Aider à «suicider» les victimes de troubles psychiques ? En Suisse c’est une possibilité

Bonjour

Etrange voisine que la Suisse. Nous évoquions il y a quelques jours une assez peu banale affaire suisse : une  médecin âgée de 61 ans accusée de meurtre comparaissant  devant la cour pénale de Bâle-Campagne. Professionnelle de l’ « aide à mourir » elle avait « pris en charge » une sexagénaire dépressive et incapable de discernement résumait Le Matin.

Pour le ministère public, l’accompagnement vers la mort de la femme de 67 ans, en juin 2016, s’était de façon irrégulière. La sexagénaire vivait dans un « home médicalisé » à Bâle-Campagne. Elle s’était tournée vers l’organisation d’aide au suicide « Eternal Spirit » après le refus de l’association alémanique « Exit » de l’aider à se suicider.

Or, selon l’acte d’accusation, la femme souffrait de graves troubles dépressifs et du trouble de somatisation également connu sous la dénomination « syndrome de Briquet ». Ces maladies ne sont pas mortelles et la sexagénaire n’était pas capable de discernement, estimait l’autorité d’enquête.

L’acte d’accusation précisait que la prévenue a agi par «idéalisme personnel». Elle avait déjà réalisé « quatre cents accompagnements vers la mort » en treize ans d’activités chez Eternal Spirit – et six cents expertises favorables au suicide assisté effectuées auparavant quant elle était consultante pour Dignitas. «Je n’ai rien fait d’illégal», avait pour sa part affirmé la médecin.

Surestimation de sa compétence

On connaît aujourd’hui le jugement, grâce au Temps (Céline Zünd) : « Erika Preisig échappe de peu à une condamnation pour homicide. La présidente de l’association d’aide au suicide bâloise Eternal Spirit est acquittée de la prévention de meurtre et condamnée pour violation de la loi sur les produits thérapeutiques ». Le tribunal pénal de Bâle-Campagne, l’a condamnée à 15 mois de prison avec sursis et une amende de 20 000 francs.  La doctoresse pourra continuer à pratiquer l’aide au suicide, mais elle a l’interdiction de prescrire du pentobarbital de sodium à des patients atteints de troubles psychiques.

« Le président de la cour, Christoph Spindler, s’est adressé à Erika Preisig sur un ton sévère, soulignant qu’elle avait échappé ‘’de justesse’’ à une condamnation pour homicide. Il lui a reproché d’avoir surestimé sa propre compétence dans l’évaluation de la capacité de discernement d’une retraitée sexagénaire atteinte de troubles psychiques. Avant de l’accompagner vers la mort en juin 2016, elle aurait dû faire davantage d’efforts pour trouver un psychiatre disposé à clarifier l’état de santé de la patiente. Les juges écartent toutefois la prévention de meurtre et retiennent contre Erika Presig plusieurs infractions au droit sur les produits thérapeutiques: la doctoresse a notamment échangé des étiquettes sur des doses destinées à l’origine à certains patients et finalement attribuées à d’autres. »

Erika Preisig revient de loin. La procureure avait requis une peine de cinq ans de prison pour homicide volontaire et une interdiction de pratiquer l’aide au suicide. La défense plaidait l’acquittement. « Exit a salué mardi cette décision, nous dit Le Temps. L’association d’aide au suicide alémanique se réjouit que les juges bâlois aient accordé de la valeur à l’autonomie du patient. «Ce jugement ne remet pas en question l’aide au suicide en Suisse, ni les procédures suivies par Exit dans des cas de personnes atteintes de troubles psychiques».

Troubles psychiques ou pas, on sait ce qu’il en est, en France, du suicide médicalement assisté. Et l’heure ne semble pas venue d’y imiter ce que la Suisse, étrangement, s’autorise à pratiquer.

A demain @jynau

 « Tabac chauffé » : l’invraisemblable micmac de Big Tobacco et des autorités de santé

Bonjour

Faire le chemin de la frontière, jusqu’à Ferney-Voltaire pour mieux dissiper les brouillards français.  Ainsi ce papier édifiant de la Revue Médicale Suisse : « Produits du tabac ‘’chauffé’’ : que faut‑il savoir ? »1. Il s’agit ici de lIQOS™ , du gloTM  et du PloomTM Tech des trois géants mondiaux du tabagisme.

Huit spécialistes de santé publique de Lausanne décryptent ici un sujet essentiel – un sujet sur lequel les hauts responsables sanitaires français (et les autres) n’ont pas encore jugé de se pencher : le micmac du « tabac chauffé ». Résumé :

« Face à la diminution constante des ventes de cigarettes conventionnelles, l’industrie du tabac a développé et mis sur le marché depuis 2015 un nouveau type de produits qui ne « brûlent » pas le tabac, dits produits du tabac « chauffé » (heated tobacco products ou HTP). Ils sont vendus comme des produits à risques potentiellement réduits, du fait de leur capacité technique à limiter le processus de combustion et la génération de composés toxiques.

« Toutefois, les principaux composés toxiques émis par la fumée de cigarette conventionnelle sont aussi présents. Actuellement, très peu de recherches indépendantes existent pour vérifier le niveau de risque des HTP, ce qui soulève d’importantes questions parmi la population et les acteurs de santé publique. Cet article fait le point sur ces produits. »

Allégations sans démonstration

Aurélie Berthet, Isabelle Jacot Sadowski, Karin Zürcher, Valentine Guenin, Aude Gendre, Reto Auer, David Vernez, Jacques Cornuz ont cherché à faire le tour de la question. Ils rappellent, point essentiel, que les produits HTP diffèrent de la vaporette/vapoteuse/cigarette électronique qui ne contient pas, elle, de tabac. L’absence de combustion ferait des HTP des « produits du tabac moins toxiques que les cigarettes ». Pour sa part, le géant Philip Morris International (PMI) a engagé auprès de l’US Food and Drug Administration (FDA) une demande de certification permettant de présenter son dispositif comme à risque réduit par rapport aux cigarettes classiques. Mais début 2018, le groupe consultatif de la FDA a conclu que l’entreprise « n’avait pas réussi à démontrer qu’une réduction de l’exposition aux produits chimiques pouvait raisonnablement se traduire par une réduction mesurable des maladies ou des décès ».

