Quand l’écologie devient spectacle politique : maître des horloges et du compteur électrique  

 

Bonjour

Devinerez-vous le nom du militant écologique qui lit, dramatiquement, ces lignes ?

« Imaginez. Vous vous réveillez et quelque chose a changé. Vous n’entendez plus le chant des oiseaux. Vous regardez par la fenêtre : les paysages que vous avez jadis chéris sont désormais desséchés et toute vie en a disparu.

« L’air et l’eau, tout ce que vous respirez et qui permet la vie, est altéré. Ce n’est pas un cauchemar et encore moins une illusion. Vous le savez. Vous le savez parce que nous en constatons les premiers effets. Le temps du déni est révolu. Nous ne sommes pas seulement en train de perdre la bataille contre le changement climatique, nous sommes en train de perdre notre bataille contre l’effondrement de la biodiversité. »

« Ces mots d’alarme ne sont pas ceux d’un militant écologiste : ce sont ceux du président de la République française, prononcés (en anglais) dans une brève vidéo postée le 24 mars à 20 h 35 sur son compte Twitter », nous dit notre confrère Stéphane Foucart (Le Monde). L’adresse d’Emmanuel Macron s’achève en enjoignant aux citoyens d’accomplir le geste symbolique institué depuis une dizaine ­d’années par le WWF, avec l’Earth Hour : éteindre la lumière pendant une heure, en signe d’adhésion aux politiques de protection de l’environnement. En clôture de la courte séquence, un dernier plan montre, en exemple, l’extinction des feux au palais de l’Elysée.

Où l’on comprend que le maître, auto-proclamé, des horloges est aussi celui du compteur électrique de l’Elysée. Et où l’on s’interroge sur la subite conversion d’Emmanuel Macron à l’écologie politique. Le souvenir, peut-être, de ses premières lectures assurée par sa grand-mère institutrice ? Elles nous sont révélées dans L’Obs par Michel Crépu, rédacteur en chef de la célèbre NRF 1. Deux écologistes avant l’heure : la douce Colette et, en même temps, le sulfureux Jean Giono.

A demain

1 A paraître (19 avril) : « Un empêchement. Essai sur l’affaire Fillon » par Michel Crépu. Gallimard, 104 pages, 10 euros

 

Néo-journalisme, gauchisme et burn out : hémorragie de soutien au nouveau Média citoyen

Bonjour

Retour sur LeMedia un tout nouveau site d’information politique très proche de La France insoumise – et donc accusé d’être inféodé à Jean-Luc Mélenchon. Un site déjà dans les turbulences après  la publication par le site spécialisé Electron libre, samedi 24 février, d’un mail d’Aude Rossigneux, annonçant son éviction du poste de rédactrice en chef du jeune pure player. Elle brossait alors un portrait au vitriol de cette nouvelle « webtélé ».

Moins d’une semaine plus tard rien ne va plus comme nous l’apprend Le Monde (Ariane Chemin): « Une dizaine de soutiens du Média se désolidarisent de la webtélé proche des ‘’insoumis’’». A savoir : l’ancienne ministre de la culture Aurélie Filippetti, proche de Benoît Hamon, l’avocat Antoine Comte, l’écrivain Gérard Mordillat, le médecin urgentiste Patrick Pelloux, les comédien et comédienne François Morel et Judith Chemla, les journalistes Cécile Amar, de L’Obs, et Edouard Perrin, de Cash investigation, les musiciens Giovanni Mirabassi et Médéric Collignon. Sans oublier Noël l’une des « vedettes » de l’antenne qui a fait savoir qu’il n’y remettrait plus jamais les pieds.

 C’est, une nouvelle fois, l’évanouissement d’un doux rêve, la fins de nouvelles illusions quant à l’usage révolutionnaire que l’on pourrait faire d’un média qui serait nouveau avec des outils qui ne le sont pas. Tous les partants avaient, il y a quelques mois, applaudi de la naissance d’un « nouveau média citoyen », à la fois « humaniste et antiraciste, féministe, écologiste et progressiste ». Las, ils se mordent aujourd’hui les doigts d’avoir, avec quelques dizaines d’autres personnalités de la politique et du spectacle, , apposé leur nom en bas du « manifeste » publié dans Le Monde en septembre.

