«Plus belle la vie» : faire une croix sur la GPA à la télévision comme on le fit sur le tabac ?

Bonjour

On n’attend plus, sur ce sujet, que l’avis médiatique éclairé de l’omniprésente Marlène Schiappa. Où il est question de « Plus belle la vie », célèbre série diffusée sur France 3.  Onze ans déjà que la France (cinq millions de téléspectateurs quotidiens) découvre cette mise en scène du quotidien des habitants d’un quartier imaginaire de Marseille : « le Mistral ». Une fiction à la française avec deux types d’intrigues : la vie personnelle des habitants (joies, peines, amours etc.) et de sombres intrigues policières marseillaises sans accent. Joli succès d’audience (presque salué par … Le Monde diplomatique et dénoncé par … Libération) ). Une fiction régulièrement pimentée de polémiques (cannabis, triolisme, poppers, inceste, viol, mariage pour tous, transidentité etc.). Et aujourd’hui : la GPA.

« Dans l’épisode du 23 juillet dernier, rapporte France Inter (Clément Polyn)l’un des personnages principaux de la série, Céline, qui ne peut pas avoir d’enfant, révèle à l’un de ses amis avoir fait appel à une mère porteuse britannique et à un donneur de sperme anonyme. Son ami lui rappelle alors que la gestation pour autrui est interdite en France. Mais l’héroïne décide tout de même de se tourner vers une médecin favorable à la GPA. »

Aussitôt tonnerre de condamnations. A commencer par celle d’un sénateur (Les Républicains, Vendée). Bruno Retailleau :« On peut attendre autre chose du service public qu’il utilise l’argent des Français pour faire la promotion de la marchandisation du corps humain. Pouvoir acheter un enfant ne sera jamais la marque d’un progrès de la civilisation. »

Mais il y a plus, comme l’observe Le Figaro (Agnès Leclair) . La série «vise à rendre acceptable une pratique d’exploitation du corps des femmes, interdite en France et dans la plupart des pays d’Europe», jugent les associations féministes réunies sous la bannière de la Ciams (Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution) 1. Où l’on perçoit que l’opposition à la GPA réunit bien des énergies.

Corps des femmes en esclavage

«Nous voulons alerter l’opinion publique sur le traitement favorable de la GPA. La série présente la pratique de “location d’utérus” sous un angle socialement admissible. Elle ne rappelle jamais que cette pratique repose sur un système d’exploitation et d’instrumentalisation du corps des femmes et qu’elle relève de la vente d’enfant», précise Ana-Luana Stoicea-Deram, présidente du Collectif pour le Respect de la Personne.

La Ciams dénonce la «banalisation» du recours à la GPA «par le biais d’arguments fallacieux», notamment dans un dialogue où une jeune femme médecin évoque des cas de GPA «où tout s’est bien passé» ou encore dans la mise en avant «d’une avocate brillante et spécialisée dans les causes justes» comme mère d’intention.

«Ces propos s’appuient toujours sur des situations individuelles présentées comme positives mais masquant la situation réelle de la GPA dans le monde: un système d’exploitation des plus pauvres au profit des plus riches par le biais du tourisme procréatif, renouvelant les pratiques de trafic triangulaire», s’insurge encore la Ciams dans un communiqué.

Les associations reprochent également à la série «l’utilisation des vieux poncifs sur le dévouement féminin ainsi que sur la nécessité de la maternité». Quant à la «pirouette» des scénaristes, qui ont choisi de clore cette séquence en racontant que cette GPA était une escroquerie, elle «n’exonère pas la production de sa responsabilité», estiment-elles.

« Le collectif demande notamment à la société de production de rappeler ‘’de façon explicite’’ l’interdiction de la GPA, ajoute Le Figaro.  La députée (Calvados, PS) Laurence Dumont, qui s’est jointe à cette initiative, a de son côté écrit au ministre de la Culture et à la présidente de France Télévisions pour les alerter. »

Interdire (de montrer) ou débattre (du sujet). C’est, désormais toute la question à laquelle doit répondre ceux qui gouvernent la télévision.

A demain @jynau

1 Premières organisations signataires : Amicale du nid, CADAC Collectif des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception, Chiennes de garde, CNFF – Conseil National des Femmes Françaises, Coordination nationale de Osez le féminisme!, CQFD Lesbiennes féministes, Du Côté Des Femmes – DCDF, ELCEM, Encore féministes, Femmes libres / Radio libertaire, Femmes solidaires- Marseille, Forum Femmes méditerranée, Initiative Féministe Euromed IFE-EFI, L’Association Française des Femmes Médecins, AFFM,, La CLEF (Coordination française du Lobby Européen des Femmes), La ligue du droit international des femmes, La Marche Mondiale des Femmes, L’Assemblée des Femmes, Le CEL de Marseille, Le CoRP -Collectif pour le Respect de la Personne, les VigilantEs, LFID – Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie, Libres MarianneS, Osez le féminisme ! 13, Osez le féminisme Vaucluse, REFH – Réussir l’égalité femmes-hommes, Regards de femmes, Réseau Féministe « Ruptures », Zeromacho

Premières signatures individuelles : Laurence DUMONT (Députée socialiste du Calvados), Henriette AUBAY (Militante des droits de l’enfant), Françoise LAROCHE (Féministe – Var), Dr Annie Laurence GODEFROY  (Médecin – militante féministe), Dr Olivier MANCERON (humaniste pro-féministe), Claire DESAINT (vice-présidente de REFH), Fanny COHEN HERLEM (Psychiatre qualifiée en pédopsychiatrie- Travaille en Protection de l’Enfance), Blandine DEVERLANGES, Patricia MORIN (avocate – Lyon), Andrée SODJINOU (psychologue – Ile de France), Marie Jo. BONNET (spécialiste de l’histoire des femmes), Cécile BLUMENTAL, Nicole FOUCHE (Vice-présidente de REFH – Réussir l’égalité femmes-hommes), Yvette ROUDY (ancienne Ministre des droits des femmes).

