Retour sur l’affaire Vincent Lambert : où est l’intérêt des patients « cérébro-lésés » ?

Bonjour

L’affaire Lambert est en suspend. Et personne ne sait précisément jusqu’à quand. Des semaines ? Des mois ? Avant 2015 ? On attend les suites concrètes de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a bloqué celle du Conseil d’Etat (1). Et l’on apprend le départ prochain du médecin : après avoir demandé la protection de Marisol Touraine, ministre de la Santé (contre les menaces d’intégristes catholiques) le Dr Eric Kariger a décidé d’abandonner, pour le privé,  le CHU de Reims où est hospitalisé Vincent Lambert (voir ici).

Analyse et appel

Pour sa part l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et cérébro-lésés (UNAFTC) poursuit son combat à la lumière de la décision (controversée) du Conseil d’Etat. Elle vient de nous transmettre son analyse et son appel.

Cette Union prend acte de la décision du Conseil d’Etat du 24 juin 2014 qui  permet la mise en œuvre de la décision médicale d’interrompre l’alimentation et l’hydratation de M. Vincent Lambert. Elle prend également acte que le même jour, à la suite d’un recours engagé devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, cette décision a été suspendue.

L’UNAFTC considère favorablement, dans la position du Conseil d’Etat, plusieurs considérants de portée générale qui répondent aux inquiétudes qu’elle entendait exprimer en intervenant volontairement dans cette procédure.

A savoir :

–          L’alimentation et l’hydratation ne peuvent être considérées comme des traitements déraisonnables au seul motif d’un état irréversible d’altération de la conscience ou de perte d’autonomie.

–          Pour pouvoir les considérer comme tels, l’équipe médicale doit se fonder de manière prudente et dans une approche au cas par cas sur un ensemble de considérations médicales ou non. Le processus d’évaluation est complexe, il justifie la mise en commun de compétences et d’expertises avérées.

–          Dans le processus décisionnel l’équipe médicale doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir antérieurement exprimée, à l’expression de son assentiment, et recueillir l’ensemble des données susceptibles de faire connaître ses valeurs et ses préférences.

–          Le fait de ne pas disposer de l’expression de la volonté du patient ne saurait conclure à un refus présumé d’être maintenu en vie. La personne de confiance, à défaut la famille ou les proches, doivent dans cette circonstance être entendues avec l’objectif de dégager une position consensuelle respectueuse du patient et bienfaisante à son égard.

Malades jusqu’au terme de leur vie

Il faut également compter désormais avec une nouvelle donne. La consultation par le Conseil d’État des différentes instances nationales d’éthique fait en effet apparaître un consensus autour de principes communs : les patients en état pauci-relationnel (comme celles dites en état « végétatif chronique ») sont des personnes en situation de vulnérabilité : une approche digne et juste des décisions qui les concerne impose de les reconnaître dans leurs droits de malades jusqu’au terme de leur vie.

L’UNAFTC « affirme qu’un environnement médical et un suivi adaptés, l’anticipation concertée des situations de complication, l’accompagnement solidaire des familles et des proches constituent, avant toute autre considération, des enjeux déterminants ». Elle exprime également à nouveau ses réserves et ses craintes à l’égard des arguments spécifiques avancés par le Conseil d’État dans sa décision du 20 juin 2014.

A savoir :

–          La procédure d’arrêt de traitement dont le Conseil d’Etat établit la légalité est menée par le médecin pourtant contesté dans son respect de la procédure de collégialité et invalidé une première fois pour cette raison.

–          La volonté propre du patient est reconstituée à partir de déclarations d’ordre général rapportées tardivement par les parties en demande d’une mesure d’arrêt de traitement. La légitimité et l’impartialité d’une telle argumentation inquiète. Elle favorisera des interprétations susceptibles de contester l’intérêt direct du patient.

« Le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a souligné, au  cours d’une  conférence de presse, que l’affaire Vincent Lambert constitue le premier contentieux de ce type depuis l’adoption de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, souligne l’UNAFTC.  Il a précisé que la justice n’a été saisie que du fait de l’absence de consensus familial. »

Et cette Union de compléter les dires de Bernard Stirn, président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.