Journalisme fondamentalement alternatif

 L’Eldorado tout proche, alors, était dans ce « pure player » « fondamentalement alternatif par sa gouvernance, son modèle économique et son fonctionnement » – une affaire dirigée par le psychanalyste Gérard Miller et la communicante chargée des campagnes de Jean-Luc Mélenchon, Sophia Chikirou.

Pourquoi cette prise de distance ? Parce que LeMédia  « ne répond plus, à nos yeux, à la promesse initiale ». Parce qu’il y a eu le limogeage d’Aude Rossigneux mais aussi, nous dit Ariane Chemin, à cause des propos tenus à l’antenne, vendredi 23 février, par Claude El Khal, correspondant (Le Monde met des guillemets à ce terme) au Liban de la chaîne sur la guerre de Syrie. Il avait justifié le choix de ne pas diffuser d’images des massacres perpétrés dans la Ghouta orientale, en banlieue de Damas, au motif qu’elles ne seraient pas « vérifiées de manière indépendante » et par refus du « sensationnalisme ».

« Quand l’information et la culture sont trop souvent traitées comme des marchandises, quel rôle les citoyens peuvent-ils encore jouer pour faire vivre le pluralisme et le débat ? Cette question appelle une réponse qui ne saurait attendre » pouvait-on lire dans la tribune de lancement de LeMédia. C’était en septembre dernier. En mars, la réponse n’est toujours pas trouvée.

A demain

Populisme : le «Bar-Tabac-Loto Le Salutaire » s’invite dans notre Hémicycle démocratique

Bonjour

Elle aura fait le buzz, sur les réseaux sociaux et aux comptoirs, cette intervention du remuant François Ruffin journaliste devenu député (La France Insoumise, Somme). Il a a pris, hier, la parole devant ses collègues de l’Assemblée nationale – à l’occasion d’un débat sur le football professionnel et en portant le maillot de la commune d’Eaucourt-sur-Somme.

Le « Bar-Tabac-Loto Le Salutaire » peut-on voir sur les infinies duplication de la vidéo. « Aux couleurs de l’un de ces bar-tabacs ruraux ou de quartiers qui aident les équipes de sport locales, observe le site des buralistes français. Le sport du peuple, la proximité des joies simples et de l’exploit pour soi. Et un rappel au règlement, avec perspectives de sanctions, pour le député.

Cette sanction est aujourd’hui connue : « un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal » (que le député pourra contester devant le bureau de l’Assemblée) lui vaudra d’être privé, pendant un mois, de 1.378 euros, soit le quart de l’indemnité parlementaire. Résumons : l’élu LFI de la Somme, qui avait coécrit en 2014 « Comment ils nous ont volé le football – la mondailisation racontée par le ballon » , est monté en fin de matinée à la tribune de l’Assemblée et a enlevé son pull pour dévoiler le maillot vert de « l’Olympique Eaucourt ».

 Voulant prendre le contre-pied (sic) de la ministre Laura Flessel qui selon lui « n’a parlé de sport qu’en termes de compétitivité, comme un trader  », François Ruffin a narré la vie des bénévoles « qui lavent, plient et rangent les maillots pour pas un rond », en vantant « le don de soi dans une société où tout se marchande  ».

Pause déjeuner et contre-pied 

Cet épisode n’a pas plu au président de séance Hugus Renson (LREM) qui a rappelé à son collègue, au terme de son intervention, « le respect dû à nos débats qui implique une tenue correcte qui soit digne des lieux ». « Vos extravagances vestimentaires ne rendent pas hommage au travail que nous devons mener dans cet hémicycle », a-t-il lancé, avant de suspendre la séance pour la pause déjeuner.

A la reprise de la séance à 15 heures, le député est revenu avec son maillot, provoquant la suspension immédiate des débats. Au terme d’une vingtaine de minutes le président de l’Assemblée François de Rugy (LREM) est intervenu pour infliger cette sanction au député, estimant que son comportement « relève d’une provocation ».

François Ruffin a répondu être « très fier de faire entrer dans l’hémicycle le visage de tous les gens des petits clubs », avant de remettre son pull « en apaisement ».

Le sport du peuple… la proximité des joies simples… l’exploit pour soi…. Tout cela fait le « buzz » – y compris sur les sites de luxe, généralement inconnus des bars-tabac-loto. C’était le but. Il est marqué. Et le score est déjà oublié.

A demain

 

Censurer le tabac au cinéma : quand la ministre Agnès Buzyn saisira-t-elle qu’elle se fourvoie ?

