Ethique et congélation: jusqu’à quel âge les hommes pourront-ils conserver leur sperme ?

Bonjour

La « PMA pour toutes » aura, ces derniers mois, masqué bien des évolutions sociétales à venir en France. Nous sommes encore loin d’en avoir pris la mesure. Long travail journalistique – et polémiques- à venir. Pour l’heure le texte de l’avant-projet de loi de révision de la loi de bioéthique est à l’examen au Conseil d’Etat. Nous en saurons plus au moment de sa présentation officielle en conseil des ministres, prévue le 24 juillet.

 Trente-deux articles. Et au chapitre de la « procréation médicalement assistée » ce texte, nous dit Le MondePaul Benkimoun et Solène Cordier) « ouvre aux deux sexes la possibilité de faire prélever et conserver leurs gamètes (sperme et ovocytes), et plus seulement pour des raisons médicales ».

Droit à procréer

Ainsi donc les hommes aussi pourront réaliser cette opération « en vue de la réalisation ultérieure, à leur bénéfice » d’une PMA (par insémination artificielle). « Plusieurs conditions encadreront cette pratique. Un consentement par écrit (et renouvelé) de la personne sera nécessaire, et les gamètes prélevés seront conservés uniquement par des établissements autorisés » précise Le Monde.

Des critères d’âge feront l’objet d’un décret. Mais comment, ici, respecter le sacro-saint principe d’égalité ? On sait qu’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé a esquissé une ouverture « à partir de 30 ans ou 32 ans » pour l’auto-congélation des ovocytes. La prise en charge de cette autoconservation cervait d’autre part être (partiellement) prise en charge par l’assurance maladie : recueil et prélèvement remboursés – pas la conservation par congélation.

Mais qu’en sera-t-il pour les hommes ? Une limite d’âge sera-t-elle imposée – et si oui à quel titre ? Qui paiera et pourquoi ? Où l’on commence à saisir tour l’embarras qui attend l’exécutif et le législatif confrontés au concept d’un nouveau droit, celui de procréer.

A demain @jynau

Comment peut-on oser offrir aux marchands du temple l’avenir de l’Hôtel-Dieu de Paris ?

Bonjour

Voilà dans Le Monde, une question plus que dérangeante : « Hôtel-Dieu de Paris : ‘’Pourquoi céder un tel patrimoine pour des activités commerciales ?’’ ». C’est une tribune qui fait honneur à ses signataires 1. Ces derniers réclament un débat, en toute transparence : débattre collectivement du destin de ce site hors du commun, dont l’histoire se confond avec celle de Notre-Dame, son immense voisine, aujourd’hui à ciel ouvert.

«  La décision de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) de confier la rénovation de l’Hôtel-Dieu, sur l’île de la Cité, à l’opérateur immobilier Novaxia est stupéfiante, écrivent-ils. Autant parce qu’il s’agit de céder un patrimoine exceptionnel à une société commerciale que par la date de cette annonce, mi-mai, un mois à peine après l’incendie de Notre-Dame. Une précipitation étonnante alors que l’émotion est immense et que le débat est vif sur la restauration du monument. C’est un débat dont on ne peut dissocier le devenir de l’Hôtel-Dieu, tant celui-ci, qui jouxte la cathédrale, sur un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, lui est lié par plus de treize siècles d’histoire. Pourquoi cette hâte alors que le sujet est d’une importance nationale ? »

L’Hôtel-Dieu, bien qu’il conserve une belle activité médicale d’hôpital de jour et de consultations, est en grande partie inoccupé. Ce sont ainsi près de 20 000 mètres carrés que récupère Novaxia pour un bail de quatre-vingts ans moyennant 144 millions d’euros, une somme qui semble faible au regard du prix du mètre carré dans ce secteur, même si de gros travaux de rénovation sont nécessaires.

Impensable mais vrai : Novaxia y développera des commerces et des cafés, un restaurant gastronomique, de la restauration rapide, des espaces de coworking, un « accélérateur de design en santé », des laboratoires de biotechnologies et des entreprises du secteur médical, et, pour faire bonne figure, une crèche, une résidence étudiante et une maison du handicap. Escomptant de fructueuses retombées commerciales, son président, Joaquim Azan, exultait : « Nous sommes fous de joie, c’est un lieu mythique, le berceau de Paris ». Voici la suite de cette tribune :

« Le lieu qu’on lui cède est assurément mythique : « Trésor de misère et de charité », l’histoire de l’Hôtel-Dieu se confond avec celle de Notre-Dame. Fondé en 651 par l’évêque parisien Saint Landry, c’est le plus ancien hôpital encore en activité dans le monde. D’innombrables malades y ont été soignés. Les rois de France l’ont doté, des générations de Parisiens lui ont consacré des legs. Témoin majeur de l’histoire de France, il a toujours accueilli des malades même sous la Terreur, pendant la Commune ou lors de la libération de Paris.

« Son incendie, le 30 décembre 1772, suscita un choc considérable, lointain écho du drame récent de Notre-Dame, qui, symboliquement, relie les deux édifices, d’autant que ce sont les internes de l’Hôtel-Dieu qui, en 1871, sauvèrent la cathédrale d’un début d’incendie allumé par des communards ! Sa reconstruction à son emplacement actuel fit l’objet d’intenses débats architecturaux qui influencèrent la construction de nombreux hôpitaux dans toute l’Europe. L’Hôtel-Dieu, dont des figures majeures de la médecine ont fréquenté les salles, témoigne autant de l’histoire médicale et scientifique que de celle de la solidarité.

« Pourquoi céder un tel patrimoine pour y voir se développer des activités commerciales qui n’ont rien à y faire et qui abondent déjà à Paris ? De même que Notre-Dame n’est pas la possession exclusive des catholiques, l’Hôtel-Dieu n’appartient pas seulement à l’AP-HP, mais à toute la nation. Aussi son destin doit-il être débattu en toute transparence. L’aspect résidentiel ne pourrait-il pas être étendu à certaines catégories du personnel hospitalier ? A la place des commerces, pourquoi ne pas créer un équivalent de ce qu’est le Musée de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg ou, comme le proposait le Centre des monuments nationaux (CMN), un espace d’accueil pour expliquer aux visiteurs le monument le plus fréquenté d’Europe ?