Panique sur vapotage et cigarette électronique: pourquoi Libé ne se mouille-t-il pas ?

Bonjour

On a connu, jadis, un Libé plus flamboyant 1.

La polémique fait rage et le journal compte les points. « La vapoteuse n’aiderait pas à arrêter de fumer et contiendrait même des particules nocives pour la santé, selon un rapport de l’OMS rendu public vendredi. Des médecins y voient pourtant un outil de réduction des risques » résume le quotidien de Sartre et de July (« E-cigarettes vapeur panique » – Louise Guibert). Libé parle ainsi du « jugement très sévère » de l’OMS sur les cigarettes électroniques. Et Libé de citer l’AFP elle-même au cœur de la polémique. Avant de définir le vapotage comme s’il s’adressait à des enfants sages. Et de faire comme s’il nexistait aucune bibliographie sur la question de la « porte d’entrée » :

« L’inquiétude de l’OMS vis-à-vis de ces produits concerne également leur adoption par des non-fumeurs, notamment les adolescents, cibles du marketing de nombreuses marques. Plusieurs études semblent montrer que les jeunes non-fumeurs qui se mettent au vapotage sont plus susceptibles ensuite de passer aux cigarettes. »

On a connu, il y a longtemps, un Libé moins plan-plan, plus proche des militants.

Le quotidien cite ensuite la réaction des fabricants de e-cigarettes qui « parlent ouvertement de « désinformation » ainsi que  de « certains spécialistes de la lutte contre le tabac, qui défendent l’efficacité de la cigarette électronique ». Evoque un « consensus scientifique » selon lequel « remplacer la cigarette par le vapotage est moins nocif ». Mais que vaut ce consensus si  l’OMS « se montre plus prudente »… ?

On aimerait connaître un Libé plus apte à defendre la cause de la réduction des risques.

Toujours et encore les pincettes : « pour l’OMS, la possibilité que les vapoteuses jouent un rôle dans l’aide au sevrage tabagique ‘’n’est pas claire’’ » et d’autres estiment que «ce n’est pas un outil magique en termes de sevrage du tabac». Sans oublier que « les chercheurs ont également peu de recul sur les cigarettes électroniques, vendues depuis le milieu des années 2000 ». Sans oublier non plus Santé publique France qui ne fait rien mais observe que « près de la moitié des vapoteurs français en 2017 continuaient à fumer des cigarettes, tous les jours (40 %) ou occasionnellement ».

Comment finir sans citer le « ministère de la Santé français » qui  « s’est toujours montré réticent vis-à-vis de la cigarette électronique, pratique qui a pour particularité d’avoir été imposée au début par les consommateurs eux-mêmes ». « Pour la ministre Agnès Buzyn, qui a fait de la lutte contre le tabac l’une de ses priorités, la baisse du nombre de fumeurs est surtout liée à l’augmentation des prix, au remboursement des patchs et gommes et à l’opération ‘’Mois sans tabac’’ » conclut le quotidien.

Ou comment un quotidien jadis militant en est venu à ne pas prendre position dans un combat majeur de santé publique mené, en France, contre le pouvoir exécutif et sous l’oriflamme médical et libertaire de la réduction des risques.

A demain @jynau

1 Et notament deux écrits sur le sujet de Laurent Joffrin, patron de Libération : « E-cigarette : Laurent Joffrin (Libération) dénonce l’obscurantisme de Marisol Tourain» (Journalisme et santé publique du 29 septembre 2014) et « Cigarette électronique: réplique à Laurent Joffrin et au ‘’pochetron invétéré’’, avec verre de vin » (Journalisme et santé publique du 20 mai 2016)

Procréation pour «toutes» et filiation : in fine Emmanuel Macron dit ok au Conseil d’Etat

Bonjour

Après les homards ministériels millésimés – et avant la publication officielle – ce fut une nouvelle exclusivité de Mediapart (Louise Fessard) -« PMA: le Conseil d’Etat rend un avis lui aussi a minima » – vite confirmée par La Croix (Loup Besmond de Senneville) – « Le Conseil d’État précise et valide le projet de loi de bioéthique ». Où l’on apprenait que dans un avis de trente-deux pages, les juristes du Palais-Royal avalisaient l’essentiel du projet de révision des lois de bioéthique présenté mercredi 24 juillet en Conseil des ministres.

Sur l’extension à « toutes » de la pratique de la PMA : le Conseil d’État reprenait de très nombreux éléments déjà présentés en juin 2018 dans une fort savante étude (« Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? »).  Les juristes du Palais-Royal rappellent notamment qu’en matière de PMA, le droit n’impose aucune extension. « Cette dernière relève d’un choix politique,écrivent les auteurs de ce nouvel avis. Le droit ne commande ni le statu quo, ni l’évolution. » De même, ils répètent que l’extension de la PMA « n’est pas de nature à entraîner juridiquement l’autorisation en France d’autres techniques, telles la gestation pour autrui ». Ce qui restera, avec le temps, à démontrer comme le laisse aujourd’hui entendre Marlène Schiappa.