Bonjour

Rien de pire, parfois, que le premier degré, la volonté de trop bien faire, le pouvoir politique de trop embrasser. On suspectait Agnès Buzyn d’être exposée à ces risques. La ministre des Solidarités et de la Santé vient de le confirmer : nous venons d’entendre qu’elle annonce sa volonté d’interdire les images de cigarettes consommées sur les pellicules des salles obscures. Et elle dit avec une forme d’ingénuité qui ne manque pas d’interroger :

« Je ne comprends pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français. Il se trouve que j’en ai parlé au conseil des ministres ce matin à Françoise Nyssen [ministre de la Culture] pour l’alerter. Il y aura des mesures en ce sens. »

Violence rare

Quelles mesures ? On imagine sans mal l’embarras de François Nyssen, bouclier politique officiel de la création artistique, embarquée d’autorité dans cette entreprise. Quelles mesures contraignantes pourra-t-elle cautionner sans apparaître aussitôt trahir sa mission ?  Tout a été résumé par le philosophe médiatique Raphaël Enthoven. C’était sur Europe 1, une charge d’une violence rare contre la ministre de la Santé. La fiction n’est pas la vertu.

 « La déclaration d’Agnès Buzyn au Sénat la semaine dernière – que nous avons signalée immédiatement à nos lecteurs  – commence à susciter une inquiétude dans les médias et l’opinion publique, observe le site des buralistes français. Elle annonçait  »des mesures » contre la présence du tabac et de fumeurs dans la création cinématographique française. Depuis les réactions s’enchaînent : sur les réseaux sociaux (voir « Nous sommes 13 millions de fumeurs adultes et responsables ») ou dans les conversations quotidiennes … tout cela amplifié dans les médias. » Et de citer Jean-Michel Helvig (La République des Pyrénées)

« (…) Si ne plus montrer de clopes au cinéma fait arrêter de fumer, alors chassons des scénarios les crimes, viols, vols, drogues et toutes formes de déviances, ainsi vivra-t-on enfin dans un monde irénique. Il y a quelques années, d’aucuns avaient cru bien faire, en effaçant sur les affiches la pipe de  »Monsieur Hulot » ou le mégot de Jean-Paul Sartre. Le sens du ridicule avait éteint de telles initiatives, espérons que le bon sens évitera au gouvernement de s’ériger par la loi en critique cinématographique. »

Cigarettes après l’amour

Où l’on retrouve, sur le fond, le vieux débat des possibles vertus de la censure, celui de l’hygiénisme qui confine au totalitarisme. Comment raisonnablement progresser dans la réflexion politique sans entendre la voix des soignants spécialistes de la prise en charge des addictions ? Comme le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions :

« Entre censure et incitation à la consommation du plus grand serial killer de tous les temps (j’ai nommé le tabac fumé) entre effacement des oeuvres et placement de produit quel camp choisir ?  Nos biens les plus précieux sont la santé et là liberté. Les addictions menacent les deux. Mais, en aucun cas, on ne saurait toucher à la liberté d’expression pour raisons hygiénistes. Perdre la liberté artistique au nom de la santé deviendrait un risque de sclérose existentielle. La vie est une maladie sexuellement transmissible, constamment mortelle. Faut-il la censurer ? 

 « Non, protéger n’est pas vivre sous un immense préservatif; prévenir est lutter contre toute propagande dangereuse mais en sachant raison garder. Ne pas faire de publicité pour le tabac est une évidence (comme pour l’alcool ajouteraient nos sénateurs qui ont détricoté la loi Évin durant le quinquennat Hollande ….). Pour autant un film est une vision de la réalité pas un Photoshop sanitaire. C’est en partant de cette réalité et non en la niant que l’addictologue peut agir. En connaissant les fonctions positives initiales, en diminuant les risques des plaisirs, en se méfiant des tyrannies, comme celles de l’idéal et de l’abstinence. » 

Pour le Dr Lowenstein il est possible de ringardiser le tabac, d’en diminuer l’attractivité sans toucher à l’art, à la créativité. Possible et socialement sain.  « Ringardiser le tabac, c’est apprendre à décoder, à sourire des scènes  »cigarette après l’amour » et non pas supprimer l’amour, dit-il. Quant à l’addictologue, parce qu’il est du côté de la vie, il ne saurait la gommer. »

 A demain

1 Sur ce thème on lira aussi avec le plus grand intérêt l’entretien accordé à L’Obs par Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération addiction : « Interdire la cigarette dans les films français : censure ou mesure de santé publique ? »

 

 

 

Suicides à l’AP-HP : tout ce que Martin Hirsch dit à « L’Obs » ; et tout ce qu’il ne lui dit pas

Bonjour

Poursuivant la promotion de son dernier ouvrage Martin Hirsch a accordé un entretien à L’Obs (sur abonnement). Depuis quatre ans déjà à la tête de l’AP-HP, le directeur général estime qu’il faut « réhumaniser » l’hôpital. A la fois un aveu et un programme.

