Opium et Tramadol® : pour la première fois les forçats du Tour n’y ont plus droit. Pourquoi ?

Bonjour  

6 juillet 2019. Cette fois c’est bien l’été : L’Equipe est imprimée sur papier jaune (type Midi Olympique) et le Tour de France s’élance depuis le Manneken-Pis. On fête le centenaire du Maillot Jaune et le cinquantenaire victorieux de saint Eddy Merckx. On retrouve le vieux mythe sans cesse revivifié, on applaudit la course-poursuite du gendarme-sain et du voleur-dopé.  

L’Equipe, page 12, rayon antidopage, nous apprend que la nouveauté, cette année, c’est l’interdiction du Tramadol®. « Son usage est interdit par le biais du règlement santé » précise le quotidien sportif. Mais encore ? Que savoir sur ce médicament anti-douleur dérivé de l’opium développé depuis un demi-siècle mais qui existait depuis des millénaires sr le sol africain 1 ?

Tramadol® (chlorhydrate de tramadol) :  Traitement des douleurs modérées à intenses de l’adulte. La dose devra être adaptée à l’intensité de la douleur et à la sensibilité individuelle de chaque patient. La posologie minimale efficace doit généralement être utilisée. Douleurs aiguës : la dose d’attaque est de 100 mg (2 comprimés) suivie de 50 ou 100 mg (1 ou 2 comprimés) toutes les 4-6 heures sans dépasser 400 mg/24 h (8 comprimés). Douleurs chroniques :la dose d’attaque est de 50 ou 100 mg (1 ou 2 comprimés) suivie de 50 ou 100 mg (1 ou 2 comprimés) toutes les 4-6 heures sans dépasser 400 mg/24 h (8 comprimés). » Nombreux effets secondaires indésirables psychiatriques (notamment confusion mentale ou hallucinations) neurologiques (dont vertiges, somnolence et convulsions) et gastro-intestinaux (nausées et vomissements).

Perversité

« D’après les données de l’assurance maladie, près de dix millions de français ont eu une prescription d’antalgique opioïde en 2015, nous enseigne l’Agence nationale de sécurité du médicament. En 2017, l’antalgique opioïde le plus consommé en France est le tramadol puis la codéine en association et la poudre d’opium associée au paracétamol. Viennent ensuite la morphine, premier antalgique opioïde fort, l’oxycodone, à présent pratiquement autant consommé que la morphine, puis le fentanyl transdermique et transmuqueux à action rapide. »

Pourquoi interdire cet antalgique aux forçats de la route millésimés 2019 ? C’est une vieille histoire parfaitement racontée sur le site http://www.cyclisme-dopage.com. Uniquement pour des raisons de « santé », semble-t-il, plus que pour « lutter contre le dopage ». Et il semblerait, une fois n’est pas coutume, que l’Union Cycliste Internationale (UCI) est la première institution sportive à s’intéresser à la prévention via l’interdiction de ce dérivé de l’opium. Où l’on en conclut que, privés d’opium, les forçats du Tour 2019 souffriront un peu plus encore que leurs aînés. Pour la plus grande joie, cet été, des amateurs sur canapé.

A demain @jynau

1 Sur ce thème : Nau J-Y « L’arbre à tramadol existe : il prend racine en Afrique » Rev Med Suisse 2013; volume 9. 1862-1863

Rugby : Louis Fajfrowski, mort «d’une commotion cardiaque létale sur cœur pathologique»

Bonjour

Joueur de rugby Louis Fajfrowski, 21 ans, est mort le 10 août dernier lors d’une rencontre amicale à Aurillac. L’affaire avait profondément ému le vaste monde de ce beau sport – et mis en lumière la violente, triste et insupportable dérive dont il est l’objet. Trois mois plus tard l’enquête officielle conclut à une « mort accidentelle ». Plus précisément les résultats complémentaires révèlent que le joueur a succombé à un « traumatisme thoracique ». L’information est donnée par le quotidien La Montagne (Malik Kebour) qui cite le substitut du procureur d’Aurillac : le plaquage subi par le joueur  a été « responsable d’une commotion cardiaque avec accélération du rythme qui a entraîné son décès ». On s’interroge. On relit.

« L’ailier du Stade Aurillacois Louis Fajfrowski est décédé d’un traumatisme thoracique d’après les résultats de l’autopsie. Le joueur avait trouvé la mort dans les vestiaires du stade Jean-Alric, à Aurillac (Cantal), après un choc au cours d’un match amical, le 10 août. Près de trois mois après le décès brutal de l’ailier du Stade Aurillacois, Louis Fajfrowski, survenu vendredi 10 août, après un match amical, le parquet d’Aurillac conclut à une mort accidentelle.

 « L’enquête aux fins de recherche des causes de la mort, ouverte début août, n’a pas pu « démontrer qu’il y avait une quelconque faute imputable à qui que ce soit. C’est un accident malheureux », ajoute le parquet. 

Titulaire lors de la rencontre amicale disputée face à Rodez (Fédérale 1) au stade Jean-Alric, le 10 août, à Aurillac, l’ailier du Stade Louis Fajfrowski est sorti du terrain au cours de la seconde période, peu avant l’heure de jeu, après avoir subi un plaquage appuyé, à mi-hauteur. Resté au sol quelques instants, sonné, il avait été pris en charge par les soigneurs avant de regagner les vestiaires, conscient. Après plusieurs pertes de connaissance, à l’intérieur, il est décédé malgré l’intervention des secours. »

L’autopsie pratiquée juste après la mort n’avait pas permis de connaître les causes exactes du décès. Un classique. Des analyses complémentaires avaient été ordonnées. Le parquet auvergnat précise aujourd’hui que l’enquête n’a pas pu « démontrer qu’il y avait une quelconque faute imputable à qui que ce soit ». En est-on bien certain ?

« Ce sont plusieurs facteurs qui ont conduit au décès », a expliqué le procureur d’Aurillac, Olivier Clémençon. Et de préciser que le joueur a subi « un traumatisme thoracique précordial, responsable d’une commotion cardiaque létale sur un cœur pathologique ». Le parquet a donc conclu « à une mort accidentelle à la suite et non pas à cause d’un plaquage », a précisé le procureur. Cœur pathologique ? On aimerait que le procureur éclaire un peu mieux cette séquence physiopathologique mortelle. Sans doute, sous les volcans, attendra-t-on.

