Médias et e-cigarette : pourquoi ne pas dire clairement qu’elle favorise l’arrêt du tabac ?

Bonjour

Quel est l’intérêt médiatique de produire du doute dans le public ?

Communiqué de #SOVAPE : « Coup sur coup, deux études de suivi de cohortes publiées cette semaine montrent que le vapotage favorise l’arrêt du tabac. La première menée en France par l’Inserm, publiée dans le JAMA Internal Medicine 1 , montre que l’apparition de la vape en 2010 s’accompagne d’un bond de l’arrêt du tabac chez les fumeurs qui ont choisi ce nouveau produit. Ils ont eu près de 1,7 fois plus de chance d’arrêter de fumer que ceux qui ont opté pour d’autres méthodes. Seconde étude : celle des chercheurs de la Harvard School à Boston, publiée dans Nicotine & Tobacco Research 2. Le suivi de la cohorte PATH de fumeurs américains ayant opté pour la vape entre 2013 et 2015 montre que les vapoteurs au quotidien ont eu 77% plus de succès après deux ans d’arrêt de la cigarette que les fumeurs optant pour d’autres méthodes. »

Commentaire : « En 2010, les ex-fumeurs qui avaient accès à des produits encore rudimentaires étaient plus nombreux à rechuter que ceux qui avaient opté pour d’autres méthodes, mais en 2013, c’est l’inverse, ils avaient plus de chance de succès (HR 0.84) que les autres. Cette évolution est très probablement liée à une évolution majeure du matériel survenue à partir de 2012, l’explosion du nombre de boutiques spécialisées et de la scène d’entraide des vapoteurs. Ces deux études montrent que l’apparition du vapotage a encouragé des fumeurs, au profil plus dur (plus de cigarettes fumées par jour, plus de problèmes psychiques, plus de rechutes précédentes, etc.), à tenter l’arrêt de la cigarette, et que l’évolution technique de la vape a permis à un plus grand nombre d’entre eux de sortir du tabac fumé. »

Tout pourrait donc aller pour le mieux au sein de la Révolution des Volutes. Ce serait compter sans les pincettes de nombreux médias généralistes qui ne parviennent pas à accepter la place prise par la cigarette électronique dans le paysage de la réduction des risques tabagiques. Ainsi ces quelques mots : « L’association SOVAPE appelle à la vigilance quant au traitement de l’information sur le vapotage. Il est en effet malheureux que l’évolution survenue entre 2010 et 2013 démontrée par les données de l’Inserm soit occultée, et que soit passée sous silence l’étude similaire dans son objet publiée dans Nicotine & Tobacco Research. »

L’association évoque notamment ici les traitements effectués  par L’Obs : « Les vapoteurs fument moins de cigarettes mais rechutent plus » ou par 20 minutes  « Les vapoteurs fument moins mais rechutent plus ».  Jusqu’à l’Inserm qui, selon elle, induit la même interprétation dans son communiqué (interrogatif) destiné à la presse :

« La cigarette électronique efficace pour réduire le tabagisme à long terme ? Cette étude porte sur 5400 fumeurs et 2025 ex-fumeurs de la cohorte Constances (2012-2016 ; arrêt du tabac à partir de 2010, année de mise en vente de la cigarette électronique en France). (…) En conclusion, la cigarette électronique permet aux fumeurs de réduire leur niveau de tabagisme ou d’arrêter de fumer, mais cet arrêt ne semble pas toujours durable, il est donc nécessaire de surveiller de près les personnes qui vapotent et conseiller l’arrêt complet du tabac pour limiter le risque de rechute. »

Tromperie sur la présentation

Il faut aussi tenir compte du traitement fait par Le Quotidien du Médecin (Coline Garré): « Utile dans le sevrage, la cigarette électronique présenterait plus de risques de rechute à long terme »  qui cite Ramchandar Gomajee, chercheur à l’Inserm et premier auteur de la publication du JAMA Internal Medicine.

Pour #SOVAPE, présenter les choses comme le fait Le Quotidien est trompeur par rapport à la façon dont les choses ont évolué. « Ce taux de rechute concerne une époque révolue, les dispositifs sur le marché étaient des  »cigalike » peu performants, les commerces spécialisés et les conseils avisés inexistants, sans mentionner l’essor considérable des groupes d’entraide autogérés qui a suivi. Une étude d’épidémiologie sans connaissance des réalités de terrain, notamment des usagers, est susceptible de conduire à de mauvaises interprétations des données. »

« M. Gomajee semble ne pas tenir compte que – selon son étude – les utilisateurs de vape étaient des fumeurs à profils plus durs avec un niveau nettement plus élevé en paquets/années de 16,9 contre 12,9 pour les autres ex-fumeurs, ainsi que des symptômes dépressifs plus prononcés (12,6 versus 10,9), observe Nathalie Dunand, présidente de #SOVAPE. Des indicateurs généralement considérés comme des indices de dépendance plus forte, comme signalé dans la publication. Le commentaire de M. Gomajee rapporté par Le Quotidien semble entrer en contradiction avec les résultats de son étude.