« L’offensive industrielle du tabac « chauffé » suscite une multitude de questions parmi la population et les acteurs de santé publique : comment ces produits fonctionnent-ils ? Quelle est la composition des émanations de ces produits ? Le tabac « chauffé » est-il véritablement moins à risque pour la santé des utilisateurs et des non-utilisateurs ? Quelles sont les conditions de commercialisation et d’usage de ces produits (cadres légaux) et quelles sont les stratégies marketing développées par les industriels ? »

Il faut ici lire la Revue Médicale Suisse qui esquisse quelques éléments de réponse. Sans oublier de décrypter la publicité de Big Tobacco :

« Les efforts de communication des entreprises vont dans le sens de reconnaître les risques sanitaires de la cigarette conventionnelle et de profiler les produits HTP comme des produits plus « propres » et moins nocifs, notamment par la mise en avant de nouvelles technologies. Des arguments tels que « réduction des émissions toxiques », « sans combustion », cleaner sont usités dans leurs communications marketing.

« Un accent particulier est également porté sur la mise en avant du confort des utilisateurs et de leur entourage (« pas de fumée », « moins d’odeur », « pas de cendre »), tout en permettant aux fumeurs de vivre une expérience très proche de celle procurée par la cigarette, avec du vrai tabac. De cette manière, l’industrie du tabac entend se présenter comme un partenaire fiable de santé publique, tout en conservant sa clientèle maintenue dépendante à la nicotine. »

Quelques premières études indépendantes attesteraient d’une quantité de composés toxiques inférieure à celle comprise dans la fumée de cigarettes conventionnelles,  mais sans pour autant pouvoir conclure que les HTP induisent moins de risques sur la santé que les produits de tabac classiques. « L’absence de combustion n’empêche ni la production de fumée ni la présence des principaux produits toxiques retrouvés dans la fumée de cigarette » résument les auteurs suisses.

Et d’ajouter que le nombre d’études indépendantes concernant les produits HTP est relativement faible, et qu’aucune n’inclut des personnes utilisatrices ou ne porte sur les effets potentiels sur la santé. « Il est donc impératif que d’autres études scientifiques indépendantes de l’industrie du tabac testent la véracité des informations avancées par cette dernière et analysent le contenu de la fumée émise par ces HTP » soulignent-ils.

Recrutement de nouveaux consommateurs

Où l’on retrouve, comme dans le cas de la cigarette électronique, l’invraisemblable passivité des autorités sanitaires nationales (sans parler de l’OMS) sur un sujet majeur de santé publique – un invraisemblable et coupable  désintérêt médical et scientifique pour cette question prioritaire de réduction des risques.

« Actuellement en Suisse et dans d’autres pays, les produits du tabac « chauffé » profitent des brèches laissées par les cadres légaux, notamment en matière d’avertissements sur les emballages, de taxation et d’usage dans les lieux publics. Les cigarettiers, tout en continuant de saper les efforts de prévention du tabagisme, déploient en outre pour les HTP des stratégies marketing renouvelées et sophistiquées 2. Cela laisse craindre le recrutement de nouveaux consommateurs, notamment parmi les jeunes.

« Par ailleurs, il sera très difficile scientifiquement d’évaluer l’impact réel des HTP sur la santé de leurs utilisateurs, en particulier pour celles et ceux qui ont au préalable fumé pendant plusieurs années des cigarettes traditionnelles. La part attribuable, respectivement à la consommation des HTP et à celle des cigarettes traditionnelles, sera méthodologiquement très complexe à apprécier. Quant à celles et ceux qui commenceraient leur exposition au tabagisme directement par la consommation de ces HTP, il faudra de nombreuses années de suivi pour en apprécier le véritable risque, en raison de la latence entre l’exposition et la survenue des cancers dus au tabac. »

A demain

@jynau

1 Aurélie Berthet, Isabelle Jacot Sadowski, Karin Zürcher, Valentine Guenin, Aude Gendre, Reto Auer, David Vernez, Jacques Cornuz Produits du tabac ‘’chauffé’’ : que faut‑il savoir ? Rev Med Suisse 2018; volume 14.1935-1941

2 « Philip Morris veut convaincre que son avenir se fera sans cigarettes ».  Le Temps, 2 octobre 2018

 

Dignité : la trop belle vidéo de Jacqueline qui se suicidera avant la fin du quinquennat

Bonjour

Trop beau pour être vrai ? Trop laid pour être faux ? Nous sommes ici aux antipodes de l’ode aux soignants de Nicolas Philibert. C’est une vidéo paradoxalement mortifère diffusée dans deux formats par Brut (3’01 ») et Kombini  (7’35 »).

Résumons la seconde version : un échange de salon post-café, sur sofa/canapé, entre Jacqueline Jencquel, 74 ans et le bien trop jeune Hugo Clément. Le second demande à la première pourquoi elle a programmé sa mort dans moins de deux ans – et ce alors qu’elle fait tout pour montrer qu’en dépit de ses trois quarts de siècle elle est en « pleine forme. » Association étudiée de langage châtié et de vulgarité.