Le jeune joueur, titulaire ce jour-là au centre de l’attaque du Stade Aurillacois, était sorti du terrain (en seconde période du match contre Rodez) après avoir été la cible d’un vigoureux plaquage. « Sonné », il avait pu se relever avec l’aide des soigneurs avant de se rendre par ses propres moyens aux vestiaires, accompagné d’un médecin. C’est dans les vestiaires qu’il avait perdu connaissance – à plusieurs reprises. Pris en charge par le service médical et les secours supplémentaires arrivés sur place, il n’avait pas pu être ranimé.

Dans un éditorial publié le 13 août, et titré « La nausée », le journal Midi Olympique, avait vivement et courageusement regretté que ce sport soit « de plus en plus destructeur », mettant « ses propres acteurs en danger à force de collisions à très grande vitesse ».

« Un jeu de plus en plus con − on se répète, hélas − à force d’oublier la moitié de son ADN : la recherche de l’évitement, qui lui conféra longtemps une force créatrice enviée par tant d’autres disciplines (…) Il y a désormais urgence : il faut agir pour voir, demain, le rugby changer radicalement dans son approche du jeu, en assumant ses maux actuels et la propre menace qu’il génère pour avoir cédé au tout physique ».

Il n’ a pas une ligne à changer à l’éditorial de Midi Olympique. Et tout à demander aux gros pardessus de la Fédération Française de Rugby. En mémoire de Louis Fajfrowski.

A demain

@jynau

 

Rugby et violences : les obsèques de Louis Fajfrowski, 21 ans – le silence de cinq présidents

Bonjour

Vendredi 17 août 2018. Près de 400 personnes ont, en l’église Saint-Jacques de Fabrègues (Hérault), assisé aux obsèques de Louis Fajfrowski, un jeune rugbyman d’Aurillac (Pro D2) mort vendredi 10 août à l’âge de 21 ans -lors d’un match amical contre Rodez (Férérale 1). Un match d’été, pour le plaisir de s’affûter.

Fabrègues, situé la périphérie de Montpellier, village natal du jeune joueur. Les médias rappellent qu’il est mort à la suite d’un un plaquage thoracique jugé « régulier » par tous les observateurs. Régulier ou pas l’affaire fait grand bruit dans les milieux de l’Ovalie – et bien au-delà. Les médias :

« Vers 14 h 30, la cérémonie religieuse a débuté en présence de la famille et des proches du jeune homme, ainsi que des joueurs des clubs d’Aurillac, de Saint-Jean-de-Védas, le premier club de Fajfrowski, et de Montpellier, parmi lesquels Fulgence Ouedraogo, Kelian Galletier et Yvan Reilhac.

« Bernard Laporte, le président de la Fédération française de rugby, Serge Simon, le vice-président, Mohed Altrad, le président du MHR, de même que Robins Tchale-Watchou, président du syndicat des joueurs de rugby professionnels, et Paul Goze, le président de la Ligue nationale de rugby, étaient également présents. »

Dans un éditorial publié lundi 13 août et titré « La nausée », Midi olympique, dénonce le fait que ce sport soit « de plus en plus destructeur », qu’il mette  « ses propres acteurs en danger à force de collisions à très grande vitesse ».

Pour le Midi Olypique, comme de nombreux amateurs et observateurs il y a désormais urgence : modifier les règles pour réduire les risques de l’affrontement physique, revenir à l’art de l’évitement et augmenter ainsi la beauté de ce jeu incomparable.

La question est désormais ouvertement posée à Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby, au Dr Serge Simon, le vice-président, à Mohed Altrad, président du MHR, à Robins Tchale-Watchou, président du syndicat des joueurs de rugby professionnels. Sans oublier Paul Goze, le président de la Ligue nationale de rugby.

Il y a urgence. Quand parleront-ils ?

A demain

PS On apprend que Bernard Laporte, ancien secrétaire d’Etat chargé des Sports (2007-2009) et actuel président de la Fédération française de rugby (FFR) « interviendra » dans la nouvelle émission de l’humoriste Cyril Hanouna sur C8. Il y « commentera l’actualité ».

« Ancien manager du club de Toulon (2011-2016) Bernard Laporte animait une émission, Direct Laporte, le lundi et le dimanche sur RMC lorsqu’il a été élu président de la FFR fin 2016, rappellent l’AFP et 20 minutes. A contre-coeur, d’autant qu’il s’était engagé à ne pas être rémunéré par la FFR, il avait alors renoncé à cette activité afin d’éviter d’être accusé d’un conflit d’intérêts avec un grand groupe de médias. . La chaîne C8 fait partie du groupe Canal+, diffuseur exclusif du Top 14. »

 

 

 

Jeu de rugby : les traumatismes sont désormais similaires à ceux de la circulation routière

Bonjour

« Si les médias s’emparent du dossier, cela peut évoluer. confiait-il il y a quelques jours au Figaro. Pour le moment, je suis le seul à dire les choses. J’ai reçu les témoignages de tas de gens mais ils ne s’expriment pas dans le presse. Je suis tout seul. Certains ne veulent pas perdre leur truc… »

Aujourd’hui le Pr Jean Chazal, neurochirurgien et ancien doyen de la faculté de Clermont-Ferrand est toujours aussi seul. Il reprend la parole dans Centre Presse. A la veille des obsèques de Louis Fajfrowski, 21 ans, un rugbyman d’Aurillac mort le 10 août après un choc reçu lors d’un match amical – une mort qui pourrait constituer une salutaire prise de conscience dans un sport qui, sinon, court à sa perte.

