L’«incontestable nocivité» de la cigarette électronique : le silence de la ministre de la Santé

Bonjour

L’heure est incontestablement grave. C’est une déferlante contre un rapport de l’OMS doublée d’une levée de bouclier contre une dépêche de l’AFP.  Nous avions rapporté les prolégomènes du phénomène faisant songer à un « coup de Jarnac » Depuis quelques jours il ne cesse de prendre de l’ampleur. Ce sera l’un des chapitres de la première édition de la prochaine « Révolution des Volutes ».

En substance un  rapport de l’OMS (voir notamment page 56). Puis un communiqué de presse: « L’OMS présente un nouveau rapport sur l’épidémie mondiale de tabagisme. Et enfin d’une dépêche de  l’AFP reprise jusqu’à plus soif par les médias généralistes français. Extraits :

« Les cigarettes électroniques sont ‘’incontestablement nocives’’ et devront être régulées, selon un rapport présenté vendredi à Rio de Janeiro par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui déconseille ces dispositifs à ceux qui veulent arrêter de fumer (…) Leur popularité grandissante depuis leur apparition sur le marché, au milieu des années 2000, surtout auprès des jeunes, inquiète les législateurs et autorités sanitaires du monde entier, qui craignent que le vapotage ne conduise les jeunes à fumer du tabac. Bien que ces dispositifs exposent l’utilisateur à moins de substances toxiques que les cigarettes combustibles, elles présentent aussi des  ‘’risques pour la santé’’, assure le rapport de l’OMS, (…) ‘’Bien que le niveau de risque associé aux SEAN (système électroniques d’administration de nicotine) n’ont pas été mesurés de manière concluante, les SEAN son incontestablement nocifs et devront donc être régulés’’, indique l’OMS. Elle souligne également qu’il n’y a pas assez de preuves que les e-cigarettes soient efficaces pour arrêter de fumer. »

 On ne compte plus, depuis, les réactions de celles et ceux qui accusent : 1) l’OMS de n’avoir rien compris à la réduction des risques, 2) l’AFP d’avoir déformée et faussement relayé une fraction du rapport, 3) les journalistes d’avoir fait du copier-coller avec cette dépêche de l’AFP.

D’emblée un décryptage objectif avait été effectué sur le site Numerama (Marie Turcan). Puis tout fut parfaitement résumé dans un communiqué de l’association #sovape : « L’association SOVAPE, avec AIDUCE, s’élève contre la désinformation massive sur le vapotage :

« Nous assistons depuis le 26 juillet à un déferlement médiatique de fausses informations sur le vapotage qui confinent parfois au grotesque. Ces informations trompent gravement la population sur la perception des risques réels du vapotage et mettent en danger des dizaines de milliers de personnes.

« Affirmer à la population que le vapotage est « incontestablement nocif », « ne permet pas l’arrêt du tabac », « doit être réglementé comme toxique », « entraîne les jeunes dans le tabagisme » sans la moindre réserve ni pondération du consensus scientifique inverse est grave. Le rapport à l’origine de l’emballement ne constitue ni une position ni une recommandation de l’OMS. L’évaluation ne repose sur aucune preuve, selon les propres termes des auteurs. Il n’est d’ailleurs pas financé par l’Organisation.

« Des dizaines d’études contredisent de façon solide ces affirmations (….)  Le consensus médical et scientifique est total : vapoter est beaucoup moins risqué que fumer, mais encore le vapotage supprime tous les risques du tabagisme puisqu’on ne fume plus. Dans ce contexte exceptionnellement anxiogène, l’association SOVAPE souhaite rappeler les résultats d’une étude récente de FDA : la désinformation sur le vapotage contribue au maintien du tabagisme. Nous rappelons également que le dernier rapport de Santé publique France révèle que plus de 50% de la population pense que le vapotage est aussi, voire plus nocif que le tabagisme. Ce sentiment a augmenté de +10% entre 2014 et 2017 alors que les connaissances scientifiques et médicales sont, au contraire, de plus en plus nombreuses et rassurantes et les produits plus sûrs. »

