Première salve : la sortie, annoncée pour le 21 février, du prochain livre à scandale. Sujet : les statines, désormais accusées de mille maux. Deuxième salve : la réédition d’un ouvrage visant la même cible. Le Pr Philipe Even et le Dr Michel de Lorgeril vont entrer en scène. Que vont faire les autorités sanitaires ?
Si mèche il y avait eu c’est le Journal du Dimanche qui l’aurait vendue. Hier, 10 février, l’hebdomadaire dominical annonçait la prochaine sortie du Pr Philippe Even, pneumologue né en 1932 et plaisamment rangé dans la catégorie des personnalités dopées à l’âge. On trouvera cet article ici-même. Il n’est plus besoin de présenter cette personnalité volontiers provocatrice dorénavant désignée comme le papy flingueur de la pharmacopée française. Nous l’avions pour notre part découvert dans un amphithéâtre de l’hôpital Laennec. Devant la presse médicale réunie il y vantait haut et fort les vertus thérapeutiques de la cyclosporine dans le traitement des personnes infectées par le VIH. Une histoire ancienne aujourd’hui généralement oubliée. Rue de Sèvres l’amphithéâtre n’existe plus. L’hôpital Laennec non plus.
Le Pr Even a donc retrouvé une nouvelle énergie, toujours dans le champ du médicament. Dans le sillage du Médiator d’abord ; ensuite en embrassant l’ensemble des spécialités pharmaceutiques, grâce à un ouvrage cosigné avec le spécialiste d’urologie Bernard Debré – « Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux » ; ouvrage (éditions du Cherche-Midi) qui a connu, dit-on, un formidable succès de librairie. « Le 21 février, le Pr Even publiera une déclinaison de son best-seller, consacrée aux statines, prescrites en France à quelque cinq millions de personnes prévient Le Journal du Dimanche. Extraits prévus dans Le Nouvel Observateur, gros tirage, surface médiatique de son auteur… tous les ingrédients sont réunis pour nourrir une nouvelle polémique. À la Haute Autorité de santé (HAS), un conseil de guerre s’est tenu cette semaine afin de fourbir un message sanitaire clair. »
L’affaire n’est certes pas nouvelle. « Si la guerre du cholestérol aura bien lieu, elle a, en réalité, commencé il y a longtemps, rappelle l’hebdomadaire dominical. En 2005, une étude de l’assurance-maladie relevait déjà une coûteuse sur-prescription des statines en France. » Il faut aussi compter, depuis 2007, avec le Dr Michel de Lorgeril. On trouvera ici le site de ce cardiologue chercheur au Cnrs présenté comme blogueur et prêcheur (en solitaire) pour dénoncer « la plus grande arnaque de la médecine scientifique ». Une autre personnalité iconoclaste. Les deux estiment que les statines n’ont pas de véritable effet positif sur la baisse de la mortalité, que les études sont biaisées, que leurs auteurs sont piégés par des conflits d’intérêts. Les deux dénoncent une manipulation et font une autre lecture des publications spécialisées.
Dés jetés
Leurs chemins vont-ils diverger ? Aujourd’hui même ce mail adressé eu urgence par l’éditeur du second (Editions Thierry Souccar) : « Avant la fin du mois de février, le scandale des statines aura fait les gros titres de la presse. Voici la nouvelle édition du livre qui a tout révélé. Le Dr Michel de Lorgeril (CNRS) a été le premier à exposer, preuves à l’appui, le scandale sanitaire que constitue la prescription de statines, des médicaments anti-cholestérol pris par trente millions de personnes dans le monde (sept millions en France). Ces médicaments ne diminuent ni la mortalité, ni l’infarctus, mais rapportent à l’industrie pharmaceutique vingt-huit milliards de dollars avec la bénédiction des pouvoirs publics. Comment a-t-on pu tromper toute une communauté avec des idées totalement fausses ? L’auteur raconte le poids des lobbies, les études « arrangées », l’influence des laboratoires sur les « sociétés savantes » et le corps médical. Il montre que le cholestérol ne bouche pas les artères et qu’il n’y a pas lieu de le faire baisser avec des médicaments. Dans cette nouvelle édition sont détaillés les effets indésirables des statines qui jusqu’à présent étaient occultés par les industriels : douleurs musculaires, baisse de la mémoire, troubles sexuels, risque de diabète, cancer et polyarthrite rhumatoïde. »
Les dés sont ainsi jetés, avant l’heure. Après les pilules contraceptives une nouvelle vague médiatique est annoncée avec vraisemblables effets amplificateurs nés de la concurrence entre deux auteurs. Mais, précisément, cette vague est annoncée. Que font faire les différents organismes et institutions directement concernés ? L’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) et la Haute Autorité de Santé (HAS) réagiront-elles de manière préventive ? De manière coordonnée ou séparée ? Qui fera autorité ? Que décidera le ministère de la Santé ?