Bonjour
Le temps ordinal est parfois celui de la science. Ce n’est pas celui des (tentatives de) compromis politiques. La ministre de la Santé tente de trouver un terrain d’entente avec les militants alternatifs de Lyme. La justice de l’Ordre tranche dans le vif. Un médecin généraliste de la banlieue de Lyon vient d’être condamné en appel à quatre mois de suspension ferme par le Conseil de l’Ordre pour « prescriptions abusives de tests de dépistage de borréliose » et « soins non-conformes aux données actuelles de la science ». Sans oublier une « absence d’adaptation de la thérapeutique aux résultats des tests biologiques ».
Charlatanisme et compérage
« Je n’ai plus 40 ans, mon activité est derrière moi, mais c’est chiant d’arrêter quatre mois quand on a des patients dont on essaie d’améliorer la qualité de vie, avait commenté le Dr Raphaël Cario après le premier jugement. J’essaie de dédramatiser, mais on se sent harcelé, c’est comme si on voulait notre peau, et on ne sait pas pourquoi. » En première instance, trois autres médecins avaient aussi été suspendus. Voici ce qu’écrivait, en février 2015, La Tribune de Lyon :
« Raphaël Cario, un homéopathe de Limonest est jugé cette semaine en correctionnelle. La raison ? Comme une centaine de médecins en France, il a envoyé en analyse à un laboratoire strasbourgeois des tests complémentaires (dits Werstern blot) de patients susceptibles d’être atteints par la maladie de Lyme.“Je suis poursuivi pour charlatanisme et compérage avec ce laboratoire, qui s’est fait rembourser ces Wertern blot par la Sécu, alors qu’il n’avait pas le droit. Je n’étais pas au courant de cette règle”, confie le médecin lyonnais. »
Le Dr Cario va faire appel de sa condamnation devant le conseil d’Etat. Toutefois cette condamnation n’est pas suspensive et il devra cesser de consulter à partir de mai prochain.
« Scandale et pétition »
L’Obs (Emmanuelle Anizon et Elodie Lepage) ne comprend pas. C’est que L’Obs, sur Lyme, est devenu un journal militant (comme il le fut avec les « OGM cancérogènes »):
« Fin septembre, le Dr Cario était retourné plaider sa cause devant le Conseil de l’Ordre. Le contexte paraissait meilleur : en juillet, « L’Obs » avait fait sa une sur ce scandale sanitaire et lancé une pétition de médecins demandant qu’on arrête de les poursuivre. De nombreux médias avaient relayé leur cause. Le ministère de la Santé déclenchait un plan Lyme, le Directeur Général de la Santé s’engageant même devant les associations de malades à se rapprocher du Conseil de l’Ordre et de la Sécurité sociale pour que les poursuites soient menées « avec mesure »… »
Les hebdos ne sont plus ce qu’ils étaient. Une de L’Obs ou pas il existe, en France et depuis un certain temps déjà, une « séparation des pouvoirs ». Le Pr Benoît Vallet, Directeur Général de la Santé ne pourrait (à supposer qu’il puisse l’imaginer) peser sur les juridictions ordinales. Et, Lyme ou pas, on peut penser qu’il vaut mieux que cela soit ainsi.
Toujours selon L’Obs, Marie-Claude Perrin, présidente de Lyme sans frontières, se dit « atterrée ». « Les poursuites contre les médecins ‘’Lyme’’ deviennent d’autant plus incompréhensibles que la ‘’loi Lyme’’ [qui reconnaît la chronicité de la maladie,] vient d’être adoptée aux Etats-Unis » commente pour sa part à L’Obs le Pr Christian Perronne, chef du service infectiologie de Garches, vice-président de la FFMVT (Fédération française des maladies vectorielles à tiques).
«Produit naturel»
« Autre jugement, et même fermeté » dit L’Obs : le 14 décembre, Viviane Schaller, directrice d’un laboratoire utilisant des tests de détection Lyme « en dehors du protocole officiel », a sa condamnation à neuf mois d’emprisonnement avec sursis (et 300.000 euros de dommages et intérêts pour la Caisse d’assurance maladie) confirmée en appel. « La condamnation est un copié-collé de la première décision, c’est comme s’il n’y avait pas eu d’audience entre les deux, ni de nouveaux éléments apportés par la défense » s’indigne son avocat Me Julien Fouray. On est très en colère, on se pourvoit en Cassation. »
L’action contre un deuxième biologiste Bernard Christophe (qui était aussi poursuivi en appel pour avoir mis au point et commercialisé un « produit naturel », « le Tic Tox, soulageant les malades de Lyme ») est quant à elle éteinte. Lui-même atteint, il est en effet décédé d’une crise cardiaque quelques jours avant le jugement. L’Obs l’avait eu au téléphone l’été dernier : « J’ai été malade toute ma vie, j’ai chez moi les témoignages de milliers de personnes que j’ai aidées. J’ai alerté par courrier les ministres de ce scandale de Lyme, sans jamais une réponse. J’ai 68 ans, et on attend que je m’éteigne ».
A demain