Mutisme des autorités sanitaires françaises

L’heure est incontestablement grave. Les association SOVAPE et AIDUCE « appellent au discernement et à la retenue face aux enjeux de la lutte contre le tabagisme qui cause 75 000 morts par an en France ». « Sans monoxyde de carbone et sans goudron, le vapotage réduit massivement les risques cardiaques, pulmonaires et cancérigènes par rapport aux cigarettes, rappellent-elles Le rapport bénéfices/risques extraordinairement positif plaide sans appel en faveur du vapotage, sans risques avérés à long terme à ce jour. Elles ajoutent :

« La désinformation doit cesser. C’est une question de santé publique, de responsabilité et de déontologie des médias et des journalistes. Face au fléau du tabac, le vapotage est une chance historique, ne la gâchons pas. »

D’autres voix se lèvent pour exprimer, avec d’autres mots et d’autres intérêts, des positions équivalentes. Ainsi  France Vapotage, « fédération professionnelle des fabricants des produits de la vape », émanation de Big Tobacco, « déplore les dernières déclarations de l’OMS et s’inquiète de leurs répercussions sur la santé publique » :

« Qualifier la cigarette électronique « d’incontestablement nocive », c’est fragiliser une alternative au tabac plébiscitée par de nombreux fumeurs désireux d’arrêter. Elle s’étonne de cette prise de position qui entre en totale contradiction avec de très nombreuses études scientifiques publiées dont celles de Santé Publique France et appelle à̀ un débat apaisé, fondé non sur des préjugés, mais sur des approches et des connaissances scientifiques solides. »

Pour sa part le site Numerama avait rappelé avoir, ces huit derniers mois, « contacté le ministère de la Santé français à plusieurs reprises afin d’obtenir des informations sur l’état actuel de la recherche en France sur le sujet des cigarettes électroniques, et les mesures prises en place par le gouvernement pour encourager cette recherche ». « Nous n’avons eu que très peu de retours, précise-t–il dans un euphémisme. À ce jour, aucune étude de grande ampleur en cours n’est connue sur le sujet. Le ministère de la Santé ne nous a pas apporté d’éléments de réponse sur ce point. »

L’heure est incontestablement grave – et comme toujours sur ce sujet majeur de santé publique, les autorités sanitaires française sont muettes. Un mutisme, un déni, une frilosité, une incapacité chronique à mettre en oeuvre une politique de réduction des risques … autant d’éléments que l’on devrait retrouver dans plusieurs des chapitres de la première édition de la « Révolution des Volutes ».

A demain @jynau

Offrez votre corps à Axa, Apple, Nike etc. Ils vous le rendront en meilleur état

Bonjour

Il est  des instants qui ne trompent pas. Comme ceux du 2 juin 2014. Deux informations majeures aux frontières du numérique et de l’Eldorado de la santé « personnalisée ».  Aux frontières de la jungle capitaliste et des mirages d’un corps humain numérisé.

Axa et la vertu

Axa pour commencer. Avec ce communiqué de presse : « Axa  France veut encourager les comportements vertueux des Français ». Comment ? Simplement : « en associant l’usage d’un objet connecté à l’offre  e-Modulango ». Bien comprendre : ce 2 juin 2014 est le jour qui voit la  « première offre d’assurance santé liée à un objet connecté ».

Autrement dit : « Axa France, premier assureur santé en France réaffirme ainsi son engagement dans les domaines de la prévention santé et du digital ». Cette offre sansprécédent sera bientôt détaillée sur le site axa.fr

Traduire : « AXA France, premier assureur santé en France réaffirme ainsi son engagement dans les domaines de la prévention santé et du digital ». Tout cela ne va pas sans jargon : « L’adoption de la technologie mobile dans le domaine de la santé est en plein essor. La m-santé intègre ainsi peu à peu le quotidien et révolutionne les pratiques de chacun ».

Axa et le « Pulse »

Tout cela ne va pas non plus sans lieu commun : « La prévention santé est l’une des clés pour prendre soin de soi, améliorer sa condition physique et rester en forme ».

Un assureur veut « encourager les comportements vertueux des Français » ? Plus précisément des Français qui sont aussi ses assurés. En pratique les clients ayant souscrit un contrat complémentaire santé Modulango (voir ici), recevront un « tracker d’activité », le « Pulse » (voir ici de quoi il s’agit).

