Dangers affichés sur les paquets de tabac : pourquoi l’Etat joue-t-il à ce point petit bras ?

Bonjour

« Fumer bouche vos artères » dit-on aux fumeurs – avec, en prime, un beau cliché de jambe amputée. Plus de place pour les cautères. Mais, en prime, un fait divers qui régale la presse régionale, française et européenne. Une histoire de notre époque : celle d’un sexagénaire albanais résidant à Metz (Moselle) et qui affirme s’être reconnu sur un message de prévention utilisé à grande échelle sur des paquets de cigarettes vendus dans l’Union européenne. C’est à lire, à voir et à entendre sur France Bleu (Magali FichterAntoine Barège) et dans Le Républicain Lorrain, (Kevin Grethen) :

« Sa photo s’affiche sur tous les paquets de cigarettes commercialisés en France et au Luxembourg. Peut-être dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Sa photo, disons plutôt celle du moignon de sa jambe gauche. Une image choc comme l’impose depuis 2016 la politique contre le tabac. Mais surtout choquante pour cet Albanais installé à Metz depuis quelques années. Il n’a signé aucune autorisation pour l’utilisation de ce cliché ». Plus curieux encore, il y a tromperie sur le message diffusé : ‘’Fumer bouche vos artères’’  dénonce la marchandise. Or, l’amputation de ce membre n’a aucun lien avec le tabagisme. 

« Le fils du sexagénaire est tombé le premier sur l’image. ‘’Il revenait du Luxembourg. Sans rien nous dire, il dépose une grosse boîte de tabac à rouler sur la table, raconte sa sœur qui joue la traductrice pour son père. On est restés interdits un moment… On n’y croyait pas. » La photo montre un tronc, une jambe coupée assez haut. Ils la connaissent assez pour n’avoir aucun doute. « C’est celle de notre père. Ses cicatrices sont caractéristiques.’’ L’avocat messin de la famille, Antoine Fittante, confirme : ‘’Chaque cicatrice est spécifique, unique. Cet homme a également des traces de brûlures sur l’autre jambe, c’est très net. Un expert n’aura aucune difficulté à identifier l’image.’’

Oublier la fusillade en Albanie

« Depuis son arrivée en France, et son installation auprès de ses enfants parfaitement intégrés, cet homme rêvait d’un appareillage pouvant l’aider à marcher sans béquilles. Et à oublier cette fusillade en Albanie qui l’a estropié à vie en 1997. Il y a cru lorsqu’un orthopédiste l’a envoyé en 2018 vers un spécialiste de l’hôpital militaire Legouest à Metz. Des photos – dont celle diffusée – ont été envoyées pour évaluer les possibilités. Le patient a passé une IRM. ‘’On avait espoir. Vraiment. Mon père vit avec des béquilles depuis plus de vingt ans. Il ne s’était jamais résigné. Il a toujours espéré retrouver de l’autonomie. Pour lui, c’était synonyme d’une nouvelle vie’’, sourit sa fille.

« La petite flamme s’est éteinte en même temps que la découverte de l’image sur les paquets. ‘’On n’a plus jamais eu de retour du médecin de Legouest.’’ Le patricien n’y travaille plus aujourd’hui.

« Les explications de la Commission européenne n’ont pas permis de retracer le parcours de la photo. Parce que ‘’ la personne dont vous nous avez communiqué le nom ne figure pas dans la bibliothèque de ces images destinées aux avertissements de santé’’, a-t-elle répondu. Cela soulève une autre question : quelqu’un a-t-il signé le document de consentement sous un autre nom ? ‘’La commission va devoir me produire ces éléments’’, prévient Me Fittante.

Le Monde et ses « Décodeurs » ont travaillé le sujet et concluent que ce témoignage « souffre de sérieuses incohérences » « La chronologie invalide la version des faits avancée par ce monsieur, sa famille et son avocat, estiment-ils. La présence de ces photographies sur les paquets de cigarettes est obligatoire depuis 2016. Selon la Commission européenne, le choix des quarante-deux images – qui ont été successivement utilisées à partir de 2016 – a été arrêté dès 2014. La directive, diffusée le 10 octobre 2014, inclut la ‘’ bibliothèque de mises en garde assorties d’images à appliquer sur les produits du tabac’’. La photographie de la personne unijambiste fait bien partie de la série, ce qui rend impossible la version du sexagénaire albanais qui affirme que le cliché date de 2018 ».

Interrogée par Le Parisien, la Commission a assuré que la photographie a été acquise et utilisée dans le respect des droits de la personne à l’image, qui ne serait pas le sexagénaire qui s’est exprimé dans la presse : « Nous disposons de l’identité, de l’accord et des droits pour toutes les personnes photographiées pour cette campagne. Au vu des informations dont nous disposons, nous pouvons affirmer sans aucun doute que cet individu n’en fait pas partie. »

Pourquoi en rester là ?

De nombreuses preuves confirment que l’image date d’avant « mai ou juin 2018 » et n’a donc pas pu être prise lors du séjour du sexagénaire à l’hôpital. Des documents officiels émanant de la Commission européenne, ou encore de l’agence suédoise de santé publique et hébergé sur de nombreux sites, par exemple le site spécialisé Tobaccolabels.ca  et datés de 2014, 2015 ou 2016 comportent ainsi la photo en question.

Qui dit la vérité vraie ? Et comment conclure ? Par exemple en observant les limites de ces affichages « sanitaires », l’inefficacité de ces clichés tenus pour effrayer celles et ceux qui sont devenus esclaves de l’addiction au tabac. Des esclaves rapidement devenus insensibles à des images de corps souffrants, horreurs qu’ils ne voient plus, slogans-choc qu’ils ne lisent plus.