Nous sommes ici entre Narcisse, le mythe, et Zénon, celui de Yourcenar. Elle veut « mourir debout ». Jacqueline Jencquel, donc, qui couche ses pensées sur son blog. Et qui choque son hébergeur : Le Temps, de Genève. Précisément, lisons, lentement, Le Temps (Sylvia Revello)

« En médiatisant sa mort, Jacqueline Jencquel choque. Après avoir ouvert un blog au ‘’Temps’’, la Française de 74 ans justifie sans états d’âme sa volonté de mourir dans des vidéos tournées pour Brut et Konbini. L’aspect à la fois intime et militant de sa démarche interpelle.

« Planifier le jour de sa mort: le choix de Jacqueline Jencquel, 74 ans, choque, irrémédiablement. Elle qui ne souffre d’aucune maladie incurable ou dégénérative souhaite bénéficier d’un suicide assisté en Suisse en janvier 2020. La médiatisation volontaire de sa démarche interpelle d’autant plus. Après avoir entamé un blog sur le site du Temps, la Française a tourné deux vidéos pour Brut et Konbini, qui ont déclenché ce week-end des milliers de réactions, aussi contrastées les unes que les autres.

« Pourquoi vouloir cesser de vivre? Celle qui milite pour la légalisation du suicide assisté en France depuis plusieurs années dévoile pléthore d’arguments: l’impression d’avoir fait le tour, la peur de devenir prisonnière de son corps, infantilisée, surmédicalisée, impuissante face à la vieillesse qui progresse inexorablement. Pas question pour elle d’entendre un jour la voix d’une infirmière lui murmurer à son réveil dans un mouroir: «Alors Madame Jencquel, il fait beau aujourd’hui, on est bien.» Elle l’avoue, elle est loin d’en être là, mais la perspective de subir cette inéluctable dégradation la rebute. 

« Courage d’affronter la mort ou caprice indécent face à ceux qui n’ont vraiment pas le choix: les avis des internautes sont partagés. Certains pointent un témoignage  »difficile à entendre », mais «tellement humain». D’autres fustigent une décision  »contraire au destin », un «choix cynique»,  »comble du nihilisme et de l’égoïsme ». C’est que la mort reste un tabou. Sans raisons majeures, la vie doit être vécue, presque par défaut. La décréter bonne à jeter sonne comme un affront incongru.

« Dans l’interview accordée à Konbini, Jacqueline Jencquel fait voler en éclats cette pudeur. Elle se montre goguenarde, presque vulgaire. C’est sur un ton provocateur qu’elle répond aux questions d’Hugo Clément.  »J’ai tout fait », lâche-t-elle, en se qualifiant de  »femme libre », lucide, qui refuse de  »faire l’amour avec un mec au bide énorme » ou de finir ‘’légume’’ dans un ‘’plumard’’. 

Pimpante, en baskets et ensemble rose poudré, elle toise la caméra, confortablement installée dans un sofa. Lorsque le journaliste lui demande si elle redoute le grand saut, elle rit aux éclats à l’idée de ‘’sucer’’ des ‘’beaux mecs comme Hugo pour l’éternité’’ au paradis. Quant à la date précise de sa mort, elle ne résulte que de l’agenda de son médecin, qui rentrera tout juste de vacances. »

Pour Le Temps cette surexposition médiatique sape toute crédibilité. Un mauvais coup, en somme porté aux volontés de « mourir dans la dignité ». Pourquoi faire étalage d’un choix dont la dignité réside, précisément, dans l’intimité ?  On lira aussi, dans le quotidien suisse, l’opinion éclairée de deux médecins:  Mort planifiée: une inquiétante mise en scène du suicide. Un texte signé des Drs Mélina Andronicos et Dr Laurent Michaud, membres du Groupe romand de prévention du suicide.

A demain

 

Séisme éthique : vingt ans après Dolly des singes ont été créés par clonage en Chine

 

Bonjour

C’est un séisme biologique. On peut en lire  (gratuitement) les détails dans Cell : « Cloning of Macaque Monkeys by Somatic Cell Nuclear Transfer . » Et la traduction généraliste sur la BBC : « First monkey clones created in Chinese laboratory ».

C’est un séisme :  vingt ans après la brebis Dolly des scientifiques chinois annoncent être parvenus à créer des primates via le technique du clonage. « La naissance de Dolly, morte le 14 février 2003, avait eu l’effet d’un séisme, tant sur le plan de la percée scientifique que sur celui des débat éthiques qu’elle suscitait, rappelle Le Monde (Paul Benkimoun). Pour la première fois, des chercheurs étaient parvenus à faire naître un animal en bonne santé, réplique génétique à l’identique de sa mère, sans passer par la reproduction sexuée. Depuis, ce sont au total 23 espèces de mammifères différentes qui avaient fait l’objet d’un clonage de ce type, de la souris au chameau en passant par le cheval ou le cochon. » Pour autant on en restait là – loin des primates, humains ou pas.

C’est un séisme éthique. « Qu’on le veuille ou non, ce clonage chez un primate est un grand pas en avant, sur la voie… du clonage d’embryons humains. Car même si la maîtrise de cette technique est loin d’être parfaite, quand on étudie le macaque, c’est bien, en général, pour se rapprocher de l’homme » explique, dans Le Temps,  Hervé Chneiweiss, président du Comité d’éthique de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale.

Et maintenant ?

A demain

 

«Tabac chauffé» : Philip Morris a-t-il programmé la mort de la cigarette qui tue ?

 

Bonjour

Ancien de l’Ecole Polytechnique de Lausanne, André Calantzopoulos est aujourd’hui le PDG de Philip Morris International (PMI), l’une des premières puissances mondiales du « tabac brûlé ». Son groupe s’apprête à lancer en France l’appareil IQOS et ses recharges de « tabac chauffé » présentés comme une manière de fumer « à moindre nocivité ».