Corollaire : le Conseil d’Etat se dit favorable au souhait gouvernemental quant à la prise en charge du coût de cette extension à visée non thérapeutique par  l’assurance maladie. Il cite sur ce point « l’étude d’impact » du gouvernement : l’exécutif évalue à « entre 10 et 15 millions d’euros le coût total annuel de la prise en charge par la solidarité nationale de l’accès à l’AMP des couples de femmes et des femmes non mariées, ce qui représenterait 5 % du coût total actuel de l’AMP, lequel s’élève environ à 300 millions d’euros ». « Une estimation officielle rendue publique pour la toute première fois » observe La Croix. Soit 15 millions d’euros annuels, une somme dont le montant (à la différence de la charge symbolique) ne devrait pas faire polémique

Porte d’entrée à la commercialisation des gamètes

Passons aux deux points qui retaient en discussion : le mode de filiation pour les couples de femmes et l’accès aux origines des enfants nés par le biais d’un don de gamètes ; deux points pour lesquels le gouvernement n’avait pas tranché, allant jusqu’à rédiger, pour deux articles, deux versions différentes. C’est dire, ici, l’incertitude qui prévalait dans les rangs l’exécutif et tout particulièrement celle du président de la République

Première question : comment établir le lien de filiation de deux femmes en couples avec leur enfant ? Le gouvernement envisage de demander aux intéressées de procéder, avant la naissance, à une déclaration anticipée devant un notaire qui serait transmis à l’officier d’état civil chargé de retranscrire la filiation sur les registres après la naissance. Ce système doit-il concerner tous les couples recourant à une PMA avec don de gamètes ou seulement les couples de femmes ? Le gouvernement hésite.

Le Conseil d’État, lui, préconisait clairement la deuxième option.« Elle préserve le cadre actuel de l’établissement de la filiation pour les couples composées d’un homme et d’une femme et leur liberté de choix de révéler ou de ne pas révéler à leur enfant son mode de conception », peut-on lire dans son avis. Comment justifier une différence de traitement avec les couples de femmes ? « Cet état du droit se justifie par une différence objective de situation : la référence à une vraisemblance biologique leur est radicalement inapplicable » observent, depuis le Palais Royal, les magistrats du Conseil d’État.

Finalement c’est la solution préconisée qui a été retenue par le président de la République et le gouvernement : un régime d’établissement de la filiation spécifique pour les couples de lesbiennes avec leurs futurs enfants. « De quoi mécontenter une partie de la communauté gay, qui dénonce ce côté ‘’à part ‘’» prévient LibérationEric Favereau et Catherine Mallaval).

Et c’est encore la solution du Conseil d’Etat qui a été retenue quant aux  modalités d’accès aux origines des enfants nés d’un don de gamètes. Exclue, finalement, par le président et le consentement du géniteur est recueilli lors de son don – donnneur ne pouvant donné s’il n’est pas d’accord pour une éventuelle révélation de son identité. Solution retenue : la question ne peut lui être (le cas échéant) posée lorsque l’enfant exprime la demande de connaître son identité, c’est-à-dire a minima dix-huit ans après son don. Et le donneur-géniteur conserve le choix de dire non.

« Conséquence collatérale de l’accès pour tous à des données non identifiantes : il est prévu de détruire les stocks actuels de gamètes donnés sous un total anonymat, explique Libération.  Une pénurie est-elle à craindre ? Les célibataires (et notamment l’association Mam’ensolo) ont déjà fait part de leur inquiétude sur le sujet : seront-elles les dernières de la liste à bénéficier d’un don de sperme ? »

Si oui, comment ne pas voir là une porte d’entrée à la commercialisation des gamètes – pratique largement en cours derrière nos frontières ? Nous y reviendrons.

A demain @jynau

Selon le quotidien Libération, deux grandes vacances fragilisent le ministère d’Agnès Buzyn

Bonjour

Petit papier acidulé de notre confrère Favereau, dans Libé. « Agnès Buzyn, nous dit-il, peine à trouver des remplaçants à la Direction générale de l’Offre des Soins et à celle de l’Agence Santé publique France. » Des postes clés, prestigieux si l’on veut, mais toujours étrangement vacants. Est-ce faute de combattants ou parce que la ministre des Solidarités et de la Santé hésiterait ? Et ce alors que la fièvre des urgences hospitalières est déclarée.

Gros abcès : la vacance de la DGOS. La titulaire actuelle du poste, Cécile Courrèges, est en partance, «pour raisons personnelles». 

« La DGOS élabore et s’assure de la mise en œuvre des politiques publiques à même de répondre aux défis auxquels fera face le système de santé dans les prochaines années : concrètement, satisfaire aux besoins de soins grandissants de la population tout en assurant la pérennité d’un financement solidaire. Mais aussi, mettre en œuvre les grandes orientations de la stratégie nationale de santé et de la future loi de modernisation de notre système de santé portées par le gouvernement. Pour cela, la DGOS se place en situation de pilotage stratégique et agit de manière innovante en démarche projet, en animation et en appui de réseaux d’acteurs, ainsi qu’en évaluation de ses politiques. »

Abcès également volumineux : la vacance de la direction de l’Agence Santé publique France, « lieu qui regroupe non seulement toutes les expertises de santé publique, mais aussi toute la politique de prévention et de communication des autorités sanitaires ».

« Le professeur François Bourdillon, après un mandat, n’a pas voulu rempiler et a quitté ses fonctions début juin, précise Libération. Depuis, le poste est vacant 1. Professeur de santé publique reconnu, François Bourdillon a eu la tâche difficile de rassembler l’Institut national de veille sanitaire et l’Institut national de prévention, ce qu’il a plutôt réussi. Mais il s’est embourbé dans l’histoire des ‘’bébés nés sans bras’’ qu’il n’a pas prise très au sérieux. » Est-ce bien sérieux ?

