Jérôme Cahuzac n’est pas totalement coupable d’avoir été le menteur qu’il est devenu

 

Bonjour

La vérité peut, aussi, venir de Suisse, pays des banques et du secret sacré. Ainsi Le Temps : « La spirale du mensonge expliquée par les neurosciences ». Et le quotidien helvète de s’attaquer à Jérôme Cahuzac, le menteur que l’on sait. L’ancien rocardien ami de Big Pharma, le séduisant ministre qui regardait « les yeux dans les yeux », le cas pathologique («Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte en Suisse. A aucun moment.»

« L’affaire Cahuzac est emblématique de ce que l’on nomme communément la spirale du mensonge, écrit Le Temps. A force de mentir, l’être humain mettrait le doigt dans un engrenage qui le conduit à maintenir ses mensonges, voire à en inventer d’autres. Ce phénomène repose-t-il sur une base neuroscientifique? Une équipe de l’University College à Londres s’est penchée sur la question. »

Emotions décodées

On trouve sa réponse dans l’édition  datée du 24 octobre de Nature Neuroscience :  “The brain adapts to dishonesty”. Tout viendrait d’un dérèglement des amygdales cérébrales :

« Le terme d’amygdale est emprunté au latin amygdala « amande », lui-même emprunté au grec ἀμυγδάλη. C’est une formation de matière grise en forme d’amande dans la position antérieure du lobe temporal.

« L’amygdale est une structure cérébrale essentielle au décodage des émotions, et en particulier des stimulus menaçant pour l’organisme. En effet, l’évolution a regroupé plusieurs circuits du système d’alarme de notre organismedans l’amygdale. Plusieurs inputs sensoriels convergent vers l’amygdale pour l’informer des dangers potentiels de son environnement. Cette information sensorielle lui parvient soit directement du thalamus sensoriel, ou soit des différents cortex sensoriels.

Les auteurs de Nature Neuroscience ont commencé par analyser le « degré d’honnêteté » de quatre-vingts adultes de 18 à 65 ans. Comment ? Chaque participant a été mis en présence de photos qui illustraient un bocal transparent contenant une certaine somme d’argent indéterminée. On leur demandait d’estimer le montant contenu dans le bocal, puis de transmettre le chiffre à un partenaire via un logiciel informatique. Objectif :  inciter à  des mensonges délibérés et répétés chez les participants, puis analyser par imagerie si des structures de leur cerveau s’activent ou se mettent en veilleuse dans de telles situations.

Chocolat blanc

Le Temps nous explique ce qui, avec le chocolat blanc, pourrait être une spécialité suisse :

«  Cinq scénarios différents ont été joués, chacun donnant le bénéfice du mensonge (une somme d’argent plus importante) soit au participant au détriment de son partenaire, soit l’inverse, soit aux deux protagonistes. Résultat, lorsqu’un participant est conscient des avantages personnels que lui procure un acte mensonger, son degré d’honnêteté diminue au fil du temps.

« En d’autres termes, s’il estime pouvoir en tirer un bénéfice personnel, le participant tend à mentir toujours plus au fil des exercices, que cela avantage son partenaire ou non. Comme attendu, à l’inverse, lorsque le mensonge pénalise le participant, ce dernier devient plus honnête, son score d’honnêteté partant à la hausse. »

Puis, poursuivant leur étude menée grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), les chercheurs ont observé que des amygdales particulièrement actives correspondaient à des participants qui mentaient pour la première fois. Puis cette activité baissait en intensité. Et cette baisse de régime amygdalien s’accompagnait d’une amplification du nombre de mensonges.

«L’amygdale est le centre des émotions du cerveau humain. Son rôle est d’associer un stimulus externe avec l’anticipation d’une menace. Cette région s’active typiquement lorsque l’être humain est apeuré, pour susciter chez lui un comportement d’évitement, explique au Temps le Pr Patrick Vuillemier, spécialiste  de neurosciences à la faculté de médecine de l’Université de Genève. Au vu des résultats de l’étude, il semble que cette fonction disparaît progressivement lorsque le sujet décide d’avoir une stratégie de mensonge. Au fur et à mesure de l’avancée du test, ce dernier anticipe donc moins les dommages sociaux que peuvent engendrer ses mensonges.»

Sports extrêmes

Désormais chercheur à l’Université de Princeton, l’auteur principal de l’étude Neil Garret nous éclaire un peu plus. Il explique cette corrélation par un «effet d’adaptation»: «L’amygdale s’habitue en quelque sorte au mensonge, ce qui entraîne une diminution de son activité. Plus celle-ci diminue, plus le sujet sera enclin à mentir et à se comporter selon son intérêt personnel.»