Pourquoi en rester là ? Pourquoi jouer à ce point petit bras ? Pourquoi, par exemple, ne pas indiquer sur toute la surface du paquet, le montant exact des taxes prélevées par l’Etat sur ce toxique addictif en vente libre ?

A demain @jynau

C’est alors que Rachida Dati, en marche rapide vers la mairie de Paris, se piqua de crack

Bonjour

On l’avait oubliée. La revoici, cette fois sur le front des addictions. Ancienne garde des Sceaux controversée, aujourd’hui maire du VIIe arrondissement de Paris Rachida Dati entend ravir le trône d’Anne Hidalgo. Mais il lui faut d’abord obtenir l’investiture des Républicains, parti politique en déliquescence. Comment, dès lors, faire parler de soi ? En taclant l’édile et ses proches : par exemple les accuser publiquement de ne pas en faire assez en matière de lutte contre les addictions. Et en dénonçant l’existence d’un insupportable abcès à ciel ouvert : la « colline de crack », non loin de la porte de la Chapelle. L’attaque vient d’être lancée dans « Les Grandes Gueules » (sic) sur RMC-BFMTV.

Rachida Dati aime s’indigner et se plaindre,  dire qu’elle paie de sa personne. Elle nous affirme, ici, qu’elle est montée sur la colline pour mieux voir et comprendre le problème. « Aucun élu n’est jamais allé. Quand j’y suis allé une femme femme y avait accouché là-bas sur place totalement sous crack. J’ai discuté avec tout le monde. Des gens désespérés, des gens malades… Et vous savez ce que c’est la réponse de la mairie de Paris …? Un bus de crack ».

Un-bus-de-crack…. L’affaire somme comme une sale rafale de mitraillette. On entend la distribution gratuite de substance illicite à tous les étages de la sinistre colline. Une salle de shoot sur pneumatiques. Or il faut ici remonter au  projet du « plan crack » de la ville de Paris, en août 2018.  « Il y aurait plus de 8 000 consommateurs de crack à Paris dont 200 à 500 seraient en errance, notamment entre le squat de la Colline à la porte de la Chapelle (XVIIIe), la Goutte d’Or (XVIIIe), la gare du Nord (Xe) et Stalingrad (XIXe), rapportait en août 2018 Le Parisien. Des toxicomanes sans abri en grande souffrance psychique dont la prise en charge est très difficile. ‘’C’est un engrenage : plus ces gens sont en déshérence, plus ils consomment, plus ils dealent pour consommer et les choses empirent » souligne l’adjointe à la Santé (EELV) Anne Souyris. »

Une situation d’autant plus délicate, ajoutait alors le quotidien parisien, que les fumeurs de crack ne peuvent pas avoir accès à la « salle de shoot » près de la gare du Nord qui n’autorise que les drogues par injection. D’où l’idée d’un « bus itinérant permettant l’inhalation » soumise par l’élue à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). « Un bus itinérant permettrait d’aller au plus près de consommateurs qui d’eux-mêmes ne se tournent pas vers les institutions et d’entamer un suivi » expliquait-elle.

Les lésions de la toxicomanie sont irréversibles

Une telle expérimentation nécessiterait une modification de la loi. La loi n’a pas changé. Ni Agnès Buzyn ni Anne Hidalgo ne semble vraiment passionnées par le sujet. Toutefois, fin mai 2019, un plan de neuf millions d’euros sur trois ans a  été signé (Le Parisien, Cécile Beaulieu) avec cinq acteurs majeurs (préfectures de région et de police, Ville de Paris, Agence régionale de santé et Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives -Midelca).

Le « bus de crack » évoqué par Rachida Dati est absent de ce plan. En revanche différentes mesures ont été décidées. « Les maraudes médico-sociales sur les points de fixation et dans le métro, notamment sur la ligne 12, auront désormais lieu 7 jours 7. En outre, pour favoriser l’entrée dans les parcours de soins, 80 nouvelles places d’hébergement, pérennes pour les usagers de crack, s’ajouteront aux 72 existantes, précisait Le Parisien. Le renforcement du dispositif Aurore permettra, lui, d’ouvrir 60 places de mise à l’abri à l’hôtel, avant que les hébergements pérennes s’y substituent. Objectif : limiter à tout prix l’errance des toxicomanes, qui bénéficieront, en outre, de salles de repos, à proximité des lieux de consommation. Le plan prévoit également une équipe dédiée à la médiation avec les riverains et la création d’un groupe d’enquêteurs spécialisés dans les stupéfiants, à un niveau intermédiaire entre commissariat de quartier et police judiciaire. »

Annoncé également, un local, de type Caarud (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues), avec une aide médicale et sociale, des sanitaires, où les consommateurs de crack pourront être reçus dans des conditions dignes et salubres. « Dormir quelques heures, cela permet d’espacer les prises, de drogue, soulignait en mai Anne Souyris, qui espère que les accueils de jour contribueront à casser la dépendance des crackeurs. »

Rachida Dati n’a pas parlé de tout ceci.  Restera, pour les auditeurs, un-bus-de-crack…. « Les lésions de la toxicomanie sont irréversibles, croit savoir l’ancienne garde des Sceaux. J’aurais voulu qu’on fasse comme à Strasbourg, qu’on essaye de les sortir de leurs addictions avec un plan médical. Rien n’est fait dans la lutte contre les addictions, c’est là qu’on doit mettre les moyens. Pour sortir les gens de leurs addictions rien n’est fait. C’est une réalité. »

Pour un peu on douterait de sa sincérité.

