On l’avait oubliée. L’Agence européenne du médicament a fait ses comptes et le célèbre anti-acnéique de Bayer a bel et bien sa place dans la pharmacopée du Vieux Continent. Or Paris, qui l’a banni depuis quatre mois, persiste et signe. Interdiction pure et simple. Que va-t-il se passer maintenant ?
Hier encore tout était bien qui finissait bien. Nous l’avions écrit. Et aujourd’hui rebondissement dans l’affaire des pilules contraceptives ; avec constitution d’un abcès que l’on peut tenir pour durable. Qui le videra ? Et comment ?
L’abcès français a un nom : Diane 35®. Nous avons, sur ce blog, traité le sujet à plusieurs reprises depuis le 30 janvier dernier. Cette spécialité et ses génériques sont nettement moins prescrits aujourd’hui en France Selon les données disponibles, les ventes de ces médicaments ont baissé de 75 % entre décembre 2012 et mars 2013. Dans quelques jours les derniers lots seront retirés des pharmacies d’officine. Or depuis Londres l’Agence Européenne du Médicament (EMA) vient de désavouer la France. Elle a réévalué 1 le rapport bénéfice/risque de Diane 35® (Bayer) et de ses génériques cet anti-acnéique très largement utilisé (c’est bien le problème) comme moyen contraceptif oral.
Acné modéré à sévère
Et le Comité européen de pharmacovigilance et d’évaluation des risques (PRAC) conclut aujourd’hui même que le rapport bénéfice/risque de Diane 35® est favorable chez les patientes qui souffrent d’une acné résistante aux traitements, et uniquement dans cette indication. En d’autres termes, pour l’EMA Diane 35® garde une place pour une certaine population de femmes. « Le PRAC s’est positionné en faveur de Diane 35® à condition que certaines mesures soient prises pour minimiser les risques thromboemboliques, explique Aude Lecrubier sur le site MedScape/MedPulse. Le PRAC indique que Diane 35® et ses génériques devraient uniquement être utilisés comme traitement de l’acné modéré à sévère associée à la sensibilité aux androgènes et/ à l’hirsutisme chez les femmes en âge de procréer. Et ce, seulement après échec des autres traitements anti-acnéiques comme les traitements topiques et antibiotiques. »
Et l’EMA de rappeler que Diane 35® et ses génériques sont des contraceptifs hormonaux, et qu’ils ne doivent pas être utilisés en association avec d’autres contraceptifs hormonaux. De ce fait une co-prescription exposerait les femmes à des doses d’oestrogènes importantes et augmenterait le risque thromboembolique. Pourquoi tant de précautions ? Le risque thromboembolique veineux de ces médicaments est bien connu et des avertissements existent déjà sur els notices ; ou devraient mieux exister puisque l’EMA reconnaît qu’il est nécessaire de prendre des mesures supplémentaires pour minimiser les risques thromboemboliques.
Mécanique et diplomatie européenne
Le PRAC recommande ainsi de nouvelles contre-indications et avertissements à l’attention des patients et professionnels de santé. Il appelle également à des efforts de sensibilisation sur les risques, signes et symptômes des accidents thromboemboliques afin d’éviter les retards au diagnostic et les traitements inappropriés. A titre d’exemple, « la création d’une checklist pour le prescripteur permettrait de s’assurer que les risques, signes et symptômes des accidents thromboemboliques sont discutés », indique le communiqué de l’EMA. La mécanique européenne étant ce qu’elle est il ne s’agit là d’une recommandation du PRAC qui sera examinée le 27 et 29 mai par le « Groupe de coordination pour les procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisées-médicaments à usage humain » entité européenne représentant les agences nationales du médicament.
Précisément, que dit l’ANSM qui est à l’origine de tout cela ? Elle poursuit la mise en œuvre de la mesure de suspension de Diane 35 prise en février dernier et de ses génériques.
Qui écrira l’histoire de Diane ?
Cette mesure prend effet le 21 mai 2013. Définitivement ? « En France, l’association acétate de cyprotérone et éthinylestradiol (Diane 35® et génériques) est indiquée dans le traitement de l’acné, rappelle l’EMA. L’ANSM a constaté que le risque thromboembolique de cette association, en particulier sur le plan veineux (quatre fois supérieur à celui des femmes ne prenant pas ces traitements), n’était pas suffisamment pris en compte en pratique. Des cas graves pouvant aller jusqu’au décès de la patiente étaient rapportés. De surcroît, il était fait un large usage de ces produits en tant que contraceptif en l’absence de problème acnéique, donc en dehors du cadre de l’autorisation de mise sur le marché. »
L’ANSM « prend acte » de la recommandation du PRAC et, dans l’attente des décisions européennes finales, les AMM de Diane 35® et ses génériques sont suspendus en France. Les lots disponibles sur le marché seront retirés à compter du 21 mai 2013. Mais après ? Pourquoi une telle radicalité ? Un rappel à l’ordre n’était-il pas envisageable comme ce fut le cas pour les pilules de troisième et quatrième générations ? Plus important peut-être : qui évaluera les risques inhérents (tératogènes notamment) aux médicaments anti-acnéiques qui, chez les femmes dont l’état de santé le nécessite, se substitueront à la molécule interdite ? Quel a été, précisément, l’enchaînement des décisions marquées, fin janvier, par une fuite dans Le Figaro ? L’histoire de Diane – 35® -, sa véritable histoire, reste à écrire. Qui s’en chargera ?
1 La ré-évaluation du PRAC a consisté à évaluer l’ensemble des données disponibles concernant les risques thromboemboliques de Diane 35® et de ses génériques (données de la littérature et données post-marketing en Europe). L’Agence a également invité les professionnels de santé, les organisations de patients et le public à soumettre toutes les données pertinentes à leur disposition. Un groupe d’experts avec une représentation patients a aussi été constitué pour participer au processus d’évaluation.