Bonjour
Une rémunération pour aider à sortir de l’addiction tabagique ? La proposition peut faire sourire. Elle a été scientifiquement expérimentée par Felicia Schmid et Jean-François Etter (Université de Genève). Et ce travail vient d’être publié dans le Journal of the American College of Cardiology : “Effects of Large Financial Incentives for Long-Term Smoking CessationA Randomized Trial” (commentaire audio du Dr Valentin Fuster). Une publication utilement repérée par LePoint.fr (Thomas Prévost)
Ce travail a pu être mené grâce à la participation de 805 fumeurs (hommes et femmes) gagnant moins de 50 000 francs suisses (46 500 euros) par an. Ils n’avaient recours à aucun traitement médical substitutif pour les aider à arrêter. On ne parle pas, ici, de rémunérations mais « d’incitations financières ». Les volontaires recevaient ces incitations pour chaque semaine de sevrage. Mieux : plus la durée de leur sevrage s’allongeait, plus la prime augmentait. Après une semaine ils recevaient 100 francs suisses (92 euros). Au bout de six mois, ils pouvaient toucher jusqu’à 1 500 francs suisses (1 380 euros). On ne plaisante guère, en Suisse avec l’argent comme avec la parole donnée : des tests biologiques étaient pratiqués pour vérifier les dires (monoxyde de carbone expiré et cotinine salivaire).
Bons d’achat pour femmes enceintes
La carotte n’a pas toujours joué son jeu et le tabac a, parfois, été plus puissant que l’esprit de lucre. Toutefois 45% des participants sont parvenus à un sevrage de six mois, le temps de l’expérience. Que s’est-il passé quand l’argent s’en est allé ? Seuls 20 % ont persévéré. C’est malgré tout un succès : dans l’autre bras de cet essai clinique original (sans argent) le taux de succès n’était que de 10 %.
« L’expérience n’est pas nouvelle, rappelle Le Point. En mai dernier, une étude sanitaire financée par l’Institut national du cancer préconisait d’utiliser la récompense financière comme motivation dans l’arrêt du tabac sur les femmes enceintes. Mais les montants sont loin des sommets suisses : seize maternités françaises ont décidé d’offrir des bons d’achat d’une valeur de 20 euros en cas d’abstinence. Cette étude qui doit durer trente-six mois n’a pas encore dévoilé ses premiers résultats. »
Il s’agit ici de l’étude « Incitation financière à arrêter de fumer pendant la grossesse ». Elle est dirigée par le Dr Ivan Berlin (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Faculté de médecine Université P. & M. Curie, INSERM U1178). Ecoutons le Dr Berlin :
« Des études laissent entrevoir l’efficacité prometteuse des incitations financières comme récompense, pour favoriser l’arrêt du tabac pendant la grossesse. Dans une maternité écossaise, les incitations financières procurées aux femmes enceintes fumeuses ont augmenté l’abstinence tabagique de 14% par rapport aux femmes ayant seulement bénéficié des consultations habituelles.
« Bien que récompenser financièrement de « bons » comportements de santé puissent être sujet à controverse, une étude d’acceptabilité menée en population générale représentative française, montre que la majorité des répondants approuve l’idée de procurer des incitations financières par bons d’achat, afin d’aider les femmes enceintes fumeuses à arrêter de fumer. L’étude réalisée par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris et financée par l’Institut du Cancer vise à diminuer le tabagisme chez la femme enceinte, en récompensant leur abstinence tabagique par des bons d’achat (valables dans de nombreuses enseignes).
Ni alcool ni cigarettes
« L’objectif n’est pas seulement un simple arrêt des cigarettes mais aussi le maintien de l’abstinence tout au long de la grossesse jusqu’à l’accouchement. Cette étude est nationale, randomisée et multicentrique : les participantes sont aléatoirement assignées soit dans le groupe de contrôle ou sont dans le groupe intervention. Dans le groupe contrôle, elles recevront 20€ pour chacune des visites prénatales. Dans le groupe d’intervention, elles recevront 20€ à chaque visite prénatale ainsi qu’une incitation financière supplémentaire qui augmentera progressivement avec le nombre de fois où elles sont abstinentes.
« Les incitations financières prendront la forme de bons d’achat avec lesquels l’achat de cigarette et d’alcool est impossible. Seize maternités participent à cette étude. Lancée en avril 2016, ses premiers résultats seront disponibles dans environ ans. Si les résultats indiquent que les incitations financières récompensant l’abstinence au tabac augmentent significativement le taux d’abstinence par rapport à l’absence d’incitation financière et que l’étude est coût-efficace (les coûts de ce type d’intervention sont largement inférieurs aux coûts liés aux problèmes de santé périnatals dus au tabagisme), les incitations financières pourraient être alors introduites comme une intervention standard pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer. »
E-cig
On pourra, ici, regretter le côté assez misérabiliste du « bon d’achat » et s’interroger sur les liens avec les « grandes enseignes » associées à cet essai clinique d’un genre nouveau. On pourrait aussi, développer la problématique et l’étendre à la cigarette électronique : au vu des avantages considérables qu’elle semble apporter en termes de sevrage, pourquoi la collectivité n’aiderait-elle pas, financièrement, les vapoteurs à sortir de leur esclavage au tabac ? Faut-il au contraire laissé les dépendants payer pour qu’ils en finissent avec leur vice ?
Voilà, pour la rentrée politique, une bien belle équation éthique de santé publique.
A demain