Ainsi donc, voilà deux postes clés du grand ministère sans titulaire. « On a du mal à comprendre la lenteur dans le choix des remplaçants, commente Libé. D’autant qu’aujourd’hui, avec un cabinet ministériel restreint, l’absence de ces responsables fragilise au quotidien la vie du ministère. » Le citoyen doit-il, là aussi, s’inquiéter ?

A demain @jynau

1 « Vacance : avez-vous le profil pour devenir le prochain patron de ‘’Santé Publique France’’ ? » Journalisme et santé publique, 1er avril 2019

Lutter contre le VIH/sida : les objectifs français ne seront jamais atteints. Voici pourquoi

Bonjour

Bientôt quarante ans que nous « vivons avec le VIH ». À la demande du Sénat, la Cour des comptes a mené une enquête « sur les évolutions majeures de la politique de prévention et de prise en charge du VIH en France ». Et nous disposons depuis peu de cette enquête . Un beau tableau de l’incurie dans le champ du sanitaire. Ou, pour de le dire autrement, du décalage entre d’ambitieux objectifs affichés sous les ors du ministère de la Santé et la réalité du terrain français, sexuel et infectieux.

Rappelons qu’en 2016 environ 172 700 personnes vivaient dans en France « avec le VIH » – dont 31 000 « hors de toute prise en charge » et 24 000 « ignorant leur statut sérologique ». Cette épidémie est toujours active et le nombre de cas découverts (estimé à 6 424 en 2017)  demeure « à un niveau élevé ».

Il faut aussi rappeler que bien au-delà des recommandations de l’OMS, la France a mis en place une stratégie « très ambitieuse ». Il s’agit tout simplement d’éradiquer « les nouveaux cas » et ce «  à l’horizon 2030 ». Belle et noble ambition. « Mais elle ne s’est pas donné les moyens d’atteindre ses objectifs, en particulier en matière de prévention et de dépistage » observe la Cour des comptes  Une Cour qui estime qu’une « maîtrise renforcée des dépenses de médicaments » permettrait « de dégager des moyens supplémentaires pour développer les nouveaux outils de prophylaxie ou de dépistage ».

Silence du ministère des Solidarités et de la Santé

Une épidémie qui n’est toujours pas maîtrisée, un nombre croissant de personnes infectées, des outils statistiques fragiles – et ce alors même que la recherche française (après la découverte du VIH dès 1983) est « internationalement reconnue » et que le monde associatif occupe ici une place historique.

« Quel dommage que la Cour des comptes se montre aussi ‘’polie’’ dans son rapport, commente Libération (Eric Favereau). En effet, vu la situation médiocre de la France qui s’habitue, bon an, mal an, à ses 6 000 nouveaux diagnostics par an, on rêvait que les magistrats de la rue Cambon s’énervent, mettent les pieds dans le plat et bousculent cette gestion bien pépère que l’on a depuis quelques années de l’épidémie. Le résultat est en demi-teinte. Certes, la Cour des comptes est critique, pointant une politique manifestement dépassée, mais ce énième rapport a été présenté de façon bien discrète. Mesuré et diplomatique, sans mot de trop, il risque de ne pas provoquer de changements. D’ailleurs le ministère de la Santé s’est bien gardé de réagir. »

Rassurons-nous : le ministère des Solidarités et de la Santé ne réagira pas ; ce ministère est étrillé par les magistrats de la rue Cambon qu’il s’agisse des outils statistiques, du pilotage de la politique, des brouillards ou des imbroglios administratifs. Comment, dans ce contexte, avoir cru pouvoir aller au-delà des objectifs de l’OMS ?  «Cette stratégie peine à trouver une traduction cohérente et opérationnelle faute d’un pilotage suffisant et de définition assumée des priorités et des objectifs par le ministère de la Santé». 

Que faire ? On lira les « dix recommandations » de la Cour, et tout particulièrement la dixième : « Mieux réguler les dépenses de médicaments en mettant en œuvre un plan ambitieux de baisse des prix des antirétroviraux sur la base d’une réévaluation d’ensemble de cette classe thérapeutique, et en augmentant la part des génériques dans les prescriptions d’antirétroviraux, par une sensibilisation des prescripteurs, des pharmaciens et des patients. »

« La Cour propose surtout de sortir du ronron actuel » résume Libération. Question : comment sort-on, en France, du ronron ?

A demain @jynau

Homéopathie. MM Bertrand, Wauquiez et Collomb : mais de qui sont-ils donc le nom ?

Bonjour

Ainsi donc, nous dit sa tonitruante porte-parole, le gouvernement travaille à une question politiquement passionnante : en finir ou pas avec le remboursement (à 30%) des spécialités homéopathiques. Tirer un trait historique ou maintenir cette prise en charge collective – quitte à la réduire de moitié. Question passionnant en ce qu’elle nous permet d’entrevoir « en direct » l’une de ces délibérations habituellement toujours masquée.

D’un côté le verdict scientifique et la raison pure : aucune efficacité spécifique démontrée, partant fin du remboursement. C’est, après bien des atermoiements, la position semble-t-il défendue par Agnès Buzyn. De l’autre un entrelacs de considérations économiques et politiciennes – et l’émergence au grand jour de ce qui n’est jamais très éloigné des conflits d’intérêts 1. Bercy/Matignon versus la Santé. Sans oublier, verticalité oblige, le couperet du locataire du Palais de l’Elysée.