« Le CMN est légitime pour investir cet espace, comme il le fait dans l’hôtel de la Marine, place de la Concorde, un temps menacé par un projet commercial semblable. Et l’AP-HP a aussi un superbe musée qu’elle a abusivement fermé en 2012, alors que des milliers de visiteurs, dont beaucoup d’étudiants des professions de santé, admiraient ses collections. N’est-il pas temps de rouvrir ce musée sur le site de l’Hôtel-Dieu, où il remplacerait avantageusement un restaurant de luxe ? »

Et les signataires de poursuivre là où cela fait mal :

« Si l’AP-HP ne veut plus de son patrimoine et oublie ses racines, pourquoi ne le cède-t-elle pas pour un euro symbolique à l’Etat puisque ce musée bénéficie de l’appellation ‘’Musée de France’’, ce qui signifie qu’il doit bénéficier prioritairement de son aide ? Ce site transformé pourrait devenir le grand musée de la santé qui manque à Paris et qui fait l’orgueil de Londres avec la Wellcome Collection et ses centaines de milliers de visiteurs annuels : un lieu où le patrimoine serait exposé et étudié et qui aurait ainsi toute la légitimité, le passé éclairant le présent, pour qu’on y débatte des grands enjeux de santé. Un système de chaires annuelles pourrait en faire, par exemple, le lieu d’un enseignement permanent sur la santé ouvert à tous, comme un ‘’Collège de France de la médecine’’. »

Question : n’y a-t-il pas là – pour le président de la République, la maire de Paris, la présidente de la région Ile-de-France, la ministre des Solidarités et de la Santé (sans parler du directeur général de l’AP-HP) – l’occasion d’un grand et noble projet qui ferait de l’Hôtel-Dieu le symbole français d’une politique de la santé à la fois humaniste et solidaire ? Serait-ce trop espérer que d’attendre une réponse ?

A demain @jynau

1 Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe ; Jean Deleuze, médecin à l’hôpital Cochin, rédacteur en chef de La Revue du Praticien ; Alexandre Gady, professeur d’histoire de l’art moderne ; André Giordan, ancien professeur à l’université de Genève ; Claude Gauvard, professeure émérite d’histoire du Moyen Age ; Adrien Goetz, membre de l’Académie des beaux-arts ; Danielle Gourevitch,ancienne directrice d’études honoraire à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) ; Antoine Grumbach, architecte urbaniste ; Jean-Michel Leniaud, directeur d’études à l’EPHE ; Eugène Michel, écrivain et président du Comité d’honneur du projet Agora ; Claude Origet du Cluzeau, économiste du tourisme ; Elisabeth Roudinesco,historienne de la psychanalyse ; Arnaud Timbert, maître de conférences en histoire de l’art médiéval ; Jean-Michel Tobelem, professeur associé à l’université Paris-I ; Marc Viré, archéologue et historien médiéviste.

Personnes intersexuées, mutilation, éthique et dignité : faut-il interdire d’opérer ?

Bonjour

Il arrive, parfois, que la presse généraliste pose clairement et calmement les termes d’un débat qui, ailleurs, fait polémique. C’est le cas dans Le Monde daté du 5 juillet qui ouvre ses colonnes à la question de la médicalisation des personnes « intersexuées ».A l’occasion de la révision des lois de bioéthique, est envisagée la proposition d’un article de loi visant « à ne plus autoriser la chirurgie précoce des enfants présentant une anomalie de différenciation génitale ». Il serait alors inscrit dans la loi que la chirurgie ne puisse être effectuée sans obtenir le consentement de l’enfant lui-même, le laissant jusqu’à ce choix dans une situation indifférenciée. L’enfant devrait alors se construire sans le repère que constitue une identité sexuelle.

Deux camps, deux conceptions, deux idéologies s’affrontent. Ceux qui jugent que la médecine doit ici avoir pleinement sa place. Et ceux qui plaident pour que la prochaine loi de bioéthique protège ces personnes en prohibant des « pratiques indignes ». Commençons par cette deuxième position défendue par un collectif de dix-sept signataires, dont quatre députés (trois macronistes) 1 : « Ces actes ne guérissent pas et peuvent être considérés comme des mutilations ». Extraits.

« Comment croire que, dans notre pays, des actes chirurgicaux et des traitements hormonaux irréversibles soient pratiqués sur des enfants, en l’absence de toute nécessité médicale et sans leur consentement ? C’est pourtant ainsi que sont traitées les personnes intersexuées. Celles-ci naissent avec des variations de leurs caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux caractéristiques typiques des hommes et des femmes. Ces variations sont naturelles et le développement de ces enfants demeure satisfaisant et sain.

Pourtant, notre société accepte que des actes invasifs et définitifs soient réalisés sur leur corps, souvent dans la petite enfance, ainsi que des traitements hormonaux tout au long de leur existence. Le but de ces traitements est simple : assigner ces corps à des idéaux types d’hommes et de femmes, dans une sorte de fiction médicale qui voudrait que la conformité anatomique soit nécessaire à l’éducation dans une catégorie ou dans l’autre. Ces actes ne guérissent pas. Ils ne résolvent aucun problème physique et ne permettent même pas d’apaiser une souffrance quelconque qu’auraient exprimée ces enfants. C’est en réalité l’inverse. »

Pour les signataires ces actes peuvent être considérés comme des « mutilations » – ainsi que l’a par exemple reconnu la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Ils ajoutent que différentes organisations internationales de référence ont précisé que ces interventions revêtaient un caractère illégal. Telle est la position de la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, du Conseil de l’Europe ou encore, en France, du Conseil d’Etat qui, dans son Etude préparatoire sur les lois bioéthiques écrit que « la finalité thérapeutique des traitements en cause ne peut être reconnue indépendamment de l’expression de la volonté de l’intéressé ».