A demain @jynau

Maladie alcoolique. L’exploit de Renaud : depuis six mois il est au Bitter San Pellegrino®.

Bonjour

Est-ce aider la personne « qui a un problème avec l’alcool » que de l’interroger sans cesse sur son addiction ? C’est la question que nous posent certains médias, depuis des années, avec le chanteur Renaud. Aujourd’hui c’est Le Parisien (Eric Bureau) qui s’y colle : « Renaud : ‘’J’ai toujours eu envie de vivre’’. Le chanteur, qui n’a pas parlé depuis près de deux ans, nous a accordé un entretien exceptionnel. Il évoque ses soucis de santé, sa vie quotidienne et son nouvel album à l’automne. »

Un grand classique entre Avignon et L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). L’homme ne veut pas parler. Le journaliste insiste. C’est gagné. «  Renaud, désormais âgé de 67 ans, était en confiance, chez des amis, entouré de ses deux assistants, Bloodi et Pierre, que nous venions rencontrer dans le cadre d’une série d’été sur les collaborateurs des stars. Mais deux surprises nous attendaient : Dave, dont l’auteur de ‘’Mistral gagnant’’ produit l’album et a composé l’un des titres ».

Souvenons-nous. « Renaud n’avait pas donné d’interview ni de nouvelles depuis deux ans. Après la Fête de l’Humanité, en septembre 2017, il est retourné dans l’ombre. Il faut dire que la lumière avait été très forte. Après le succès phénoménal de son album « Renaud » – numéro un des ventes en 2016, avec 772 000 exemplaires écoulés –, il a donné 120 concerts à guichets fermés pendant un an. »

« Cirrhose ravageuse »

Et puis le dossier médical : deux cures de sevrage en 2018. Que s’est-il passé en 2019 ?

« Je me suis cassé en janvier les deux radius, les deux cubitus, les deux poignets. J’ai porté des attelles pendant deux mois, je ne pouvais plus rien faire, plus manger, plus signer un autographe. Mais ça va mieux. J’ai de la rééducation tous les matins. J’ai toujours eu envie de vivre, malgré ce que disent les journaux people, qui me voyaient mourant et annonçaient une cirrhose ravageuse, qui allait m’emporter dans les six mois, puis dans les trois jours. Ils ont inventé aussi une grève de la faim, n’importe quoi. Je n’ai jamais autant mangé de ma vie depuis six mois. »

Le Parisien lui demande alors s’il est vraiment « à l’eau ». « Oh oui, depuis six mois ! Ça, c’est un exploit. Je suis toujours entouré de copains qui boivent. Modérément, mais qui boivent. Mais moi je ne bois pas. Je suis au bitter San Pellegrino. » Le bitter San Pellegrino® est une boisson sans alcool élaborée à partir d’infusion de plantes amères en provenance des Alpes. Le nom italien est le « Sanbittèr ». C’est une boisson de couleur rouge vif que l’on boit pure ou en cocktail. Compter 63 calories pour 100 grammes.

A demain @jynau

L’homéopathie déremboursée dès après-demain : la bien étrange intuition d’Agnès Buzyn

Bonjour

L’affaire de l’homéopathie n’est pas finie. Et il faudra décrypter les longues déclarations-justifications d’Agnès Buzyn en date de ce 10 juillet. D’abord dans Le Parisien (Florence Méréo et Elsa Mari), ensuite sur RTL (Elizabeth Martichoux) où la ministre a une nouvelle fois taclé Michèle Rivasi qui évoque le retour de l’Inquisition et des « guérisseurs sans formation » (sic). On y saisira un peu mieux les impasses dans lesquelles se débat la ministre des Solidarités et de la Santé, au croisement asphyxiant de la politique et de la science, du pouvoir et du savoir.

Pour l’heure résumons. A commencer par cette étrange confession au Parisien qui (enfin) lui demandait pourquoi elle avait radicalement changé d’avis. Rappelons (une nouvelle fois) que le 12 avril 2018, invitée de la matinale sur RMC-BFM TV, Agnès Buzyn annonçait, au début de la tourmente, que les spécialités homéopathiques continueraient à être remboursées par l’assurance maladie, même si c’est «probablement un effet placebo». «Les Français y sont attachés. Si cela peut éviter le recours à des médicaments toxiques, je pense nous y gagnons collectivement. Voilà, ça ne fait pas de mal ! », osait alors la ministre qui fut la cible d’innombrables moqueries sur les réseaux sociaux 1.

Aujourd’hui, Agnès Buzyn explique : « cette phrase que j’ai dite reposait sur une intuition ». « Depuis, les études ont parlé, ajoute-t-elle (sans dire lesquelles).Ne pas prendre d’homéopathie n’entraîne pas un report vers plus de médicaments ou d’examens. Les deux ne sont pas liés. Au contraire, les gros consommateurs d’homéopathie ont tendance à utiliser plus de soins en général. »

« Aspirine ou paracétamol, un point c’est tout »

Finalement, qui a tranché : elle ou Emmanuel Macron ? « Nous avons travaillé tous ensemble. Il s’agit d’une décision gouvernementale ». Pourquoi ne pas avoir fait un compromis en déremboursant à 15 %, comme le demandait son prédécesseur Xavier Bertrand ?

