Scientifiquement prouvé : notre cerveau produit de jeunes neurones jusqu’à un âge avancé

Bonjour

C’est à ne plus désespérer, oui le cerveau humain fabrique bien, en son sein, de nouveaux neurones. « Après plusieurs travaux contradictoires, une nouvelle étude confirme que la neurogenèse est abondante chez l’adulte, et qu’elle s’effondre chez les malades d’Alzheimer » rapporte Le Monde (Hervé Morin) qui cite une publication de Nature Medicine :  « Adult hippocampal neurogenesis is abundant in neurologically healthy subjects and drops sharply in patients with Alzheimer’s disease ».

Un travail remarquable dirigé, de l’autre côté des Pyrénées par Maria Llorens-Martin (Department of Molecular Neuropathology, Centro de Biología Molecular ‘Severo Ochoa’, Faculty of Sciences, Universidad Autónoma de Madrid, Center for Networked Biomedical Research on Neurodegenerative Diseases, Madrid). Son équipe établit de manière scientifique et difficilement discutable que, dans l’espèce humaine, les « fontaines à neurones » existent et demeurent en activité, y compris au-delà de 80 ans – sauf en cas de maladie d’Alzheimer.

Au-delà des Pyrénées

On l’avait longtemps nié. Puis ces dernières années, on en doutait. On ne devrait plus. Maria Llorens-Martin et son équipe ont étudié les hippocampes prélevés sur cinquante-trois cerveaux humains offerts à la science – on sait que l’hippocampe est une structure cérébrale profonde jouant notamment un rôle fondamental dans la mémoire et la navigation spatiale. Et via divers marqueurs biologiques des populations de jeunes neurones ont pu être identifiées.

 « Cet article va devenir un cas d’école sur les protocoles à utiliser », confirme le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo (Institut Pasteur de Paris) qui a confié au Monde être  « impressionné par toutes les méthodes mises en œuvre pour éviter les artefacts ». Il estime que par le passé, les revues scientifiques ont pu montrer une forme de complaisance à l’égard d’études « de moins bonne qualité, même, que celles conduites chez les primates non humains ou les rongeurs », en raison du statut particulier du cerveau humain, ressource biologique « rare » et d’accès difficile.

On imagine sans mal la somme des questions soulevées et des perspectives ouvertes par la confirmation d’une neurogenèse active jusqu’aux vieux âges. Les conclusions madrilènes vont-elles aider à comprendre, enfin, la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer ? Aider à soigner les maladies neurodégénératives ? Il faut rester prudent, estime le chercheur de Pasteur. Reste la vérité vraie, venue d’au-delà des Pyrénées : rien n’interdit plus d’espérer.

A demain

@jynau

Schizophrénie et maladies psychiatriques : ne pas diaboliser la molécule de nicotine

 

Bonjour

La lutte, vitale, contre le tabagisme ne doit pas conduire à diaboliser la nicotine. Outre dans les produits industriels induisant une redoutable dépendance cet alcaloïde présent dans les plantes de la famille des solanacées (dont le tabac) a des propriétés insecticides et fongicides. Une famille d’insecticides de synthèse (dénoncés par les écologistes), les néonicotinoïdes, est dérivée de la nicotine naturelle. Et sans doute les propriétés de la nicotine sont-elles encore à découvrir, voire ses usages amenés à s’élargir.

On sait que les personnes schizophrènes consomment du tabac plus fréquemment encore que la moyenne de la population – consommation associée à une forte dépendance à la nicotine 1. Pourquoi ? La question est rarement posée, sauf par quelques équipes 2. Elle ne l’est jamais par les responsables politiques en charge de la lutte contre le tabagisme qui, au mieux, regardent ce phénomène comme une fatalité psychiatrique. Selon des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’INSERM et de l’École normale supérieure (ENS), ce tabagisme intensif pourrait être favorisé par un « effet positif » de la nicotine sur le fonctionnement du cortex préfrontal.

Cortex préfrontal

Associés à des collègues étrangers ces chercheurs viennent de publier dans Nature Medicine une étude originale voire prometteuse permettant de visualiser, dans des modèles animaux, l’effet direct de la nicotine à l’échelon cérébral : « Nicotine reverses hypofrontality in animal models of addiction and schizophrenia »

Dirigés par Fani Koukouli et Uwe Maskos (Institut Pasteur de Paris, Neurobiologie Intégrative des Systèmes Cholinergiques)  ces chercheurs expliquent que le cortex préfrontal est une région dont les mécanismes physiologiques sont altérés chez certains malades psychiatriques, dont les schizophrènes. A l’état normal  l’activité du cortex préfrontal est modulée par des neurotransmetteurs (dont l’acétylcholine) via les récepteurs à acétylcholine (ou « nicotiniques »). Ces récepteurs sont impliqués dans de multiples processus dont le contrôle des mouvements volontaires, la mémoire, l’attention, la douleur ou l’anxiété.

Les auteurs ont créé un modèle murin spécial de schizophrénie via une mutation génétique humaine récemment identifiée comme potentiellement associée aux troubles cognitifs des schizophrènes et à la dépendance au tabac. Il s’agit d’une mutation sur le gène CHRNA5. La baisse d’activité cérébrale de ce modèle peut être comparée à celle de patients schizophrènes voire souffrant d’une addiction. Puis, via une technologie d’imagerie in vivo, les chercheurs ont observé (dans des zones spécifiques d’interneurones) une activité diminuée des cellules du cortex préfrontal chez les souris génétiquement modifiées.

