Greta Thunberg: les outrances du Dr Alexandre, les mots sans violence de Jean-Marie Le Clézio

Bonjour

On se souvient peut-être de ces lignes, glanées cet été dans le flots des tweets et signées du Dr Laurent Alexandre, 59 ans :

  @dr_l_alexandre : « Je ne suis pas jaloux de @GretaThunberg. J’aimerais pas (sic) avoir des TOC graves, une dépression infantile, un mutisme sélectif, un Asperger avec monoideation et des troubles alimentaires graves me conduisant à être minuscule! Je respecte l’enfant malade mais regrette sa manipulation »

Une fraction de la Toile s’indigne. Réponse du Dr Laurent Alexandre , :

« Je rappelle que ce sont les parents de @GretaThunberg qui ont révélé son dossier psychiatrique (pas moi). Et je pense que cela devrait être un délit de révéler le dossier médical de son enfant mineur ! Je trouve cela dégueulasse ! Signalez les parents de @GretaThunberg ».

Le Dr Alexandre n’était pas le seul à se déchaîner contre la jeune Greta Thunberg 1. Il y eut aussi, fort heureusement pour la médecine, une tribune publiée dans Le Monde signée du Dr Marion Robin, psychiatre pour adolescents à l’Institut mutualiste Montsouris et auteure d’« Ado désemparé cherche société vivante » (Odile Jacob, 2017).

Loin de l’urologue transhumanisant elle expliquait voir en Greta Thunberg, 16 ans, le symbole d’une jeunesse qui ne peut plus se permettre de rester en adolescence. Ou plus précisément cette psychiatre cherchait à comprendre ce qui se trame  au-delà de l’« effet Greta Thunberg », qui « insupporte certains adultes ».

Le sourire ironique des adultes

Et puis, aujourd’hui, dans Libération, un long texte signé de Jean-Marie Le Clézio,79 ans, prix Nobel de littérature 2008 :  « Greta Thunberg, la gravité de la Terre ». Extraits :

« Son visage nous est devenu familier. Elle est sérieuse comme on l’est quand on n’a pas encore 17 ans, elle regarde l’objectif sans ciller, elle lit ses discours d’une voix posée, dans un anglais parfait, ses nattes sages encadrent ses joues rondes, ses yeux nous fixent sans une hésitation, elle se tient bien droit, les bras le long du corps, elle ressemble un peu à une gymnaste, ou à une déléguée d’un groupe de collégiennes. Elle est devenue la combattante la plus crédible du mouvement de défense de notre planète menacée par le gaspillage des ressources naturelles et la disparition des espèces animales. Elle est reçue par les plus grands, des présidents, des directeurs d’industrie, des éminences des banques. (…)

« Elle dit que nous – les adultes, les responsables, les acteurs de notre monde égoïste et rapace -, nous n’avons rien fait, et que les enfants du futur nous demanderont des comptes. Elle dit même une chose plus terrible, que lorsque nous ne serons plus là, dans dix, vingt ou trente ans, elle y sera encore et que c’est à elle que les enfants demanderont des comptes. Elle nous accuse, de sa voix douce et calme, d’avoir oublié que la Terre nous est prêtée, pas donnée. Est-ce que nous pouvons l’entendre ? (…)

« Et il lui faut du courage, à Greta, pour affronter le sourire ironique des adultes. Pourtant, quand elle apparaît, sur nos écrans, dans les pages de nos journaux, avec son visage grave et ses traits doux, et qu’elle dit de sa voix de colère contenue que nous devons paniquer, que nous devons réagir, nous indigner, commencer la lutte, changer notre façon d’être, notre rapport au monde et aux animaux qui l’habitent avec nous, que nous devons nous inquiéter de l’absence des saisons, de la disparition des insectes et des oiseaux, du dépeuplement des mers et du blanchissement des coraux, de cette sorte de silence assourdissant qui s’étend peu à peu sur la planète nature, au profit des vacarmes des villes, du mouvement fébrile des hommes, de l’exploitation à outrance des richesses du sol et des forêts, comment ne pas ressentir un coup au cœur, un tressaillement, comment ne pas être envahi par la nostalgie du futur, à l’idée de ce que nous n’avons pas fait, de ce que nous avons laissé se défaire, de notre regard qui s’est détourné, du grincement cynique de nos égoïsmes ? Comment ne pas l’entendre ? (…) »

Comment dès lors, entendre les tweets du Dr Laurent Alexandre ?