La parole du Pr Chazal fait autorité. « Il a opéré plus d’une trentaine de joueurs de rugby. Ainsi qu’un grand nombre de sportifs de haut niveau, rappelle Centre Presse (Caroline Devos). Le skieur Luc Alphand (après un accident de moto), les rugbymen Damien Chouly et Wesley Fofana sont ainsi passés entre ses mains au CHU de Clermont-Ferrand. Jean Chazal est un neurochirurgien réputé mais aussi un vrai spécialiste de la traumatologie du sport. Et depuis des années, il tire la sonnette d’alarme pour dénoncer les dérives qui rendent la pratique sportive – et surtout celle du rugby – de plus en plus dangereuse. »

Ce lanceur d’alerte dérange les gros pardessus de l’Ovalie autant que nombre de ses confrères confortablement installés sous les ors des institutions rugbystiques nationales. Et le président Bernard Laporte vient d’obtenir son exclusion…  de l’Observatoire médical du rugby 1.

Les instances du rugby français et international ont certes pris la mesure du péril des commotions cérébrales (Le « protocole commotion », « carton bleu », renforcement de l’encadrement médical) mais rien n’est fait pour que ces « commotions » ne surviennent pas.

« Dès 2005,  avec le médecin du club de Clermont, nous avons commencé à nous préoccuper de la violence sur les terrains, précise-t-il. Aujourd’hui, on a une augmentation des blessures et notamment celles qui touchent le crâne, le thorax et l’abdomen.

 « Aujourd’hui, dans le rugby, on a une traumatologie qui ressemble à celle de la routeEt pour cause. On a mis des moteurs de 1.000 chevaux dans des carrosseries qui ne sont pas faites pour cela. Les joueurs ont pris dix kilos de masse musculaire en quelques années. On a des ailiers de 130 kg qui courent comme des lapins. Mais à l’intérieur, les ligaments, les articulations, les viscères, les os sont restés identiques. Le rugby fabrique des surhommes, des exceptions physiques. »

Exclusion immédiate

Dans Le Figaro Le Pr Chazal mettait aussi en garde les jeunes rugbymen rarement prêts pour le très haut niveau. Des jeunes en pleine maturation de leur système ostéo-ligamentaire et de leur système cérébral. Ce n’est qu’à 25 ans, selon lui, que le cerveau est totalement mature, en particulier pour l’esprit critique, la préhension de l’espace, la gestion de l’émotion.

« C’est une véritable révolution qu’il faut opérer. Se mettre autour de la table et trouver des solutions. Les arbitres aussi doivent être impliqués. Certaines actions dangereuses ne sont pas sifflées. J’ai vu des joueurs se faire ‘’décalquer’’ par derrière, sans ballon, totalement relâchés… Ce devrait être l’exclusion immédiate ! (…)

« Dans l’équipe de France des moins de 20 ans qui a été championne du monde, il y a des gars qui font 2 m et plus de 100 kg. Faire marche arrière pour la génération actuelle, c’est un peu tard… Il faut modifier les règles, voir ça avec les arbitres. Il faut sévir ! (…)

« En Top 14, les joueurs sont gainés, prévenus, ils sont avertis. Mais au niveau professionnel, il n’y a que quatre ou cinq clubs qui ont un médecin permanent. Dans d’autres clubs, ils ne passent que quelques heures par semaine. On nous met de la poudre aux yeux en disant que le rugby est médicalisé. Au Racing, à Toulon, à Clermont, dans quatre ou cinq clubs, c’est médicalisé. J’ai reçu des SMS d’insultes après avoir déclaré dans Midi Olympique que certains clubs faisaient passer des protocoles commotions par visioconférence. Je ne comprends pas comment on peut procéder ainsi… (…)

Le Pr Chazal en est persuadé : « Si les médias s’emparent du dossier, cela peut évoluer. » Il dit aussi : « Je ne suis pas sûr que ce nouveau décès changera quelque chose ». Que feront les médias ?

A demain

1 Sur ce sujet lire la réponse donnée, sur le site Rugbyrama, par le Dr Bernard Dusfour, président de la commission médicale de la LNR.

 

Jeu de rugby : qui a tué Louis Fajfrowski, qui est responsable et pourquoi est-il mort ?

Bonjour

Ecouter Graeme Allwright dans « Qui a tué Davy Moore ? ».

Louis Fajfrowski, 21 ans joueur de rugby du club d’Aurillac est mort le 10 août dernier. Mort après avoir subi un choc lors d’un match amical. Un placage « viril mais correct ». On apprend aujourd’hui que l’autopsie pratiquée le 13 août à l’institut médico-légal de Clermont-Ferrand n’a pas permis de déterminer la cause exacte du décès.

« Les constatations du médecin légiste ne sont pas probantes et ne permettent pas de conclure à la cause du décès, a précisé Mars Rous, substitut du procureur de la République. Des prélèvements ont été effectués en vue de réaliser des analyses toxicologiques et anatomo-pathologiques ». On sait déjà que les résultats de ces nouvelles analyses ne seront pas connus avant un mois et demi ou deux mois.

« Wouhhhh »

La Montagne avait rapporté que le jeune joueur, titulaire au centre de l’attaque du Stade aurillacois (Pro D2), était sorti du terrain en seconde période du match contre le club de Rodez (Fédérale 1) après avoir été l’objet d’un plaquage. Sonné, il avait pu se relever avec l’aide des soigneurs avant de se rendre par ses propres moyens aux vestiaires, accompagné d’un médecin. C’est aux vestiaires qu’il a perdu connaissance à plusieurs reprises. Pris en charge par le service médical et les secours supplémentaires arrivés sur place, il n’a pas pu être ranimé. Midi Olympique rapporte les faits :

« 50e minute : lancer en touche pour Rodez, sur les 22 mètres aurillacois. Le ballon, cafouillé, retombe chez les locaux. Relance immédiate. Une passe, puis une deuxième vers Louis Fajfrowski qui s’empare du ballon. Et, presque immédiatement, il prend un énorme tampon. Une clameur, de ces « Wouhhhh » qui résonnent dans les stades sur les chocs destructeurs, s’élève de la tribune garnie de la jeunesse cantalienne. Les copains, les copines, les familles, les joueurs de la veille sont là. Sur l’action, les Ruthénois récupèrent le ballon abandonné au contact et filent à l’essai, en contre.