« Certains présentent à tort l’argument de la préservation de l’intérêt de l’enfant afin de favoriser ces opérations. Selon eux, il serait en effet nécessaire de le conformer à un corps masculin ou féminin afin qu’il développe l’identité correspondante ‘’non ambiguë’’ puisque notre société ne reconnaîtrait que l’existence des hommes et des femmes. Cet argument consiste pourtant à justifier la réalisation de meurtrissures par l’existence de discriminations. Ce sont au contraire les discriminations qui doivent être corrigées plutôt que les corps soient mutilés. En outre, lorsque ces actes sont réalisés, ils conforment arbitrairement l’enfant vers un corps masculin ou féminin, sans aucun égard pour son développement ultérieur. Il n’est surtout nullement prouvé que le fait de ne pas subir ces actes médicaux entraîne des troubles spécifiques chez l’enfant. Au contraire, les personnes ne les ayant pas subis témoignent à l’âge adulte de leur satisfaction. »

Dans ces conditions, la seule urgence, selon eux, consiste donc à modifier la loi « afin de rappeler, expressément, le caractère illicite de ces pratiques indignes lorsqu’elles concernent des enfants incapables de consentir ».

Epanouissement de la personne

Face à eux un collectif de vingt-quatre professeurs de médecine et chirurgiens 2 et cent-seize autres professionnels qui assurent, sur la foi de leur expérience, l’intérêt de la précocité du geste chirurgical, dans les premiers mois après la naissance : « L’absence systématique d’intervention chirurgicale précoce aurait de graves conséquences » ? Extraits :

Ils reconnaissent qu’il y a plusieurs décennies la prise en charge de ces enfants a, dans un certain nombre de cas, entraîné des souffrances physiques et psychologiques graves. Mais ils ajoutent aussitôt qu’une meilleure compréhension dans le domaine psychologique, le dialogue et l’accompagnement des parents, que les progrès réalisés dans le dépistage, les examens biologiques et génétiques associés aux progrès dans les techniques chirurgicales ont grandement changé la prise en charge de ces enfants. « Il est important, écrivent-ils, d’entendre les personnes adultes qui ont souffert d’anciens traitements inappropriés qui n’ont plus cours actuellement. Nous comprenons mieux, aujourd’hui, l’importance de ce que le jeune perçoit dans la construction de son identité sexuelle. Celle-ci, conséquence d’une cascade d’événements corporels, hormonaux, éducatifs, sociaux et psychologiques individuels, est essentielle pour l’épanouissement de sa personnalité. »

 « Si notre réflexion de médecins praticiens et nos connaissances en ce domaine méritent toujours d’être approfondies, l’observation de l’évolution de nos petits patients et de leur famille nous a montré combien était fondamental pour l’enfant et ses parents qu’il soit le plus tôt possible inscrit dans une identité sexuelle et que son corps corresponde à cette identité. Ainsi, pour de très rares cas où le choix de la meilleure option d’orientation physique pour l’enfant reste difficile, l’absence systématique d’intervention chirurgicale précoce induite par cette nouvelle loi aurait de graves conséquences pour la majorité des enfants concernés par ce problème.

Notre expérience de médecins et chirurgiens, qui accompagnons ces enfants et leurs familles au cours de l’enfance et jusqu’à l’âge adulte, nous a montré que la précocité du geste chirurgical, dans les premiers mois après la naissance, donne de meilleurs résultats. Cette précocité est un atout important pour que l’enfant, accompagné de ses parents informés de la situation et du projet proposé, ne soit pas marqué psychologiquement, ce qui est souvent le cas lorsqu’une chirurgie plus tardive est réalisée. »

On se gardera bien de conclure. On s’interrogera, en revanche, pour savoir comment, sur un tel sujet, députés et sénateurs peuvent, au mieux, s’informer avant de modifier, ou pas, la loi.

A demain @jynau

1 David Belliard, président du groupe écologiste au Conseil de Paris ; Florent Berdeaux, coprésident de l’Association française des avocats LGBT+ ; Xavier Bessouat, président des Progressistes LGBT+ ; Joël Deumier, président de SOS-Homophobie ; Emilie Duret, coprésidente de l’Association française des avocats LGBT+ ; Raphaël Gérard, député (LRM) ; Véronique Godet, coprésidente de SOS-Homophobie ; Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, université Paris-Sud-Paris-Saclay ; Bastien Lachaud, député (LFI) ; Jean-François Mbaye, député (LRM) ; Blaise Meyrat, chirurgien pédiatre, Lausanne ; Benjamin Moron-Puech, enseignant-chercheur en droit privé ; Lil’r Nury, président.e du Collectif intersexes et allié.e.s-OII France ; Mila Petkova, avocat à la Cour ; Loé Petit, président.e du Réseau francophone de recherche sur l’intersexuation (Réfri) ; Benjamin Pitcho, avocat à la Cour ; Laurence Vanceunebrock-Mialon,députée (LRM).

2 Premiers signataires : Pr Pierre Alessandrini, Pr Frédéric Auber, Dr Bernard Boillot, Pr Eric Dobremez, Pr Marc Fellous, Pr Patrick Fenichel, Pr Philippe Galinier, Pr Jacques Gonzales, Pr Jean-Michel Guys, Pr Frédéric Huet, Dr Nathalie Josso, PrMarc-David Leclair, Pr Jean-Louis Lemelle, Pr Guillaume Levard, Pr Agnès Liard-Zmuda, Dr Henri Lottmann, Pr Thierry Merrot, Dr Catherine Pienkowski, PrRaphaël Rappaport, Pr Philippe Ravasse, Pr Emmanuel Sapin, Pr Frédérique Sauvat, Pr Jeff Valla, Pr François Varlet

Prière de ne surtout pas ébruiter : grâce à elle 700 000 Français ont arrêté de fumer

Bonjour

On prend quoi coco ? San Francisco ou le baromètre français ?

Le baromètre c’est celui de Santé publique France cont nous venons de parler et qui met à mal le déni gouvernemental. Sans Francisco c’est la première ville américaine à interdire la vente de cigarettes électroniques dans les magasins.

« L’ordonnance, adoptée à l’unanimité des onze élus, bannit aussi leur distribution à une adresse locale et leur fabrication, rapporte Corine Lesnes, correspondante du Monde. Elle entrera en application début 2020. Il ne s’agit pour l’instant que d’un moratoire, dans l’attente des conclusions de la Food and Drug Administration (FDA), l’agence de réglementation des médicaments et des aliments, sur les conséquences de la cigarette électronique pour la santé. « Nous avons passé les années 1990 à lutter contre les géants du tabac, et nous les voyons réapparaître aujourd’hui avec les e-cigarettes », a expliqué le conseiller municipal Shamann Walton. De fait, en décembre 2018, la maison mère du géant Marlboro, Altria Group, a pris 35 % du capital de Juul, le fabriquant de cigarettes électroniques jugé qui contrôle 75 % du marché.