Dans l’attente du verdict quelques éditorialistes entrent sur la piste. Ainsi Laurent Joffrin, directeur de la publication de Libération :   « Bertrand, Collomb et Wauquiez : homéopathie et rationalité »

« Trois éminents leaders politiques, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez et Gérard Collomb, se sont lancés dans une croisade en faveur de l’homéopathie, dont le gouvernement prévoit – enfin – le déremboursement par la Sécurité sociale. Devant cette triple levée de boucliers, on dit que le gouvernement hésite, pesant le ‘’coût politique’’ d’une mesure préconisée par la plupart des autorités de santé dans le monde et approuvée par l’immense majorité des scientifiques qui se sont penchés sur la question. »

Jouvence de l’abbé Souris

Pour Laurent Joffrin les choses sont assez simples : « l’homéopathie, pratique tout à fait inoffensive, n’a jamais démontré qu’elle pouvait produire autre chose qu’un ‘’effet placebo’’». « Dès lors que cette réalité est établie, on ne voit pas pourquoi la France devrait rester l’un des derniers pays à la prendre en charge collectivement, écrit-il.  La mobilisation de ces excellences est en tout cas étrange sur le fond : elle consiste à faire passer le ‘’ressenti’’ subjectif des patients avant les conclusions dûment produites par la science et la médecine, c’est-à-dire le préjugé avant la raison. »

Et le directeur de la publication de reprendre un trop vieille image frontalière : « c’est comme si on jetait un morceau de sucre dans le lac de Genève et qu’on déclarait ensuite que ce lac est composé d’eau sucrée ». « Rien de grave, mais rien de vraiment sérieux, dixit la science » conclut le directeur qui laisse filer sa plume suggérer aux  aux trois chevaliers blancs de l’homéopathie de demander aussi le remboursement de la mandragore, la bave de crapaud, l’écume d’argent, la poudre de scorpions écrasés et la méthode Coué. Jusqu’à la jouvence de l’abbé Souris (sic) – jouvence qui, ainsi écrite, ne pourra pas menacer d’un procès.

On sait que ces trois édiles s’inquiètent « pour l’emploi dans leur région ». Et que MM Collomb, Bertrand et Wauquiez démontrent à l’envi que les Laboratoires Boiron ont su mener à la perfection leur opération de lobbying. Dans ce contexte Laurent Joffrin se désespère d’une époque faite de défiance générale, de délégitimation de la science et de l’expertise, de fuite de la rationalité. On peut surtout regretter que cette belle affaire en reste à ce stade – et que nul responsable de l’exécutif s’en saisisse pour que l’on aborde, enfin, la question politique fondamentale : celle de l’effet placebo et des conditions de sa prise en charge par la collectivité.

A demain

1 Sur ce sujet on se reportera avec le plus grand intérêt à la lettre ouverte adressée à Edouard Philippe, Premier ministre, par le Dr Christian Lehmann : « Le sens des responsabilités ».

Pollution de l’incendie de Notre-Dame de Paris : pourquoi cet étrange silence de plomb ?

Bonjour

D’abord se taire. Aux antipodes de la « démocratie sanitaire », c’est une information de Mediapart (Pascale Pascariello) retprise par Libération (Marine Caturia). Où l’on apprend que les quantités massives de plomb libérées lors de l’incendie du 15 avril dernier ont provoqué de fortes pollutions dans le quartier – pollution dont les pouvoirs publics et les autorités sanitaires ont tardé (et tardent) à révéler l’ampleur.

Des taux de plomb 400 à 700 fois supérieurs à la limite autorisée ont été détectés à l’intérieur et aux alentours de la cathédrale. Des chiffres volontairement passés sous silence selon Médiapart. «Cette pollution est abyssale, il y aura des victimes», déclare à Libération Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche honoraire à l’Inserm.

Ce sont les 400 tonnes de plomb qui couvraient la partie brûlée de la cathédrale qui sont en question. Selon les informations de Médiapart, le taux de concentration de ce métal lourd toxique a pu être relevé par plusieurs laboratoires, dont celui de la préfecture de police de Paris.

« Bien que les autorités connaissent les risques, il a fallu attendre deux semaines après l’incendie, soit le 27 avril, pour que la préfecture de police et l’ARS invitent les habitants du quartier à nettoyer leurs habitations avec des lingettes humides et à consulter leur médecin si nécessaire. Des précautions tardives, sans qu’aucune mesure légale pour protéger les riverains et les salariés n’ait été mise en œuvre. Médiapart révèle que le 6 mai, une réunion a été organisée avec les responsables du laboratoire central de la préfecture de police, de la mairie de Paris, du centre antipoison, de la caisse régionale d’assurance maladie et de la direction du travail. Réunion à l’issue de laquelle les participants ont décidé de ne pas dévoiler les chiffres. »

Pourquoi ? Trois associations, celle des familles de victimes de saturnisme, Robin des Bois, et Henri-Pézerat, envisagent de saisir la justice afin d’obtenir les résultats des prélèvements. Face au mutisme des instances concernées, ces associations ont multiplié les courriers auprès des ministères de la Santé et de la Culture, mais aussi de l’Agence régionale de la santé et de la préfecture de police de Paris.  Un manque de communication qui inquiète également les associations de riverains, qui n’ont d’autre choix que de se tourner vers la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada).

Soucieux de la suite des opérations de nettoyage et de décontamination, tous se demandent également ce que deviennent les déchets de poussière récoltés. Contactée par Libération, l’entreprise chargée du nettoyage n’a pas donné suite. Toujours ses taire. On fêtera officiellement, l’an prochain, les dix-huit ans de la démocratie sanitaire.

A demain @jynau

L’invraisemblable scandale des urgences: celui des malades laissés sur des lits-brancards

Bonjour

Brancards, parfum de guerre et de médecine militaire. S’il n’y avait qu’une tribune à retenir, parmi toutes celles qui fleurissent aujourd’hui dans les gazettes, ce serait celle que signe aujourd’hui dans Libération le Pr Bruno Riou, membre du Conseil national de l’urgence hospitalière, doyen de la faculté de médecine, Sorbonne-Université. Cette tribune, mais aussi ses références bibliographiques, parmi lesquelles La Casse du siècle, de Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent (éditions Raisons d’agir, 2019).