Axa et les carottes

« Connecté à un smartphone, le tracker permet de mesurer son activité physique en temps réel : nombre de pas réalisés, dénivelé, distance parcourue, nombre de calories brûlées, rythme cardiaque, etc. » nous explique le service de presse d’Axa. C’est ainsi : après le succès de l’offre automobile Clic&Go, AXA France poursuit la « transformation digitale de ses offres avec e-Modulango, offre de santé modulaire ». Vous conduisiez avec  Axa ? Désormais vous marcherez grâce à elle.

C’est qu’Axa, comme tous les assureurs, sait manier les carottes : « Pour inciter à l’usage du Pulse et contribuer à l’amélioration de la santé de ses clients, Axa France adressera des chèques pour bénéficier de soins de médecine douce (ostéopathie, acupuncture,…)  aux clients ayant réalisé un nombre déterminé de pas sur un mois. »Pourquoi les médecines douces ? Et pourquoi ces deux là ? Et comment Axa contrôlera-t-il le nombre de nos pas ? Axa ne le dit pas.

L’affaire ne manque pas de piquant. Si, grâce à Axa, vous entretenez votre corps, Axa vous aidera à l’entretenir mieux encore. Il suffit pour cela de devenir client d’Axa. Jusqu’à ce que mort s’ensuive. Un assureur, c’est un peu l’équivalent moderne du confesseur. Dites-lui la vérité biologique de votre corps et vous serez pardonné. Ou il vous fera moins payer.

Apple et votre santé

Avec Apple c’est autre chose.Le géant à la pomme tenait le 2 juin à San Francisco la « Worldwide Developes Conference », la « keynote annuelle » qui rassemblait « 5000 développeurs ». « Alors qu’Apple perd du terrain dans la bataille qui l’oppose à son concurrent coréen Samsung, quelques nouveautés ont été annoncées », précisent aujourd’hui  Les Echos (voir ici).

Tim Cook, le PDG de l’empire Apple l’entreprise, a souligné que la firme avait franchi le cap de 800 millions d’appareils mobiles vendus, tous produits confondus, en précisant qu’environ 130 millions de ces clients avaient acheté leur premier appareil mobile Apple au cours des 12 derniers mois. «  Il a également annoncé le lancement prochain d’une nouvelle version du système d’exploitation OS X pour ses ordinateurs Mac et celui de « Healthkit », une application dédiée à la santé des utilisateurs de ses produits mobiles, expliquent Les Echos. Cette application Healthkit permettra de collecter et de stocker des données depuis des sources multiples (bracelets, balances, montres connectés) sur la santé de l’utilisateur. Elle est le fruit d’une coopération avec la clinique Mayo, a précisé le groupe, ajoutant que Nike l’intégrerait à certains de ses propres produits. »

Apple et les professionnels de santé

La presse économique et généraliste applaudit à grand cris. Le Monde Diplomatique ne s’est pas saisi de l’affaire. Heureusement quelques esprits éclairés veillent sur Google. Comme Guillaume Champeau  de Numérama – réfléchir le numérique (voir ici):

« Glissant  la chose entre deux annonces comme si le fait était anodin, Apple a ainsi dévoilé très rapidement toute une liste d’établissements privés ou publics aux Etats-Unis, qui intégreront HealthKit pour permettre aux professionnels de santé de travailler à partir des données stockées dans la base, nous apprend M .Champeau En France, les mutuelles de santé commencent déjà à intégrer les objets connectés, avec en ligne de mire la possibilité de dérembourser les soins des clients qui ne prennent pas soin d’eux, ou d’offrir des avantages à ceux qui se conforment aux recommandations comportementales.

Apple et la collecte des données

Pour le moment, aucun détail n’a été communiqué sur le lancement européen du service, ou sur les règles de protection de la vie privée qui seraient appliquées aux données. Les informations viendront probablement avec le lancement de l’iWatch, qui promet d’être le premier vrai gadget d’Apple destiné à collecter des données médicales. »

Et les libertés individuelles ? Ne pas s’en occuper au motif que l’individu est volontaire pour offrir les données de son corps à son assureur, via son smartphone ? Le respect de la vie privée est-il compatible avec une nouvelle « médecine » (personnalisée et numérisée) véhiculée par les géants du marché, Axa, Apple, Nike et leurs concurrents ? Où sont, ici, les puissances publiques, les responsables politiques ?

Comment Axa connaîtra-t-il le nombre de vos pas ?

A demain