« Alors que la consommation de tabac a considérablement diminué en vingt ans aux Etats-Unis, les responsables de la santé publique ont vu la mode du vapotage s’emparer des jeunes, séduits par la forme techno des produits de Juul et par les saveurs fruitées des recharges. Entre 2017 et 2018, selon les autorités sanitaires, le vaping a augmenté de 78 % chez les lycéens, rapporte encore la correspondante du Monde. Sous la pression de la FDA, le fabriquant a accepté de cesser de vendre les recharges parfumées dans les magasins. Mais Juul continue à faire face à une enquête du Congrès et des poursuites en Caroline du Sud et en Floride pour son marketing agressif en direction des adolescents. »

Confusion du public qui profite au tabagisme

Le baromètre français ? Résumé des buralistes : « Sous certaines conditions, l’e-cigarette pourrait être considérée comme une aide au sevrage tabagique, note – enfin – Santé publique France dans son baromètre 2017, publié ce mercredi 26 juin. » Selon Santé publique France « le nombre d’ex‑fumeurs quotidiens ayant arrêté de fumer depuis plus de six mois et qui pensent que vapoter les a aidés à arrêter de fumer est estimé à environ 700 000 personnes depuis l’arrivée de l’e‑cigarette sur le marché en France ». Et dans le même temps : « la cigarette électronique est perçue comme aussi ou plus nocive que la cigarette ordinaire par la moitié de la population ». (sic).

 « Le rapport publié par Santé Publique France (SpF) confirme le succès et l’efficacité du vapotage pour aider les fumeurs à sortir du tabagisme. Cela concerne 2,6% de la population [soit 1,2 million de personnes] depuis 2011. Parmi eux, près de 870 000 ex-fumeurs attribuent leur succès au vapotage, dont 700 000 fumeurs quotidiens. Plus de 40% ont arrêté de vapoter après leur arrêt tabagique » observe l’association #sovape. Par ailleurs, le rapport de SpF montre que la proportion de vapoteurs ex-fumeurs a progressé significativement. De leur côté, plus de 80% des vapoteurs-fumeurs ont réduit leur consommation de plus de dix cigarettes par jour en moyenne.

Mais comment ne pas s’aalrmer du fait qu’en contradiction totale avec les connaissances scientifiques et médicales accumulées depuis une décennie, le rapport SPF montre qu’entre 2014 et 2017 la méfiance envers le vapotage s’est fortement aggravée. Comment comprendre qu’en 2017, en France, plus d’une personne sur deux estime à tort que le vapotage est autant voire plus nocif que la cigarette – soit 10 points de plus qu’en 2014 ? Cette proportion atteint même 70% chez les fumeurs défavorisés. 

 « Que penser de l’absence de communication claire sinon équivoque des autorités de santé, demande#sovape. Que penser du travail de sape des adeptes d’une approche exclusivement coercitive, qui s’opposent aux approches de réduction des risques ? Cette confusion du public profite au tabagisme qui tue prématurément 75.000 fumeurs en France chaque année. »

Et toujours selon #sovape les données de SpF forcent à s’interroger sur la responsabilité des médias dans la perception dramatiquement erronée du risque de vapoter comparé à celui de fumer. Et #sovape d’appeller les autorités sanitaires à prendre leurs responsabilités. « Il est grand temps d’informer et communiquer sans détours sur la réduction radicale des risques pour qui arrête de fumer à l’aide du vapotage » souligne-t-elle. Et #sovape d’appeller également les médias « à traiter les informations avec l’exigence attachée à leur responsabilité, et à cesser de contribuer par sensationnalisme à un climat anxiogène, contre productif pour la santé publique ».

Bon coco, on prend San Francisco !

A demain @jynau

Incroyable mais vrai : le gouvernement veut créer un Conseil de l’Ordre des journalistes

Bonjour

Grâce aux « fausses nouvelles » la novlangue d’Orwell a de formidables beaux jours devant elle 1. Le secrétaire d’Etat français au numérique, Cédric O, vient d’inviter les journalistes à s’organiser pour lutter contre la désinformation (sic) – faute de quoi c’est l’Etat qui s’en chargera.

« Cedric O » ? « Emmanuel Macron a choisi de promouvoir l’un de ses plus fidèles conseillers au poste de secrétaire d’Etat chargé du numérique, expliquait Le Monde (Cédric Pietralunga) en mars dernier. Agé de 36 ans, Cédric O travaille depuis longtemps dans l’ombre des politiques. Avec Stanislas Guerini, Ismaël Emelien ou encore Benjamin Griveaux, il fut l’un des jeunes animateurs de ce qu’on a appelé « la rue de la Planche », du nom du siège de campagne de Dominique Strauss-Kahn lors de la primaire socialiste de 2006. Après l’échec du cacique socialiste, Cédric O rejoint Pierre Moscovici, dont il devient le conseiller parlementaire en 2010. Deux ans plus tard, après la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle, il suit le député du Doubs au ministère de l’économie. (…) Après le départ de M. Moscovici pour Bruxelles, Cédric O travaille chez le motoriste Safran, où il parfait sa connaissance de l’industrie. C’est naturellement qu’il donne un coup de main aux anciens de la rue de la Planche, lors du lancement de la campagne d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2017. Il devient le trésorier d’En marche ! et participe même à la commission d’investiture chargée de désigner les candidats du mouvement pour les législatives. »

« Le choix de Cédric O comme secrétaire d’Etat au numérique n’a pour autant rien d’incongru : conseiller chargé des participations publiques et de l’économie numérique d’Emmanuel Macron, c’est lui qui était chargé de suivre les dossiers liés aux entreprises du Web, poursuivait Le Monde. On lui doit aussi la préparation du sommet Tech for Good, en mai 2018, lors duquel Mark Zuckerberg, le patron et fondateur de Facebook, ou Satya Nadella, le PDG de Microsoft, avaient été reçus par le chef de l’Etat. ’Cette nomination est une forme de continuité de l’action menée depuis 2017 puisque je suivais les dossiers du numérique à l’Elysée’’ a réagi Cédric O dimanche soir auprès de l’AFP. »