Agnès Buzyn n’a pas craint de dire du système de santé français qu’il était «à bout de souffle» . Gardons la métaphore pulmonaire : pour le le Pr Riou les urgences hospitalières sont « au bord de l’asphyxie ». Selon lui la grève du personnel paramédical illustre cet état inquiétant et le «No Bed Challenge» lancé depuis de nombreux mois par Samu et Urgences de France (1) doit être interprété comme un appel à l’aide désespéré. 

Que sait le citoyen ? Que les urgences sont débordées ; que les autres acteurs du système de santé ne veulent plus ou ne peuvent plus agir ; que c’est le dernier endroit où le patient perçoit encore une lumière «accueillante» 24 heures sur 24 ; que nul ne sait combien de temps encore durera cette lumière dans la nuit des villes et des déserts.

Les médias, le ministre et les militants syndicaux ont aussi appris au citoyen que le nombre de consultations aux urgences a augmenté de dix à plus de vingt millions par an en quelques années – et qu’une proportion notable (30 %) pourrait hypothétiquement bénéficier d’une prise en charge ambulatoire dans d’autres structures. Certes. Mais pour le Pr Riou l’essentiel  est ailleurs.  

« Le problème le plus grave auquel doivent faire face les urgences hospitalières, c’est l’absence d’aval suffisant et sa conséquence immédiate, les longues files de patients couchés sur des lits brancards pendant de très nombreuses heures dans ce qu’il convient d’appeler ‘’les couloirs de la honte’’».

Sisyphe est malheureux

Pourquoi ? « Parce qu’il est largement prouvé, dit-il,  que ces lits brancards sont associés à une augmentation de la morbidité et de la mortalité ). Parce que ces patients sur des lits brancards constituent une surcharge de travail considérable pour le personnel paramédical et médical, notamment de poursuite de soins et de surveillance, les empêchant de faire face au flux incessant d’arrivée de nouveaux patients alors même qu’ils ne sont souvent pas en nombre suffisant pour gérer ce flux. Parce que la recherche de lits pour ces patients, travail d’un ‘’Sisyphe malheureux’’ qui verrait l’ascension de son rocher constamment freinée, gâche une part importante de temps médical et paramédical. Parce que ces patients entassés dans des structures inadaptées, les couloirs, peuvent s’aggraver, renvoyant aux soignants un sentiment aigu de mal faire leur travail, quand ils ne sont pas cloués au pilori pour ‘’défaut d’organisation’’».

Ajoutons,pour ajouter au scandale, que ces « lits brancards » fournissent une manne financière non négligeable pour les établissements de santé. Les causes de ces invraisemblables abcès sont multiples et parfaitement identifiées précise le Pr Riou : restriction budgétaire de l’hôpital public, concurrence entre établissements, tarification à l’activité (T2A), virage ambulatoire décidé de manière technocratique et imposé aveuglément par l’outil budgétaire, vieillissement et précarisation de la population, proportion croissante de patients souffrant de maladies chroniques invalidantes, etc.

« Il s’agit du plus grand dysfonctionnement dont souffrent les urgences hospitalières et toutes les mesures de la loi ‘’Ma santé 2020’’ soumise au vote auront un effet homéopathique si ce phénomène délétère n’est pas pris à bras-le-corps et de manière urgente, pour libérer, au moins un peu, le carcan qui asphyxie nos urgences hospitalières. »

Brancards, carcans, homéopathie…. On ajoutera la perte de sens qui mine l’hôpital public dans son ensemble. Nous faudra-t-il imaginer que Sisyphe y est malheureux ?

A demain @jynau

1 Samu et Urgences de France. No Bed Challenge.
2 «Association entre mortalité et attente aux urgences chez les adultes à hospitaliser pour étiologies médicales», de E. Thibon et al. in Annales françaises de médecine d’urgence, 2019.

Dons de sperme et d’ovocytes : comment lever l’anonymat tout en en le levant pas

Bonjour

On peut voir là une ultime tentative, originale, avant la grande marchandisation, irréversible, des éléments du corps humain.

C’est une sous-question soulevée par la révision de la loi de bioéthique et les polémiques qu’elle sous-tend. Le gouvernement prévoit, on le sait, l’extension de la pratique de l’insémination artificielle avec sperme de donneur aux femmes seules et à celles vivant avec une autre femme (PMA/IAD). Corollaire : le recours au concept de la « discrimination ». Et l’émergence de la revendication d’un nouveau « droit » : celui de connaître ses « origines » biologico-génétiques.

Cela peut aussi se dire autrement : « Comment organiser la mise en relation des donneu·r·se·s et des personnes conçues à l’aide de leur don ? » Or voici une nouvelle proposition qui ne manquera pas de retenir l’attention des militants. De nombreux spécialistes de la procréation médicalement assistée 1 appellent de leurs vœux la création d’une plateforme d’échanges. Leur tribune est à lire dans Libération.

On sait que depuis près d’un demi siècle le système français qui organise les dons de gamètes et d’embryons se fonde sur la gratuité, le bénévolat et l’anonymat – sur le modèle éthique du sang et des autres éléments et composés du corps humain. Les signataires ne parlent quant à eux que de « l’anonymat le plus absolu et définitif qui empêche tout accès à l’identité et à l’histoire du donneur ou de la donneuse ». Ils observent d’autre part que parmi les 80 000 personnes nées en France grâce à un don de gamètes (sperme et ovocytes) ou d’embryons, « nombreuses sont celles qui souhaiteraient y accéder ». Et ils soutiennent encore, en simplifiant très largement, « qu’aujourd’hui grâce à un simple test ADN, il est possible de contourner cet interdit ».