« Assis en tribunes, Latuka Maïtuku et Kevin Savea, troisième ligne et talonneur du Stade, ont assisté à la scène. Leur analyse ? Rien de condamnable, sur l’action« Le plaquage était régulier. Dans le mouvement, sec. Dur, même. Mais rien de répréhensible, effectivement. Le genre d’impact qu’on voit tous les week-ends, en Top 14 et en Pro D2″ se souviendra Maxime Petitjean, le lendemain. « Le joueur d’Aurillac a hérité du ballon avec peu de vitesse. Le troisième ligne de Rodez, lui, arrivait à pleine vitesse. Il l’a plaqué au niveau de la zone poitrine-sternum, confirme Jérémy Rozier, arbitre de cette rencontre. Avec l’écart de vitesse, c’était impressionnant. L’impact a fait un gros bruit, mais il n’y avait rien de répréhensible. Le défenseur touche la bonne zone et encercle avec les bras. Des plaquages comme ça, j’en vois tous les week-ends. Même au 7, que j’arbitre souvent. » »

Deux pistes considérées sont aujourd’hui évoquées dans le milieu médical spécialisé : un arrêt cardiaque lié à des produits dopants (rien, à ce stade, ne soutient cette hypothèse) ou une pathologie cardiaque méconnue et indécelable à l’autopsie. D’où les prélèvements destinés à la toxicologie et à l’anatomopathologie.

Simple corrélation ou lien de causalité entre le placage et le décès, l’affaire commence à faire grand bruit dans le monde du rugby. Cette mort fat suite à celle d’Adrien Descrulhes, 17 ans, qui a succombé à un traumatisme crânien après un match, en mai dernier. Deux morts qui relancent comme jamais la polémique sur les nouveaux risques liés à l’inquiétante évolution de ce sport – un sport qui ne cesse de gagner en violence, en chocs et en commotions cérébrales.

Le courage de Midi Olympique

Il faut lire, ici, l’éditorial signé Emmanuel Massicard dans le Midi Olympique du 13 août. Intitulé « La nausée » il dénonce courageusement un sport « de plus en plus destructeur », mettant « ses propres acteurs en danger à force de collisions à très grande vitesse »

« Nous ne fermerons pas les yeux. Pas question de céder à la complicité. Midi Olympique continuera ainsi de donner la parole à tous les Chazal du monde 1 qui viendront éclairer le débat, prêts à se pencher sur la santé des joueurs et sur l’avenir de ce jeu évoluant contre sa propre nature. Un jeu de plus en plus destructeur, qui met ses propres acteurs en danger à force de collisions à très grande vitesse. Un jeu de plus en plus con – on se répète, hélas – à force d’oublier la moitié de son ADN: la recherche de l’évitement qui lui conféra longtemps une force créatrice enviée par tant d’autres disciplines.

Il n’est plus temps de se bercer d’illusions sans quoi, c’est sûr, nous risquons d’avoir d’autres nausées et de pleurer d’autres Louis. Il n’est plus temps de croire que les seules mesures mises en place feront des miracles et nous protègeront du danger qui plane. Il y a désormais urgence et il faut agir pour voir, demain, le rugby changer radicalement dans son approche du jeu, en assumant ses maux actuels et la propre menace qu’il génère pour avoir cédé au tout physique. »

Dans « Qui a tué Davy Moore ? » Graeme Allwright s’interroge, après Bob Dylan, sur les responsables de la mort à 29 ans, d’un champion du monde de boxe (poids plume). C’était le 21 mars 1963. Après un violent crochet Davy Moore chute, se heurte la tête et décède deux jours plus tard. En 1963 la boxe était florissante. Un demi siècle plus tard elle ne fait plus recette.

A demain

1 Il s’agit ici du Pr Jean Chazal, neurochirurgien et doyen honoraire de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand. Cet « ancien référent » de la Ligue nationale de rugby (LNR) en matière de commotions, s’était alarmé face à ces drames. Lanceur d’alerte atypique, il redoutait depuis des mois dans les médias la mort d’un joueur sur le terrain, une liberté de ton guère du goût des instances du rugby français qui lui avaient fait savoir qu’il avait, sur ce sujet, tout intérêt à se taire.  Une réponse bien peu confraternelle vient de lui être donnée, sur le site Rugbyrama, par le Dr Bernard Dusfour, président de la commission médicale de la LNR.

 

 

 

 

Louis Fajfrowski, rugbyman, 21 ans, est mort à Aurillac après un choc lors d’un match amical

Bonjour

La violence destructrice est-elle consubstantielle au jeu de rugby d’aujourd’hui ?

Le jeune trois-quarts centre d’Aurillac (Pro D2) Louis Fajfrowski, 21 ans, est décédé vendredi soir 10 août à l’issue d’un match amical.

« Ça devait être un match amical de début de saison sans histoire, rapporte L’Equipe.  Au stade Jean-Alric, Aurillac, pensionnaire de Pro D 2, affrontait Rodez, formation de Fédérale 1. Le club cantalien, qui avait battu Bordeaux-Bègles la veille en amical (22-20), alignait une équipe mixte composée de joueurs professionnels et d’Espoirs. Parmi eux figurait Louis Fajfrowski, vingt et un ans, titulaire au centre de l’attaque. Formé à Montpellier, le jeune joueur avait rejoint Aurillac en 2015, un an avant de faire ses débuts en équipe première, en septembre 2016. Malgré son jeune âge, le centre ou ailier comptait déjà une vingtaine de feuilles de match avec le Stade Aurillacois en Pro D 2 et avait signé un premier contrat professionnel le liant au club rouge et bleu jusqu’en 2021. »

Selon un journaliste du quotidien régional La Montagne  (Nourredine Regaieg -avec M. K.) Louis Fajfrowski a été victime en seconde période d’un gros choc, sans perte de connaissance, ayant néanmoins entraîné sa sortie du terrain. C’est ensuite, dans les vestiaires, que le joueur aurait été victime de plusieurs malaises. Selon le quotidien régional, il aurait recouvré ses esprits par deux fois, mais un nouveau malaise lui aurait été fatal malgré l’intervention des secours.

Sans doute est-il trop tôt pour établir un lien entre le choc survenu sur le terrain et la mort du joueur. Une autopsie devrait être rapidement pratiquée qui pourrait, ou non, établir une corrélation. L’Equipe observe toutefois que  ce drame « intervient dans un contexte de prise de conscience de la dangerosité du rugby face, notamment, à la multiplication des commotions cérébrales ces dernières saisons ».