A demain @jynau

1 Nau J-Y Greta Thunberg : pourquoi tant et tant de haines ? Rev Med Suisse 2019; volume 15. 1468-1469

«Toxic», drogues et politique : Bernard Kouchner et son gang médical reprennent la parole

Bonjour

Bernard Kouchner reprend la plume et la parole. Avec quatre de ses confrères et amis, spécialistes des addictions (Patrick Aeberhard, Jean-Pierre Daulouède, Bertrand Lebeau et William Lowenstein), il publie, aux éditions Odile Jacob, Toxic.

C’est là un ouvrage original: une relecture, un dialogue à cinq voix, de la lutte de cinq personnalités atypiques; lutte contre les toxicomanies mais pour la prise en charge des personnes toxicomanes. «Parce que nous constations tous les jours que les pratiques officielles ne marchaient pas, nous, cinq médecins, une courte bande, un vrai gang, nous nous sommes indignés, nous avons résisté, écrivent-ils. Nous n’avons pas forcément les mêmes choix de vie ni les mêmes opinions politiques, mais l’audace qui nous tient depuis plus de trente ans n’est toujours pas apaisée.»

On lira, en exclusivité sur Slate.fr, le  texte de Bernard Kouchner qui fait l’ouverture de ce livre étonnant : « ‘’Toxic’’: l’histoire du gang des médecins français anti-drogues » . Un texte dans lequel l’ancien ministre défend (contre la politique voulue par Emmanuel Macron) la légalisation et le contrôle du cannabis, la dépénalisation de l’usage des drogues dures et la réduction des risques fondée sur les progrès de la pharmacologie.

A demain

Le nouveau président de la République sait-il que le Q.I. des Français est menacé ?

 

Bonjour

Nous republions aujourd’hui le texte paru sur ce blog le 31 août 2016. A peine neuf mois. Tout, ou presque, a-t-il vraiment changé ? Sommes-nous entré dans l’ère de la post-vérité ?

« Rentrée. Un jeune ancien ministre est sur tous les écrans. Statique, souriant, il nous dit qu’il marche. Blond, ancien philosophe, ancien banquier, il nous semble surtout planer. Un soupçon d’Urbain Grandier. Pour un peu il léviterait. Il rentre d’Orléans (Jeanne d’Arc) et du Puy-du-Fou (Philippe de Villiers et Jeanne d’Arc). « Mr Hyde et Dr Jekyll » dira Alain Juppé. Où va-t-il ?

A la messe de 20 heures, sucré lisse, il ne répond pas aux questions, simples, de Gilles Bouleau. Il nous montre, entend nous montrer, qu’il est animé d’une flamme intérieure. Corollaire : il se garde comme la peste, nous dit-il, du narcissisme. TF1 nous le montre parler aisément anglais, la langue de l’occupant. Puis, lustrant ses mots, il bute très malencontreusement sur une liaison française. C’est un bon élève qui est déjà à la place du maître.

Ile de Ré

Rentrée. Le Monde se remplume. Les chroniqueurs  reviennent de la plage. Bronzés comme jamais.  En tête : Laurent Alexandre qui avait causé quelques petites frayeurs éthiques l’an passé. Il est toujours là. Aujourd’hui nous traitons du cerveau humain, de tout ce qui y entre – et de l’intelligence qui peut en sortir.  Au tableau : l’effet Flynn, du nom du chercheur (James R. Flynn) qui l’isola : le QI a eu tendance à s’élever depuis un siècle, un peu partout dans le monde. Pourquoi diable une telle élévation ? Ecoutons :

« Cela semble dû au fait que les individus ont bénéficié d’un environnement intellectuellement plus stimulant qu’autrefois avec l’allongement de la durée des études, l’égalité homme-femme et une plus grande attention parentale. La société propose à l’enfant plus d’informations et de défis intellectuels. Le gain moyen de points de QI est compris entre trois et sept points par décennie, selon les études. Les Pays-Bas, qui disposent des tests effectués sur les appelés au service militaire, enregistrent une progression du QI de 21 points entre 1952 et 1982. »

Effondrement

Cela ne pouvait durer : depuis quinze ans, l’effet Flynn semble s’être inversé dans les pays développés. La moyenne du QI français a, par exemple, chuté de quatre points entre 1999 et 2009… Considérable…! Tous les pays sont touchés et la vitesse de cette chute exclut une évolution génétique. Qu’en pense le Pr Alexandre ?