L’appareil IQOS est d’ores et déjà commercialisé dans vingt pays.  Il sera bientôt (70 euros) chez les vingt-six mille buralistes de l’Hexagone – avec les paquets de vingt sticks de tabac au prix du paquet de Marlboro, (7 euros). Le tout devant les murs de « paquets neutres » avec le logo et les couleurs de Philip Morris. Le géant du tabac « brûlé » assure avoir investi trois milliards de dollars depuis 2008 pour développer des « produits à risques potentiellement réduits ». C’est, à en croire ses communicants, une véritable mutation industrielle estampillée « moindre risque ». C’est aussi une concurrence directe de la révolution que constitue la cigarette électronique.

« Ce marketing bien rodé est trompeur car il entretient une certaine confusion, vient de commenter, sur France Inter, le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue-militant. C’est du tabac chauffé, non brûlé, disent-ils, mais il est un peu brûlé tout de même et il libère de toutes petites doses de monoxyde de carbone et de produits toxiques. C’est un produit du tabac, on n’est pas du tout sur une cigarette électronique, alors que Philip Morris veut entretenir la confusion et dire que c’est la même chose. »

Pas devant les enfants

André Calantzopoulos écoute-t-il  France Inter ? Répondra-t-il aux commentaires du Pr Dautzenberg ? Il faut l’espérer puisque le PDG de Philip Morris International semble goûter les médias. Il était à Londres en novembre dernier au moment du lancement d’IQOS au Royaume-Uni. Et le PDG de parler à la BBC. « Le moment viendra où nous aurons suffisamment d’adoptions de ce produit alternatif pour commencer à envisager, avec les gouvernements, l’élimination des cigarettes.  J’espère que ce moment arrivera bientôt ». Interrogé par The Times, il semblait voir le jour où PMI arrêterait de vendre des cigarettes : « Pas au cours de mon mandat de PDG, mais de mon vivant, j’espère ».

Il y a quelques semaines le quotidien suisse Le Temps interrogeait le PDG de Philip Morris dont le siège est à Lausanne. Extrait :

«  – Etes-vous fumeur?

– Je fume des cigarettes professionnellement. Je goûte les marques de la concurrence. Je m’accorde parfois aussi un cigare.

– Comment abordez-vous la question de la cigarette au sein de votre famille?

– Ma femme a arrêté de fumer quand elle était enceinte. Comme elle allaite en ce moment, il n’est pas question qu’elle reprenne. Etant père de famille, je suis convaincu par ailleurs qu’il ne faut pas fumer devant les enfants.

– Comment vivez-vous le fait de vendre un produit qui tue?

– La cigarette est un produit utilisé par plus d’un milliard de personnes, qu’il est légal de vendre. Ma fonction est d’offrir le plus de plaisir aux consommateurs sans gêner les autres. Cela fait dix-neuf ans que je travaille chez PMI et je suis fier de notre succès, de notre approche, de notre transparence et de notre volonté de dialoguer. »

A demain

 

Jérôme Cahuzac n’est pas totalement coupable d’avoir été le menteur qu’il est devenu

 

Bonjour

La vérité peut, aussi, venir de Suisse, pays des banques et du secret sacré. Ainsi Le Temps : « La spirale du mensonge expliquée par les neurosciences ». Et le quotidien helvète de s’attaquer à Jérôme Cahuzac, le menteur que l’on sait. L’ancien rocardien ami de Big Pharma, le séduisant ministre qui regardait « les yeux dans les yeux », le cas pathologique («Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse. A aucun moment.»

« L’affaire Cahuzac est emblématique de ce que l’on nomme communément la spirale du mensonge, écrit Le Temps. A force de mentir, l’être humain mettrait le doigt dans un engrenage qui le conduit à maintenir ses mensonges, voire à en inventer d’autres. Ce phénomène repose-t-il sur une base neuroscientifique? Une équipe de l’University College à Londres s’est penchée sur la question. »

Emotions décodées

On trouve sa réponse dans l’édition  datée du 24 octobre de Nature Neuroscience :  “The brain adapts to dishonesty”. Tout viendrait d’un dérèglement des amygdales cérébrales :

« Le terme d’amygdale est emprunté au latin amygdala « amande », lui-même emprunté au grec ἀμυγδάλη. C’est une formation de matière grise en forme d’amande dans la position antérieure du lobe temporal.

« L’amygdale est une structure cérébrale essentielle au décodage des émotions, et en particulier des stimulus menaçant pour l’organisme. En effet, l’évolution a regroupé plusieurs circuits du système d’alarme de notre organismedans l’amygdale. Plusieurs inputs sensoriels convergent vers l’amygdale pour l’informer des dangers potentiels de son environnement. Cette information sensorielle lui parvient soit directement du thalamus sensoriel, ou soit des différents cortex sensoriels.

Les auteurs de Nature Neuroscience ont commencé par analyser le « degré d’honnêteté » de quatre-vingts adultes de 18 à 65 ans. Comment ? Chaque participant a été mis en présence de photos qui illustraient un bocal transparent contenant une certaine somme d’argent indéterminée. On leur demandait d’estimer le montant contenu dans le bocal, puis de transmettre le chiffre à un partenaire via un logiciel informatique. Objectif :  inciter à  des mensonges délibérés et répétés chez les participants, puis analyser par imagerie si des structures de leur cerveau s’activent ou se mettent en veilleuse dans de telles situations.