Il évoque brièvement les impossibles urgences, la perversité de la tarification à l’activité, la vie qui n’a pas de prix et les soins qui ont un coût, des besoins infinis et un budget qui ne l’est pas. Il dénonce la « loi Bachelot de 2009 » et ses « pôles » –  défend une vision plus humaine via les « conseils de service ».

Et puis cette question : «  Depuis le début de l’année, des infirmiers se sont suicidés à Cochin, à Saint-Louis, à Pompidou … En décembre 2015, c’est un cardiologue, le Pr Jean-Louis Mégnien qui s’était lui aussi donné la mort à Pompidou. Quelles mesures ont été prises pour éviter que de tels drames ne se reproduisent ? »

Réponse : « Au-delà des premières actions mises en œuvre pour mieux détecter, mieux signaler et faire intervenir des personnes neutres quand un conflit se déclenche, nous avons encore beaucoup à faire. Des propositions ont été transmises aux organisations syndicales et passeront devant nos instances d’ici à la fin de l’année. »

Harcèlement moral

Fin octobre, après des déclarations du directeur général sur le harcèlement hospitalier, le bureau de l’association nationale Jean-Louis Mégnien avait publié un communiqué. Extraits :

« L’AP-HP connaît un grand nombre d’affaires de harcèlement moral. Certaines ont eu une fin tragique, comme celle qui a touché le Pr Jean-Louis Mégnien, alors qu’une alerte sur le harcèlement présumé dont il a été victime avait été lancée directement auprès de M. Martin Hirsch. Plusieurs autres situations de harcèlement moral ont valu à l’AP-HP d’être condamnée, et ce de façon définitive dans au moins deux cas récents, l’un à l’hôpital Ambroise Paré, l’autre à l’hôpital Henri Mondor (…) »

Les responsables de cette association précisaient avoir écrit à deux reprises au directeur général de l’AP-HP (avec copie à la ministre) : la première fois en février 2017 (copie à Marisol Touraine) ; a deuxième en juin 2017 (copie à Agnès Buzyn). L’association s’étonnait que les personnes désignées par la justice administrative comme auteurs de faits de harcèlement moral n’aient été en aucune manière sanctionnées.

Cœur ouvert

« M. Martin Hirsch ne nous a pas répondu, précisaient-ils. L’attitude de la direction générale de l’AP-HP n’est pas acceptable car elle ne fait qu’encourager de tels agissements. Nous constatons aussi des actes de maltraitance de la part de certains hauts responsables administratifs, sans réaction de la part de leur hiérarchie. L’un d’eux accusé de harcèlement sexuel a même été promu. »

Plus généralement, et au-delà des cas individuels, l’association s’interrogeait sur la détérioration des conditions de travail à l’hôpital public. « La gestion des ressources humaines est marquée par la dureté, la déshumanisation, la soumission brutale aux impératifs comptables plutôt qu’au respect de l’Etat de droit, de la qualité des soins et de la dignité des personnels, concluaient les responsables. La succession de suicides d’agents de l’hôpital public en est le symptôme le plus inquiétant. Il est grand temps de remettre en cause ces pratiques managériales pathogènes. »

L’ouvrage du directeur général a pour titre « L’hôpital à cœur ouvert ».

A demain

 

Cannabis sur la voie publique : la ministre de la Justice baisse pavillon devant la Police

Bonjour

Qui connaît Nicole Belloubet ? La nouvelle ministre de la Justice, généralement absente des gazettes, a accordé un entretien à L’Obs. Elle y « dévoile sa feuille de route ». Pour dire quoi ? Que tout va bien avec Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur. (Il faut le lire pour ne pas le croire). Pour dire, aussi, que tout va bien avec Emmanuel Macron « qui visitera bientôt une prison ». (Comment ne pas la croire ?) Pour assurer, enfin, le service avant-vente sur la dépénalisation du cannabis.