Trois mois plus tard, Cedric O « détaille sa vision » dans une interview accordée mardi 25 juin à l’agence de presse Reuters :

 « Je considère qu’il doit y avoir un Conseil de l’Ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’Etat : Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements.” »

Une vieille histoire que ce Conseil de l’Ordre des journalistes – comme il en est un des médecins créé, on s’en souvient, dans la douleur. Un rapport commandé par le gouvernement prône la création d’un Conseil de déontologie qui « serait toutefois dépourvu de pouvoir de sanction » (re-sic). Il propose que, face à un contenu journalistique qu’il juge critiquable, un citoyen ait un autre recours que la saisine du juge ou de l’éditeur. Ce document propose aussi qu’en cas de manquement éthique ou déontologique, le même Conseil puisse émettre « des avis qui pourraient être rendus publics ».

Nouvelle traduction de 1984

Cédric O considère que des médias comme Russia Today (RT) ou l’agence Sputnik, qui sont sous influence russe, fragilisent volontairement la démocratie « pour aboutir à l’arrivée au pouvoir de tel ou tel parti politique ». « Et cela marche. Aujourd’hui, sur YouTube, la chaîne qui a le plus de visibilité ce n’est pas BFM, ce n’est pas CNews, c’est RT, affirme le secrétaire d’Etat.  Les “gilets jaunes” ne s’informent que par RT. « Moi, je considère qu’il y a un risque monstrueux. Et donc il y a une obligation de résultats de la société. C’est aux journalistes de le faire, ce n’est pas à l’Etat de le faire. S’ils ne le font pas, ce sera l’Etat qui le fera, au bout du bout. »

Novlangue. Aux yeux de Cédric O, il ne revient pas à l’exécutif de sanctionner les médias diffusant de fausses nouvelles. « Mais à un moment, devant la menace contre la démocratie, on le fera. Ce sera le CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel] ou une autorité indépendante qui va décider ce qu’est une infox ou pas. » Novlangue. Big Brother et police de la pensée.

A demain @jynau

1 A lire, dans le dernier Monde Diplomatique (juillet 2019): « L’art de détourner Georges Orwell » de Thierry Discepelo, fondateur des éditions Argone qui annoncent la parution en France d’une nouvelle et très attendue nouvelle traduction (Celia Izoard) de 1984 (lire ici un entretien avec la traductrice).

Vincent Lambert : la France devra choisir entre l’Union européenne et les Nations unies

Bonjour

C’est un entretien éclairant à paraître dans Le Monde (Jean-Baptiste Jacquin). Un angle synthétique pour saisir l’affaire Vincent Lambert et ses suites. Le quotidien vespéral a ici interrogé Linos-Alexandre Sicilianos, nouveau président (pour un an) de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) au sujet de la confusion provoquée par la divergence entre la Cour de Strasbourg et le comité de l’ONU sur l’arrêt des soins de Vincent Lambert.

Question : cette situation confuse ne remet-elle pas en cause l’autorité de la CEDH, dont les décisions ne s’imposeraient plus ?

« La position de la Cour est très claire depuis l’arrêt Lambert adopté en 2015. Nous nous sommes prononcés récemment à deux reprises sur des demandes de mesures provisoires en estimant que rien de nouveau ne les justifiait. Des comités de l’ONU, en l’occurrence celui sur les personnes handicapées, peuvent de temps à autre avoir des appréciations différentes. Il n’y a rien d’inquiétant ou qui remette en cause l’autorité de la Cour. Les comités onusiens ont leur propre vision et des critères de recevabilité plus flexibles. Cela dit, ce qui se passe aux Nations unies nous concerne et est à prendre en compte dans l’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Faudrait-il en conclure que les décisions des comités de l’ONU s’imposent à la Cour européenne ? Que « l’issue de l’affaire Vincent Lambert » est désormais entre les mains du comité onusien en charge des droits des personnes handicapées ? Que les conclusions de ce comité s’imposeront à la France – contrairement aux déclarations d’Agnès Buzyn ?

« Non ! Ce sont des éléments à prendre en considération, des sources d’inspiration sans caractère obligatoire. Evidemment, un écart entre l’approche onusienne et l’approche strasbourgeoise pourrait poser un problème à un Etat qui recevrait des messages divergents, voire contradictoires. Il appartient à l’Etat concerné de faire ses choix, sachant que la Cour émet des jugements obligatoires, tandis que les comités onusiens émettent des recommandations. »

L’Etat français devra donc, le cas échéant, faire un choix dans cette tragédie. Dans quelques mois. Qui, au sein de cet Etat, le fera ?

A demain

@jynau

Quatre poumons, 160 000 euros : l’Etat est-il coupable de la pollution que nous respirons ?

Bonjour

Jusqu’où remonter dans l’enchaînement des responsabilités ? « C’est une première » annonce Le Monde (Stéphane Mandard). Mardi 28 mai, au tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis), l’Etat est poursuivi pour son incapacité à protéger les citoyens contre la pollution de l’air. En clair : visé par un recours pour « carence fautive » parune mère et sa fille âgée de 17 ans, toutes deux atteintes de pathologies respiratoires importantes.

Pendant une vingtaine d’années, Farida a vécu à Saint-Ouen coincée entre le périphérique et deux avenues fréquentées. Elle souffre alors d’une toux persistante, de bronchites à répétition avec des signes d’asthme. Cures d’antibiotiques, douleurs, épuisement, arrêts de travail fréquents… sa vie est un calvaire. « Tous les jours, j’appréhendais, je regardais la qualité de l’air sur le site d’Airparif. Et si elle était vraiment très mauvaise, j’évitais de sortir », témoigne Farida dans un enregistrement sonore mis en ligne sur le site de l’association Respire, qui la soutient dans sa démarche, avec l’ONG Ecologie sans frontière.