Chocolat blanc

Le Temps nous explique ce qui, avec le chocolat blanc, pourrait être une spécialité suisse :

«  Cinq scénarios différents ont été joués, chacun donnant le bénéfice du mensonge (une somme d’argent plus importante) soit au participant au détriment de son partenaire, soit l’inverse, soit aux deux protagonistes. Résultat, lorsqu’un participant est conscient des avantages personnels que lui procure un acte mensonger, son degré d’honnêteté diminue au fil du temps.

« En d’autres termes, s’il estime pouvoir en tirer un bénéfice personnel, le participant tend à mentir toujours plus au fil des exercices, que cela avantage son partenaire ou non. Comme attendu, à l’inverse, lorsque le mensonge pénalise le participant, ce dernier devient plus honnête, son score d’honnêteté partant à la hausse. »

Puis, poursuivant leur étude menée grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), les chercheurs ont observé que des amygdales particulièrement actives correspondaient à des participants qui mentaient pour la première fois. Puis cette activité baissait en intensité. Et cette baisse de régime amygdalien s’accompagnait d’une amplification du nombre de mensonges.

«L’amygdale est le centre des émotions du cerveau humain. Son rôle est d’associer un stimulus externe avec l’anticipation d’une menace. Cette région s’active typiquement lorsque l’être humain est apeuré, pour susciter chez lui un comportement d’évitement, explique au Temps le Pr Patrick Vuillemier, spécialiste  de neurosciences à la faculté de médecine de l’Université de Genève. Au vu des résultats de l’étude, il semble que cette fonction disparaît progressivement lorsque le sujet décide d’avoir une stratégie de mensonge. Au fur et à mesure de l’avancée du test, ce dernier anticipe donc moins les dommages sociaux que peuvent engendrer ses mensonges.»

Sports extrêmes

Désormais chercheur à l’Université de Princeton, l’auteur principal de l’étude Neil Garret nous éclaire un peu plus. Il explique cette corrélation par un «effet d’adaptation»: «L’amygdale s’habitue en quelque sorte au mensonge, ce qui entraîne une diminution de son activité. Plus celle-ci diminue, plus le sujet sera enclin à mentir et à se comporter selon son intérêt personnel.»

On peut parler ici de « spirale du mensonge ». Les auteurs parlent quant à eux  de « pente glissante », d’une « amplification du mensonge ». Ce mécanisme d’adaptation émotionnelle pourrait bien concerner d’autres comportements. Neil Garret évoque notamment ceux ayant trait à la prise de risque  comme avec les sports extrêmes. Où l’on retrouve Jérôme Cahuzac, grand amateur de sports extrêmes et de pentes neigeuses glissantes.

A demain

Chroniqueur de lui-même, le président de la République ne cesse de parler aux journalistes

 

Bonjour

François Hollande n’est certes pas Louis XI. Il pourrait être un cousin par alliance de Philippe de Commynes, son mémorialiste. Le président de la République est un mémorialiste par procuration, un mémorialiste  de lui-même, aidé par de nombreux journalistes qu’il convie sous les ors de la République. Etrange situation,  méchamment croquée avec délice, ce weekend, par notre consœur du Monde Raphaëlle Bacqué : « Le président qui aimait les journalistes ». Une lecture indispensable, un scénario parfait pour une nouvelle série télévisée d’Arte sur les rapports entre Médias et Pouvoir.

Numéro du Président

Dans les milieux bien informés l’affaire était connue de longue date. On ne comptait plus le nombre de détenteurs de la carte de presse qui avaient en mémoire le numéro personnel du téléphone portable du président. Raphaëlle Bacqué a entrepris de lever le voile, de décrypter ces rapports que les plus rigoureux qualifieront d’incestueux. Extraits de cette redoutable mise en abyme :

« Depuis toujours, François Hollande parle aux journalistes. Disert et disponible, commentateur passionné des jeux politiques bien plus que des enjeux de société. Il racontait autrefois les socialistes, lisant les échos du Canard enchaîné – qu’on l’a longtemps soupçonné d’alimenter lui-même – pour décrypter sous la fausse confidence ou l’humour vache l’intérêt de tel ou tel informateur.

« Son arrivée à l’Elysée n’a presque rien changé. Le chef de l’Etat raconte désormais sa propre action présidentielle en se mettant en scène au présent de l’indicatif, le temps privilégié des récits journalistiques, comme pour un prêt-à-publier (…) Commentateur de sa propre action, le président répond à tous, fidèle à sa façon habituelle de gérer les hommes : tout le monde peut se placer sur la ligne de départ et advienne que pourra. » (…)

« Il échange des textos avec le service politique de France Inter. « Les journalistes politiques ont essayé de comptabiliser le nombre d’entre eux qui reçoivent des SMS du président. Ils ont dépassé le chiffre ahurissant de 70… Le moindre confrère qui enquête sur un ministre ou une affaire mineure a droit à son rendez-vous avec le président »avait fustigé l’ancienne compagne Valérie Trierweiler, elle-même journaliste, dans son livre réquisitoire Merci pour ce moment (Les Arènes, 2014).  »

Fonts baptismaux médiatiques

C’est ainsi, dans cette zone grise, que naissent bien des livres, parus ou à paraître Le  quotidien suisse Le Temps a pris sa montre : François Hollande « passe entre 30 % et 40 % de son temps avec des journalistes ».  Gaspard Gantzer, l’omniprésent conseiller en communication de l’Elysée a pris la sienne. Résultat : « à peine 5% ».