Quelques lignes qui en disent long. Moins sur l’exécutif actuel que sur la vision qu’il peut avoir du citoyen et de la santé publique. On demande à Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice si les « fumeurs de cannabis ont leur place au tribunal correctionnel » (sic). Réponse :

« La santé publique est en question (sic)

Il faut bien entendu que le constat de l’infraction soit maintenu et que l’aspect dissuasif de la peine soit renforcé (re-sic) mais il me semble important d’adapter la réponse judiciaire pour la rendre plus efficace. »

Qu’est-ce à dire, Mme la ministre ?

« Il s’agirait de mettre en place une amende forfaitisée comme cela a été fait pour certains délits routiers, par exemple la conduite sans permis ou sans assurance. Cela veut dire qu’une sanction de l’infraction existe, mais qu’elle ne se traduit pas nécessairement par un passage au tribunal. Je suis favorable à ce que l’usager soit verbalisé sur la voie publique par le policier et n’aille pas devant le juge. »

Où l’on voit la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, baisser pavillon devant le ministre de la Police.  Question : qui, au sein du gouvernement d’Edouard Philippe et sous le présidence-prévention d’Emmanuel Macron, traite de la dimension « santé publique » du cannabis ?

A demain

 

Les terribles diagnostics de Mme Elisabeth Roudinesco sur François et Pénélope Fillon

Bonjour

François et Pénélope Fillon porteront-ils plainte contre Mme Elisabeth Roudinesco, psychanalyste à Paris ? Dans la dernière livraison de L’Obs la gardienne des temples freudiens se livre à un exercice qui n’est ni anodin ni sans danger : porter à distance des diagnostics sur les Grands de ce monde.

C’est, dans la période moderne, une entreprise que mena depuis Genève, avec talent et succès,  le Dr Pierre Rentchnick (« Ces malades qui nous gouvernent »). François Mitterrand n’était pas encore au pouvoir en France et l’affaire apparaissait alors comme encore sulfureuse. On sait ce qui, depuis, s’est passé.

Judas et Brutus

N’étant pas médecin Mme Roudinesco se borne aux pathologies mentales. Et encore, traitant longuement de Donald Trump elle se garde de décréter qu’il est « cliniquement fou ». « Je ne peux pas le dire, car je ne fais pas de diagnostic foudroyant (sic) » prévient-elle. Pour la France et l’actuelle élection présidentielle la psychanalyste ne résiste pas à nous offrir ses lumières. Nous avons assisté « à la mise à mort de François Hollande par Judas et Brutus, c’est-à-dire Emmanuel Macron et Manuel Valls ».

D’où il ressort que l’auteur de la célèbre formule selon laquelle « la politique c’est mystique » est bien un homme qui trahit pour de l’argent. Et qu’il n’a, si l’on se souvient bien, guère d’avenir. Puis vient le cas et l’affaire Fillon qui voit un homme s’acharner.  Mme Roudinesco :

« L’acharnement à dénier est un mécanisme que chacun peut comprendre, mais s’acharner à dénier un fait avéré en affirmant avoir la légalité avec soi mais pas la moralité, et bafouer ce qu’on a dit, c’est un vrai problème, cela montre que ce candidat est atteint de démesure. Voilà une névrose qui effare tout le monde, y compris son propre camp. Pour se défendre, il ne peut que développer des théories complotistes : « Je n’ai rien fait, les médias sont ligués contre moi pour m’abattre etc. »

Donald Trump a d’ailleurs usé de la même rhétorique. François Fillon n’est pas fou mais son raisonnement l’est. Car s’il perd, il détruit son parti. Et s’il gagne, comment pourra-t-il être président après avoir refusé de se soumettre à la justice ? »

Le cas Emma Bovary

Pour Mme Roudinesco (qui vote Benoît Hamon), François Fillon « fait  passer son narcissisme personnel avant son parti et avant l’intérêt de l’Etat ». Est-il le premier ? « Il fait d’ailleurs peser un risque non négligeable sur sa vie de famille, ajoute-t-elle. On peut éprouver de la compassion pour Pénélope Fillon réduite au silence et dont on en connaît la voix que par une vidéo où elle exprime une plainte, un ennui, une sorte de bovarysme. »