Cigarette électronique

Est-ce une nouvelle cible thérapeutique ? On peut l’espérer. « L’administration répétée de nicotine rétablit l’activité normale du cortex préfrontal », explique Uwe Maskos. La fixation de la nicotine sur les interneurones « influence l’activité des cellules pyramidales du cortex préfrontal qui retrouvent un état d’excitation normal », précise la chercheuse Fani Koukouli. La molécule thérapeutique devra présenter une configuration voisine de la nicotine mais débarrassée de ses effets nocifs.

Dans l’attente, qui s’intéresse à la cigarette électronique chez les malades psychiatriques souffrant en outre d’une addiction tabagique ?

A demain

1 Sur ce thème, venu de Suisse : « Comment arrêter de fumer quand on souffre de troubles psychiatriques ? »

2  Sur ce thème, par exemple, dans la maladie de Parkinson : « Chronic high dose transdermal nicotine in Parkinson’s disease: an open trial ».

 

Le Jakavi®, anticancéreux (très coûteux) de Novartis peut faire repousser des cheveux

Bonjour

Insolite. Une équipe de quinze chercheurs du Columbia University Medical Center vient d’annoncer,dans une étude publiée dans la revue Nature Medicine, qu’un  médicament anticancéreux a des effets inattendus sur le cuir chevelu. Cette observation  laisse entrevoir une nouvelle utilisation dans le traitement de certaines formes d’alopécie. 

Myélofibrose

« Nous commençons seulement les tests chez l’homme mais il est clair que si nos premiers résultats se confirment ce médicament pourrait avoir un impact positif considérable sur la vie des personnes atteintes de la maladie » commente le Dr Raphaël Clynes (département de médicine, Columbia University, New York).

L’expérimentation a été menée avec le ruxolitinib , une molécule commercialisée de puis peu en France sous le nom de Jakavi® par la multinationale suisse Novartis . Son indication officielle  est le traitement des complications de myélofibrose, un groupe d’affection de nature cancéreuse caractérisée par une transformation de la structure et des fonctions de la moelle osseuse et donc des différentes lignées des cellules sanguines.

 Alopécie aerata

Les effets inattendus mis en évidence par les auteurs de la publication de Nature Medicine concernent l’alopécie areata  (alopécie « en aires » ou « en plaques » Il s’agit ici d’une forme particulière de pelade cette maladie dermatologique assez fréquente, et à bien des égards mystérieuse,  qui peut toucher les cheveux, les poils ou les ongles. L’alopécie areata se caractérise par une atteinte en « patch » plus ou moins gros qui apparaît en  un ou plusieurs endroits du cuir chevelu. Cette forme de pelade peut aussi atteindre toute la tête (alopécie totalis ) ou l’ensemble du corps (alopécie universalis ). Elle touche le plus souvent des adolescents ou de jeunes adultes.

 Il ne s’agit pas ici de perturbations hormonales. Les spécialistes pensent que ces manifestations spectaculaires sont la traduction de perturbations du système immunitaire. L’alopécie areata est ainsi à ranger dans le groupe des maladies auto-immunes. Schématiquement certaines cellules du système immunitaire (les lymphocytes T) viendraient, pour des raisons inconnues, s’attaquer à certains follicules pileux, et ce jusqu’à les détruire. Un phénomène face auquel la médecine moderne n’a pas encore trouvé de remède.

 La kinase Janus

Le décryptage cellulaire puis moléculaire de ce phénomène a conduit les chercheurs américains sur la piste d’une famille de molécules susceptibles de corriger ces perturbations immunitaires. En ayant recours à des inhibiteurs de la « Janus kinase 2 » ils ont d’abord validé leur hypothèse chez des souris atteintes de pelade. Puis ils sont passés à l’homme. Ils font aujourd’hui état des trois premiers cas. Il s’agissait de volontaires ayant perdu plus d’un tiers de leur chevelure.  Dans les trois cas l’administration quotidienne de ruxolitinib (par voie orale et durant cinq mois) a permis d’obtenir une repousse ad integrum des cheveux. Tout s’est passé comme si l’agression contre les follicules pileux avait pu être déjouée. Des images saisissantes viennent d’en être données par la BBC.

C’est la deuxième fois qu’un médicament mis au point à d’autres fins démontre un effet inattendu sur le cuir chevelu. Il est toutefois très différent du précédent :  il y a trente ans on découvrait que le minoxidil (un anti-hypertenseur) pouvait aider à la repousse des cheveux dans le cas d’alopécies dues à des perturbations hormonales (alopécies androgéniques).

Exorbitant

Le cas du ruxolitinib est d’un autre ordre. Si la nouvelle utilisation (d’ores et déjà brevetée par la Colombia University ) se confirme une question financière sans précédent sera soulevée : le ruxolitinib est commercialisé avril 2014 en France sous le nom de Jakavi® par la multinationale suisse Novartis. Novartis a obtenu un prix de vente de 4211,95 €  la boîte de 60 comprimés (remboursés à 100 %). Un tarif que certains cancérologues qualifient (en privé) d’exorbitant. Un prix difficile à justifier et qui, en toute hypothèse, n’est guère compatible avec une future indication dermatologique.

A demain

Ce texte est initialement paru sur Slate.fr