Enfant la fille de Farida est une habituée des urgences pédiatriques et des séances de kinésithérapie respiratoire pour des bronchiolites. Puis, après l’âge de raison,  rhinopharyngites et crises d’asthme. Depuis qu’elle s’est installée avec sa fille à Orléans (sur « prescription médicale ») ces problèmes de santé ne seraient plus qu’un mauvais souvenir. Elles réclament aujourd’hui 160 000 euros d’indemnisation pour le préjudice qu’elles estiment avoir subi et dont elles tiennent l’Etat pour responsable. Pour Me François Lafforgue, leur avocat, la « carence fautive » de l’Etat est double : aucun dispositif efficace n’a été mis en place pour enrayer le phénomène de la pollution atmosphérique ni sur le long terme ni lors des pics de pollution.

Responsabilités et culpabilités

Et Me Lafforgue de rappeller que la France est en infraction avec le droit européen pour des dépassements répétés des normes sur la qualité de l’air. Visé par le recours de Farida et de sa fille, François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire soutient via son ministère que « l’Etat a pris toutes les mesures nécessaires, dans la limite des responsabilités qui lui incombent en la matière, pour ramener les concentrations de polluants en deçà des valeurs limites » fixées par la directive européenne sur la qualité de l’air, et que ces actions ont permis ces dernières années « une réduction » pour les PM10 et le NO2 en région parisienne.

Quant à la  Préfecture de police de Paris (Christophe Castaner), elle reporte la faute sur la victime, estimant que le dommage qu’elle a subi est « la conséquence directe et exclusive d’un choix strictement personnel ». Pourquoi ne pas quitter une ville polluée quand on se sait de constitution pulmonaire fragile ? Et de quel droit accuser l’Etat de sa propre incurie ?

Le droit, précisément. Pour le rapporteur public, avant de rendre son jugement, le tribunal doit vérifier si les troubles médicaux sont bel et bien dus à la pollution de l’air de Saint-Ouen. Relation de causalité ou simple corrélation. Que serait la justice sans la science et la médecine ?

Dans l’affaire Farida le tribunal administratif de Montreuil rendra son jugement dans une quinzaine de jours. Une cinquantaine d’autres recours ont été déposés pour les mêmes motifs par des victimes de la pollution de l’air à Paris, Lyon, Lille et Grenoble. Ils devraient être audiencés dans les prochaines semaines.

« La pollution, rappelle Le Quotidien du Médecin (Dr Irène Drogou)  est responsable de 48 000 à 67 000 décès prématurés chaque année en France – et de 4,2 millions dans le monde. D’après « The Lancet Planetary Health », il y aurait 4 millions de nouveaux cas d’asthme pédiatrique dans le monde liés à la mauvaise qualité de l’air. » Jusqu’où la justice française remontera-t-elle dans l’enchaînement des culpabilités ?

A demain

@jynau

Vincent Lambert : le texte du jugement qui a imposé à la France de continuer à l’alimenter

Bonjour

Huit pages. C’est le document-clef : celui qui a constitué le dernier et retentissant « coup de théâtre » 1 d’une affaire qui n’en manque pas. Un document d’ores et déjà scruté, décrypté, analysé au sein de la galaxie des juristes spécialisés. Une décision qui, pour certains, est le symptôme « d’une guerre des juges judiciaires et administratifs ». « Derrière cette divergence entre juges judiciaires et administratifs émerge un conflit entre normes supranationales, entre la Cour européenne et les Nations unies et leurs différents comités » résume Le Monde. (Jean-Baptiste Jacquin et François Béguin).

Pour résumer, d’un côté le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative française suivie (non sans divergences internes) par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). De l’autre le Comité international des droits des personnes handicapées (CIPDH) des Nations unies.

Et puis, aujourd’hui, la Cour d’appel de Paris saisie par les parents, un frère et une sœur de Vincent Lambert. Et la décision que l’on sait – qui conduit à l’arrêt du processus enclenché le même jour au CHU de Reims et qui conuduisait à la mort du malade. Sur quoi se fonde-t-elle ? Comment celle-ci est-elle rédigée ?

« REPUBLIQUE FRANCAISE ? délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 1 – Chambre 3 ARRET DU 20 MAI 2019 (n°239, 8 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08858 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B72GT Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS CEDEX 17 – RG n° 19/54111 »

« L’affaire a été débattue le 20 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente Mme Sophie GRALL, Conseillère. Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU »

La Cour d’appel souligne que la France a ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées – CIDPH – et son protocole facultatif, lequel dispose en son article 4 :

“ Après réception d’une communication et avant de prendre une décision sur le fond, le Comité peut à tout moment soumettre à l’urgente attention de l’Etat Partie intéressé une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures conservatoires nécessaires pour éviter qu’un dommage irréparable ne soit causé aux victimes de la violation présumée. Le comité ne préjuge pas de sa décision sur la recevabilité ou le fond de la communication du simple fait qu’il exerce la faculté que lui donne le paragraphe 1 du présent article”.

Et la Cour reprend le fil des événements :
« Le 24 avril 2019, M. Pierre Lambert, Mme Viviane Lambert, M. David Philippon et Mme Anne Lambert épouse Tuarze ont saisi le CIDPH afin de, dénonçant les manquements de l’Etat français à l’obligation de soins pesant sur lui au regard des obligations prévues à la Convention, obtenir qu’il se munisse d’un dispositif de nature à empêcher de faire mourir une personne handicapée et incapable de faire part de sa volonté par elle-même, lorsque la seule justification médicale tient à son handicap cérébral sans comorbidités.

« Le 3 mai 2019, le CIDPH a, faisant application de l’article 4 du Protocole facultatif et 64 de son règlement intérieur, demandé à l’Etat partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation entérales de M. Vincent Lambert ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier par le Comité. »

Puis, le 17 mai 2019, le CIDPH a rappelé à l’Etat de prendre les mesures nécessaires à ce que l’alimentation et l’hydratation entérales de M. Lambert ne soient pas suspendue pendant le traitement de son dossier. Or l’Etat français a reconnu que le Comité des droits des personnes handicapées a compétence pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction, qui prétendent être victimes d’une violation par cet Etat des dispositions de la Convention.