Rappelons que le « bovarysme »  est, schématiquement, un trouble de la personnalité dont souffrent (parfois) les personnes dites « insatisfaites » 1. Ce terme fait référence à la célèbre héroïne de Gustave Flaubert, Emma Bovary. On se souvient qu’Emma passe son enfance dans un couvent. Pour tromper son ennui, elle se réfugie dans la lecture, rêvant d’une vie aventureuse et romanesque. Plus tard, elle épousera un triste médecin, Charles Bovary. En apparence, Emma a tout pour être heureuse. Mais elle s’ennuie en Normandie, sa vie amoureuse ne correspond en rien à celle de ses rêves. Elle va alors dépenser sans compter et entretenir plusieurs liaisons adultères. On connaît la fin. Cette entité a fait l’objet de nombreux travaux et écrits médicaux, psychiatriques et psychanalytiques.

Au final cette étrange conclusion de Mme Roudinesco concernant le couple Fillon : « Le spectateur-électeur est ainsi mis dans une situation de voyeur devant quelque chose qui ne le regarde pas ».

A demain

1 http://madamebovary.fr/definition-du-bovarysme/

 

 

L’esclavage de mères porteuses : avoir tort avec J.-P. Sartre plutôt que raison avec R. Aron ?

 

Bonjour

Un nouveau livre vient de sortir sur les mères porteuses : « La fabrique des bébés, Enquête sur les mères porteuses dans le monde » (Editions Stock, 18 euros). Il est signé de Natacha Tatu, journaliste à L’Obs. Les choses étant bien faites dans certains médias L’Obs donnait il y a peu des extraits de cet ouvrage.

Flore

Demain c’est Libération qui se fend d’une critique du même ouvrage. Etrange recension signée de Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyse que l’on dit proche du Parti socialiste et habituée des colonnes de Libération. Que nous dit Mme de Parseval ? Que l’ouvrage de Mme Tatu « fait un sort aux clichés qui entourent la GPA ». Or rien, précisément n’est moins sûr. Prenons cet extrait de Libé :

« Natacha Tatu raconte l’histoire d’une jeune femme mère de deux enfants de 7 et 9 ans : on lui a transféré l’embryon d’un couple étranger puis elle est allée dans une surrogate house confortable jusqu’à l’accouchement, ses enfants sont venus la voir une fois par semaine avec leur père, ouvrier agricole. Elle a rencontré une fois les futurs parents. Puis elle est rentrée chez elle, à 50 kilomètres de là.

«Sur son compte en banque il y a les 50 dollars qu’elle touche chaque mois, plus 4 000 dollars à la naissance. L’équivalent de dix ans de salaire : une vraie fortune quand on gagne moins d’un dollar par jour. Elle s’est acheté un «toit en dur», puis un lopin de terre, puis un bœuf, peut-être deux. D’autres mères financeront les études de leurs enfants dans des écoles privées. Les histoires, toutes différentes, se succèdent dans ce seul chapitre, remarquable. »

Deux Magots

Puis Mme de Parseval glisse que, « de manière un peu malicieuse », Mme Tatu oppose en fin d’ouvrage (chapitre «Féministes contre féministes») les points de vue diamétralement opposés d’Elisabeth Badinter et de Sylviane Agacinski. Toutes deux, dit-elle, sont « agrégées de philo, de gauche… ». On voit mal où est, ici la malice… L’affrontement qui oppose Mmes Badinter et Agacinski est l’un des plus radical, des plus violents qui puissent être.

« Qui sommes-nous pour juger ? » conclut la psychanalyste. S’interdire de juger parce que l’on ne sait plus qui on est ? Or, précisément l’histoire indienne qu’elle rapporte interdit de jouer au relativisme, à l’identité troublée. C’est bien d’esclavage qu’il s’agit.

Et c’est ainsi que l’on croit voir resurgir, devant l’antique église de Saint-Germain-des-Prés, la vieille question du grand plaisir d’avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron. On connaît, dans les grandes lignes, la suite.

A demain

Maladie de Lyme : le «Téléphone sonne» toujours, mais plus personne ne se comprend

 

Bonjour

Mardi 10 janvier 2016. France Inter est depuis peu inaudible sur les « grandes ondes ». Au fond des forêts les non-connectés ne peuvent entendre ce qui demeurera un document historique dans la constitution d’un abcès. Hier maladie, Lyme est en train de devenir une « affaire ». Ce soir-là il fallait disposer de la fréquence modulée pour comprendre à quel point la communication peut devenir radicalement impossible.

