Censure : les psychiatres US ne peuvent plus parler de la santé mentale de Donald Trump.

 

Bonjour

« Trump chez les psys ». L’affaire, croustillante, commençait à prendre corps. Enfin un sujet politique personnalisé de santé mentale et publique. Et le tout en amont des élections. L’affaire aurait régalé le Dr Pierre Rentchnick, auteur de « Ces malades qui nous gouvernent » et qui vient de nous quitter 1.

« Ce malade qui nous gouvernera » ? Dans les médias, plusieurs psychologues, psychiatres, politiques et journalistes suggèrent ou établissent des diagnostics sur la santé mentale de Donald Trump.  Mieux, début août, une députée (démocrate) de Californie lançait  une pétition pour demander une évaluation de la santé mentale du candidat républicain Donald Trump. Le texte a déjà été signé par cent mille citoyens.

«Notre campagne #DiagnostiquezTrump est une tentative très sérieuse pour attirer l’attention sur le comportement imprévisible, choquant et souvent compulsif de Trump», explique la députée Karen Bass.

Narcisse à la Maison Blanche

Dans les médias et les réseaux sociaux, des professionnels de la psychiatrie et des journalistes non spécialistes s’aventurent à diagnostiquer Trump: les termes «trouble de personnalité narcissique» et «sociopathe» reviennent souvent.

Un professeur de médecine de Harvard a récemment osé tweeter: «Trouble de personnalité narcissique. Non seulement Trump en souffre, mais il en est la définition même.»

Trop, c’est trop.  Il faut savoir raison et pré carré garder. Le Dr. Maria A. Oquendo , présidente de l’Association Américaine de Psychiatrie (AAP) a publié un communiqué pour condamner  cette pratique de diagnostic à distance :  « Stop Psychoanalyzing Trump From Afar, Psychiatrist Commands Other Psychiatrists »

«L’atmosphère unique de cette campagne électorale peut conduire certains à vouloir psychanalyser les candidats, mais il s’agit d’une pratique non seulement contraire à l’éthique mais aussi irresponsable.»

Avoir confiance dans la psychiatrie de son pays

 Le sujet n’est pas neuf. On l’avait abordé en France, avec Marianne, via Nicolas Sarkozy. Il avait déjà fait débat aux Etats-Unis pendant l’élection présidentielle de 1964, lorsque le magazine Fact  avait demandé à des milliers de psychiatres si le candidat républicain plus que conservateur Barry Goldwater (1909-1998) était psychologiquement apte à être président. Plus de mille psychiatres avaient déclaré qu’il en serait incapable, et Goldwater avait par la suite gagné un procès pour diffamation contre le magazine.  Puis l’affaire avait, en quelque sorte,  fait jurisprudence psychiatrique.

Risque majeur pour l’AAP : «éroder la confiance du public dans la psychiatrie». D’où cette règle quasi-ordinale :

«Il arrive qu’on demande aux psychiatres leur opinion concernant une personnalité publique et médiatique. Dans ces circonstances, un psychiatre peut partager son expertise sur des questions psychiatriques générales. En revanche il n’est pas éthique pour un psychiatre de donner une opinion professionnelle sans avoir examiné la personne en question et sans avoir obtenu l’autorisation de diffuser tout commentaire.»

 A la veille de nos primaires il ne serait pas inutile que le Conseil national français de l’Ordre des Médecins précise ce qui peut (ou ne peut pas) être dit dans les médias quant à la santé mentale de ceux qui entendent nous gouverner.

A demain

 1 « Le Dr Pierre Rentchnick est décédé il y a quelques jours, peu avant son 93e Figure importante du développement de la coopérative Médecine et Hygiène, dont il a participé à l’aventure dès sa création en 1943, le Dr Rentchick a été rédacteur en chef de la revue Médecine et Hygiène durant 37 ans, de 1956 à 1993. D’une curiosité scientifique et médicale hors norme, il a toujours fait de la Revue un lieu d’information et de discussion indispensable à la communauté médicale romande.

« De tout temps, il a eu un intérêt marqué pour l’histoire médicale et la relation intime qui a existé entre la maladie et les hommes et femmes politiques importants. Ses articles sur ce sujet restent dans toutes les mémoires et deux grands livres, au succès immense et traduits dans de nombreuses langues, auront marqué son époque : « Ces malades qui nous gouvernent » et « Les orphelins mènent-ils le monde ? ».

Jean-François Balavoine, Bertrand Kiefer ; Rev Med Suisse 2016;1303-1303

Le corps est-il un objet que possède un sujet ? C’est Noël 2013. Vous avez une heure.

