Harcèlement sexuel: hospitalo-universitaire, condamné il dénonce une «fatwa française»

Bonjour

« Fatwa » ?. La justice appréciera 1. Nous avions rapporté les faits en avril dernier : « Des dizaines de SMS, des propositions appuyées et des cadeaux déposés dans la boîte à lettres de sa victime – une jeune secrétaire du CHU d’Angers –, le Pr Abdel-Rahmene Azzouzi vient de recevoir une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel d’Angers le 14 juin » rapportait alors le correspondant du Monde, Yves Tréca-Durand, dans la cité du Roi René. Trois mois plus tard le tribunal correctionnel de la ville vient de condamner à 15 000 euros d’amende l’ancien chef du service d’urologie du CHU d’Angers – et ce pour des faits de harcèlement sexuel sur une collègue de travail (Le Courrier de l’Ouest, Le Quotidien du Médecin) et le détournement de la finalité du traitement des données de son dossier médical.

Six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende avaient été requis à son encontre à l’issue de son procès le 14 juin dernier. Le tribunal a relaxé le médecin (urologue, spécialiste réputé du cancer de la prostate, ancien élu local) des faits de harcèlement sexuel sur la plus grande partie de la période pour laquelle il était poursuivi (de juin 2015 à août 2017), mais l’a reconnu coupable de ceux commis entre le 2 août 2017 et le 16 mai 2018. Les juges ont aussi estimé qu’il avait consulté à dessein le dossier médical de sa collègue secrétaire pour récupérer ses coordonnées.

Outre 15 000 euros d’amende, il devra verser 3 000 euros à la victime au titre du préjudice moral et 2 000 euros pour couvrir ses frais de justice. « Il était important que le principe de l’infraction sexuelle soit reconnu car elle était constituée et c’est ce qu’a vécu ma cliente. Sur la période de la relaxe, je ne partage pas l’appréciation du tribunal », a commenté l’avocate de la victime.

« Proposer à une femme d’aller au Louvre »

« Furieux, Abdel-Rahmène Azzouzi dénonce ’ une fatwa de la justice française, qui ne joue pas son rôle, celui de faire du droit ‘’rapporte Le Monde (Yves Tréca-Durand). Il annonce aussi qu’un appel sera interjeté sans tarder par son avocat, Me Samim Bolaky. Outre le fait qu’il conteste toujours la qualification pénale – ‘’Je ne l’ai jamais touchée et il n’y a jamais eu de message à caractère sexuel. Proposer à une femme d’aller au Louvre, ce n’est pas sexuel !’’ –, le médecin reprend une théorie qu’il avait initialement développée, mais qui n’avait pas été reprise par son avocat lors de l’audience, celle du racisme dont il se dit victime. »

« Il faut être aveugle pour ne pas voir qu’en France la communauté musulmane est prise pour cible. Les gens comme moi, qui ont des origines, n’ont pas les mêmes droits que les autres », dit le médecin. Il ajoute : « la guerre d’Algérie, elle est terminée »et dénonce  « une collusion entre les institutions » en visant la justice, ses collègues du CHU d’Angers et le conseil de l’Ordre des médecins de Maine-et-Loire (qui s’était constitué partie civile).

Le Monde ajoute encore que ce médecin, qui est également connu pour ses prises de position en faveur de l’Islam de France (il a notamment signé des tribunes dans Le Monde des religions), « traîne aussi comme un boulet d’avoir soutenu jadis l’islamologue Tariq Ramadan, avant que celui-ci fasse l’objet de plaintes pour viols et soit incarcéré. »

Le Pr Abdel-Rahmène Azzouzi entend aujourd’hui déposer une nouvelle plainte contre le CHU d’Angers pour protester contre l’inégalité de traitement entre lui et la victime (qui obtenu la protection fonctionnelle de l’hôpital), estimant que son propre dossier a été consulté illégalement par quatre personnes – dont la victime. Le CHU l’a suspendu de la chefferie du service d’urologie dès le mois d’août 2018 – ce qui ne l’empêche nullement de continuer à exercer en tant que praticien hospitalier et professeur des universités.

A demain @jynau

1 « Fatwa »,  فتوى (littéralement « réponse, éclairage ») : avis juridique donné par un spécialiste de la loi islamique sur une question particulière. En règle générale, une fatwa est émise à la demande d’un individu ou d’un juge pour régler un problème sur lequel la jurisprudence islamique n’est pas claire. Une fatwa n’est pas forcément une condamnation. Il s’agit d’un avis religieux pouvant porter sur des domaines variés : les règles fiscales, les pratiques rituelles ou encore l’alimentation.