Dignité d’existence

Elle considère ainsi que la saisine de la justice administrative résulte de carences dans un processus décisionnel qui n’a pas respecté les bonnes pratiques d’une démarche collégiale. Mais elle va plus loin :  « elle demande aux instances compétentes, et notamment à l’Agence régionale de santé de Champagne-Ardenne, de s’assurer du respect des droits de M. Vincent Lambert et de sa dignité d’existence durant cette période d’attente d’une décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et en particulier de la conformité de sa prise en charge aux préconisations de la circulaire du 3 mai 2002 relatives à la création d’unités dédiées pour les accueillir ».

Sur le fond l’UNAFTC considère que l’interprétation juridique de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (interprétation hautement discutable sur laquelle se fonde la position du Conseil d’Etat) révèle son inadaptation aux personnes en état végétatif chronique. « Il y a là un risque de dérive contraire, en l’occurrence, aux droits de l’homme, en permettant de décider la mort d’une personne qui n’est pas en fin de vie, sans certitude sur son consentement, et sans consensus autour de cette décision » souligne cette Union.

Confusions palliatives

Cette dernière demande, enfin,  aux pouvoirs publics d’analyser la situation et le fonctionnement des unités accueillant des personnes en état végétatif chronique ou pauci-relationnel. Selon cette Union  toutes ces unités ne sont pas conformes aux préconisations de la circulaire de mai 2002, la proximité de certaines d’entre elles avec des unités de soins palliatifs étant « source de confusion ».

Cela fut, à l’évidence, le cas dans l’affaire Vincent Lambert. Et cela le demeure. Pourquoi interdire à ce malade d’être pris en charge ailleurs que dans l’unité que dirigeait le Dr Eric Kariger ?

A demain

(1)     Dans son numéro daté 4-10 juillet l’hebdomadaire Marianne (Eric Conan) s’intéresse à la CEDH sous un titre-maison, populisme inimitable (« La CEDH, ce machin qui nous juge »). Texte au demeurant bien intéressant (le lire ici) mais comportant une étrange formule : « La CEDH a contré la décision du Conseil d’Etat de laisser mourir Vincent Lambert (…) ». Formule étrangement fausse : le 24 juin 2014 le Conseil d’Etat n’a pas décidé de « laisser mourir Vincent Lambert ». Il a décidé d’autoriser le Dr Eric Kariger et son équipe à ne plus le laisser vivre. C’est une nuance d’une certaine importance.

« La santé est devenue un droit. Un peu trop même » (France Inter)

Bonjour

Ce mardi 18 février est un « jour noir ». C’est une initiative ultra libérale qui fait florès sur les ondes publiques. C’est un mariage sans queue ni tête où la carpe retrouve son lapin.  C’est aussi le pur produit d’une entreprise de communicants, un piège classique dans lequel quelques journalistes professionnels semblent prendre plaisir à tomber.

Dès l’aube la France apprenait que les médecins étaient des suicidaires – au même titre que le sont certains agriculteurs financièrement aux abois. Des chiffres sans références bibliographiques, des sondages venant nourrir des intérêts catégoriels, des approximations en série et des intérêts sans conflits.

Salles de rédaction

Cette initiative est celle de  l’« Union française pour une médecine libre » (UFML). Il s’agit, sans fard aucun, de « sensibiliser le grand public au burn out chez les professionnels de santé ». Cette journée coïncide avec le début des négociations sur la généralisation du tiers payant qui, pour l’heure est le vrai combat des membres, amis et confrères de l’UFML. Comme on peut le voir ici.

Des communiqués de presse inondent les salles de rédaction :

« Stress, surmenage, conditions de travail difficiles… les professionnels de santé sont de plus en plus victimes d’épuisement professionnel. Le taux de suicide est d’ailleurs 2,37 fois plus élevé chez les médecins que dans les autres catégories d’actifs ! Selon un sondage réalisé en octobre 2010 par Groupe Pasteur Mutualité (acteur mutualiste dédié aux professionnels de santé) auprès de 3 786 médecins, 86% des médecins pensent qu’ils pourraient éventuellement avoir besoin d’une consultation de prévention à l’avenir!

Pour leur venir concrètement en aide, Groupe Pasteur Mutualité offre à ses adhérents une consultation de prévention et d’évaluation de l’épuisement professionnel. Dans le plus strict anonymat, cette consultation est assurée par un médecin formé à la détection et au traitement des symptômes d’épuisement professionnel. 