Raphaëlle Bacqué est remontée aux années 1980, fonts baptismaux médiatiques  de ces échanges contre nature. Elle parle d’une virtuosité qui « paraît avoir disparu ». « Il reçoit beaucoup, même ceux qui le ridiculisent. Il a ouvert les portes de l’Elysée à deux documentaristes, mais n’a laissé filmer que le vide. Il parle trop, mais que dit-il ? »

Philippe de Commynes (1447-1511) ? Il a rédigé les mémoires des règnes de Louis XI et de Charles VIII. Il observa et écrivit avec, dit-on, impartialité des récits fidèles, ce qui lui fit gagner la confiance des puissants. Ses mémoires constituent de précieuses sources de l’Histoire de France et de l’Europe. Ils font encore aujourd’hui l’objet de recherches. Grand visionnaire, il constata (et regretta) l’antagonisme permanent entre les nations européennes et aspira à une Europe soudée et unie par la chrétienté. Un artisan de la synthèse, en somme,

Cage de fer

Il est arrêté au mois de février 1487 enfermé au château de Loches, dans une célèbre cage de fer, où il demeure cinq mois, avant d’être transféré à Paris. Là, de sa fenêtre, il voit de sa fenêtre les bateaux remontant la Seine. Son procès se termine en mars 1489, par une confiscation du quart de ses biens et par une sentence de relégation pour dix ans. Il se retire dans sa seigneurie d’Argenton où il meurt, sans cesse tracassé,  en 1511.

Jadis l’histoire pouvait être bien ingrate avec les mémorialistes.

A demain

1 « Conversations privées avec le président » (Albin Michel, 350 p., 19,50 euros) de Antonin André (Europe 1) et Karim Rissouli (France 5); « Un président ne devrait pas dire ça » (Stock) de Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Le Monde); « Ça n’a aucun sens » (Plon, 306 p., 15,90 euros) d’ Elsa Freyssenet (Les Echos)

A venir : les ouvrages de Cyril Graziani (France Inter), Marie-Eve Malouines (LCP), Franz-Olivier Giesbert (Le Point).

Gardasil® 9 : attendez-vous à débattre de la grande question de la vaccination des petits garçons

Bonjour

C’est une annonce vaccinale de facture commerciale. Elle est publiée alors même que vient d’être annoncé un grand débat national visant à un possible refonde de la notion d’obligation vaccinale. C’est une annonce du géant mondial Sanofi Pasteur MSD 1 qui conduira à soulever en vrai grandeur une question de nature éthique jusqu’ici généralement esquivée, celle de la vaccination des garçons.

Résumons le sujet 

Sanofi Pasteur MSD vient d’annoncer que le « Committee for Medicinal Products for Human Use » (CHMP) de l’Agence Européenne des Médicaments venait de donner son feu vert (un « avis positif ») pour la commercialisation « en deux doses » de son Gardasil® 9. Schéma en deux doses « chez les filles et les garçons  de 9 à 14 ans ». Précisons que me Gardasil® 9 est un le vaccin papillomavirus humain (HPV) nonavalent :

«  Gardasil® 9 est indiqué pour l’immunisation active dès l’âge de 9 ans contre les maladies dues aux HPV suivantes : lésions précancéreuses et cancers du col de l’utérus, de la vulve, du vagin et de l’anus dus aux types d’HPV contenus dans le vaccin ; verrues génitales liées à des types d’HPV spécifiques.

«  Gardasil® 9 devrait [sic] protéger contre les papillomavirus qui sont responsables d’environ 90 % des cancers du col de l’utérus, 85-90 % des cancers vulvaires liés au papillomavirus, 80-85 % des cancers du vagin liés au papillomavirus, 90-95 % des cancers de l’anus liés au papillomavirus et 90 % des verrues génitales.

 « Il s’agit d’un progrès significatif dans la prévention d’un plus grand nombre de cas de cancers et de maladies causés par certains papillomavirus, a déclaré Dr Stephen Lockhart, responsable du Département Développement chez Sanofi Pasteur MSD. 

« Si elle reçoit l’approbation de la Commission européenne, cette variation permettra à Gardasil® 9 d’être inclus dans les programmes de vaccination avec un schéma en deux doses, faisant suite aux deux vaccins actuellement disponibles, et protégeant contre des types supplémentaires d’HPV qui ne sont pas contenus dans ces vaccins. »

Non-infériorité

Il s’agit, en clair, d’une demande de modification de l’autorisation de mise. Cette demande est  étayée par les résultats d’essais cliniques réalisés sur environ 1 200 jeunes filles et garçons âgés de 9 à 14 ans – comparés à un groupe de 300 jeunes femmes âgées de 16 à 26 ans. Le groupe pharmaceutique  précise que l’étude « a montré la non-infériorité [sic] des réponses immunitaires contre les neuf types de papillomavirus chez les jeunes filles et garçons âgés de 9 à 14 ans ayant reçu deux doses selon un schéma (0, 6 mois) ou (0, 12 mois) par rapport aux jeunes femmes âgées de 16 à 26 ans ayant reçu trois doses selon un schéma (0, 2 et 6 mois) ».

La suite du dossier est connue : l’avis positif du CHMP pour le schéma en deux doses sera bientôt entériné par la Commission européenne. L’affaire sera d’autant plus aisée que Gardasil ® 9 a obtenu une autorisation de mise sur le marché en juin 2015 avec un schéma en trois doses. Pasteur Sanofi MSD, industriel avisé, ajoute : « En attendant la mise sur le marché de Gardasil® 9 « il est important de maintenir les programmes actuels de vaccination contre les papillomavirus avec les vaccins existants, afin de permettre la protection des populations contre les cancers et maladies causés par les papillomavirus 16, 18, 6 et 11. »

Attendre mieux

Faut-il vacciner dès maintenant ou attendre mieux ? C’est là une question que conduit à soulever cette information commerciale.  De fait la firme ne peut s’empêcher de vanter les mérites de son futur produit. Elle explique ainsi que, fabriqué par Merck, le Gardasil® 9 « est le seul et unique vaccin papillomavirus humain nonavalent aidant à protéger contre les maladies et cancers génitaux provoqués par les 9 types de papillomavirus (6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52, 58) causant environ 90 % des cas de cancer du col de l’utérus et environ 80 % des lésions du col de l’utérus de haut grade (lésions précancéreuses du col de l’utérus, définies comme CIN 2, CIN 3 et AIS) dans le monde entier.