« Cela n’aurait pas de sens. Et signifierait que des médicaments dont l’efficacité clinique n’est pas prouvée pourraient quand même être remboursés. Dans ce cas-là, pourquoi ceux-là et pas d’autres ? Quand on est un homme ou une femme politique, on doit être prudent et ne pas aller contre un avis scientifique parce qu’on met alors à mal tout notre système d’évaluation du médicament. Nous devons être rigoureux pour que l’argent public, celui des Français, soit dépensé à bon escient. »

Les menaces à l’emploi des puissants Laboratoires Boiron ?  « Je suis la ministre de la Sécurité sociale, dont l’argent n’a pas vocation à soutenir des entreprises même si elles sont françaises » (sic). « Je ne crois pas pour autant que l’économie des trois laboratoires sera déstabilisée car les Français continueront à utiliser l’homéopathie. Sans compter que des marchés à l’international, notamment en Asie, sont en pleine expansion. »

Maladies qui guérissent « toutes seules »

Faut-il laisser les facultés françaises de médecine et de pharmacie continuer à enseigner un pratique qui n’a désormais, officiellement, aucune raison scientifique d’être ?

« Ce sont aux doyens des universités de trancher. Ce qui est sûr, c’est que nous avons le nombre de médecins homéopathes le plus important au monde : plus de 20 000, principalement des généralistes. Bien plus que l’Allemagne qui en compte 7 000. Mais la question qui se pose aujourd’hui est bien celle du remboursement : ni l’homéopathie, ni son enseignement n’ont vocation à être interdits. »

« Je ne passe pas tout mon temps sur Twitter où le débat s’est progressivement radicalisé, dit-elle encore. Je pense qu’il ne faut pas culpabiliser les Français qui croient en l’homéopathie. La décision de la rembourser en 1984 [par la ministre Georgina Dufoix] a favorisé leur engouement. Aujourd’hui, certains de nos concitoyens ont le sentiment que ce type de médecine complémentaire les soulage. Mon souhait est d’aller vers un usage plus raisonné, grâce à de la pédagogie. »

Et Agnès Buzyn de commencer à expliquer, pour sa part, que nombre de maladies « guérissent toutes seules ». Ainsi, pour finir, quand Le Parisien ose une question personnelle quant à savoir si la ministre est une adepte : « Non ! Je donnais d’ailleurs le moins de médicaments possible à mes enfants. Cela les énervait beaucoup quand je leur disais que la majorité des maladies se guérissent toutes seules. En cas de fièvre, ils avaient le droit à de l’aspirine ou du paracétamol, un point c’est tout. » Rien ne dit que ce soit là le point final.

A demain @jynau

1 Voir « La guerre de l’homéopathie touche peut-être bientôt à sa fin » Slate.fr 4 avril 2019

Communiqué officiel:

 » En France, le bien fondé du remboursement des médicaments par l’assurance maladie est évalué par la Haute Autorité de Santé (HAS) afin de s’assurer qu’ils présentent un intérêt thérapeutique suffisamment important. La commission de la transparence (CT), composée d’experts indépendants, de la Haute Autorité de Santé a ainsi récemment évalué le service médical rendu par les médicaments homéopathiques, à la demande de la ministre.

À partir de l’ensemble des données médicales et scientifiques disponibles, elle a mis en évidence que ces médicaments n’avaient ni démontré leur efficacité dans les affections pour lesquels des données sont disponibles, ni démontré leur intérêt pour la santé publique notamment pour réduire la consommation d’autres médicaments

L’évaluation scientifique de la Haute Autorité de Santé a donc conclu que l’intérêt clinique de ces produits était insuffisant pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale.  Conformément à ses engagements, la Ministre des solidarités et de la santé suivra l’avis de la HAS et initiera dans les prochains jours la procédure visant à radier les médicaments homéopathiques de la liste des médicaments pris en charge par l’Assurance Maladie au 1er janvier 2021.

Une étape intermédiaire est prévue et consistera à abaisser le taux de remboursement de 30 à 15% au 1er janvier 2020. Cette démarche en 2 temps témoigne de la volonté de la Ministre de permettre aux patients, prescripteurs et industriels concernés de s’adapter progressivement au déremboursement total au 1er janvier 2021. La ministre recevra les industriels, les associations de patients et les professionnels de l’homéopathie dans les prochains jours. »

Homéopathie, argent et politique : la suite du feuilleton, avec Agnès Buzyn et Emmanuel Macron

Bonjour

Comment s’en lasser ? Si l’on en croit Les Echos, après plusieurs jours d’hésitations, le chef de l’État aurait « conforté ce 9 juillet  » Agnès Buzyn dans son choix de dérembourser totalement l’homéopathie. « Dix jours après les conclusions de la Haute Autorité de Santé, Emmanuel Macron a finalement opté pour un déremboursement total de l’homéopathie, et non partiel comme le préconisait notamment Xavier Bertrand », affirme le quotidien économique.   

« Si cet arbitrage est définitivement confirmé, il s’agirait d’une victoire politique pour Agnès Buzyn qui a pesé de longue date en faveur du déremboursement, assure Le Quotidien du Médecin.  Ce 9 juillet, lors d’une séance de questions devant le Sénat, la ministre a indiqué qu’elle s’exprimerait sur le remboursement de l’homéopathie demain10 juillet. »

« Victoire » pour Agnès Buzyn qui serait « confortée » ? C’est là une bien étrange façon de réécrire l’histoire. Le 12 avril 2018, invitée de la matinale sur RMC-BFM TV, Agnès Buzyn annonçait, au début de la touremnte, que les spécialités homéopathiques continueraient à être remboursées par l’assurance maladie, même si c’est «probablement un effet placebo». «Les Français y sont attachés. Si cela peut éviter le recours à des médicaments toxiques, je pense nous y gagnons collectivement. Voilà, ça ne fait pas de mal ! », osait alors la ministre qui fut la cible d’innombrables moqueries sur les résaux sociaux 1.