On peut parler ici de « spirale du mensonge ». Les auteurs parlent quant à eux  de « pente glissante », d’une « amplification du mensonge ». Ce mécanisme d’adaptation émotionnelle pourrait bien concerner d’autres comportements. Neil Garret évoque notamment ceux ayant trait à la prise de risque  comme avec les sports extrêmes. Où l’on retrouve Jérôme Cahuzac, grand amateur de sports extrêmes et de pentes neigeuses glissantes.

A demain

Maladie d’Alzheimer : des chercheurs britanniques démontrent qu’une transmission interhumaine est possible

Bonjour

C’est une publication qui réveille de bien mauvais souvenirs, ceux de l’hormone de croissance contaminée et de la maladie de la vache folle. Elle est signée, dans Nature, par  le célèbre Pr John Collinge (National Prion Clinic, The National Hospital for Neurology and Neurosurgery, Queen Square, London).  La BBC (Michelle Roberts) en a dit, la première,  l’essentiel. On lira ici la lettre publiée par Nature .  

On lira d’autre part ici le commentaire qui lui est associé (Alison Abbott). Les troublantes observations de l’équipe de John Collinge et Sebastian Brandner (Department of Neurodegenerative Disease, UCL Institute of Neurology, Queen Square, London) résultent des observations faites après autopsie cérébrales de huit personnes décédées de maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) et qui avaient été traitées par des hormones de croissance contaminées par un prion pathologique.

Autopsies cérébrales

Les chercheurs anglais ont retrouvé dans les tissus de quatre de ces cerveaux les mêmes dépôts de protéine bêta-amyloïde (BA) anormale (amylose cérébrale) que ceux que l’on retrouve dans les tissus cérébraux des personnes victimes de la maladie d’Alzheimer. La présence de la même protéine a été identifiée dans deux autres cerveaux. Or il s’agissait de malade jeunes, âgés de 36 à 51 ans au moment de leur décès – ce qui est excessivement rare (et correspond à la définition princeps de cette démence précoce décrite en Allemagne par Aloïs Alzheimer il y a un siècle.

Les auteurs avancent d’autre part plusieurs arguments solides évoquent en faveur d’une transmission interhumaine de la maladie d’Alzheimer. Difficile, pour l’équipe de Collinge et Brandner, de ne pas émettre l’hypothèse d’une contamination des quatre malades via des protéines bêta-amyloïde anormales déjà présentes dans les hypophyses des cadavres à partir desquelles on préparait, jusqu’au début des années 1980 une hormone de croissance extractive.

Inacceptable

Cette hypothèse  a une conséquence : la maladie d’Alzheimer est une maladie qui pourrait être transmissible (ne pas confondre avec contagieux). Ce serait là une véritable bouleversement physiopathologique, comma l’avait été en son temps la démonstration de l’hypothèse (au départ inacceptable) développée par Stanley Prusiner  quant à  la pathogénicité de la protéine-prion .

Le Figaro souligne la parution, le même jour d’une publication dans Nature Neuroscience d’une publication expérimentale qui conclut à la possibilité de la transmission de l’amylose chez des souris de laboratoire. Cette publication est disponible ici.  « Notre travail suggère que les protéines BA anormales peuvent demeurer assoupies dans le cerveau pendant des années sinon des décennies jusqu’à ce qu’elles déclenchent l’amylose cérébrale», a expliqué au Figaro (Damien Mascret) le Pr Mathias Jucker (Hertie-Institute for Clinical Brain Research de l’université de Tübingen et German Center of Neurodegenerative Diseases).

Ne plus ignorer

Le caractère transmissible de l’amylose cérébrale reste encore à confirmer – il ne peut plus, pour autant, être ignoré ; notamment lors de gestes invasifs médicaux ou chirurgicaux. Les menaces inhérentes à la protéine-prion pathologique dépassent la seule maladie d’Alzheimer et pourrait englober d’autres maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson – une perspective sur laquelle travaille le Pr Stanley Prusiner, prix Nobel de médecine, comme il l’avait expliqué lors de l’émission « Science Publique » de France Culture à l’occasion de la traduction de son dernier ouvrage en langue française  (1).

Les auteurs britanniques estiment que leurs résultats devraient « soulever des interrogations sur la possibilité d’autres voies de transmission du prion pathologique, y compris les instruments chirurgicaux et les produits sanguins ». Pour l’heure les spécialistes français et les autorités sanitaires britanniques tempèrent la portée du risque. Les affaires de la maladie de la vache folle et de sa forme humaine (après celles de l’hormone de croissance contaminée) ont démontré l’importance majeure qu’il y a ici, au nom de la santé publique, à respecter le principe de précaution.

(1)  Prusiner S., « La Mémoire et la Folie, la découverte des prions, un nouveau paradigme biologique ». Editions Odile Jacob, 2015

.