Sanofi Pasteur MSD ajoute aussitôt que Gardasil® 9 « est à ce jour non commercialisé en France » (sic). Et qu’il n’existe à ce jour pas de recommandations vaccinales en France concernant Gardasil ® 9 (resic). Le géant mondial n’explique pas précisément pourquoi il faudrait, demain, vacciner les petits garçons (lire ici Le Temps). C’est une information qui ne devrait guère tarder pour laquelle chacun peut commencer à réfléchir. Cela pourra, aussi, être un beau sujet de réflexion pour le futur débat national sur la politique vaccinale.

A demain

1 « À propos de Sanofi Pasteur MSD www.spmsd.fr Sanofi Pasteur MSD est une entreprise commune européenne réunissant Sanofi Pasteur (la division des vaccins de Sanofi) et Merck (connue sous le nom de MSD en dehors des États-Unis et du Canada). Associant innovation et expertise, Sanofi Pasteur MSD est la seule entreprise pharmaceutique européenne exclusivement dédiée à la distribution de vaccins. Sanofi Pasteur MSD bénéficie de l’expertise combinée résultant de la recherche de Sanofi Pasteur et de Merck pour se focaliser sur le développement de nouveaux vaccins en Europe afin de produire les vaccins les plus efficaces, les plus acceptables et les mieux tolérés. »

Avec sa « peau humaine en 3D » l’Oréal assure sa publicité contre les animaux torturés

Bonjour

Les essais animaliers sont le cauchemar des géants de la beauté. Mais il ne faut pas en parler. C’est de l’autre côté de la vitre. Pour l’heure la BBC a rangé l’info au rayon des nouvelles technologies : ‘’L’Oreal to start 3D-printing skin’’. Nous pourrions être en rubrique dermatologie ou en économie. D’ailleurs nous y entrons de plain-pied : c’est Bloomberg qui a révélé les plans du géant français: ‘The French cosmetics giant, which has long produced skin, now wants to automate the process’’.Vite suivi par The Washington Post et une petite vidéo d’entreprise à faire rêver bien des journalistes .

Besoin de peau humaine

« Pour mettre fin aux tests de ses produits sur les animaux, le géant tricolore de la cosmétique L’Oréal (1) a besoin de peau humaine, résume L’Usine Digitale.  Il a signé le 5 mai un partenariat sur cinq ans avec la biotech californienne Organovo, révélé par Bloomberg deux semaines plus tard. Organovo (voir vidéo) est une start-up  spécialisée dans la bio-impression 3D de tissu. Elle a conçu la plate-forme ‘’NovoGen Bioprinting’’, qui fabrique une encre biologique constituée d’un mélange de cellules. Les techniques d’impression 3D permettent ensuite de projeter les particules vivantes pour constituer le tissu, couche par couche. »

Organovo aurait déjà noué des partenariats avec plusieurs groupes biopharmaceutiques, dont Merck. Il s’agirait ici de sa première incursion dans l’industrie de la beauté. Le développement de ce projet de recherche aura lieu dans le nouveau centre de L’Oréal basé en Californie ainsi que dans les locaux d’Organovo, situé  à San Diego.

Non à la vivisection

Le 3 juin prochain la Commission européenne donnera sa position vis-à-vis d’une initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée « Stop vivisection ». Ses promoteurs réclament, vieille lune, l’interdiction de « l’utilisation d’animaux considérés comme des modèles biologiques de l’homme à des fins scientifiques ».

Cette initiative est due à l’association européenne Antidote, dont les principaux animateurs sont le Belge André Ménache, vétérinaire et zoologiste, l’Italien Gianni Tamino, professeur de biologie, et le Français Claude Reiss, biologiste et ex-directeur de laboratoire au CNRS. Le Temps (Ram Etwareea) nous apprend que la Française Françoise Barré-Sinoussi (Prix Nobel de médecine 2008 pour la découverte du VIH, avec le Pr Luc Montagnier) a, dans ce cadre, accepté de « défendre la vivisection ». « Elle n’aurait jamais obtenu de tels résultats sans l’expérimentation animale » explique le quotidien suisse.

Petits chats et grands singes

Toujours dans ce cadre le député européen allemand Vert Martin Häusling porte le débat sur le plan éthique « en décriant la souffrance des animaux ». « D’après lui, l’industrie doit explorer  » des approches non animales qui existent et sont prometteuses «  précise Le Temps.  Pour sa part, l’UE n’ignore pas le débat et a déjà considérablement limité le recours à l’expérimentation animale, notamment en l’interdisant pour les produits cosmétiques. Elle songe également à mettre fin à des tests sur les grands singes comme les gorilles, ainsi que sur des chiens et des chats. »

Désormais L’Oréal est là qui, en 3D, nous tend ses doux bras.

A demain

(1) Clarisonic, Essie, Garnier, Giorgio Armani Beauty, Kerastase, Kiehl’s, Lancome, L’Oreal Paris, Matrix, Maybelline New York, NYX, Redken, Soft-Sheen Carson, Urban Decay and Yves Saint Laurent Beaute.

Choses vues à Genève : « Nous continuerons malgré tout à nous prostituer ! »

Dans six jours l’Assemblée nationale française examinera une proposition de loi socialiste visant à pénaliser les clients français (1500 euros, 3000 euros en cas première de récidive) des personnes prostituées.