Et le quotidien sportif de rappeler qu’en janvier, le jeune ailier de Clermont Samuel Ezeala avait été victime d’un K.-O. spectaculaire lors d’un match contre le Racing – K.-O. « qui avait relancé le débat ». En mai, un joueur amateur de dix-sept ans de Billom (Puy-de-Dôme) était mort la nuit suivant un match au cours duquel il avait été victime d’un plaquage l’ayant obligé à quitter le terrain.

Pour l’heure l’annonce de cette mort a « secoué le monde de rugby ». Bernard Laporte,  président de la FFR, s’est dit « effondré » sur Twitter tandis que les hommages des clubs, de la LNR et de Provale (syndicat des joueurs) se multipliaient. L’Equipe présente, sur son site,  ses condoléances à  la famille de Louis Fajfrowski, à ses proches et à son club.

Epouvantable augure

Et demain ? Il y a un an  on pouvait lire, sur Slate.fr, une mise en garde explicite :  « Il faut changer les règles du rugby pour protéger les joueurs » (Grégor Brandy). Nous revenions pour notre part sur le sujet en avril dernier :  « Commotions cérébrales: l’ovalie jusqu’à la folie » (Slate.fr 21 avril 2018).  Aujourd’hui c’est la bible francophone de ce jeu qui sonne le tocsin sans l’Ovalie : « Cote d’alerte : le rugby n’a jamais cumulé autant de graves blessures. Joueurs et médecins tirent la sonnette d’alarme » (Midi olympique, Week-end, 3-5 août 2018).

Et Midi Olympique de donner longuement la parole au Pr Jean Chazal ,  neurochirurgien et doyen honoraire de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand. Cet « ancien référent » de la Ligue nationale en matière de commotions, s’était alarmé face à ces drames. Lanceur d’alerte atypique, il redoutait depuis des mois dans les médias la mort d’un joueur sur le terrain, une liberté de ton guère du goût des instances du rugby français qui lui avaient fait savoir qu’il avait, sur ce sujet, tout intérêt à se taire.

Et L’Equipe de conclure : « L’épouvantable augure résonne forcément différemment après le décès de Louis Fajfrowski ». On attend, passé le temps des condoléances, la réponse de Bernard Laporte et de ces instances.

A demain

 

 

Traumatismes crâniens : quand les sports violents augmentent le risque de démence

Bonjour

Il y a quelques années déjà un lien entre traumatismes crâniens (TC) répétés et augmentation du risque de maladie neurodégénérative avait été suspecté. On s’intéressait alors aux pratiquants professionnels de certains sports « de contact » (boxe, football américain et hockey sur glace notammen) ou à certains vétérans rentrés de théâtres de violents conflits armés. Quelques polémiques surgirent avant que le sujet ne soit abandonné. Pas assez d’effectifs, expliquaient les statisticiens, pour établir une relation de causalité.

Le sujet réapparaît aujourd’hui et de nouveaux argument devront être trouvés pour réfuter un tel lien : une vaste étude publiée dans The  Lancet Psychiatry établit que le risque de démence augmente avec le nombre et la sévérité des traumatismes crânien : « Long-term risk of dementia among people with traumatic brain injury in Denmark: a population-based observational cohort study ».

Ditigée par le Pr Jesse R Fann (Department of Psychiatry and Behavioral Sciences, University of Washington, Seattle) et financée par la Fondation Lundbeck cette étude a  été menée sur une cohorte danoise (près de 2,8 millions de personnes, pour un total de 27 632 020 personnes-années). Elle établit que les personnes ayant subi un TC ont un risque de démence augmenté de 24 %, et un risque spécifique de maladie d’Alzheimer augmenté de 16 %. Le risque est aussi augmenté (17%) même quand il s’agit d’un TC de sévérité moyenne (commotion cérébrale), avec une augmentation de 17 %.

L’Equipe et Midi Olympique

Cette étude est la première du genre à étudier ce phénomène sur un temps aussi long et sur un effectif de cette taille.  à suivre pendant un temps long un échantillon de taille suffisante. Entre 1977 et 2013, 4,7 % des 2,8 millions de personnes de la cohorte ont subi au moins un TC. Et entre 1999 et 2013, chez environ 4,5 % des personnes de plus de 50 ans on a vu apparaître une démence. Eélément plus que troublant : le risque augmente avec le nombre de TC, de 22 % avec un seul TC, jusqu’à 183 % (près de trois fois plus) avec cinq TC ou davantage.

D’autre part, plus la personne subit un TC tôt dans sa vie, plus le risque de démence s’élève. Et les auteurs montrent que les personnes qui ont été victimes des fractures traumatiques en dehors de la tête et du cou ne présentent pas de sur-risque de démence.

 « Il est important de signaler que même si le risque relatif de démence augmente après un TC, le risque absolu reste faible, souligne le Pr Fann. Nos résultats ne signifient pas du tout que toutes les personnes qui ont subi un TC vont développer une démence plus tard. Il suggère toutefois que des programmes de prévention des TC pourraient permettre de réduire le poids de la démence dans le monde.»

Pour l’heure le sujet a intéressé la BBC et Le Quotidien du Médecin. Il ne serait pas inutile de le voir traité, largement, dans L’Equipe et Midi Olympique.

A demain

Le rugbyman moderne doit savoir décompresser sans alcool

Une nouvelle affaire vient témoigner de la rapide évolution de ce sport masculin et assoiffant

Alain Afflelou est en doublement en colère. Aujourd’hui en vacances à Miami l’indestructible marchand mondial de lunettes voit rouge. En témoigne ses propos rapportés dans L’Equipe de ce 29 octobre. M. Afflelou est actionnaire principal de la section rugby de l’Aviron Bayonnais, club illustre mais mal classé depuis un certain nombre d’années. En clair M. Afflelou perd beaucoup d’argent pour maintenir à l’eau un club basque qui prend l’eau.

Défauts celtes

L’ire présente de l’actionnaire principal tient au comportement de Mike Phillips. M. Phillips, 31 ans, est un demi de mêlée de grand talent et de nationalité galloise. Il est même international gallois (77 sélections). On connaît les qualités et les défauts des Celtes. Notamment au pays basque.