Puis cette même ministre assura qu’elle ne déciderait pas mais qu’elle s’en remettrait à l’avis de la Haute Autorité de Santé. Et aujourd’hui elle « aurait pesé de tout son poids » ? On en reste coi.

Et puis ces mots d’Agnès Buzyn, dans Le Parisien du 10 juillet : « Pourquoi je dérembourse l’homéopathie » (sic)

« J’ai toujours dit que je suivrais l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), j’ai donc décidé d’engager la procédure de déremboursement total. Il sera effectif au 1er janvier 2021. Mais pour se laisser le temps de la pédagogie et accompagner les patients, j’ai souhaité organiser une période de transition. À partir du 1er janvier 2020, nous mettons donc en place une année de remboursement intermédiaire à 15 %, contre 30 % aujourd’hui. Cela laissera aussi le temps aux industriels de s’organiser.

« La règle est que tout ce qui est financé par la solidarité nationale est d’abord évalué par la HAS, qui renouvelle son avis sur le service médical rendu tous les cinq à dix ans pour la grande majorité des traitements. Seuls les médicaments homéopathiques y ont échappé. En 1984, la ministre des Affaires sociales de l’époque [Georgina Dufoix], a décidé de son remboursement sans passer par cette procédure. C’était un choix (…)  Face à l’actuelle controverse dans l’opinion publique, j’ai saisi la HAS le 1er août 2018 (…) Je suis donc son avis qui recommande le déremboursement. »

« Plus d’un million de Français ont exprimé leur désaccord dans une pétition. Ce sera une mesure impopulaire. Vous serez « la » ministre qui dérembourse… » avance Le Parisien. Agnès Buzyn :

« Oui, je l’assume. Car, déjà, une grande partie de ces médicaments ne sont pas remboursés. Pour les 1200 autres, consommés par environ 7 millions de Français en 2018, la somme moyenne remboursée est de 18 euros par an, soit moins de 1,5 euro par mois. L’an passé, les plus grands consommateurs n’ont reçu que 25 euros de l’Assurance maladie. Ils représentent moins de 1 % des Français. Je ne pense donc pas que cette mesure freinera le recours à l’homéopathie. »

Dérembourser sans freiner ? Nous y reviendrons.

A demain @jynau

A demain @jynau

1 Voir « La guerre de l’homéopathie touche peut-être bientôt à sa fin » Slate.fr 4 avril 2019

Alerte rouge au paracétamol-Doliprane®: «dépasser le dosage peut détruire le foie !»

Bonjour

C’est une exclusivité donnée au Parisien (Florence Méréo), affaire aussitôt développée sur les ondes de RTL. Tout aurait commencé il y a précisément un an : le 12 juillet 2018 on apprenait, grâce à la procureure de la République de Strasbourg révélait que le décès de Naomi Musenga (jeune femme qui n’avait pas été prise en charge par le Samu local) aurait eu pour origine première une intoxication au paracétamol.

Agée de 22 ans, à l’agonie lors de sa conversation avec une opératrice du Samu, Naomi était victime « d’une intoxication au paracétamol absorbé par automédication sur plusieurs jours ». « La destruction évolutive des cellules de son foie a entraîné une défaillance de l’ensemble de ses organes conduisant rapidement à son décès » expliquait la procureure.

L’affaire de Naomi fut amplement médiatisée. Un mois plus tard, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) lançait « une consultation publique pour sensibiliser le public ». « 2 300 personnes y ont participé, dont 75 % de particuliers. La démocratie sanitaire a fonctionné » explique aujourd’hui au Parisien le Dr Dominique Martin, directeur général de l’ANSM. Et 97 % des répondants ont opté pour « l’ajout d’un message clair sur les boîtes » 1.

Ce sera bientôt chose faite. La mention sera écrite en lettres majuscules rouges et est surmontée d’un triangle d’alerte : « Surdosage = danger. Dépasser la dose peut détruire le foie ». « Il s’agit d’un message majeur. Nous le voulions direct et visible. C’est pourquoi, afin d’être vu par tout le monde, il sera apposé sur la face avant des boîtes. À l’arrière, nous avons opté pour un rappel pédagogique des bonnes pratiques », explique encore le Dr Martin.

Paracétamol (Doliprane®, Efferalgan®, Fervex® Dafalgan® etc.). L’affaire est d’importance : ce sont lesmédicaments les plus vendus de France, sans jamais de rupture de stock. Médicaments en vente libre dans les pharmacies ; une consommation en hausse de 53 % en dix ans ; un milliard de boîtes commercialisées chaque année et pour l’essentiel une consommation-automédication ».

Le nouveau pictogramme dévoilé par Le Parisien-Aujourd’hui en France, va apparaître sur les deux cents spécialités de paracétamol seul ou en association avec d’autres substances. D’ici là on écoulera les stocks (durant neuf mois). « Il est très important d’informer, car le risque n’est pas connu. On ne sait pas que l’excès de paracétamol peut avoir des conséquences dramatiques sur le foie, notamment chez les personnes dénutries, qui consomment de l’alcool ou qui en abusent pour calmer, par exemple, une rage de dent » précise le Pr Cyrille Ferray, gastro-entérologue et hépatologue à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif (Val-de-Marne).

Pour le directeur général de l’ANSM le surdosage est la première cause de greffe hépatique après intoxication médicamenteuse. Combien de cas ? Le Dr Martin ne le dit pas. Il n’existe curieuseent pas de données précises sur les incidents liés à la molécule mais le directeur général estime avoir « suffisamment d’informations pour en faire une question de santé publique ». C’est aussi une question de deniers publics. Selon l’Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA), 52 % de la population a eu, en 2018, « au moins » une ordonnance remboursée de paracétamol. Parmi eux, 11,3 % ont eu au minimum six délivrances au cours de l’année. « Cela donne une idée de la proportion de patients avec un usage potentiellement chronique de paracétamol », souligne le Pr Nicolas Authier, président de l’OFMA.