C’est, déjà, une antienne éthique et politique : la prochaine révision de la loi de la bioéthique offre l’occasion de légaliser la levée de l’anonymat des donneurs et des donneuses à la majorité de l’enfant né du don. Et les signataires de proposer « la création d’une plateforme numérique d’échanges anonymes entre les donneurs et les donneuses et les personnes nées de ce don » – ce puisqu’aucune des personnes conçues grâce à l’aide d’un donneur anonyme ne doit être « laissée pour compte ».

Cette « plateforme » verrait les futurs parents bénéficiaires d’un don de gamètes ou d’embryon recevoir « dès la conception » les « antécédents médicaux » du donneur ou de la donneuse. Elle permettrait ensuite « un suivi déclaratif de l’évolution de la santé des donneurs, des donneuses après le don ».

« Ces derniers et les personnes conçues à l’aide d’un don (ou, pendant leur minorité, leurs parents) pourraient ainsi se tenir informés mutuellement et au fil du temps de leur état de santé. Cet outil de dialogue anonyme offrirait en outre une modularité et une progressivité qui peuvent être souhaitées par les intéressés en évitant un choix binaire entre l’identité ou aucune information. Chacun pourrait ainsi apprendre à se connaître, en douceur. Donneurs, donneuses et personnes conçues grâce à un don, décideraient progressivement et librement les informations qu’ils voudraient partager. A terme, les intéressés pourraient s’échanger des photos, lever leur anonymat respectif ou se rencontrer accompagnés d’un médiateur s’ils le désirent. En somme, cette plateforme permettrait un échange sur mesure. »

Impérieuses questions

Toute personne conçue grâce à un don et tout donneur, toute donneuse, « d’avant ou après la réforme », pourraient s’y inscrire. Et les parents receveurs d’un don de gamètes ou d’embryon « pourraient aussi s’y connecter pendant la minorité de leur enfant » –  notamment pour leur permettre d’adapter, si besoin, sa prise en charge médicale, ou encore pour répondre à certaines « questions impérieuses ».

Bien évidemment une campagne d’information devrait être organisée : « pour faire connaître l’existence de cette plateforme aux anciens donneurs, anciennes donneuses et pour leur demander, dans un premier temps, de déclarer les pathologies survenues depuis leur don ». Et bien évidemment encore « les personnes issues d’un même donneur, d’une même donneuse pourraient aussi dialoguer entre elles via cette plateforme » dont le forum de « discussion anonyme » serait confié à une équipe pluridisciplinaire au sein d’une autorité administrative indépendante, sous la tutelle du ministère des Solidarités et de la Santé.

Mais encore ? Pour établir sans ambiguïté les correspondances entre ces personnes, des tests ADN pourraient être employés.

« Ces données ADN seraient utilisées et protégées conformément à la loi. L’identification par ADN éviterait de se heurter au caractère inégal et parfois incomplet des dossiers des donneurs, des donneuses conservés au sein des Cecos. Elle permettrait surtout de prendre en compte une réalité : les personnes qui sont en quête d’informations pratiquent, de toute manière, des tests ADN auprès de sociétés étrangères. Si le législateur ne levait pas l’anonymat des donneurs complètement et s’il n’organisait pas une mise en relation adaptée de ces personnes, ces tests ADN continueraient d’être réalisés et les prises de contact demeureraient sans aucun encadrement et accompagnement.

« Avec la plateforme, les résultats des tests seraient dévoilés au cours d’un rendez-vous avec les membres de l’équipe pluridisciplinaire. En cas de correspondance génétique avec une personne déjà enregistrée dans la base de données (donneur, donneuse ou personne issue du même donneur, de la même donneuse), le dialogue anonyme pourrait commencer après un rappel à chacun des règles régissant cette relation qui figure dans le code civil (droit au respect mutuel de leur vie privée et interdiction d’établir un lien de filiation juridique entre le donneur, la donneuse et l’enfant issu de son don). »

Plus tard cette plateforme indispensable deviendrait européenne « afin de prendre en compte les PMA transfrontalières ». Pour ces promoteurs voilà un outil souple qui offrirait à chacun « plus de liberté » et « plus de dignité » par une mise en relation « choisie, progressive et respectueuse des parties en présence ». Elle permettrait de prévenir des « détresses psychologiques » qui peuvent être très graves et d’améliorer la prise en charge de « certaines maladies génétiques ou héréditaires ».

Ultime tentative ?

A demain @jynau

Signataires : Pr René Frydman Gynécologue obstétricien, PrIsraël Nisand Gynécologue-obstétricien, Pr Maurice Mimoun Chef de service de chirurgie plastique, Elisabeth Roudinesco Historienne de la psychanalyse, Dr Muriel Flis-Trèves Psychiatre-psychanalyste, DrSerge Tisseron Psychiatre-psychanalyste, Dr Myriam Szejer Pédopsychiatre-psychanalyste, Dr Juliette Guibert Gynécologue-obstétricien, DPhilippe Terriou Médecin biologiste en centre de PMA, Pascal Neveu Psychanalyste, Rachel Trèves Psychologue, Virginie Debacq Psychanalyste, Petra De Sutter Membre de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Erwann Binet Conseiller départemental PS, rapporteur du projet de loi mariage pour tous, Catherine Michaud Elue de Paris, secrétaire nationale du Mouvement radical à la laïcité, l’égalité des droits, Laurence Vanceunebrock-Mialon Députée LREM, Bérengère Poletti Députée LR, Françoise Zonabend Anthropologue, directrice d’études à l’EHESS, Anne Cadoret Ethnologue, Lise Bankir Directrice de recherche émérite à l’Inserm, Laurence Brunet Juriste, Raphaël Molenat Avocat, Isabelle Copé-Bessis Avocate, Hélène Poivey Leclercq Avocate, Clélia Richard Avocate, Catherine Clavin Avocate, Association Mam’en solo, Collectif BAMP (association de patients de l’assistance médicale à la procréation), GayLib, APGL (association des parents et futurs parents gays et lesbiens), Olivia Knittel Journaliste, Eva Dupont d’Ohid Auteure du blog Icimamasolo, Bénédicte Flye Sainte Marie Auteure de PMA le Grand DébatAlain Tréboul Donneur de gamètes, Stéphanie Krystlik Donneuse d’ovocytes et mère d’enfant conçu par don de gamètes, Audrey et Arthur Kermalvezen Fondateurs de l’association Origines.