Ainsi, donc, l’inoxydable « Téléphone sonne » (créé en  1978 par Gilbert Denoyan) traitait de la « maladie de Lyme ». Les tambours battaient, la polémique annoncée. Sur le ring : Pr Christian Perronne, de l’hôpital Raymond Poincaré (Garches), hétérodoxe. Face à lui : Dr François Bricaire de la prestigieuse Pitié-Salpêtrière, mandarin orthodoxe.  La banlieue compréhensive à l’assaut du la Bastille de l’infectiologie. Arbitres : Nicolas Demorand et Véronique Julia, journalistes. Parole donnée aux auditeurs souffrants. Spectacle garanti. Allait-on crever l’abcès ? Allait-on s’entendre ?

Trente-huit minutes d’anthologie

Brouillards diagnostiques et thérapeutiques… labyrinthes physiopathologiques… liens neuronaux entre Lyme et Alzheimer….  Mieux que des mots, mettre le son. Il faut, pour prendre le pouls de l’incompréhension, écouter ces 38 minutes d’anthologie médicale, médiatique et politique : « La maladie de Lyme : un diagnostic compliqué et un traitement aléatoire ». En voici la présentation :

« Après les Etats-Unis, la France promet un plan national de lutte contre la maladie qui devrait être opérationnel d’ici l’été prochain. Des centres régionaux spécialisés devraient voir le jour, ainsi qu’un protocole national de diagnostic et de soin.

« Ces annonces clarifient un peu une vive controverse scientifique. Sur la maladie de Lyme, le corps médical est divisé entre orthodoxes et hétérodoxes, les associations de malades sont exaspérées. Pour quelles raisons ? On ouvre le débat dans le téléphone sonne. »

Savoir manier l’empathie

Il faut ajouter que le Pr Christian Perronne sait prendre des accents dramatiques, fait sans cesse référence à la science et manie l’empathie. C’est le dernier en date des « lanceurs d’alerte » médiatisés. A ce titre il est admiré et défendu mordicus par plusieurs gazettes – au premier rang desquelles le progressiste L’Obs. Et qu’il vient de publier un ouvrage-profession de foi aux Editions Odile Jacob : « La Vérité sur la maladie de Lyme. Infections cachées, vies brisées, vers une nouvelle médecine »

« La maladie de Lyme, cette étrange infection déclenchée par une piqûre de tique, peut provoquer dermatoses, arthrites et jusqu’à des atteintes neurologiques. Pourquoi les patients sont-ils souvent abandonnés à leur souffrance ? Pourquoi ne traite-t-on pas plus efficacement cette maladie alors que des solutions thérapeutiques existent ?

Le professeur Perronne, médecin et chercheur de renom, le premier à avoir sensibilisé les pouvoirs publics, raconte dans ce livre de manière claire et précise tout ce qu’on sait aujourd’hui de cette maladie et comment la guérir. Il répond également aux multiples interrogations de ceux, de plus en plus nombreux, qui sont concernés par cette affection.

 Ce livre nous aide aussi à mieux comprendre et à savoir soigner cet ensemble de maladies mal connues dues à des infections cachées, comme la maladie de Lyme. »

Nous reviendrons, bientôt, sur cet ouvrage. Et on regrettera qu’aux fonds des forêts, exposés aux tiques, les non-connectés n’aient pu écouter France-Inter. Et qu’ils n’aient pu entendre que, sur certains sujets, des professeurs de médecine ne puissent se comprendre

A demain

 

 

Brouillards de Lyme : un généraliste et une biologiste condamnés. L’Obs ne comprend pas

 

Bonjour

Le temps ordinal est parfois celui de la science. Ce n’est pas celui des (tentatives de) compromis politiques. La ministre de la Santé tente de trouver un terrain d’entente avec les militants alternatifs de Lyme. La justice de l’Ordre tranche dans le vif. Un médecin généraliste de la banlieue de Lyon vient d’être condamné en appel à quatre mois de suspension ferme par le Conseil de l’Ordre pour « prescriptions abusives de tests de dépistage de borréliose » et « soins non-conformes aux données actuelles de la science ». Sans oublier une « absence d’adaptation de la thérapeutique aux résultats des tests biologiques ».