Il y a dix ans un neurochirurgien s’interrogeait  sur les impasses d’un système de soins déshumanisant : le nôtre. Aujourd’hui son essai (1) rajeunit.

Se le procurer (moins de dix euros) pour mieux comprendre ce qui nous arrive. Pour tenter de s’en sortir.

Stéphane Velut exerce la profession de neurochirurgien à Tours. Aller au-delà de la dure-mère ouvre-t-il l’esprit ? Nous avions découvert son opuscule il y aura bientôt dix ans ; époque où nous l’avions recensé dans Médecine et Hygiène. Noël, heureuse fatalité, nous le fait redécouvrir. Il est des caractères imprimés qui marquent plus que d’autres. C’est la même énergie réflexive, comme bonifiée par une décennie dans la cave du temps qui passe. Ces sont les mêmes prophéties perçues entre les lignes et qui semblent se rapprocher.

Crânement

En 2004 écrivions ceci : « C’est, pour le dire simplement, le livre que l’on attendait, le reflet d’une époque, la ridule qui fait sens sur le flot marécageux d’un siècle – d’un millénaire – qui s’ouvre en s’interrogeant sur sa portée. Le titre n’est certes pas des plus immédiatement goûteux ; et l’auteur n’est pas de ceux qui arpentent les plateaux de télévision et leur équivalent que sont les couloirs ministériels du pouvoir. Pour tout dire, cet auteur n’est pas un homme ‘’médiatique’’ (…) Le livre ? Cinquante-quatre pages d’un jeune philosophe moraliste contemporain osant crânement s’attaquer à quelques-uns des questionnements qui nous taraudent pour, au total, nous fournir ses clefs forgées dans une belle écriture avec une rare élégance. »

Kafka

A la relecture (et avec le temps) voilà qui était bien pompeux (quasi-pompier). Mais comment résumer une épure ? Ces pages sont bien ce qu’elles étaient : un réquisitoire contre un système, contre une époque. La nôtre. L’auteur cite un confrère  : « Il me semble que la science, qui tend d’ordinaire à une extrême spécialisation, introduisait ici une curieuse simplification » (Franz Kafka, Les Recherches d’un chien, vers 1922).

Déshérence

Son procès est celui d’un courant réductionniste et d’un monde hospitalier en déshérence. Procès de nos monstrueuses usines à gaz normatives. Procès des scandales sanitaires qui sont autant de symptômes. Procès d’une déshumanisation démocratique en marche. Tout cela, et peut-être pire encore.

Pour autant rien n’est perdu comme en témoigne, dans un sursaut paradoxal, l’existence de cet ouvrage. Rien n’est perdu si l’on parvient à bien prendre le pouls des deux premières phrases :

 « C’est un fait : le corps est devenu l’objet qu’un sujet possède, tel un bien auquel tous les attributs de la propriété s’attachent. Ce fait a des causes jamais dites, et aura ses conséquences, probablement tragiques. »

Carmat®

Avoir peur ? Stéphane Velut conclut que nous avons encore un peu de temps devant nous, que nous allons encore développer la machine. Du moins jusqu’à ce nous finissions par nous inquiéter de savoir ce que la machine pense de nous.

C’était il y a dix ans. Pour l’heure nous allons bientôt entrer en 2014. A Paris le premier cœur-Carmat bat dans la poitrine d’un homme. Carmat est une marque. Elle est issue du nom d’un homme et de celui d’une firme.

(1) Velut S. L’illusoire perfection du soin ; Essai sur un système. Paris : L’Harmattan, 2004. ISBN : 2-7475-6009-0

Le corps est-il un objet que possède un sujet ? C’est Noël 2013. Vous avez une heure.

Il y a dix ans un neurochirurgien s’interrogeait  sur les impasses d’un système de soins déshumanisant : le nôtre. Son essai (1) rajeunit. Se le procurer (moins de dix euros) pour mieux comprendre ce qui nous arrive. Pour tenter de s’en sortir.

Stéphane Velut exerce la profession de neurochirurgien à Tours. Aller au-delà de la dure-mère ouvre-t-il l’esprit ? Nous avions découvert son opuscule il y aura bientôt dix ans ; époque où nous l’avions recensé dans Médecine et Hygiène. Noël, heureuse fatalité, nous le fait redécouvrir. Il est des caractères imprimés qui marquent plus que d’autres. C’est la même énergie réflexive, comme bonifiée par une décennie dans la cave du temps qui passe. Ces sont les mêmes prophéties perçues entre les lignes et qui semblent se rapprocher.

