Bonjour
Formidable ou faux espoir ? Un recul de quatre mois… En parler ou pas ? L’affaire « Layla Richards » résume assez bien la question de la responsabilité des médias face à une information médicale présentée (par ceux qui la délivrent) à la fois comme spectaculaire et préliminaire. Une information dont la diffusion aura d’immanquables conséquences financières.
Un poster à Orlando
A dire vrai le débat est d’ores et déjà tranché. La BBC, Le Parisien et Le Monde (dans sa rubrique économique). Sans oublier The New York Times : “A Cell Therapy Untested in Humans Saves a Baby With Cancer”. Et les effets sur la Bourse sont déjà là.
L’information la plus complète est donnée par la société française Cellectis à l’origine de ce succès thérapeutique. « Un résultat spectaculaire UCART19 : première preuve de concept chez l’humain présentée lors de la prochaine conférence annuelle de l’American Society of Hematology ». En pratique il s’agit d’un simple « poster » 1 présenté à Orlando, où se tient cette conférence – un résultat obtenu par des médecins et chercheurs du Great Ormond Street Hospital (GOSH) de Londres et de l’University College London.
Petite fille de 11 mois
Il s’agit du traitement, en juin 2015 d’une petite fille britannique de 11 mois (Layla Richards) souffrant d’une leucémie lymphoblastique aigüe récidivante après rejet d’une greffe de cellules souches allogéniques. Voici le communiqué destiné à la presse. Chaque mot, chaque virgule a été passé au trébuchet juridique :
« En vertu d’une licence accordée par l’agence anglaise de régulation des produits médicaux, la MHRA (Medicines & Healthcare products Regulatory Agency). Le produit candidat allogénique UCART19 (voir note 2), conçu par Cellectis et ingénieré avec la technologie TALEN®, a été administré à cette patiente parce qu’aucune autre thérapie n’était disponible pour traiter cette leucémie lymphoblastique aigüe récidivante, suite au rejet d’une greffe de cellules souches allogéniques.
En réponse à une requête non sollicitée du Professeur Waseem Qasim, consultant immunologiste à GOSH et professeur en thérapie génique et cellulaire au UCL Institute of Child Health, Cellectis a donné son accord pour l’utilisation de son produit candidat UCART19 et des technologies associées dans le cadre d’une licence “Specials” et sous la responsabilité de GOSH, pour répondre aux besoins cliniques spécifiques de cette patiente.
Jalon important
“Le succès du traitement administré à cette patiente grâce aux cellules UCART19 représente un important jalon dans l’utilisation d’une nouvelle technologie d’ingénierie du génome. Si ces résultats sont reproduits avec d’autres patients, ce traitement pourrait représenter un énorme pas en avant dans le traitement de la leucémie et d’autres cancers,” a déclaré le Professeur Qasim.
“Nous sommes très heureux que cette jeune patiente ait pu bénéficier de notre produit candidat UCART19, fondé sur des cellules CAR T allogéniques ingénieriées avec notre technologieTALEN®. Nous comptons accélérer le développement clinique de nos produits candidats CAR T allogéniques ingénierés avec la technologie TALEN®afin de confirmer cette encourageante preuve de concept,” a déclaré le Docteur Mathieu Simon, MD, Vice Président Exécutif, Directeur des Opérations à Cellectis.
“Notre équipe a pour objectif de donner accès aux patients dont les besoins médicaux ne sont pas satisfaits à la première thérapie CAR T allogénique, UCART19, ingénierée par Cellectis avec la technologie TALEN®,” a déclaré le Docteur André Choulika, fondateur de Cellectis et Président-directeur général de l’entreprise. “Le produit candidat UCART19 a été injecté à une patiente qui ne pouvait être traitée par une thérapie CAR T autologue. Cellectis a investi et continuera à investir son énergie et sa créativité dans le but d’offrir aux patients atteints de cancer des thérapies CAR T économiquement compétitives, prêtes à l’emploi et accessibles partout dans le monde. Notre objectif est de rendre nos produits candidats accessibles à tous.” »
Plus de 11%
Le Monde cite le Pr Paul Veys, responsable de l’équipe qui a conduit ce travail, et qui dit qu’il s’agit « presque d’un miracle ». Le quotidien du soir précise aussi que les essais cliniques ne commenceront qu’à la fin de l’année qu’avec douze patients britanniques – et que la commercialisation n’est pas prévu avant (au moins) cinq ans. Il ajoute : « à l’annonce de cette première réussite le cours de Cellectis a bondi de plus de 11 %.»
La question, bien évidemment, n’est plus de savoir s’il faut « en parler ou pas ». Tout le monde ou presque parle et parlera ra de Layla Richards. La question, comme toujours, est celle de savoir comment parler de ce qui apparaît « presque comme un miracle ».
A demain
1 “First Clinical Application of Talen Engineered Universal CAR19 T Cells in B-ALL”. Gene Therapy and Transfer. Program: Oral and Poster Abstracts Session: 801. Gene Therapy and Transfer: Poster I Saturday, December 5, 2015, 5:30 PM-7:30 PM Hall A, Level 2 (Orange County Convention Center)
2 « UCART19 » est un potentiel traitement « best-in-class allogénique », fondé sur des cellules T modifiées qui ciblent l’antigène CD19, situé sur les cellules cancéreuses de la leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) et de la leucémie lymphoïde chronique (LLC). Servier pourra exercer une option afin de se voir concéder une licence exclusive pour le développement et la commercialisation d’UCART19. Les cellules T allogéniques ciblant CD19 sont considérées comme une réelle innovation thérapeutique pour traiter différents types de leucémies et de lymphomes. L’approche de Cellectis s’appuie sur les résultats positifs d’essais cliniques utilisant des produits fondés sur la technologie CAR et pourra potentiellement dépasser les limites de l’approche autologue en proposant un produit allogénique congelé prêt à l’emploi.