En faire trop ? Trop en faire ? Où l’on voit, finalement, comment un fait divers peut alimenter ce qu’il est convenu d’appeler démocratie sanitaire.

A demain @jynau

1 Personne en semble avoir imaginé de demander aux pharmaciens d’officine de rappeler systématiquement à leurs clients les dangers du surdosage.

Nouveau : Dr Jean-Paul Escande, dermatologie, clinique des Cèdres, Brive-la-Gaillarde (Corrèze)

Bonjour

On l’avait connu au sommet de lé dermatologie française, dans les plus beaux quartiers de la capitale. On a retrouvé sa trace aux confins des déserts, clinique des Cèdres, Brive-la-Gaillarde (Corrèze). On avait connu un homme formidable d’énergie et de savoirs, pétillant de culture et soucieux de partage, charmeur et pédagogue, passionné de médecine jusqu’au bout des ongles. Les dernières nouvelles nous confirment qu’il n’a pas changé.

Le Pr Jean-Paul Escande, 80 ans, ponte de la dermatologie, et auteur à succèss’ennuyait ferme à la retraite. Il vient de relancer une activité de consultation au service des Brivistes « pour être utile, pour la médecine, et par passion pour sa profession ».  « Certains y voient une première : un spécialiste octogénaire de réputation internationale, qui ré-endosse la blouse blanche après quelques années de retraite, et se met plusieurs jours par semaine au service d’une patientèle locale en manque de spécialistes » résume Le Quotidien du Médecin (Jean-Pierre Gourvest)

Et Le Quotidien de résumer la biographie atypique de cet homme né à Brive en mars 1939 – tient de la saga médicale. Études à Paris, professeur à 35 ans à Cochin (AP-HP) où il fera toute sa carrière, chef de service de dermatologie à 44 ans, travaille sur les cancers de la peau et le mélanome malin. Diplômé d’immunologie à l’Institut Pasteur, chercheur en biologie, dirige un service consacré au sida lors de l’arrivée des premiers malades en France (1981). En 1975, un livre à succès « Les Médecins » (Bernard Grasset) le lance dans le grand bain. Confesse devenir alors « une petite vedette des médias de l’époque ». 

Vedette des médias, amoureux du rugby

 « Je n’ai jamais pris un centime à mes patientsrévèle-t-il aujourd’hui. Me contentant des salaires versés par la fonction publique, je n’avais aucun intérêt à me faire de la pub, mais j’adorais la communication. Je me suis retrouvé éditorialiste à Radio Monte Carlo, réalisateur télé, chroniqueur à France Inter. J’ai aussi écrit quelques livres. Par contre, j’ai toujours refusé de faire de la politique malgré les appels du pied de Jacques Chirac, occupé et passionné par mon métier. »

Cet amoureux du rugby tombé sous le charme de René Dubos est condamné à la retraite à 68 ans. Des remplacements durant huit ans avant de raccrocher en 2016. Puis revient à Brive occuper la maison de ses parents (son père est décédé à l’âge de 105 ans). « Je me sens en pleine forme. Honnêtement, à la retraite, je m’ennuyais », confie-t-il au Parisienainsi qu’à FR3. Et au Quotidien :

 « J’ai bien l’intention de me replonger dans la dermato. On a mis à ma disposition un cabinet que j’occuperai plusieurs jours par semaine, sous le statut de médecin libéral, hébergé par le centre de soins. Je suis payé à la consultation et mes gains seront ceux de la profession, au sein d’un univers médical débordé auquel j’espère donner un coup de main. Je crée un service qui n’existe pas aux Cèdres, mais que je vais développer. Mais je continuerai l’écriture, tout en pratiquant ! Je ne serais pas venu à Brive faire la guerre aux autresJe suis simplement heureux de me retrouver sur mes terres et de rendre service. » 

Pour combien de temps encore ? « A genoux, et prions… » rit-il. Il a signé avec la clinique briviste un contrat renouvelable chaque année. « La vie continue ». On applaudit.

A demain @jynau  

« Le dernier mort du Bataclan» : première affaire de suicide après stress post-traumatisant

Bonjour

Couverture-choc du Parisien de ce dimanche 16 juin (Timothée Boutry) : « 131ème victime. Guillaume Valette. Le dernier mort du Bataclan ». Nous sommes à la frontière de la violence terroriste, de la médecine, de la psychiatrie et de la justice. C’est aussi une tragédie, celle d’un survivant du Bataclan, indemne physiquement, mais atteint d’un état de stress post-traumatique d’une particulière sévérité. Guillaume Valette s’est pendu le 19 novembre 2017, dans sa chambre de la clinique psychiatrique du Val-de-Marne où il avait été admis un mois et demi plus tôt. Il avait 31 ans.