Crânement

En 2004 écrivions ceci : « C’est, pour le dire simplement, le livre que l’on attendait, le reflet d’une époque, la ridule qui fait sens sur le flot marécageux d’un siècle – d’un millénaire – qui s’ouvre en s’interrogeant sur sa portée. Le titre n’est certes pas des plus immédiatement goûteux ; et l’auteur n’est pas de ceux qui arpentent les plateaux de télévision et leur équivalent que sont les couloirs ministériels du pouvoir. Pour tout dire, cet auteur n’est pas un homme ‘’médiatique’’ (…) Le livre ? Cinquante-quatre pages d’un jeune philosophe moraliste contemporain osant crânement s’attaquer à quelques-uns des questionnements qui nous taraudent pour, au total, nous fournir ses clefs forgées dans une belle écriture avec une rare élégance. »

Kafka

A la relecture (et avec le temps) voilà qui était bien pompeux (quasi-pompier). Mais comment résumer une épure ? Ces pages sont bien ce qu’elles étaient : un réquisitoire contre un système, contre une époque. La nôtre. L’auteur cite un confrère  : « Il me semble que la science, qui tend d’ordinaire à une extrême spécialisation, introduisait ici une curieuse simplification » (Franz Kafka, Les Recherches d’un chien, vers 1922).

Déshérence

Son procès est celui d’un courant réductionniste et d’un monde hospitalier en déshérence. Procès de nos monstrueuses usines à gaz normatives. Procès des scandales sanitaires qui sont autant de symptômes. Procès d’une déshumanisation démocratique en marche. Tout cela, et peut-être pire encore.

Pour autant rien n’est perdu comme en témoigne, dans un sursaut paradoxal, l’existence de cet ouvrage. Rien n’est perdu si l’on parvient à bien prendre le pouls des deux premières phrases :

 « C’est un fait : le corps est devenu l’objet qu’un sujet possède, tel un bien auquel tous les attributs de la propriété s’attachent. Ce fait a des causes jamais dites, et aura ses conséquences, probablement tragiques. »

Carmat®

Avoir peur ? Stéphane Velut conclut que nous avons encore un peu de temps devant nous, que nous allons encore développer la machine. Du moins jusqu’à ce nous finissions par nous inquiéter de savoir ce que la machine pense de nous.

C’était il y a dix ans. Pour l’heure nous allons bientôt entrer en 2014. A Paris le premier cœur-Carmat bat dans la poitrine d’un homme. Carmat est une marque. Elle est issue du nom d’un homme et de celui d’une firme.

(1) Velut S. L’illusoire perfection du soin ; Essai sur un système. Paris : L’Harmattan, 2004. ISBN : 2-7475-6009-0.

 

Statines : savoir raison garder grâce à Prescrire

Dernière initiative en date dans la « controverse » sur les statines : celle de Prescrire qui joue ici pleinement son rôle de formation médicale (et pharmaceutique) continue. Serait-il déraisonnable d’imaginer que le Pr Philippe Even intègre cette analyse et ces recommandations. Notamment dans les prochaines éditions de son ouvrage médiatisé à haute dose (Le Nouvel Observateur) et promis, dit-on, à un bel avenir en librairie. En devanture dès le 21 février.     

Dans les prolégomènes de la polémique annoncée il y avait eu la réaction, acide, de la HAS. On la retrouvera ici. Puis il y a eu celle, sans précédent d’un consortium réunissant associations de malades et sociétés savantes des spécialités médicales concernées. Nous en avons parlé ici. Vient aujourd’hui celle exhaustive mais nullement roborative, de Prescrire. On la trouvera ici, en accès libre.

Nous avions pour notre part retrouvé une trace d’une lecture faite par Prescrire sur les statines. C’était en 2003 et sous le titre « L’âge d’or des statines » nous y avions consacré une chronique dans Médecine & Hygiène (aujourd’hui Revue Médicale Suisse).  Dix ans plus tard elle prend une saveur nouvelle.

Extraits :

« Peu suspecte – c’est un doux euphémisme – d’être dépendante de l’industrie pharmaceutique, la revue mensuelle Prescrire (près de 30 000 abonnés, médecins et pharmaciens) tresse, dans son dernier numéro (daté d’avril), une forme de couronne de laurier à la famille des statines ou plus précisément aux deux molécules de cette famille (la pravastatine et la simvastatine) qui ont été les mieux évaluées. On sait que les statines – qui agissent avant tout, mais pas seulement, par inhibition compétitive de l’HMG CoA réductase – dont les spécialistes de médecine cardiovasculaire sont unanimes à vanter les mérites, sont commercialisées depuis plus de dix ans et qu’elles permettent de réduire durablement certaines des anomalies des concentrations sanguines de cholestérol.