« Certains accusent Internet et les réseaux sociaux, sans apporter de preuves convaincantes. Plus sérieusement, de nombreux chercheurs incriminent divers polluants et notamment les perturbateurs endocriniens, qui exposent le cerveau dès la vie fœtale à une pollution chimique diffuse. Les perturbateurs endocriniens interfèrent notamment avec les hormones thyroïdiennes qui modulent l’expression des gènes ­pilotant la formation de structures cérébrales majeures comme l’hippocampe. »

Esprits connectés

Un ouvrage récent apparaît ici essentiel pour saisir l’ampleur de la menace 1.  « Peut-on rester passif face au déclin de nos capacités intellectuelles, au moment où l’intelligence artificielle (IA) fait des pas de géants » nous demande le Pr Alexandre. On jurerait qu’il connaît la réponse. Il nous parle d’un industriel plus ou moins philanthrope  (Elon Musk ) qui propose depuis peu « une interface entre le cerveau humain et le cerveau numérique » : un « système branché à la veine jugulaire qui distillerait des nanocomposants dans le cerveau, ce qui nous transformerait en êtres symbiotiques où le numérique communique avec notre esprit ».

Esprits connectés êtes-vous bien là ? L’avenir est à la jugulaire. « En Marche ! ». C’est (nous avions compris) le slogan d’Emmanuel Macron »

A demain

1 « Le cerveau endommagé. Comment la pollution altère notre intelligence et notre santé mentale » de Barbara Demeneix (Odile Jacob, 2016)

Contre le «vertige du déclin», il suffira de «faire confiance à la science» (François Hollande)

Bonjour

Saura-t-on jamais qui écrit les textes des discours de François Hollande ? On aimerait connaître l’auteur de celui que vient de prononcer le président de la République pour célébrer les 350 ans de l’Académie des sciences 1. C’était au Louvre, le 27 septembre, face aux représentants d’une soixantaine d’académies des sciences du monde. Peut-on qualifier ce discours de scientiste ?

Ah, l’Académie des sciences…. d’abord baptisée Académie royale des sciences lors de sa naissance, en 1666. Elle encourage et protège l’esprit de recherche, et contribue aux progrès  des sciences et de leurs applications. Encore une bonne idée, moins de Louis XIV que de Jean-Baptiste Colbert. Les sciences ont la vie dure. Cette Académie résistera à tout, y compris à la Révolution française.  Aujourd’hui certains aimeraient la voir peau de chagrin, rangée au pied des idéologies déconstruites, étouffée par la montée des religions et, plus encore, de la Croyance 1.

Instincts français

Qu’en pense François Hollande qui semble avoir fait son deuil de la « pensée de gauche » ? Au Louvre le président de la République française  a fustigé « les esprits chagrins », ces esprits  tentés par « le vertige du déclin », ces esprits sombrent qui se réfugient dans le passé au mépris des progrès engendrés par la recherche scientifique.

« La France doit toujours défendre la raison contre les émotions, les passions, les instincts », a-t-il aussi déclaré dans un discours marquant les 350 ans de l’Académie des sciences, fondée sous Louis XIV. « Pour eux, le progrès est rempli d’illusions et le monde court à sa perte dès lors qu’il ne correspond plus à l’idée qu’ils s’en font. Le seul changement pour ces esprits-là ce serait la régression, le retour, le rétablissement de l’ordre ancien, je n’ose pas dire la restauration. » On appréciera l’astuce présidentielle qui consiste à dire que l’on ne dit pas ce que, précisément on dit. A mi-chemin du jésuitisme et des salons de la Restauration.

Parfum d’anaphore

Et le chef de l’Etat, en verve et mutin, de prendre l’exemple de ceux qui considèrent le réchauffement climatique [relativisé la veille par son prédécesseur et candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy mais aussi par une fraction de l’Académie] comme « une exagération ». Et d’ajouter, parfum d’anaphore :

« Le sida ? Une punition. L’évolution des espèces ? Une fable. La délinquance ? Une fatalité génétique ».

Et puis, avec Internet, sur fond de menace terroriste et de montée des extrémismes, le président a mis les savants en garde contre « la rude concurrence » des « médiateurs » et des « faux experts » qui « prolifèrent dans l’univers numérique, au mépris des faits ».