Mais aujourd’hui, dix-neuf mois plus tard, quelle est l’actualité ? « Depuis le mois dernier, le suicide de Guillaume Valette n’est plus seulement une tragédie, révèle Le Parisien.  Sur la base d’un rapport médical ayant imputé son geste à l’attaque, les juges d’instruction ont considéré que cet ancien analyste dans un laboratoire scientifique pourrait bien être le 131ème mort des attentats du 13 novembre. Pour ses parents, qui se sont battus pour obtenir cette première reconnaissance, c’est un soulagement, même s’il n’atténue pas leur peine et que leur combat n’est pas terminé. Car il appartiendra à la cour d’assises d’apporter une réponse définitive »

Etat de stress post-traumatique (ESPT), selon l’Institut de Victimologie :

 « Une situation ou un événement stressant (de courte ou de longue durée) exceptionnellement menaçant ou catastrophique qui provoquerait des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus » entraîne « une réponse différée ou prolongée » dont la conséquence est dans 15 à 35 % des cas selon la nature de l’événement traumatique et le vécu subjectif du sujet, un ESPT.

« L’ESPT peut s’accompagner de divers troubles comorbides qui sont parfois la seule manifestation clinique dont se plaint le patient qui ne fait pas le lien avec l’événement traumatique causal. La prévalence vie entière de l’ESPT atteint en Europe, selon l’étude ESEMeD menée en 2004 sur un échantillon de 21 425 habitants de six pays d’Europe, 2.9 % des femmes et 0.9 % des hommes, c’est beaucoup moins qu’aux Etats-Unis. Il faudrait par conséquent rechercher systématiquement des antécédents traumatiques chez tous les patients qui consultent un professionnel de santé pour traiter la cause de certains troubles et non les conséquences. »

De ce point de vue le cas de Guillaume illustre de manière exemplaire combien le terrorisme peut faire des ravages à distance. Le jeune homme  avait fait l’objet, en janvier 2017, d’un examen médico-légal par un psychiatre du Fonds de garantie des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), l’organisme chargé d’évaluer le préjudice des victimes.     «Ce sujet présente un trouble psycho-traumatique caractérisé, qui reste évolutif, avec de très nombreux évitements, des moments d’anxiété majeure en de nombreuses circonstances […], une modification de son rapport à l’existence, un remaniement de son système de valeurs, le sentiment d’un éloignement dans son rapport aux autres », résume-t-il alors, précisant que son état n’est pas encore stabilisé.

Episode dépressif majeur

« L’état médical de Guillaume s’aggrave à l’été 2017, rapporte Le Parisien. Hypocondriaque, il multiplie les visites chez le médecin. Son état d’anxiété est tel qu’il est admis en psychiatrie en août. Trois mois plus tard, il met fin à ses jours. Alain et Arlette Valette prennent attache avec Me Claire Josserand-Schmidt, une avocate qui intervient notamment auprès de l’Association française de victimes du terrorisme (AFVT). Ils sont persuadés que le suicide de leur fils est la conséquence de l’attentat. »

C’est alors le Dr Catherine Wong, psychiatre spécialisée dans la réparation juridique du dommage corporel qui prend connaissance du dossier. Et qui porte un diagnostic : au moment de son décès, le jeune homme souffrait d’une « dépression délirante ». Aucun antécédent psychiatrique,  Dr Wong privilégie la piste du traumatisme psychique dans son rapport daté de janvier 2019 :

« On peut établir que le traumatisme du 13/11/15 a été responsable d’un état de stress post-traumatique chez M. Guillaume Valette, qui s’est compliqué d’un épisode dépressif majeur […] et que le suicide a été une complication de cet épisode dépressif majeur. Le suicide de M. Valette Guillaume est donc bien la conséquence ultime de l’attentat du 13/11/15 ».

Et le 2 mai dernier les juges d’instruction en charge du dossier adressent aux parents de Guillaume un « avis à partie civile » reconnaissant ainsi implicitement le statut de victime de leur fils. « C’est une avancée considérable, souligne Me Josserand-Schmidt. En accueillant la constitution de partie civile de la famille de Guillaume, les juges d’instruction admettent la possibilité du lien de causalité entre l’attentat et son suicide. La discussion médicale se poursuivra devant la cour d’assises qui tranchera lors du procès. »

Où l’on apprend que le trébuchet aveugle de la justice française peut percevoir le poids de certaines blessures invisibles. « Ces blessures peuvent, tout autant qu’une jambe amputée ou un œil arraché, handicaper la victime dans sa sphère personnelle, familiale, intime, sociale, dit l’avocate, en écho. L’histoire de Guillaume doit alerter les pouvoirs publics sur le nécessaire accompagnement des victimes d’attentats sur la durée. Notre système d’indemnisation devrait aussi en tirer les conséquences : si les atteintes fonctionnelles sont plutôt bien évaluées en cas de blessures corporelles, nous en sommes encore, s’agissant des blessures psychiques, très loin. »

A demain @jynau

Vingt-quatre empoisonnements, neuf mortels : comment l’affaire bisontine évoluera-t-elle ?

Bonjour

Son nom peine à imprimer : le Dr Frédéric Péchier. Aussi les médias parlent-ils de « l’anesthésiste bisontin ». L’affaire est simplement inimaginable. Aussi cherche-t-on des points d’ancrage. Et, quand ils se souviennent, les médias évoquent « l’affaire Mériel » (CHU de Poitiers, 1984, un mort).

La cour d’appel de Besançon a, le 12 juin,  maintenu le Dr Frédéric Péchier, soupçonné de vingt-quatre empoisonnements dont neuf mortels, en liberté sous contrôle judiciaire. L’information a été donnée par les avocats de la défense et ceux des parties civiles. À l’issue de quatre heures de débats et d’une heure de délibéré les magistrats bisontin ont (à nouveau) laissé le médecin anesthésiste libre – comme il l’est depuis sa première mise en examen, prononcée en mars 2017, pour sept premiers cas d’empoisonnement.