Elargir les indications ?

La question aujourd’hui soulevée est, concrètement, celle de l’élargissement de leurs indications. Une étape importante avait été franchie en juillet 2002 avec la publication dans les colonnes du Lancet d’une étude qualifiée, au choix d’«étude-phare» ou encore de «travail-pivot» par les spécialistes de la lutte contre les affections cardiovasculaires. Menée pendant cinq ans sous la direction du Pr Rory Collins (Université d’Oxford, Royaume-Uni) auprès de 20 536 personnes âgées de 40 à 80 ans, cette étude (dénommée Heart Protection Study (HPS)) démontrait en substance que la prise quotidienne de simvastatine permettait d’obtenir une importante réduction du risque de mortalité par infarctus du myocarde ou par accident vasculaire cérébral.


L’originalité de ce travail (financé à la fois par Merck Sharp and Dohme et les pouvoirs publics britanniques) était d’apporter la démonstration que cette réduction de la mortalité – de l’ordre de 18% pour les décès par infarctus – concernait autant les personnes qui ont des taux sanguins anormalement élevés de cholestérol que celles qui n’en ont pas mais qui sont, pour d’autres raisons – hypertension artérielle, diabète, antécédents d’infarctus – exposées au risque d’accident cardiovasculaire.


Quelque soit le taux de cholestérol

Parallèlement à la réduction de la mortalité, les auteurs de ce travail expliquaient avoir observé une fréquence nettement moindre de pathologies vasculaires aux conséquences non mortelles chez les personnes prenant la simvastatine par rapport à celles prenant une substance placebo.
Jusqu’alors les statines ne pouvaient, selon la réglementation en vigueur, être prescrites que dans différentes formes d’hypercholestérolémie et ce «en complément d’un régime adapté et assidu». Les résultats de l’étude HPS fournissaient pour la première fois la démonstration que la prise au long cours d’une statine était de nature à procurer de substantiels avantages préventifs et ce – surprise – quelque soit le taux sanguin de cholestérol dès lors que le patient présentait un risque cardiovasculaire.


Ce résultat soulevait bien évidemment de nombreuses et troublantes questions quant à la réalité et à l’ampleur des mécanismes d’action des statines qui sont aujourd’hui consommées par près de trois millions de personnes en France.
«On peut raisonnablement supposer qu’outre leur action anticholestérolémiante ces médicaments jouent un rôle dans les différents processus pathologiques impliqués dans les maladies cardiovasculaires, qu’il s’agisse de facteurs infectieux, de la coagulation sanguine ou de la formation des plaques d’athéromes sur les parois artérielles, expliquait au
Monde le Pr Gabriel Steg (Hôpital Bichat, Paris). Quoi qu’il en soit, les résultats de l’étude HPS sont indiscutables et conduiront immanquablement à un bouleversement des pratiques médicales vis-à-vis des personnes à risque cardiovasculaire.»


MSD et Bayer

Pour sa part, la firme MSD expliquait alors avoir demandé à l’Agence européenne des médicaments une extension des indications de la simvastatine. Les responsables de MSD situant alors à 20 millions le nombre des personnes concernées par les risques cardiovasculaires en France, pariaient sur une augmentation rapide et importante des ventes de leur médicament. Le paradoxe voulait que les nouveaux bénéfices de cette classe thérapeutique fussent établis quelques mois après une étonnante controverse internationale concernant les effets secondaires musculaires graves, parfois mortels, d’une statine commercialisée par la multinationale pharmaceutique allemande Bayer et qui fut retirée du marché mondial en août 2001.

Aucun effet secondaire notable de ce type n’a été observé lors des cinq ans qu’a duré l’étude HPS, ce qui laisse penser aux spécialistes que ce sont des éléments spécifiques à la statine de Bayer (dosage trop important, mauvaises conditions de prescription et de surveillance ?) qui furent, en fin de compte, à l’origine des phénomènes pathologiques observés aux Etats-Unis et dans différents pays d’Europe. »

Dix ans ont passé. Prescrire a méthodiquement continué son travail. Il en rappelle l’essentiel. C’est à la fois utile et heureux. On peut imaginer que le Pr Philippe Even s’y intéressera.