« Il en résulte qu’en l’espèce, en se dispensant d’exécuter les mesures provisoires demandées par le Comité, l’Etat français a pris une décision insusceptible de se rattacher à ses prérogatives puisqu’elle porte atteinte à l’exercice d’un droit dont la privation a des conséquences irréversibles en ce qu’elle attrait au droit à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui constitue un attribut inaliénable de la personne humaine et forme la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme, et donc dans celle des libertés individuelles.

« En l’état de cette violation d’une liberté individuelle, le juge des référés a le pouvoir de contraindre l’Etat français à exécuter les mesures provisoires préconisées par le Comité le 3 mai 2019. La décision entreprise sera dès lors infirmée. Le préjudice résultant nécessairement de l’existence d’une voie de fait sera réparé par l’allocation d’un euro symbolique. »

Où l’on voit un juge des référés contraindre l’Etat français à prendre une mesure préconisée par un comité de l’ONU. Et ce alors même que le gouvernement avait, d’emblée, déclaré par la voix de la ministre des Solidarités et de la Santé, que cette mesure n’était en rien contraignante.

A demain

@jynau

1 « Dans l’affaire Vincent Lambert, la bonne réponse n’existe pas. Le dernier rebondissement de ce dossier médico-légal sans précédent impose un constat: la justice ne parviendra pas à parler d’une seule voix et la médecine restera dans l’impasse. » Slate.fr 22 mai 2019

Dossier Vincent Lambert : le retour du Dr Kariger, le silence d’Emmanuel Macron

Bonjour

20 mai 2019. La semaine médiatique commence sur une mort programmée. Le Figaro, manchette, éditorial et dossier : « Emotion avant l’arrêt des soins de Vincent Lambert ». Libération : « La tension monte avant l’arrêt des soins ». La Croix : « La prise en charge de Vincent Lambert en question ». Impasses et répétitions radiophoniques. Sur RTL le candidat du Rassemblement National en vient à suggérer qu’Emmanuel Macron use de son pouvoir d’accorder la « grâce présidentielle ».

L’éditorialiste du Figaro (Etienne de Montety) écrit ceci :

« Mais en ce matin crucial, une évidence s’insinue en nous: il n’existe pas pour le malheureux de solution facile, peut-être même pas de bonne solution. C’est le doute qui domine, le terrible doute. Dans un procès, il profiterait à l’accusé. Nous ne sommes pas dans un procès mais dans un dilemme. Alors pourquoi ne pas accorder à la victime, Vincent Lambert l’est incontestablement, le bénéfice du doute, c’est-à-dire la vie? »

Le Monde se garde encore d’éditorialiser mais expose (François Béguin) les différentes questions que pose l’arrêt des « traitements » (en réalité la nutrition et l’hydratation). Combien de temps jusqu’au décès ?

Un premier « arrêt » de trente-et-un jours

« La mort survient en quelques jours.’ Cela peut-être long de mourir d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation, si le reste du corps est encore en bon état : plusieurs jours au moins, jusqu’à deux pleines et longues semaines parfois’’, explique la Dr Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, dans La mort est-elle un droit ? (La Documentation française, 2016). Or, rappelle Le Monde, « un premier arrêt avait duré trente-et-un jours ».

« En mai 2013, un premier arrêt des traitements avait été interrompu au bout de trente et un jours sur injonction du tribunal administratif, saisi par les parents de Vincent Lambert, au motif qu’ils n’avaient pas été informés de cette décision. Si leur fils était toujours en vie au bout de cette période, c’est parce que l’équipe médicale avait fait le choix de maintenir 200 millilitres d’hydratation par jour. ‘’L’idée était de le laisser partir lentement, de sa belle mort. C’était une erreur. A l’époque, nous ne savions pas faire’’, reconnaîtra le docteur Eric Kariger, le médecin alors à l’origine de la décision, dans Ma Vérité sur l’affaire Vincent Lambert (Bayard, 2015). »

Où l’on voit ainsi réapparaîre, dans les médias le Dr Eric Kariger qui, pour une large part, fut à l’origine de l’affaire Vincent Lambert. Il parle dans La Croix (Flore Thomasset). Le quotidien catholique expose les différends médicaux concernant de dossier. A commencer par le type d’établissement spécialisé et la nature de la prise en charge de ce type de malade. Dans un autre sercice que celui du CHU de Reims tout ses serait passé autrement « dans un projet de vie et non dans un projet de mort », résume le Pr Xavier Ducrocq, chef d’un service de neurologie et conseil des parents. « Ces établissements EVC-EPR sont faits pour des patients dont l’état de conscience est altéré, et ce quel que soit leur niveau de conscience, explique un autre de leurs conseils, le docteur Bernard Jeanblanc. Cet état peut fluctuer: les personnes peuvent sembler plus ou moins “présentes” en fonction des moments. Ce sont en tout cas des personnes qui ont besoin d’être stimulées, alors que Vincent Lambert, lui, est allongé dans un lit depuis cinq ans, à regarder le plafond. C’est inhumain. »

Directives anticipées

Des critiques que rejette fermement le Dr Éric Kariger. « Dire cela est faux et c’est une insulte à l’équipe médicale. Vincent Lambert est déjà dans un service spécialisé pour les patients cérébrolésés, il est même dans l’unité régionale dédiée à ces patients. La vulnérabilité, c’est mon champ d’action depuis toujours et je vous assure que Vincent Lambert a toujours été respecté. C’est un patient qui a eu toutes ses chances, médicales et aussi juridiques. »

Un partient qui a eu « toutes ses chances » ? Ce médecin a toujours contesté la nécessité d’un transfert: « On transfère quand le médecin ou l’équipe s’estiment incompétents ou quand on pense que le patient n’est pas au bon endroit, mais ce n’est pas le cas. Son épouse, qui a été désignée et confirmée en justice comme sa tutrice, n’a d’ailleurs jamais demandé ce transfert. »