L’affaire du professeur réputé du CHU d’Angers poursuivi pour des «propositions appuyées»

Bonjour

En d’autres temps le presse régionale catholique aurait tu son nom avant le procès. Aurait ignoré, méprisé, les rumeurs de la ville. #Metoo ou pas, tel n’est plus le cas. L’affaire dépasse déjà la ville d’Angers. « Des dizaines de SMS, des propositions appuyées et des cadeaux déposés dans la boîte à lettres de sa victime – une jeune secrétaire du CHU d’Angers –, le Pr Abdel-Rahmene Azzouzi vient de recevoir une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel d’Angers le 14 juin » rapporte le correspondant du Monde, Yves Tréca-Durand, dans la cité du Roi René.

Ce médecin de réputation internationale (« un des experts internationaux des traitements focaux du cancer de la prostate localisé avec la plus grande expérience dans le domaine de la photothérapie dynamique. Il participe également activement à la mise en place de nouvelles méthodes permettant des biopsies ciblées pour le diagnostic du cancer de la prostate à un stade précoce» précise le CHU de la ville) est par ailleurs un ancien élu municipal d’Angers. Il est poursuivi pour harcèlement sexuel, avec circonstance aggravante : il aurait abusé de l’autorité que lui conférait sa fonction de médecin et de chef de service. Il devra également s’expliquer sur une accusation de détournement de la finalité d’un traitement de données à caractère personnel (en l’occurrence le dossier médical de la victime) – un délit passible selon le code pénal de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

La directrice du CHU d’Angers avait été alertée en juin 2018 par la victime qui réclamait une protection de l’établissement. Le procureur de la République de la ville avait alors ouvert une enquête conduisant rapidement à la garde à vue du médecin. Ce dernier avait reconnu l’envoi « de dizaines de SMS » et de cadeaux (« des chocolats, des bonbons et un DVD du film A bras ouverts » précise Le Monde), mais assuré qu’il n’avait « jamais eu de geste déplacé ni fait d’allusion sexuelle ».

Corticoïdes et abaissement des standards moraux

Mais le Pr Abdel-Rahmene Azzouzi avait aussi invoqué pour sa défense la prise d’un traitement à base de corticoïdes qui aurait altéré son discernement et « abaissé ses standards moraux » (sic). Il avait, par ailleurs, parlé de « cabale » ourdie par des collègues jaloux – allant jusqu’à dénoncer un racisme latent au sein du CHU.

L’affaire s’enrichit et se complique du fait que le Pr Azzouzi s’est déjà fait connaître pour ses prises de position en faveur de l’islam de France – notamment dans ses écrits publiées dans Le Monde des religions (voir Le Quotidien du Médecin). Il a aussi longtemps soutenu Tariq Ramadan, dit Le Monde, jusqu’à ce que ce dernier fasse l’objet d’accusations de viol par plusieurs jeunes femmes. L’urologue a d’ailleurs choisi pour le défendre Me Samim Bolaky, qui a lui aussi pris publiquement la défense de l’islamologue suisse :

« Ce dossier ne méritait pas d’aller en correctionnelle. Certains éléments de cette convocation sont scandaleux. M. Azzouzi a souligné la plastique exceptionnelle de la partie civile, lui a envoyé des SMS, s’est rendu à son domicile pour déposer des cadeaux dans sa boîte à lettres et lui a proposé de sortir. Le parquet entend démontrer le harcèlement sexuel mais ce n’est pas ça. C’est de la drague, maladroite peut-être, mais rien de plus, rien de moins. On est dans une ère où, à coups de lois, on essaie de crisper les relations hommes-femmes, de criminaliser le fait pour un homme de vouloir séduire une femme. L’intention de harceler sexuellement n’a jamais habité M. Azzouzi. »

La poursuite de la pratique de la médecine ? Le CHU d’Angers indique que le Pr Azzouzi « est toujours suspendu de sa chefferie de service par mesure conservatoire » mais qu’il « continue à assurer son activité médicale » tant que la justice ne s’est pas prononcée. Et ajoute « qu’il reviendra ensuite au Conseil de l’Ordre et au Centre national de gestion des carrières de décider des suites professionnelles éventuelles ».