Plus d’informations sur le site www.souffrancedusoignant.fr N’hésitez pas à nous contacter pour toute information complémentaire. Le Docteur Bruno Gaudeau, Président du Groupe Pasteur Mutualité, est à votre disposition pour répondre à vos questions. »

Anonymat garanti

S’assurer coûte que coûte le soutien pro-actif des médias grand public. Ainsi, hier,  l’UFML recherchait :

« Un médecin victime d’un burn-out présent à Paris pour une interview sur Europe 1 ; Un médecin victime d’un burn-out présent à Paris ce mardi matin 07h50 pour une interview en direct sur Radio France (la matinale) ; Un médecin victime d’un burn out pour un témoignage sur France 2. » Et l’UFML d’ajouter : « C’est le moment ou jamais se bouger le cul et de porter ce triste problème au grand jour via des grands medias !!! Anonymat garanti. »

Où il est démontré que l’UFML postule que le burn out n’est pas incompatible avec la mobilisation du grand fessier.

Clara Dupont Monod

Ce matin, sur France Inter, au prime time des croissants pur beurre,  c’est le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML qui est invité. 7h50. « Invité de Clara Dupont-Monod ». Cette dernière « déplore le manque de débats d’idées dans les médias » (1).

Manque de débats ? De fait c’est bien le cas ce matin. L’invité-président lit son discours-tract avec des relances mécaniquement assurées  par la journaliste. On peut l’écouter ici.  Jusqu’au moment où le président de l’UFML en vient à parler de la mauvaise éducation grandissante des patients qui n’est pas étrangère à la grande déprime des médecins. On parle « consumérisme en matière de santé ». Et puis ceci (4’55)

« Donc la santé n’est plus un luxe mais un droit ?

–          La santé est assez souvent un droit. Un peu trop même ».

Clara Dupont-Monod n’en demandera pas plus. Pas plus qu’elle ne relèvera d’autres incongruités. Ce matin, sur France Inter, l’invité était vraiment chez lui.

A demain

(1) Clara Dupond-Monod est ainsi présentée sur France Inter : « Journaliste et écrivain, Clara Dupont-Monod  est née en 1973. Après des études de Lettres à la Sorbonne, où elle se passionnera pour l’ancien français, elle débute sa carrière de journaliste chez Cosmopolitan. Puis elle devient grand reporter chez Marianne, tout en intervenant sur RTL, France Culture ou Canal +.

Son premier roman, Eova Luciole, parait en 1998. Très intéressée par la littérature médiévale, elle écrit, deux ans plus tard, La folie du Roi Marc, inspiré de la légende de Tristan et Yseut ; La passion selon Juette (2007) est lui aussi inspiré d’une figure médiévale et sera en lice pour le Prix Goncourt 2007. Autres thèmes très présents dans les livres de Clara Dupont-Monod : la différence et la marginalité, que l’on retrouve dans Le corps froid, Histoire d’une prostituée (2003) ou dans Nestor rend les armes (2011). Déplorant le manque de débats d’idées dans les médias, Clara Dupont-Monod est par ailleurs à l’origine de la collection Indigne (chez Denoël), qui offre une liberté de ton et un point de vue différent sur les grands sujets de société actuels.

François Hollande et Le Point : voici le temps des cartomanciens

L’hebdomadaire reprend le flambeau de Marianne et demande à des « psys » d’ausculter la psyché du président de la République. D’où nous parlent-ils ?

Souvenons-nous. C’était en avril 2010. Quarante-et-un  mois déjà. Et c’était dans Marianne, un magazine dont il se dit aujourd’hui qu’il va mal. Sarkozy est-il fou ? L’hebdomadaire créé il y a seize ans par Jean-François Kahn   s’interrogeait  sur les comportements, les débordements et l’avenir de Nicolas Sarkozy, alors président de la République française. Les responsables de Marianne avaient convié dans ses colonnes Boris Cyrulnik,  Jean-Pierre Winter, Ali Magoudi. Tous avaient publié (ou allaient publier) des ouvrages à grands tirages.