Libération dénonce le « paternalisme » du projet de loi bioéthique, filiation et PMA

Bonjour

Après Le Journal du Dimanche, Libération. Quatre jours après l’hebdomadaire dominical et le « lever de voile » d’Agnès Buzyn, le quotidien de Jean-Paul Sartre (Eric Favereau et Catherine Mallaval) s’est « procuré l’avant projet de loi » qui veut étendre l’accès à la PMA/IAD à « toutes les femmes ». Le texte est toujours en cours d’examen au Conseil d’Etat et devrait être présenté en Conseil des ministres fin juillet.

Surprise : là où le JDD voyait une loi qui allait « révolutionner la famille » l’ex quotidien révolutionnaire ne perçoit qu’une bien maigrelette avancée. Où l’on voit s’éloigner un peu plus – après l’excommunication d’Agnès Thill par les macronistes – le débat « apaisé » voulu par Emmanuel Macron.

« Sérieux, austère, pointilleux, et au final très réglementaire. Lourd de 32 articles, le projet de loi sur la bioéthique,  manque un peu de… vie, commente Libé. Que reste-t-il du rapport du député Jean-Louis Touraine (LREM) destiné à servir de support au projet de loi bioéthique ? Le souffle de décrassage et de levée des interdits n’est plus franchement là. Qu’en est-il même de l’esprit qui se voulait ne pas être ’trop frileux’’, selon les mots de l’auteur du rapport. Voilà un projet certes important et utile, mais il reste d’inspiration très ‘’paternaliste’’.»

Certes « un grand pas va être franchi avec l’ouverture (remboursée) de la PMA/IAD à toutes les femmes, en couple (hétéro ou homo) ou célibataire » mais, ajoute Libé, le détail des articles de cette loi semble surtout obéir à un « désir d’apaisement » souhaité par le président de la République ainsi que par sa ministre des Solidarités et de la Santé… « Tant et tant qu’étrangement, l’Inter-LGBT, qui devait faire de la marche des fiertés prévue ce samedi une fiesta (enfin la PMA pour toutes quand même !), s’apprête à défiler sous le mot d’ordre : ‘’Filiation, PMA : marre des lois a minima !’’. »

Du corps charnel au corps en fabrication

Des sujets de déception, sinon de combat ? Pourquoi continuer à interdire de dépister la trisomie 21 sur les embryons conçus en éprouvette pour de futurs parents souffrant de maladies génétiques ? Pourquoi diable l’Etat se sent-il obligé d’encadrer les « greffes fécales » ?  Pourquoi ce silence pesant sur l’insémination post-mortem ? Quid « des assignations de sexes forcées auxquelles on procède sur les enfants nés intersexes » ? Va-t-on continuer, demande Libé, à les «mutiler», pour reprendre le vocabulaire de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme ? Pourquoi ne pas faciliter l’inscription à l’état civil français des enfants nés de GPA à l’étranger ? Pourquoi, en somme, ne pas plus entrouvrir la porte à une GPA toujours prohibée ?

Les attentes progressistes risquent fort d’être également décues au chapitre (encore en gestation) de « l’accès aux origines » la filiation entre les personnes qui ont eu recours à un don et les enfants ainsi nés. « Nombreux (hétéros ou homos) sont ceux qui craignent une forme de stigmatisation de ces enfants nés de don, prévient Libé. Quant à opter pour un mode d’établissement de la filiation ‘’à part’’ pour les couples de lesbiennes dans une loi destinée à promouvoir l’égalité de toutes face à la PMA, voilà qui tient un peu de l’oxymore. » Et encore :

« A moins qu’il ne s’agisse d’une tactique destinée à apaiser la Manif pour tous, qui sera forcément satisfaite que l’on crée un mode de filiation à part pour les couples de femmes, quitte à faire grincer la communauté LGBT. Cette dernière se demande aussi comment les couples de lesbiennes qui continueront à aller à l’étranger ou fabriqueront un bébé hors cadre médical avec un ami donneur pourront faire établir la filiation avec leur enfant dans ce cadre.

« Plusieurs associations auraient préféré que l’on étende aux homosexuels les règles aujourd’hui applicables aux couples hétérosexuels. Après consentement des deux femmes à une PMA devant notaire (comme c’est le cas pour les couples hétéros), celle qui n’a pas porté l’enfant aurait pu bénéficier d’une présomption de comaternité en cas de mariage ou de la possibilité d’une reconnaissance en dehors du mariage. Ce qui est peu ou prou le système en vigueur au Québec et en Belgique. »

L’honnête homme complétera cette lecture avec un remarquable opuscule :« L’Homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué »signé de Sylviane Agacinski (Gallimard. 48 pages. 3,90 euros). On espère que la maison Gallimard à prévu, avant l’été, une distribution de ce texte de combat, philosophique et politique, aux députés et aux sénateurs.

A demain @jynau