A demain

@jynau

 

Luc Montagnier, ce Nobel inconnu

Historiens angoissés de l’instant, les journalistes n’ont de cesse de prévoir leur avenir. Ainsi l’Agence France Presse (AFP) diffuse-t-elle à échéances régulières, sur son fil, les dates des manifestations à venir et des anniversaires à célébrer. Dans la torpeur du mois d’août les permanents des salles de rédaction programment déjà la célébration du 20 mai 2013 : ce sera alors, dit l’AFP, « le trentième anniversaire de l’annonce par le Pr Luc Montagnier de l’isolation (sic) du virus de l’immunodéficience humaine ».

Des esprits pointilleux feront remarquer que l’isolement du pathogène et l’annonce faite au monde concernaient une entité virale que l’on allait apprendre, de ce côté-ci de l’Atlantique – à connaître sous le nom de LAV (pour Lymphadenopathy Associated Virus. L’annonce se fit dans Science où Max Essex et Robert Gallo annonçaient quant à eux la découverte et l’implication d’un tout autre pathogène comme cause probable d’une maladie qui n’était pas encore pandémique. On connaît la suite qui ne déboucha que plus tard sur le consensuel et coûteux VIH.

Luc Montagnier. Nous avons tenté pour notre part notamment dans ce blog de suivre l’évolution pour le moins atypique de celui qui, au titre de sa découverte de 1983, reçu le prix Nobel de médecine 2008. Il a depuis un certain temps déjà disparu sinon de la scène médiatique, du moins de la scène vitrifiée des honneurs. Le fil de l’AFP en témoigne pleinement qui ne nous parle plus de lui en majesté ou en « sachant ». Il y occupe désormais (et semble-t-il avec une certaine délectation) le rôle des explorateurs aux frontières du vivant pathologique et –partant- des incompris. De temps à autre une balise provocatrice, un mystérieux sourire, une affirmation sans preuves, une proposition sans lendemain, une association que l’on voudrait corrélation. Du délice pur sucre pour les tenants de la théorie des complots.

Dans la prairie des incertitudes

La Faculté se moque : elle est sacrément gênée de voir l’un des siens gambader, à son âge et en toge, dans la prairie des incertitudes et des convictions interrogatives. Mais comment se moquer dru d’un confrère toujours oint par le miel du politique ? Et quels politiques !

Le 10 avril2012  Luc Montagnier  est dans l’agenda de Nicolas Sarkozy. Celui qui encore président de la République vient d’estimer  que la proposition de supprimer l’exercice privé de la médecine à l’hôpital public relevait d’un « combat d’un autre âge » et de mettre en garde contre une fuite des « grands patrons » des hôpitaux à l’étranger. C’est à paraître dans Femmes Actuelles (édition du16 avril).

Au Palais de l’Elysée

« Il n’est pas absurde qu’après quinze ans d’études, et tout en consacrant l’essentiel de leur activité au service public, ces médecins valorisent leurs compétences,  estime alors le président et candidat de l’UMP. Le jour où les grands patrons iront à l’étranger ce sera un problème. Le professeur Montagnier était trop âgé pour nous, il continue pourtant à donner des cours à l’université américaine d’Harvard. » La sortie présidentielle faisait suite à un manifeste, publié le 20 mars dans le quotidien Libération, et où 200 praticiens hospitaliers ont réclamé la suppression de l’exercice privé à l’hôpital public en dénonçant ses « dérives ». Parmi ces signataires figuraient le professeur Axel Kahn, alors candidat socialiste (contre François Fillon) aux futures législatives à Paris.

Le 15 mai dernier Luc Montagnier est à nouveau à l’Elysée avec dix prix Nobel français  invités par François Hollande à assister à la passation des pouvoirs entre lui et Nicolas Sarkozy dans la Salle des Fêtes du Palais. « Leur place a été réservée dans la travée de gauche de la vaste salle où a été aménagée un large allée centrale, les invités étant massés de chaque côté, racontera l’AFP.  Le Pr Luc Montagnier était présent. »

Au Sanctuaire de Lourdes

Le 8 juin Luc Montagnier est de retour sur le fil de l’AFP. Et longuement :

« L’eau de la source des Sanctuaires de Lourdes et le lieu même des pèlerinages pourraient être à l’origine des guérisons constatées dans la cité où la Vierge serait apparue à Bernadette, ont envisagé des scientifiques réunis en colloque, dont le prix Nobel Luc Montagnier. « Je cherche des raisons rationnelles… », a noté le Pr Montagnier, co-découvreur du virus du sida, qui a exposé ses théories sur l’influence sur la santé des ondes électromagnétiques de très basse fréquence de l’eau, en général. « Je ne peux pas expliquer les miracles », a déclaré pour sa part la rhumatologue américaine Esther Sternberg en affirmant qu’un lieu comme les Sanctuaires (prière, chants…) créait des « émotions » et que celles-ci avaient sans doute « un rôle sur la santé, la guérison des malades ».