Boris Cyrulnik. « Le célèbre psychiatre-psychanalyste sait reconnaître le fou, mais refuse de se prononcer s’il n’a pas le patient sous les yeux. Il avoue ne regarder que le rugby et les émissions littéraires à la télévision, et, comme Nicolas Sarkozy ne pratique ni l’un ni l’autre, il ne l’a qu’entraperçu au début de son quinquennat. « C’est un sprinter, un homme pressé. Carla l’a bien soigné, il est moins hyperkinétique, c’est tout ce que je peux dire et encore je n’en suis pas très sûr ». »

Jean-Pierre Winter. « Ce disciple de Lacan constate que le chef de l’Etat est « dans une répétition frénétique » et la situation actuelle était prévisible.(…)  Comportement bling bling, besoin d’être admiré, manque d’empathie, attitudes hautaines et arrogantes… le Président manifesterait-il des troubles de la personnalité narcissique ? « Le diagnostic est impossible. Je m’en tiens à ce qu’il dit et à ce qu’il fait », se défend Winter qui refoule l’idée même qu’on puisse établir un bilan de santé mental sur la seule image d’un moi hypertrophié étalé sur le petit écran. »

Ali Magoudi. « Cet autre psychanalyste a minutieusement relevé toutes les petites phrases enfouies dans l’inconscient collectif qui, en période de crise, provoquent un rejet de masse. (…) Surestimation de soi-même, une méfiance extrême à l’égard des autres, une susceptibilité démesurée et, surtout, des erreurs de jugement. Quatre traits fondamentaux qui caractérisent le vrai parano. « C’est la place qui pousse à la paranoïa et sa mégalomanie est si peu fondée sur des qualités personnelles que son ego, toujours au bord du gouffre, doit être restauré en permanence», modère l’homme de l’art. Une dose de parano, deux de mégalo, un zeste de folie, voilà le cocktail qui permet de se hisser au sommet de l’Etat. »

Aujourd’hui Le Point (n°2147): « Hollande vu par les psys. Peut-il changer ? » Invités : Boris Cyrulnik,  Caroline Messinger, Michel Schneider, Pascal de Sutter, Jean Cottraux.

Boris Cyrulnik. « François Hollande ne tranche pas, au contraire de Nicolas grand trancheur (…) J’ai eu l’occasion de le rencontrer dans un théâtre et puis il m’a écrit une lettre dans laquelle il me demandait de préfacer un livre écrit par une personne qu’il aime… »

Caroline Messinger. Elle tente de nous dire « ce que ces gestes disent de lui ». A noter : « le majeur droit (du droitier) est le doigt de la foi et l’un des sièges corporels de la confiance en soi ».

Michel Schneider. Il cite Nicolas Machiavel (1469-1527): « le premier devoir d’un prince est de se préserver d’être haï ou méprisé ».

Pascal de Sutter. « Tout homme politique de haut niveau à des parts d’ombre et de lumière. Le secret consiste à mettre au mieux en évidence sa lumière. C’est important pour un candidat, c’est essentiel pour un président de la République. »

Jean Cottraux. Il cite Bertolt Brecht dans « La vie de Galilée » (1938) : « Malheur au pays qui a besoin de héros. »

Question: pourquoi s’intéresser, s’agissant de François Hollande, à la vie (et à l’avenir) de Galilée ?

 

Pour l’épidémiologie de la fin de vie (1)

La presse en témoigne à l’envi : la campagne électorale patine sur la « question de l’euthanasie ».  C’est le « suicide médicalement assisté » contre la « Loi Leonetti ». Un affrontement radical qui ne débouchera pas sur le terrain électoral. Une solution technique existe pourtant ; du moins si  l’on veut véritablement connaître les réalités de la fin de vie en France. Explications.

« M. Hollande invité à plus de clarté sur l’euthanasie ». C’est ainsi, dans l’un de ces euphémismes qui fit durablement son charme, que Le Monde évoque l’épais brouillard dans lequel semble se situer sur ce point le candidat du Parti socialiste à l’élection présidentielle. François Hollande vient de déclarer « L’euthanasie, je n’y suis pas favorable ». C’était dans un entretien accorder à l’hebdomadaire  Marianne.