« Le 11 octobre, tout comme Dwanny Haare et Setve Brett, Mike Phillips s’était présenté à une séance vidéo en état d’ébriété » racontent Sud Ouest et L’Equipe. Sanction immédiate : le demi de mêlée a été licencié. Pourquoi tant de sévérité ? « Quand on est joueur professionnel à ce niveau-là, on ne peut pas boire. C’est d’ailleurs idiot d’avoir à le dire, tellement c’est évident » explique l’actionnaire principal et bailleur de fonds de l’Aviron. Veut-il dire qu’à des échelons rugbystiques amateurs et inférieurs on peut boire ?

Boissons de manchots

M. Afflelou : « J’ai vécu avec des sportifs de haut niveau à Bordeaux, Strasbourg et Créteil. En foot les mecs ne mélangent pas et ne s’amusent pas à boire d’alcool. On peut décompresser sans boire, non ? » Difficile de répondre. Si l’on comprend bien  s’alcooliser à ce niveau professionnel est une forme parmi d’autres de décompression. Quelles sont les autres ? Comment les manchots de Bordeaux, Strasbourg et Créteil se décompressent-ils ?

Serments alcoolisés

Le bailleur de l’Aviron est d’autant plus intraitable que M. Phillips est un récidiviste. Plus précisément le 28 septembre 2012 il avait été suspendu huit jours « après avoir été convaincu de sortie nocturne après un match » (sic). Or le demi de mêlée avait alors « donné sa parole que cela ne se reproduirait jamais, plus jamais. » « Donc ça n’a servi ni de leçon pour lui, ni d’exemple pour les autres » dit l’actionnaire principal. L’opticien découvre ici ce qu’il en est de certains serments et de la dimension souvent contagieuse des plaisirs alcoolisés pris en bandes plus ou moins organisées.

Les pubs et/ou la pub

La mutinerie gagnera-t-elle dans le port de Bayonne ? On peut voir ici comment l’affaire enflamme le Pays de Galles (« ..about the decision to sack Welsh scrum-half Mike Phillips for misconduct »). Mark Chisholm, deuxième-ligne et capitaine de l’Aviron dit que tous les joueurs sont tristes, que Mike était « une bonne personne dans la vie et dans le vestiaire ». Et un grand joueur sur le terrain. Mark dit par là que la prise d’alcool n’est pas, à ses yeux, incompatible avec le plein exercice de ce sport. Un sport qui a vu le jour à l’ombre des pubs et qui ne vit plus que de la pub.

Derniers combats

La mutinerie est éteinte. M. Afflelou a tranché : c’était lui ou le demi de mêlée. Il restera et Mike partira. Mais pas sans avoir saisi les tribunaux et sans mener un dernier combat. C’est à ce type de faits divers (fréquents et récurrents entre les lignes de Midi Olympique et de  L’Equipe) que l’on s’habitue : le rugby ne sera jamais plus ce qu’il fut.

 

« Antonin le beau » (autiste, 26 ans) vous parle

Comme chaque semaine Gérard Lefort (de Libération) nous dit tout (ou presque) à partir d’une photographie. Aujourd’hui il évoque non sans brio ce qui se trame sur nos frontières du normal et du pathologique. Avec, en toile de fond, la vieille psychanalyse sur les braises des neurosciences.  

L’autisme fait grassement la Une, ces jours-ci, dans le paysage médiatique français. Sur la table un rapport de la Haute Autorité de santé. (HAS). Comme toujours ou presque le jargon consensuel : « Recommandations de bonne pratique sur les interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent avec autisme ou autres troubles envahissants du développement (TED) ».  La plupart des titres de la presse d’information générale ont fait de ce sujet médical spécialisé d’importance un match de boxe anglaise. La vieille psychanalyse va-t-elle encore résister au punch ravageur du jeune neurobiologiste coaché par le cognitivo-comportementaliste formé outre-Atlantique ? Ce qui restait du château-fort tiendrait-il face à l’énergie nucléaire ?

Sur le papier bientôt obsolète les colonnes « santé » avaient soudain cette fragrance d’embrocation qui colle aux semelles des journalistes que l’on dit sportifs. Et point n’était besoin d’être futé pour saisir que les dés étaient pipés. La psychanalyse ? Le grand Stade de Reims condamné à ne plus jamais faire les beaux jours de nos soirées de football. Pire : Angoulême, Pamiers, Foix et Gaillac disparus à tout jamais des premières pages du Midol. Allons, se faire une raison. Tout ça avait assez vécu. Et bien vécu.

Gros pardessus et cigares à tout va. Machisme, paternalisme et mandarinats en tous genres. Artifices sans feu. Exploitation des inférieurs, du souffrant avec foie gras et brioches chaudes chez  Lasserre. Sans oublier les étroits copinages avec les médias, les ronds de jambe dans les fenestrons, l’occupation tyrannique des pages littéraires.  S’indigner ? Mais non : le conflit d’intérêt, alors, n’était pas né. Et tout cela faisait aussi d’excellents spectacles. Une école de la vie, en somme; et qui en valait d’autres.

Ainsi donc, au planchot de la semaine : l’antique thermodynamique freudienne avec barres en caoutchouc opposée aux drones virevoltants de la neurobiologie moléculaire. L’affiche n’était pas vraiement nouvelle mais on sentait bien, dans les gradins, que c’était la dernière représentation. Ou presque. Les derniers supporters de la vieille dame avaient une fois de plus fait le voyage depuis Vienne et Zurich pour occuper les tribunes jadis prestigieuses. Ils avaient aussi tâté de la Toile, pure player ou pas. C’est le cas avec ce qui (en terme de débat et de pédagogie citoyenne peut ne pas être perçu comme une  avancée) est publié  depuis le 11 mars sur le Huffington Post 1.

Oui la psychanalyse est pleinement légitime pour traiter (de) l’autisme ! Le rouleau compresseur et le marteau-piqueur de la médecine fondée sur les preuves ? Ils  devront nous passer sur le corps ! Taïaut, taïaut. A moi ! Oui, bien sûr.  Mais à dire le vrai l’enthousiasme n’y était plus vraiment. L’énergie non plus. On avait mis d’eau dans son vin cuit. En retraite dans le Lubéron ou le Berry les amis des médias n’étaient plus à la manœuvre. Il fallait s’y résoudre : on allait perdre la bataille de l’autisme. Se replier sur les seules névroses dans les rares quartiers parisiens encore épargnés par la crise ? Accepter, pour la première fois des délais de paiement ? La carte bleue ? Discuter le bout de gras ?