Barrières infranchissables

Le chef de l’Etat a-t-il été entendu par ceux « qui n’y croient plus, les résignés, les fatalistes qui voudraient arrêter la course, figer les situations (….) se protéger de tout, s’enfermer  » ? Songeait-il aux électeurs de l’extrême-droite française ? « Ce sont les mêmes qui veulent murer la circulation des personnes qui veulent également installer des barrières supposées infranchissables aux mouvements des idées, a-t-il ajouté. Vos recherches, vos découvertes combattent ce vertige du déclin. »

Tous les médecins savent qu’il n’est rien de plus difficile que de combattre un vertige. Rien de plus risqué, parfois. Quant à « combattre le vertige du déclin »…

A demain

1 Le site de la Présidence de la République ne donne pas la version écrite de la déclaration présidentielle. On peut en revanche accéder gratuitement à une vidéo : « Discours à l’occasion des 350 ans l’Académie des Sciences »

2 Se reporter à « Croyance » (Odile Jacob) de Jean-Claude Carrière:

« La croyance, cette “certitude sans preuve”, pouvons-nous l’approcher, la connaître ? Qu’est-elle exactement ? Une rébellion individuelle, ou au contraire un ralliement à un groupe, à une secte ? Un réconfort ou une aberration ?

« Alors que nous pensions, depuis le siècle dit “des Lumières”, aller vers plus de clarté, plus de maîtrise sur le monde et sur nous-mêmes, nous voyons que la croyance a marché près de nous au même pas que la connaissance, et que l’obscurité nous accompagne toujours, avec son cortège de rage et de sang. Nous voyons qu’une vieille alliance, que nous espérions dissipée, s’est renouée entre la violence et la foi. »

 

Interdits du burkini : peut-on faire confiance à la justice (administrative) de son pays ?

 

Bonjour

Rebelote et dix de der. Le tribunal administratif de Nice a, lundi 22 août, confirmé  en référé son interdit du burkini. Il l’avait fait pour les plages de Cannes. Il le fait aujourd’hui pour celles de Villeneuve-Loubet. Son ordonnance a toutefois  été rendue en collégiale, à la différence de celle de la semaine dernière, prise par un seul magistrat. Le raisonnement se fonde sur les risques hypothétiques à l’ordre public et sur l’expression de « signes religieux ostentatoires ».

Aujourd’hui le tribunal administratif de Nice voit dans le burkini « l’expression d’une revendication identitaire » :

« Même si certaines femmes de confession musulmane déclarent porter, selon leur bon gré, le vêtement dit “burkini”, pour afficher simplement leur religiosité, ce dernier, qui a pour objet de ne pas exposer le corps de la femme (…) peut également être analysé comme l’expression d’un effacement de celle-ci et un abaissement de sa place qui n’est pas conforme à son statut dans une société démocratique. ».

Tensions exacerbées

Ce raisonnement conduit les juges administratifs à de bien curieuses réflexions : « Les plages ne constituent pas un lieu adéquat pour exprimer de façon ostentatoire ses convictions religieuses [qui] dans un État laïc, elles n’ont pas vocation à être érigées en lieux de culte ». Dans un pays où un prêtre a été égorgé dans une église de Normandie le port du burkini sur une plage de Villeneuve-Loubet risque « d’exacerber les tensions ».  Le port du burkini peut être interprété comme relevant du « fanatisme religieux » à même de choquer les croyants ou non-croyants attachés au principe d’égalité des sexes, estiment encore les magistrats niçois.

Orwell et sa novlangue ne sont pas très loin. L’interdiction du burkini sur les plages est une « restriction légitime » aux libertés, ajoutent les juristes, « dès lors que l’expression des convictions religieuses est inappropriée ». Un argument qui semble relever plus de la morale que du droit… Le tribunal explique également que les forces de police sont, au vu de la menace terroriste qui pèse sur la France, « très sollicitées », et qu’il n’apparaît « pas envisageable de les mobiliser encore davantage ».

Toutes les croyances concernées

Ne voir, ici, aucune discrimination : le tribunal relève que toutes les religions sont concernées par l’arrêté d’interdiction des signes religieux ostentatoires sur la plage. Le burkini ne serait pas le seul « signe » concerné. Aucune liste n’est malheureusement fournie qui pourrait guider les adeptes d’autres croyances 1 souhaitant aller prendre l’air et/ou l’eau sur une plage de France.

