données sujettes à caution » qui sous-tendent les affirmation de l’ancien ministre (médicaments moins chers, moindre consommations médicamenteuses des patients suivis par des homéopathes). Et cite une étude de la Caisse nationale d’assurance maladie démontrant qu’en pratique les médicaments homéopathiques ne remplacent pas mais s’ajoutent aux spécialités classiques. Sans parler de la démonstration de l’efficacité, éternellement contestée, des effets autre placebo de la « dilution-dynamisation ».

On peut aussi traiter différemment du sujet : soutenir que la collectivité ne saurait raisonnablement prendre en charge des préparations ne correspondant pas aux standards actuels de la médecine fondée sur les preuves. Et que les préparations homéopathiques garderont leurs effets si elles sont payées par ceux à qui elles ont été prescrites. C’est dire si le sujet est éminemment politique. Et c’est dire tout l’intérêt qu’il faudra accorder à la décision de déremboursement (ou pas) que prendra (avant l’été)  Agnès Buzyn qui occupe aujourd’hui le fauteuil qu’occupa, jadis, Xavier Bertrand.

A demain

@jynau