Et aussitôt les interprétations de fleurir. Recul par rapport à la proposition inscrite dans les soixante engagements du candidat du PS ? Souci politicien de ne prendre trop de risques au risque d’être accusé d’hypocrisie ?  « Je suis pour le droit à mourir dans la dignité », ajoute-t-il aussitôt,  en reprenant la formule de l’association qui milite radicalement pour l’instauration par la loi ce droit. Mais c’est pour immédiatement préciser qu’il ne pourra s’agir que de « quelques cas très rares » ? Ce serait  un « acte de compassion » pour soulager « non la famille, mais la personne ».  Comprendra, au mieux, qui le pourra.

Dans l’autre camp politique : Jean Leonetti. Il est à l’origine de la loi sur la fin de vie de 2005 qui instaure le principe du « laisser mourir ». Sans surprise il demande à M. Hollande de « sortir de l’ambiguïté».  « Ce n’est pas la première fois qu’il  floute délibérément ses positions », accuse  le ministre chargé des affaires européennes. Il dit voir  dans les déclarations de M. Hollande  à Marianne une contradiction. Et le spécialiste  Leonetti d’affirmer qu’il n’existe pas d’espace entre la loi en vigueur (mais fort mal connue) et l’euthanasie (terme galvaudé au point de ne plus rien signifier).

Faire évoluer la législation? Mais ce serait, ni plus ni moins, avancer sans retour vers l’étape suivante du chemin de croix de la libre pensée : la dépénalisation de la pratique du suicide médicalement assisté. « Euthanasie, c’est un mot qui ouvre la porte à toutes les interprétations et pour lequel il n’y a pas de définition partagée »,  fait valoir  Marisol Touraine. Mme Touraine est chargée des questions sociales dans l’équipe Hollande.  Elle ne milite nullement pour la disparition de la litote: selo elle le terme d’euthanasie est interprété par certains comme une sorte de droit sans limites. Mme Touraine rappelle que le Parti Socialiste  est pour la liberté de choisir une mort plus rapide, de façon « très encadrée », pas au suicide assisté. On comprendra dès lors qu’on le pourra. (1)

Se tourner vers Jean-Michel Baylet (président du PRG) qui, fort de la tradition de son parti,  plaide pour une évolution législative ? Cela conduit à retrouver M. Hollande.  « Sa déclaration me va, il est pour le droit à mourir dans la dignité, une expression plus proche de nos positionnements que l’euthanasie. » La priorité c’est, pour l’heure de ne plus parler d’euthanasie. « La droite s’en servirait ».  

Se tourner vers le candidat président sortant ? Dans l’entretien  que Nicolas Sarkozy  vient d’accorder au Figaro Magazine  il a estimé qu’« une euthanasie légalisée risquerait de nous entraîner vers des débordements dangereux ». Quant au candidat centriste il prêche, avec clarté, pour le statu quo. Dans un entretien accorder  au magazine médical Le Généraliste il fait valoir que la loi Leonetti permet de prévenir deux écueils : d’un côté l’acharnement thérapeutique et de l’autre l’euthanasie, « qui porte un risque non négligeable de comportements contraires à nos valeurs ».

Résumons. François Hollande ne serait pas opposé au suicide médicalement assisté, une pratique revendiquée de manière récurrente depuis trente ans par les membres de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Nicolas Sarkozy tient quant à lui la chose pour un tabou. Il estime que l’on ne doit pas aller plus loin que les dispositions de la loi Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie.

On sait que poser ainsi les termes du débat conduit rapidement à une impasse. Cela renvoie chacun à des convictions (religieuses ou philosophiques) radicalement opposées. On retrouve ainsi, sous de multiples formes, des arguments souvent développés dans la sphère de la chrétienté face à ceux de la libre pensée. Un camp refuse cette nouvelle forme de transgression légitimée quand l’autre la réclame.

Résumons encore. Les premiers se refusent à accorder un nouveau droit aux médecins : celui de tuer dans certaines conditions des personnes en fin de vie. Les seconds souhaitent que ce droit puisse être exercé dès lors que le souhait en aurait été formulé. Le corps médical quant à lui ne s’exprime pour l’essentiel, de manière utile et technique, que dans les cénacles spécialisés de ses sociétés savantes comme la société française d’anesthésie et de réanimation. Et sa voix est généralement peu audible du plus grand nombre. 