Charlatanisme et compérage

« Je n’ai plus 40 ans, mon activité est derrière moi, mais c’est chiant d’arrêter quatre mois quand on a des patients dont on essaie d’améliorer la qualité de vie, avait commenté le Dr Raphaël Cario après le premier jugement. J’essaie de dédramatiser, mais on se sent harcelé, c’est comme si on voulait notre peau, et on ne sait pas pourquoi. »  En première instance, trois autres médecins avaient aussi été suspendus. Voici ce qu’écrivait, en février 2015, La Tribune de Lyon :

« Raphaël Cario, un homéopathe de Limonest est jugé cette semaine en correctionnelle. La raison ? Comme une centaine de médecins en France, il a envoyé en analyse à un laboratoire strasbourgeois des tests complémentaires (dits Werstern blot) de patients susceptibles d’être atteints par la maladie de Lyme.“Je suis poursuivi pour charlatanisme et compérage avec ce laboratoire, qui s’est fait rembourser ces Wertern blot par la Sécu, alors qu’il n’avait pas le droit. Je n’étais pas au courant de cette règle”, confie le médecin lyonnais. »

Le Dr Cario va faire appel de sa condamnation devant le conseil d’Etat. Toutefois cette condamnation n’est pas suspensive et il devra cesser de consulter à partir de mai prochain.

« Scandale et pétition »

L’Obs (Emmanuelle Anizon et Elodie Lepage) ne comprend pas. C’est que L’Obs, sur Lyme, est devenu un journal militant (comme il le fut avec les « OGM cancérogènes »):

« Fin septembre, le Dr Cario était retourné plaider sa cause devant le Conseil de l’Ordre. Le contexte paraissait meilleur : en juillet, « L’Obs » avait fait sa une sur ce scandale sanitaire et lancé une pétition de médecins demandant qu’on arrête de les poursuivre. De nombreux médias avaient relayé leur cause. Le ministère de la Santé déclenchait un plan Lyme, le Directeur Général de la Santé s’engageant même devant les associations de malades à se rapprocher du Conseil de l’Ordre et de la Sécurité sociale pour que les poursuites soient menées « avec mesure »… »

Les hebdos ne sont plus ce qu’ils étaient. Une de L’Obs ou pas il existe, en France et depuis un certain temps déjà, une « séparation des pouvoirs ». Le Pr Benoît Vallet, Directeur Général de la Santé ne pourrait (à supposer qu’il puisse l’imaginer) peser sur les juridictions ordinales. Et, Lyme ou pas, on peut penser qu’il vaut mieux que cela soit ainsi.

Toujours selon L’Obs, Marie-Claude Perrin, présidente de Lyme sans frontières, se dit « atterrée ». « Les poursuites contre les médecins ‘’Lyme’’ deviennent d’autant plus incompréhensibles que la ‘’loi Lyme’’ [qui reconnaît la chronicité de la maladie,] vient d’être adoptée aux Etats-Unis » commente pour sa part à L’Obs le Pr Christian Perronne, chef du service infectiologie de Garches, vice-président de la FFMVT (Fédération française des maladies vectorielles à tiques).

«Produit naturel»

« Autre jugement, et même fermeté » dit L’Obs : le 14 décembre, Viviane Schaller, directrice d’un laboratoire utilisant des tests de détection Lyme « en dehors du protocole officiel », a sa condamnation à neuf mois d’emprisonnement avec sursis (et 300.000 euros de dommages et intérêts pour la Caisse d’assurance maladie) confirmée en appel. « La condamnation est un copié-collé de la première décision, c’est comme s’il n’y avait pas eu d’audience entre les deux, ni de nouveaux éléments apportés par la défense » s’indigne son avocat Me Julien Fouray. On est très en colère, on se pourvoit en Cassation. »

L’action contre un deuxième biologiste Bernard Christophe (qui était aussi poursuivi en appel pour avoir mis au point et commercialisé un « produit naturel », « le Tic Tox, soulageant les malades de Lyme ») est quant à elle éteinte. Lui-même atteint, il est en effet décédé d’une crise cardiaque quelques jours avant le jugement. L’Obs  l’avait eu au téléphone l’été dernier : « J’ai été malade toute ma vie, j’ai chez moi les témoignages de milliers de personnes que j’ai aidées. J’ai alerté par courrier les ministres de ce scandale de Lyme, sans jamais une réponse. J’ai 68 ans, et on attend que je m’éteigne ».

A demain