« Répétons-le: dans l’étude de l’Inserm à partir de 2013, les vapoteurs ont moins rechuté que les autres ex-fumeurs. Ceci correspond à un tournant de la technologie avec l’apparition de l’Ego, l’explosion des boutiques spécialisées et le moment où le mouvement d’entraide s’est développé, comme par exemple le Forum  E-cigarette. Brice Lepoutre, son fondateur, sera d’ailleurs au Sommet de la vape le 14 octobre à Paris pour parler de son expérience avec plus de 90.000 participants. »

Pour finir #SOVAPE pose une question :  « Quel est l’intérêt de produire du doute dans le public plutôt que des connaissances ? » C’est une assez bonne question.

A demain @jynau

1 Gomajee R, El-Khoury F, Goldberg M, et al. Association Between Electronic Cigarette Use and Smoking Reduction in France. JAMA Intern Med. Published online July 15, 2019. doi:10.1001/jamainternmed.2019.1483 https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2737916

2 Sara Kalkhoran, Yuchiao Chang, Nancy A Rigotti, Electronic Cigarette Use and Cigarette Abstinence Over Two Years among U.S. Smokers in the Population Assessment of Tobacco and Health Study, Nicotine & Tobacco Research,

E – cigarette : n’en déplaise à Tabac Info Service, elle peut vraiment aider à arrêter de fumer

 

Bonjour

Le Pr Jean-François Etter (Institut de santé globale, Faculté de médecine, Université de Genève) est l’un des spécialistes mondiaux parmi les plus affûtés sur l’usage de la cigarette électronique. Il vient de publier une nouvelle étude 1 dans laquelle il a suivi près de 4 000 vapoteurs réguliers (utilisateurs de cigarettes électroniques) pendant douze mois.

« Nous avons constaté que parmi les anciens fumeurs, seulement 9% avaient recommencé à fumer après 12 mois, un chiffre très faible par rapport aux taux de rechute habituellement observés chez les ex-fumeurs, nous a-t-il expliqué. Parmi les fumeurs actuels (utilisateurs doubles de cigarettes et vaporisateurs), 28% avaient cessé de fumer après 12 mois. Ceci est rassurant et suggère que la double utilisation n’a pas d’effets néfastes sur les taux d’arrêt du tabagisme. Dans ce groupe de vapoteurs réguliers, le plaisir et la prévention des rechutes étaient les principales raisons de vapoter. Les participants qui ont cessé de vapoter ont eu tendance à recommencer à fumer après 12 mois. »

Le Pr Etter souligne qu’il s’agit ici de l’une des rares études longitudinales sur les vapoteurs réguliers et l’une des plus complètes en termes d’étendue des questions posées aux participants.

« Dans les années à venir… »

Ce sont là des résultats dont devraient prendre au plus vite connaissance les responsables (et la tutelle ministérielle) de “Tabac Info Service”. Voici en effet que ce dernier répond quand on l’interroge sur la cigarette électronique :

« Est-ce que la cigarette électronique peut m’aider à arrêter de fumer ?

La cigarette électronique peut constituer une aide pour arrêter ou réduire sa consommation de tabac. En effet, les vapoteurs qui continuent à fumer diminuent en moyenne de neuf cigarettes leur consommation quotidienne de tabac [évaluation des dangers de la nicotine, avis de l’Anses, 2015]. L’e-cigarette peut donc être une aide pour un arrêt progressif. L’arrêt complet du tabac doit rester l’objectif prioritaire.

« Est-ce la méthode la plus efficace pour arrêter de fumer ?

Il est encore trop tôt pour répondre à cette question. Les études permettant de mesurer l’efficacité des outils d’aide à l’arrêt du tabac ou de comparer l’efficacité de plusieurs d’entre eux nécessitent plusieurs années de préparation, de mise en œuvre et d’analyse. A ce jour seules quelques études de ce type ont été publiées dans le monde. Plusieurs dizaines sont en préparation, dont une en France. Nous en saurons plus dans les années à venir, lorsque les résultats de ces études seront disponibles. »

Les responsables (et la tutelle ministérielle) de Tabac Info Service peuvent joindre le Pr Etter à l’adresse suivante : Professor Jean-François Etter, Institute of Global Health, Faculty of Medicine, University of Geneva, Campus Biotech, 9 chemin des Mines, CH-1202 Genève, Switzerland.  Jean-Francois.Etter@unige.ch

A demain

1 Nicotine Tob Res. 2017 Jun 7. doi: 10.1093/ntr/ntx132. [Epub ahead of print]