C’est dans ce contexte que la presse vient faire état d’un rapport officiel d’ores et déjà contesté. Ce document a été remis mardi 14 février au Premier ministre par le Pr Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie. Il vise officiellement à «nourrir le débat sur toutes les questions que pose et posera la fin de vie en France » et ce avec les «données factuelles» dont on dispose. Or si bien des questions se posent les données colligées dans ce rapport demeurent bien maigres.

Ce rapport souligne  l’absence de «données fiables» sur la réalité des pratiques aujourd’hui mises en œuvre. Ces lacunes pourraient être comblées avec la publication (en mars dit-on) d’une étude menée conjointement avec  l’Institut national d’études démographiques; une étude sur «la réalité des euthanasies en France» qui ne manquera pas  d’être également objet de controverses tant les passions peuvent être ici exacerbées.

Dans l’attente de véritables données chiffrées, la polémique se poursuivra, stérile. Les uns continueront de dire leur foi dans le développement des soins palliatifs et d’une meilleure connaissance de la loi en vigueur. Deux éléments qui permettront selon eux de fournir, autant que faire se peut, les solutions les plus humaines qui soient. Or  une autre approche pourrait utilement être mise en œuvre dont les résultats seraient, eux, difficilement contestables.

(A suivre)

(1) Marisol Touraine a précisé sa position (et celle du candidat Hollande sinon du Parti Socialiste) dans un entretien accordé à La Croix et publié dans l’édition du  22 février. Extraits significaifs:

« L’opinion publique est très massivement en faveur d’une évolution du droit. »

« L’assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » que propose François Hollande ne revient-elle pas à légaliser l’euthanasie ?

Marisol Touraine : Nous récusons ce terme  dont le sens diffère selon qui l’utilise. Il fausse le débat  alors que la question de la fin de vie mérite de la sérénité. Certains y voient un droit au suicide assisté, ce qui n’est absolument pas notre position. Il s’agit de donner à des hommes et femmes qui éprouvent l’angoisse de mourir dans des conditions indignes une assurance que, le jour venu, ils pourront faire le choix de ne pas connaître une telle fin de vie. Je souhaite qu’en ouvrant ce droit, le moins de gens possible aient envie d’en venir là car ils seront justement rassurés. Mais François Hollande ne souhaite pas ouvrir un droit sans limite.

 

N’est-il pas plus sage de s’en tenir à la loi Leonetti et de donner la priorité aux soins palliatifs ?

M. S. : Il n’y a pas d’un côté ceux qui défendent les soins palliatifs et de l’autre ceux qui défendent l’aide active à mourir. Si, par les soins palliatifs, on parvenait à ce que tout le monde soit dans une situation apaisée, ce serait très bien. Mais ce n’est pas le cas. Des personnes confrontées à certaines situations disent qu’elles n’ont plus le sentiment de mener une vie digne. Nous considérons qu’il existe une liberté fondamentale de l’homme à pouvoir choisir la manière de vivre sa vie selon la conception qu’il a de sa dignité. Dans des conditions strictement encadrées, une personne doit pouvoir demander que soit abrégée une vie qui n’en est plus une pour elle. Aujourd’hui, des soignants sont amenés à faire des gestes illégaux. La justice, saisie d’un certain nombre de situations, se montre souvent clémente. Mais est-il normal de faire reposer cette responsabilité sur les épaules du juge ? Il y a une forme d’hypocrisie à refuser de voir que la frontière entre laisser mourir et aider à mourir est très ténue. La jurisprudence crée du droit mais ne doit pas se substituer à la loi, poser les principes. Il revient au législateur de prendre ses responsabilités.

En légalisant ce qui est aujourd’hui la transgression d’un principe, ne craignez-vous pas des dérives ?

M. S. : Dans aucun domaine le droit n’est immuable. La loi Leonetti, qui n’aurait pas été envisageable vingt ans plus tôt, date de 2005. Le temps passe, la société évolue… La loi est l’émanation de la volonté collective et on ne peut pas dire de toute éternité ce qui est bon pour une société. Je remarque que, sur ce sujet, l’opinion publique est très massivement en faveur d’une évolution du droit. »

 

Ce billet reprend pour partie le texte d’une chronique publiée sur le site d’information Slate.fr