On tenta un dernier tour de passe-passe. Un coup vraiment téléphoné comme on disait du temps de la bakélite. Schématiquement : faire fuiter un pré-rapport de la HAS à un des rares journaux qui s’intéresse à la maladie mentale. Laisser pousser des cris d’orfraies en accusant l’institution bastion  des molécularistes de vouloir la mort de la psychanalyse. Laisser entendre aussi (coup à triple bande) que le cabinet de Xavier Bertrand, ministre (de droite) de la Santé auraient peu apprécié que l’on exclut les analystes de ce marché. Et prier pour que la copie initiale soit revue.

Ce qui fut dit fut fait. Au final  la grande question était de savoir si  les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle seraient classées dans les interventions « non recommandées » ou dans les interventions « non consensuelles». Résultat : «interventions non consensuelles». Traduction médiatique : la psychanalyse a seulement été désavouée. Ses servants ont encore une petite voix au chapitre, y compris dans la prise en charge des personnes et de leurs proches souffrant de l’autisme.

On schématise quelque peu, ici. On semble prendre à la légère ce qui a priori ne saurait l’être. On tente surtout d’éclairer un échange confus et jamais traduit de salves codées. De nobles oppositions et, aussi, de vraies méchancetés renvoyant à (au moins) deux conceptions radicalement opposées des origines d’une entité pathologique aujourd’hui en miette. Et, corollaire, à deux approches (au moins) de ce que doit être  la meilleure conduite thérapeutique à tenir face à ces maux.  Le blanc et le noir. Pas de salut au-delà. Le débat sur l’autisme n’est pas sans point commun avec les débats nourris par l’actuelle campagne pour la prochaine élection présidentielle

On peut aussi tenter d’apporter un autre regard. C’est ce que fait aujourd’hui (comme il le fait avec délice chaque semaine) Gérard Lefort dans les colonnes de Libération. Il reprend la photographie publiée deux jours auparavant et qui éclairait un entretien avec Franck Ramus, directeur de recherches au Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistiques de l’Ecole normale supérieure. Sans doute inquiet que l’on ne comprenne pas ce qu’il dit dans l’entretien le journal surligne : « l’homme a bien du mal à cacher son mépris vis-à-vis des psys ». Mépris ? Lui se borne à nous dire : « Je en suis pas contre les psys. Mais je dénonce la psychiatrie quand elle n’est pas évaluée, quand elle ne s’appuie pas sur les connaissances. »  Et il dénonce aujourd’hui ce qu’on lui a fait dire. Lire ici.

En concluant :

«  Je ne peux que constater que cette manière peu rigoureuse de travailler est malheureusement majoritaire parmi les journalistes que j’ai pu rencontrer, et je le déplore. Si dans la recherche scientifique, nous traitions les données que nous collectons avec autant de légèreté et aussi peu de scrupules, nous ne saurions pas grand-chose de solide. »

La photographie, superbe, était ainsi légendée : « Antonin, autiste, 26 ans, à l’hôpital Sainte-Maris du Puy-en-Velay (Haute-Loire), le 4 février Elle était signée de Olivier Coulange de l’agence Vu .  Sous le titre Antonin le beau Elle a inspiré ces mots à Gérard Lefort :

« Il s’appelle Antonin. C’est un prénom très ancien, antique même, puisqu’il serait un mélange du latin antonius («inestimable») et du grec anthos («fleur»). Une fleur inestimable, une espèce rare. Ce premier tour de piste permet de s’approcher à pas de loup de notre Antonin du jour. Dans l’histoire, Antonin fut empereur romain au deuxième siècle de notre ère, un bon empereur, dit Marc Aurèle, surnommé le pieux par allusion à la piété filiale qu’il manifesta pour son père adoptif, l’empereur Hadrien. Dans l’histoire littéraire il y a aussi Artaud. En France, Antonin était un prénom très peu fréquenté jusqu’au début des années 1980, où il connu un regain jamais démenti. Donc depuis une trentaine d’années. Ce qui est à peu près l’âge de notre Antonin, qui a 26 ans. (…)

On pourrait estimer que s’il n’était pas malade, Antonin pourrait être beau avec son faux air de jeune premier entre Pierre Clémenti dans La Cicatrice intérieure de Philippe Garrel, et Pierre Blaise, le gars qui joua le Lacombe Lucien de Louis Malle (…)

Ce qui est franchement bouleversant c’est la main posée sur l’épaule d’Antonin. La main de qui ? De sa maman, d’un soignant ? Peu importe son sexe, c’est une main d’humain. Qui ne signifie pas qu’Antonin lui appartient, qu’il est une chose, médicale ou affective. C’est une main de tendresse humaine. Car enfin, Antonin, ce n’est pas moi, c’est nous, nous de traviole. Nous quand ça ne va pas et qu’on a envie de jeter au beau monde qui nous cherche des crosses le même regard de froideur enragée, le même regard de « merde à celui qui le croisera ».

Nous en malade ? Pas si sûr si tant est qu’on puisse préférer la maladie de nos dépressions, de nos vices, de nos folies, aux santés obligatoires qu’on nous propose, et aux raisons qui nous tirent vers le plus bas du troupeau, au lieu de nous exaucer dans la singularité intempestive. A ce titre, si l’ami Antonin est notre frère de larmes, il est aussi notre soleil radieux. Notre Prince noir. Antonin le beau, beau comme un astre. »

Que pourrait-on ajouter ?  Le 21 mars prochain verra la première journée mondiale consacrée à la trisomie 21 et aux pathologies chromosomiques apparentées. Des maladies qui font aujourd’hui l’objet d’un dépistage prénatal quasi-systématique. Pour annoncer cette journée des enfants ont été photographiés. Ils ont entre trois et cinq ans. Ils se prénomment Marie, Alice, Sarah, Virgile et Sixtine. Ce qui, on en conviendra, n’est pas très éloigné d’Antonin.