Me Jean-Yves Le Borgne, l’un des avocats du médecin : « La chambre de l’instruction a purement et simplement confirmé la décision qui avait été prise au mois de mai par le juge des libertés et de la détention. C’était ce que nous sollicitions, c’était ce que nous espérions, c’était dans notre esprit ce que l’équité mais aussi le droit et la procédure pénale française commandaient. Nous vous le disons avec force, le Dr Péchier est présumé innocent (…), c’est un dossier en l’état sans preuves, il y a encore beaucoup d’actes d’investigation à accomplir ».

La démesure de l’ego

C’est peu dire que les parties civiles ont mal compris la décision des magistrats bisontins. Les chaînes télévisées ont amplement relayé leurs réactions. A ce stade l’affaire est d’un peu banale complexité, comme en témoigne un remarquable dossier du Parisien (Louise Colcombet) : « Anesthésiste de Besançon : révélations sur le mobile présumé du docteur Péchier En plus d’un ‘’ego démesuré’’, les enquêteurs soupçonnent le docteur Péchier d’avoir empoisonné des patients pour se venger de ses confrères. Le mobile est selon eux pluriel. Narcissisme confinant à la mégalomanie ou volonté de régler ses comptes par patients interposés ? (…) ».

Où l’on en revient à cette fascination que peut exercer le « fait divers ». Un sujet traité dans Libération ( Frédérique Roussel) : « Ecrire un fait divers est un défi lancé au réel » – un remarquable entretien avec Frédérique Toudoire-Surlapierre (« Le fait divers et ses fictions » Minuit, 192 pp., 18 €).

« Le fait divers n’existe que par les médias. Si un crime a lieu mais qu’il n’est pas signalé dans le journal, ce n’est pas un fait divers. Donc sa première expression est médiatique ; elle se caractérise souvent par la concision, la surprise, elle est un surgissement de l’extraordinaire dans une vie ordinaire. En revanche, le fait divers littéraire est tout autre puisque l’écrivain développe l’intrigue, il donne aussi des éléments de biographie des protagonistes, il rend compte de la complexité, voire de l’ambivalence des faits. C’est le cas de Truman Capote avec De sang-froid, Philippe Jaenada avec La Serpe, Lola Lafon avec Mercy, Mary, Patty, Emmanuel Carrère avec L’Adversaire à sa façon. »

Quel écrivain, s’emparera, demain, de l’affaire de l’anesthésiste bisontin ?

A demain @jynau

 

Justice et Dépakine® : victime anonyme, il reçoit 1,326 million d’euros d’indemnisation

Bonjour

Comment être juste quand il s’agit d’indemniser ? L’affaire est rapportée par Le Parisien (Elsa Mari et Florence Méréo) : Un jeune homme de 20 ans, handicapé en raison de la prise de Dépakine® par sa mère durant la grossesse a obtenu 1,3 million d’euros du fonds d’indemnisation des victimes des « accidents médicaux ». La somme a été révélée au quotidien (actuellement très affûté sur les questions de « santé ») par la mère du jeune homme qui vit avec lui. Tous deux « souhaitent conserver l’anonymat ».

Les diverses pathologies de ce jeune homme (« malformation cardiaque, autisme, dépendance ») corrélées à la prise in utero de Dépakine® ont été « reconnus ». Il fait partie, selon Le Parisien, des premières personnes indemnisées par le fonds mis en place par l’Etat pour dédommager les victimes de cet antiépileptique fabriqué par la puissante multinationale pharmaceutique française Sanofi – troisème géant mondial du secteur.

La somme obtenue (1 326 721 euros) a « soulagé » la victime et sa famille -elle permettra de faire l’économie d’une longue bataille judiciaire. La mère regrette toutefois que le fonds n’ait pas retenu le terme d’« autisme », mais lui ait préféré celui de « trouble du déficit de l’attention » ; une qualification utilisée, selon certains patients, pour tenter de minorer certains versements.

La roulette russe

Pour Marine Martin, présidente de l’Apesac (Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant) cette indemnisation élevée ne doit pas masquer des décisions beaucoup moins favorables dans la plupart des dossiers. « Les premières indemnisations sont faibles, partielles, elles peuvent être de zéro, trente ou cent mille. C’est la roulette russe », a-t-elle déclaré au Parisien.

La Dépakine®  (valproate de sodium) est tenue pour être responsable, depuis 1967, de malformations (entre 2 150 et 4 100 cas)  et de troubles neurodéveloppementaux (entre 16 600 et 30 400 enfants) selon des estimations de l’Assurance-maladie et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

 « 1 655 dossiers sont en cours d’évaluation par des experts de l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux), précise le quotidien.  Il y a deux ans, la création de l’Oniam était pleine de promesse. Enfin, les familles allaient être indemnisées sans passer par les tribunaux. L’idée, mettre en place un dispositif amiable destiné aux victimes de la Dépakine®, plus communément appelé ‘’fonds d’indemnisation’’. Le seul en France après celui du Médiator.  Mais alors que les premières propositions de chèque arrivent dans les boîtes aux lettres, les montants étonnent, voire suscitent l’incompréhension. Jusqu’à présent, sur 1655 demandes de réparation, 170 ont été examinées, 11 rejetées et 20 font l’objet d’une offre définitive. »

« Radin l’Oniam ? » Pour l’heure cet argent reste celui de l’Etat, Sanofi ayant refusé de s’acquitter de tout ou partie des indemnisations. Une position que nombre d’observateurs tiennent pour intenable – sans même parler de sa dimension morale. A chaque indemnisation versée l’Etat se retournera contre la firme, devant les tribunaux.

On aurait imaginé moins compliqué. Mais, il est vrai, comment être au plus juste quand il s’agit d’indemniser ?

A demain

@jynau