En Suisse des responsables politiques œuvrent dans le même sens. Mais rencontrent de sérieuses résistances. Révolte dans le quartier chaud de Genève la protestante. A deux pas des banques et de l’OMS.

Le temps ne change rien à l’affaire : il faut toujours réclamer des adaptateurs électriques à la réception des hôtels de luxe. Le prêt est gratuit. Il faut aussi fournir des pièces d’identité « pour la police ». Et il y a toujours des prostituées sur les trottoirs des Pâquis, non loin de Cornavin. Genève l’ordonnée, Genève la protestante entretient ses différences.

Le Matin est un quotidien comme il n’en a jamais existé en France – une déclinaison francophone des tabloïds anglais. (2,40 francs suisses, 1,85 euros en « France voisine ». Plus crue à nos oreilles parce qu’imprimée (à Lausanne) en français. « Je fais ce que je veux de mon cul » confie Lilli, travailleuse du sexe. « J’aurai pu faire autre chose, mais j’aime bien » explique Marie, autre travailleuse du sexe. Les prénoms, faut-il l’écrire, ont été changés.

Laissez parler les prostitué(e)s

« Menaces sur la prostitution : ‘’On va se battre’’ » titrait hier 20 novembre Le Matin en Une. Avec un éditorial, signé Cléa Favre, journaliste. Le quotidien soutient qu’il faut donner la parole aux prostituées. Le Matin le dit ? Le Matin le fait. Ne pas laisser parler les prostitué(e)s, c’est les mépriser. Auront-ils, auront-elles, demain voix au chapitre dans l’Hémicycle ?

Cléa Favre est allée en reportage aux Pâquis. A l’en croire le propos est unanime. Si on rend illégal leur métier ce sera la violence, les gangs et la clandestinité. Une déclinaison de la Prohibition. Ce serait aussi une atteinte à l’image que l’on peut ici se faire de la Confédération.

« Dans un pays libéral comme la Suisse, je suis surprise qu’on remette en cause la légalité de la prostitution » dit Hélène, une Française qui vend ses services depuis cinq ans à Genève. Le journal ne nous dit pas si c’est une frontalière venue le jour (la nuit) gagner ici le triple de ce qu’elle pourrait gagner  à Annemasse. Ni si elle bénéficie de protections. A priori non.

Andalouses

La Suisse attire. Notamment les Espagnoles victimes de la crise. Les chiffres de la police genevoise sont fiables et précis. La ville ne comptait que trois travailleuses du sexe (déclarées) espagnoles en 2004. Elles étaient cinquante-cinq en 2009. Et deux cent quarante-sept en 2012.

Stabilité annoncée pour cette année nous dit Silvain Guillaume-Gentil, porte-parole de la police cantonale. « Soit 5% des travailleuses du sexe enregistrées auprès de la Brigade des mœurs de Genève » dit Le Matin. Dans la cité de Calvin la règle de trois peut laisser songeur.

Prix du désespoir

Ces prostituées castillanes ont généralement des enfants, restés au pays. Elles ont entre 20 et 50 ans, étaient vendeuses, femmes à tout faire. Puis la crise, puis le chômage. Il faut aussi compter avec les blondes filles de l’Est. Et avec l’effet induit : la casse des prix. « Auparavant aucun client n’essayait de discuter une passe à 100 francs, disent les plus anciennes. Désormais, certains savent que des travailleuses du sexe prises de désespoir sont prêtes à accepter entre 15 et 20 euros (environ 20 et 25 francs). » Le journal ne dit pas si certains clients peuvent, eux aussi, être pris de désespoir.

Les clients, précisément. « La vie en réalité c’est des moches, des timides, des trop gras, des pas assez, des exclus du marché de la tendresse non tarifée ; ou encore des fainéants qui ne veulent pas s’embarrasser d’un ciné resto avant de pouvoir passer à l’action » nous dit Mme Favre dans son éditorial signé.

Pied-de-poule

 Mme Favre nous dit autre chose : « La vie c’est aussi des femmes et des hommes pour qui leur sexe est un outil de travail. Ils sont prêts à vendre des rapports sexuels. Sans amour. Et sans en ressortir traumatisés. »  Sur la base du volontariat. Sans réseau mafieux. L’odieux proxénète ? Le pied-de-poule et maroquins jaunes, cigarillos et Mercédès ? Il est finalement bien utile aux partisans de l’indisponibilité du corps humain. Bien utile aux députés socialistes qui mènent cet étrange combat de la non-patrimonialité après avoir applaudi et voté le « mariage pour tous ».

Non loin des Pâquis, Jean-Jacques à sa rue. Qu’en dirait-il, lui avec qui les femmes ne furent (pratiquement) jamais tendres ? Existe-t-il une géographie protestante des rapports sexués au corps et à l’argent ? Luther, Calvin, leurs concurrents, leurs descendants ont-ils  théorisé tout cela ?

Pénis aux Pâquis

 Ce matin 21 novembre nous retrouvons Elisabeth Badinter à Genève. C’est dans un autre quotidien suisse qui publie les solides et courageux propos tenus la veille dans Le Monde (mémoire-blog). Elle osait y parler  du pénis. Sans voile et en ces termes : « Je ressens cette volonté de punir les clients comme une déclaration de haine à la sexualité masculine. Il y a une tentative d’aligner la sexualité masculine sur la sexualité féminine, même si celle-ci est en train de changer. Ces femmes qui veulent pénaliser le pénis décrivent la sexualité masculine comme dominatrice et violente. Elles ont une vision stéréotypée très négative et moralisante que je récuse.»

C’est imprimé dans journal un très sérieux et très austère ; dans un quotidien qui ne se vend plus guère dans le vieux quartier des Pâquis : Le Temps.

(A suivre)