Orwell ? LePoint.fr (Marc Leplongeon) cite ici Serge Slama, maître de conférences en droit public, Université Paris Nanterre, CREDOF. Pour lui cette nouvelle ordonnance rendue à trois juges permet des « possibilités très extensives des restrictions à l’expression de la liberté de religion dans un espace public comme une plage publique ». « La façon dont les juges présentent le burkini est troublante, dit-il.On a l’impression qu’ils émettent un jugement de valeur sur les lieux où il serait adéquat d’exprimer sa religion et sur ce qui consitue ou non une « expression appropriée des convictions religieuses ». Porter un burkini exprime certes une croyance religieuse mais est-ce la pratique d’un culte comme le serait le fait de pratiquer un rite ou une messe sur une plage publique? »

Pour ce juriste  ce type de raisonnement permettrait d’interdire des nombreux signes ou tenues religieux ostentatoires dans l’espace public. Que leurs détenteurs soient musulmans, chrétiens, juifs. Sans parler des autres.

A demain

1 « Croyance » (Odile Jacob) de Jean-Claude Carrière. « La croyance, cette “certitude sans preuve”, pouvons-nous l’approcher, la connaître ? Qu’est-elle exactement ? Une rébellion individuelle, ou au contraire un ralliement à un groupe, à une secte ? Un réconfort ou une aberration ?

« Alors que nous pensions, depuis le siècle dit “des Lumières”, aller vers plus de clarté, plus de maîtrise sur le monde et sur nous-mêmes, nous voyons que la croyance a marché près de nous au même pas que la connaissance, et que l’obscurité nous accompagne toujours, avec son cortège de rage et de sang. Nous voyons qu’une vieille alliance, que nous espérions dissipée, s’est renouée entre la violence et la foi. »

Vaccins et aluminium: l’Académie de pharmacie coupe les ponts avec les militants «anti»

 

Bonjour

Certains le vivront comme une provocation. Dans le cadre de la Semaine européenne de la vaccination  l’Académie nationale de pharmacie fait le point sur « son action en faveur de la vaccination sur tous les fronts ». Elle vient ainsi de publier « La vaccination : une priorité de santé publique. Réflexions et contributions académiques ». On y lit ceci, sous la signature de François Chast, président honoraire de cette auguste compagnie, dans un texte intitulé « La vaccination, créatrice de lien social » (sic).

« Aucune approche pharmacologique n’aura autant fait que les vaccins pour traiter ou prévenir les maladies infectieuses et gommer les inégalités sociales ou culturelles face à certaines maladies. Malheureusement, il n’existe pas de vaccination pour prévenir les opinions publiques de la bêtise ou de l’obscurantisme et les guérir des attitudes irrationnelles ou idéologiques face à la prévention des maladies infectieuses. »

 La même Académie avait, fin mars, publié un rapport intitulé « Les adjuvants aluminiques : le point en 2016 » dont Le Figaro de ce jour (Damien Mascret) expose la genèse et le relatif dépit qui suivit : « Vaccins: l’interminable débat sur les adjuvants à base d’aluminium ». Dépit exprimé notamment par les responsables de l’association « E3M » d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages qui milite pour des « vaccins sans aluminium ».

Rêve d’un consensus

Les conclusions du rapport ruinent les espoirs de ceux qui imaginaient qu’un consensus serait un jour possible.  On peut y lire ceci :

« La vaccination a permis d’éradiquer la variole, d’envisager l’élimination prochaine de la poliomyélite et de contenir un grand nombre d’infections parmi lesquelles la diphtérie, le tétanos, la tuberculose et la rougeole. Pourtant, depuis une quinzaine d’années, la vaccination est remise en cause par certains groupes de pression très actifs, alors que, paradoxalement, nos autorités de santé sont fortement sollicitées par les citoyens pour que des vaccins soient développés contre l’infection à VIH, l’hépatite C, la fièvre hémorragique Ebola ou l’infection à virus Zika. 