Le Pr Montagnier a voulu porter « un message de science à côté de celui de la foi », a-t-il prévenu devant les participants de ce colloque organisé par le Bureau des constatations médicales de Lourdes sur le thème de la guérison « sous l’angle de la raison et de la science, en lien avec l’influence de la foi et de la prière sur la santé humaine ». Il a rappelé les « perturbations » (maladies neuro-dégénératives, cancer…) que pouvaient provoquer dans le corps humain les ondes électromagnétiques, ainsi que ses propres expériences sur la structure de l’eau et son rôle dans les pathologies humaines.

Il a ainsi laissé entendre que l’eau de la source de la grotte de Lourdes, le lieu où auraient eu lieu les apparitions, pourrait influer sur la santé des patients, tout en soulignant que les analyses de cette eau n’ont fait apparaître aucune propriété particulière. Pour le Pr Sternberg, si le stress peut provoquer la maladie, le fait d’être « immergé dans une atmosphère de compassion, comme à Lourdes, peut avoir un effet sur les émotions, et donc sur le cerveau ». Il se produit « un changement dans le cerveau qui permet au corps et au système immunitaire de guérir », a-t-elle expliqué.

« Dans un endroit pareil, on arrive déjà avec l’espoir qu’on va se sentir mieux » et cela réduit le stress, a encore noté la rhumatologue. L’Eglise ne reconnaît les guérisons qu’au compte-goutte : plus de 7.000 cas de guérisons inexpliquées ont été enregistrés à Lourdes depuis 1884 mais moins de 1% d’entre elles, une soixantaine, ont bénéficié d’une reconnaissance officielle. »

 Dans Le Monde des Religions

Luc Montagnier est également présent cet été dans la livraison datée Juillet-Août du célèbre Monde des Religions. www.lemondedesreligions.fr Prévoyant pour leurs congés payés plages séculaires ou cimes éternelles les rédacteurs de ce mensuel ont choisi un marronnier pèlerin : « Les chemins de la guérison ; la foi aide-t-elle à guérir ? » Quarante pages remplies de « prière, méditation, force de l’esprit, miracles, magnétisme, guérisseurs, exorcisme, développement personnel ..  ». Le tout offert pour 6,90 euros.

 

On retrouve le prix Nobel 2008 page 23. C’est un petit encadré au titre malicieusement interrogatif (L’eau bénie par les ondes ?) ornant un papier intitulé : Lourdes, les coulisses du miracle. L’encadré est signé Jocelyn Morisson et il ne nous apprend rien de plus que la dépêche de l’AFP ; si ce n’est, peut-être, que les résultats obtenus par Luc Montagnier sur l’eau, l’ADN, la mémoire et les nanostructures sont « ébouriffants ». A ceux qui voudraient faire la part entre la capilliculture et l’extraordinaire, notre Petit Rober donne cet exemple, tiré de l’œuvre du Dr Georges Dumamel (1984-1966) : « Un jargon ébouriffant […] farci de mots étrangers, employés hors de propos  ».

Avec Carrel, autre Nobel

Luc Montagnier n’est pas le seul Nobel de médecine à s’être pris de passion pour Lourdes, ses eaux et ses miracles. Ce fut également le cas d’Alexis Carrel (1873-1944) le sulfureux.  «  À l’origine agnostique, il devint catholique  militant lors d’un séjour à  Lourdes en 1903 après avoir assisté à ce qu’il considéra être un miracle, explique Wikipédia.  Dans le train qui le conduisait à Lourdes, il fut amené à examiner une jeune fille présentant une tuberculose péritonéale terminale. Puis il constata la disparition des masses abdominales peu après application d’eau de la source.  Il considéra alors comme son devoir de médecin de rapporter objectivement ses observations, ce qui entacha considérablement sa réputation et constitua un barrage à l’accession à une chaire universitaire. Il choisit alors de s’expatrier. » On connait plus ou moins la suite.

On connaît moins son ouvrage posthume Le Voyage de Lourdes, dans lequel Carrel  décrit cet évènement d’après le témoignage anagramme du docteur Louis Larrec. En 2012 l’ouvrage est toujours sur le bazar de la Toile amazonienne, offert aux amateurs.

  • Hardcover: 52 pages
  • Publisher: Harper & Brothers; 1st edition (1950)
  • Language: English
  • ASIN: B0007DXFJS
  • Product Dimensions: 7.5 x 5.2 x 0.2 inches
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