Ce conflit particulier renvoie à un débat plus large sur la prise en charge des patients cérébrolésés, ajoute La Croix. « Il y a deux types de structures en France, estime le Pr Ducrocq. Celles, majoritaires, qui sont proactives, développent et cherchent des techniques nouvelles pour éveiller et stimuler les patients ; et des équipes plus passives, c’est le registre de celle de Reims, davantage tournées vers l’accompagnement, le nursing. Vincent Lambert bénéficie à cet égard de soins remarquables. Mais ça ne peut pas suffire pour un patient durablement stabilisé dans un état de conscience altéré: il n’est pas stimulé, il n’est pas sorti, il n’a plus de kiné, il est en situation d’isolement affectif… Il n’y a pas de projet de vie, même de vie limitée, pour lui. » L’unité où est hospitalisé Vincent Lambert se trouve au sein des services de soins palliatifs et non de réadaptation, relève aussi le Dr Jeanblanc, convaincu que la prise en charge s’en ressent. « La circulaire de 2002 sur les prises en charge des patients EVC-EPR dit qu’ils doivent bénéficier de séances de kiné six fois par semaine! Il aurait besoin d’une stimulation multisensorielle, d’être levé, de sortir, et non de rester comme ça, enfermé. »

À l’opposé, le Dr Kariger, toujours dans La Croix : « Tout ce dont cet homme a besoin désormais, c’est d’un accompagnement et d’une gestion de ses inconforts, pour une fin de vie digne et apaisée, dans le respect de ses volontés particulières ». Des directives anticipées que cet homme n’a jamais rédigées.

A demain

@jynau

Homéopathie : de quel droit le placebo et ses effets ne seraient-ils pas remboursés ?

Bonjour

Acte V, scène 4.  Elle a commencé par un communiqué de presse des Laboratoires Boiron daté du 17 mai 2019. Où l’on voit la firme confirmer des informations qui avaient fuité dans la presse (Libération, France Info)  – peut-être avec l’aide d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Et où l’on voit, aussi, que l’ire lyonnaise demeure ; de même que les ronds de fumée peine voilés à destination de Bercy et du Palais de L’Elysée. Cela donne ceci :

« Les laboratoires Boiron ont reçu le premier avis de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS), jeudi 16 mai 2019 en fin de journée, soit bien après sa fuite dans un média. La diffusion par la presse de ce premier avis, censé être confidentiel, cause un réel préjudice aux salariés, clients et actionnaires du groupe.

Dans ce premier avis, la commission de la transparence émet une recommandation défavorable au maintien de la prise en charge par l’Assurance-maladie des médicaments homéopathiques.

La procédure d’évaluation en cours prévoit qu’après réception de ce premier avis, les laboratoires Boiron disposent de 10 jours pour transmettre des commentaires écrits ou pour demander une audition auprès de la HAS. Cette procédure permettra aux laboratoires de présenter leurs arguments quant au bien-fondé de la prise en charge des médicaments homéopathiques. A l’issue de cette procédure, la HAS rendra un avis définitif qui sera transmis à la ministre des Solidarités et de la santé pour décision.

74% des Français qui ont recours aux médicaments homéopathiques les jugent efficaces et sont contre l’arrêt de leur remboursement (Ipsos, octobre 2018). Un déremboursement éventuel aurait des conséquences négatives pour les patients, pour les finances publiques et pour l’économie française.

La France génère 60% du chiffre d’affaires du groupe Boiron et un éventuel déremboursement menacerait un millier d’emplois. La cotation des actions des laboratoires Boiron, suspendue jeudi 16 mai 2019 en raison de la diffusion par un média d’une information confidentielle, reprendra lundi 20 mai à l’ouverture de la Bourse. »

Extraits précieux

Le même jour Le Monde (Paul Benkimoun) avait publié de précieux extraits du texte, en particulier l’analyse sur laquelle la HAS a fondé son avis. Cela donnait cela :

« Le Monde a consulté le projet d’avis adopté le 15 mai par la commission de la transparence(CT)  de la HAS (…) Dans ce document de 85 pages (plus une bonne cinquantaine de pages d’annexes), la commission précise le contexte de l’évaluation qui lui a été demandée. Celle-ci porte sur ‘’les médicaments à nom commun (hors préparations magistrales) soumis à la procédure d’enregistrement auprès de l’ANSM [Agence nationale de sécurité du médicament] et bénéficiant actuellement d’une prise en charge à 30 % par l’Assurance-maladie’’. Après une présentation des principes de l’homéopathie – dont elle rappelle qu’ils  ‘’ne sont pas soutenus par les données actuelles de la science’’ –, et une description de son utilisation en France, la CT détaille les documents sur l’analyse desquels elle fonde son avis.

‘’Près de 1 000 études ont été identifiées et près de 300 ont été sélectionnées sur la base de critères de sélection détaillés dans le présent avis.’’ La commission a examiné ‘’23 revues systématiques de la littérature et méta-analyses, 10 essais contrôlés randomisés et 6 études concernant la consommation médicamenteuse, dans 25 indications ou symptômes.’’ Après analyse, la CT souligne qu’’’au total aucune étude n’a démontré la supériorité en termes d’efficacité (morbidité) de l’approche homéopathique par rapport à des traitements conventionnels ou au placebo.’’

Dans la conclusion de son projet d’avis, la commission met en balance les arguments. D’un côté, elle pointe l’absence de gravité de certaines affections ou symptômes bénins, spontanément résolutifs, pour lesquels ‘’le recours aux médicaments (dont l’homéopathie) n’est pas nécessaire’’, ‘’l’absence de démonstration d’efficacité’’ des médicaments homéopathiques, ‘’l’absence de démonstration de leur impact sur la santé publique’’, ‘’l’absence de place définie dans la stratégie thérapeutique’’. A l’inverse, elle reconnaît ‘’la gravité et/ou l’impact potentiel sur la qualité de vie des patients de certains symptômes/affections étudiés pour lesquels il existe un besoin médical à disposer d’alternatives thérapeutiques ou de médecines complémentaires’’ et ‘’la très bonne tolérance et le profil de sécurité des médicaments homéopathiques.’’ »

C’est sur cette base que la  CT donne « un avis défavorable au maintien de la prise en charge par l’Assurance-maladie des médicaments homéopathiques ». Or Agnès Buzyn a déjà (de manière étrangement apolitique) assuré qu’elle « suivrait l’avis de la Haute Autorité de Santé. Il restera à cette ministre d’expliquer aux citoyens pourquoi la collectivité ne devrait pas prendre en charge les possibles vertus du placebo et de ses effets. A quel titre et de quel droit ?

A demain

@jynau