 

 Un entretien à voix unique

1 A l’occasion de la publication du rapport de la HAS Martin Quenehen, producteur et auteur  publie un billet intitulé « Exclure les psys pour mieux engraisser les labos ? »  Il s’agit en fait d’un anetretien avec la psychiatre et psychanalyste Agnes Aflalo qui « éclaire certains enjeux et non-dits du récent rapport de sur l’autisme ». C’est un assez bon exemple d’entretien à voix unique.

Extraits:                                                    

« Le chien de Pavlov « 

AA : Le modèle des TCC [thérapies cognitives et comportementales] , c’est le chien de Pavlov, conditionné par un dressage à répondre aux ordres. D’où l’idée des TCC de faire pareil avec des humains… et en particulier avec les autistes, comme le fait la méthode ABA. Et aujourd’hui, ils veulent imposer ces méthodes à tous !

Les psychanalystes, quant à eux, ne proposent pas de dressage. Ils parient sur la dignité de l’humain. Ils partent de ce qui existe et inventent avec chaque patient la réponse qui lui convient, à lui et à lui seul. Y compris avec les autistes. Attention, les psys ne sont pas contre les médicaments, mais seulement au moment où c’est nécessaire et pour ceux à qui c’est utile. Donc, pas tout le « spectre autistique » tel qu’il est fabriqué aujourd’hui. Le sur-mesure va contre l’approche prétendument scientifique que promeuvent les TCC… À propos de l’approche psychanalytique de l’autisme, je renvoie d’ailleurs nos lecteurs à l’éclairante conférence de presse de l’Ecole de la Cause freudienne, publiée sur le site de La Règle du Jeu.

MQ :  Après le scandaleux film documentaire Le Mur, récemment condamné en justice, haro, donc (une fois de plus), sur la psychanalyse. Mais pourquoi tant d’acharnement ?

AA :  Tout simplement parce que la psychanalyse dérange les bonnes affaires de certains… ou du moins ne les favorise pas. Depuis 30 ans, la santé publique se réduit en effet, de plus en plus, à un marché où règne la logique du profit, et non plus un domaine orienté par la logique du bien commun. Et les grands artisans de cette dérive ne sont autres que les laboratoires pharmaceutiques et leurs « amis » dans le champs psy : les TCC, qui « découpent » les maladies avec des questionnaires, où à chaque symptôme correspond un médicament…

  « Un marché juteux »

MQ : Pouvez-vous illustrer cette dérive ?

AA :  En 1980, quand paraît aux Etats-Unis le DSM-III (la 3e édition du Manuel diagnostique des troubles mentaux, qui sert de référence à l’échelle mondiale sur ces questions), l’autisme est jugé très rare : il concernerait seulement 2 à 4 personnes sur 10 000. Mais, dans le DSM-V (pas encore publié, mais dont la version préliminaire a « fuité » en 2010), le champ de l’autisme est considérablement élargi, sous le nom de Spectre du trouble autistique (STA), et concernerait désormais plus de 2% des enfants d’âge scolaire… On est donc passé de 0,02% à 2% des enfants !

MQ :  Et à qui ce gonflement des effectifs profite-t-il ?

AA :  On sait en tout cas que pour lutter contre l’autisme, la HAS préconise aujourd’hui des TCC associées à des stratégies médicamenteuses diversifiées, « utiles pour diminuer ou supprimer des comportements inadaptés » à base de neuroleptiques, d’opiacés, de carbonate de lithium, de bétabloquants, d’antidépresseurs, de « pilules de l’obéissance », d’antifongiques, de traitements hormonaux, de vitamines, de calcium… Bref, un marché juteux pour les fabricants de médicaments. (…) Je l’ai dit, les psychanalystes ne sont pas opposés à l’usage de médicaments pour accompagner le traitement de l’autisme, seulement, en élargissant considérablement le champ de l’autisme, on élargit opportunément le marché… Mais il y a plus. En assurant aujourd’hui la promotion d’un « autisme génétique », le DSM crée un nouveau marché : celui des tests génétiques – facturés quelques milliers d’euros et, parions-le, bientôt proposés par ces mêmes labos…

« Rappelez-vous le Médiator »

MQ :  Quid de l’indépendance de la HAS et les médecins « experts » de France et de Navarre qui viennent de rendre ce rapport ? Cette vertu n’est-elle pas pour eux un principe cardinal ? Celui qui prête le Serment d’Hippocrate ne déclare-t-il pas : « Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission » ?

AA : Rappelez-vous le scandale du Médiator… Cette affaire qui révéla les conflits d’intérêts entre les experts « indépendants » et les firmes du type Servier (…) rappelez-vous quand le directeur de la HAS, le Pr Jean-Luc Harousseau lui-même, dût reconnaître (après avoir signé une première déclaration publique d’intérêts vierge de liens avec l’industrie pharmaceutique) qu’il avait reçu plus de 200 000 euros à titre personnel de la part de diverses firmes pharmaceutiques, durant les trois années précédant son arrivée à la tête de la Haute autorité… Sans parler des sommes perçues par les structures de recherche qu’il pilotait.

MQ :  Ce Pr Harousseau, qui déclare vouloir à tout crin « évaluer » la psychanalyse, mériterait donc d’être lui-même évalué quant à son indépendance ! Cela dit, quand il dit aujourd’hui que ce rapport sur l’autisme « marque une étape » et qu’en matière de prise en charge de l’autisme « rien ne sera plus comme avant », on est porté à le croire… Tout comme on peut croire le député Daniel Fasquelle – auteur en janvier d’une proposition de loi visant « l’arrêt des pratiques psychanalytiques dans l’accompagnement des personnes autistes » (au profit exclusif des méthodes TCC…) – quand il dit refuser de baisser les armes contre les psys, lui qui serait membre du Club Hippocrate, un club de parlementaires (dont le site n’est bizarrement plus accessible) notamment soutenu par le laboratoire GlaxoSmithKline, un labo qui fabrique – entres autres – des antidépresseurs…recommandés pour traiter l’autisme !

http://www.huffingtonpost.fr/martin-quenehen/rapport-sur-lautisme-excl_b_1334702.html?ref=france