 « Si certains ne remettent pas en cause la vaccination en elle-même, ils remettent en question la sécurité des vaccins contenant des adjuvants, plus particulièrement des dérivés de l’aluminium qu’ils rendent responsables d’une symptomatologie complexe regroupée sous le nom de myofasciite à macrophages. Il s’agit d’une entité histologique caractérisée par des dépôts d’aluminium dans le tissu musculaire accompagnée de myalgies, d’arthralgies, de fatigue et de troubles cognitifs. »

 L’Académie de pharmacie précise que depuis vingt ans, 445 cas de myofasciite à macrophages ont été notifiés aux centres de pharmacovigilance en France. Durant la même période, environ 160 millions de doses de vaccins contenant un adjuvant aluminique ont été administrées – soit de l’ordre de un cas pour 360 000 vaccinations. Face aux doutes exprimés sur la sécurité des vaccins à adjuvant aluminique, l’Académie  a entrepris une étude des données cliniques et expérimentales les plus récentes publiées sur ce sujet ainsi que des données de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie obtenues en France depuis la notification des premiers cas de myofasciite à macrophages.

Une maladie très française

Conclusions académiques : l’aluminium sous la forme d’hydroxyde ou de phosphate est utilisé dans les vaccins depuis plus de 80 ans ;  cette utilisation est motivée par les propriétés stimulantes de l’immunité du complexe formé entre l’antigène vaccinal et la particule aluminique ainsi que la persistance de ce complexe ;  la quantité d’aluminium apportée par une dose de vaccin est négligeable au regard des apports alimentaires, cosmétiques, professionnels ;  d’une manière inexpliquée, les cas de myofasciite à macrophages n’ont été décrits qu’une soixantaine d’années après les débuts de l’utilisation de l’aluminium comme adjuvant ;  tout aussi inexpliquée est la restriction géographique relative de la description de ces phénomènes. »

C’est l’un des aspects les plus troublants du dossier : une équipe française (celle de Romain Gherardi, professeur de neurologie et pathologie du Centre expert de pathologie neuromusculaire de l’Hôpital Henri Mondor, Créteil) a, à elle seule, regroupé plus de 95 % des observations mondiales. Et les cas de myofasciite à macrophages ont formé un « pic épidémique » entre les années 1994 et 2002 (avec un maximum annuel d’une cinquantaine de cas en 1996), contemporain de la campagne nationale de vaccination contre l’hépatite B (1994 – 1998). D’autre part, d’après les données de pharmacovigilance, un seul nouveau cas de myofasciite à macrophages  serait survenu depuis 2012, alors qu’actuellement, environ 12 millions de doses de vaccins contenant un adjuvant aluminique sont administrées chaque année en France.

« Croyance », de Jean-Claude Carrière

Au final l’Académie nationale de Pharmacie « reconnaît la souffrance endurée par les patients présentant une myofasciite à macrophages »  mais constate (même si certaines manifestations cliniques sévères ont pu être associées à des injections vaccinales) qu’aucun lien de causalité n’a pu être établi, à ce jour, avec les adjuvants aluminiques. Et ce d’autant que ces manifestations paraissent limitées dans le temps (non identifiées avant 1990 et semblant en extinction depuis 2012) et dans l’espace (la France a cumulé la quasi-totalité des cas décrits dans le monde).

« Mobilisée depuis toujours sur la prévention des maladies infectieuses et sur la sécurité des patients, l’Académie nationale de Pharmacie » réaffirme « avec force que le rapport bénéfice/risque est très en faveur de l’utilisation des adjuvants aluminiques et insiste sur l’apport majeur de la vaccination dans le domaine de la santé publique ».

Reste, fragile, l’hypothèse d’une sensibilité particulière et rare aux adjuvants aluminiques chez certaines personnes. Qui, désormais, s’y intéressera ? Faute de science on confortera la croyance. La croyance, cette « certitude sans preuve » à laquelle Jean-Claude Carrière consacre, en ces temps troublés,  un  ouvrages des plus éclairants.

A demain

 

 

Un plaidoyer en faveur d’une GPA « éthique » est paru dans Libération. Serez-vous convaincu ?

Bonjour

Le 13 juillet dernier Libération  ouvrait ses pages au débat sur les mères porteuses et la GPA. C’était  un texte fort, signé de nombreuses personnalités « de gauche » venues d’horizons multiples (Jacques Delors, Lionel Jospin et Yvette Roudy en tête) réunies par le refus de la marchandisation du corps de la femme (liste et pétition disponibles ici). C’était aussi un appel d’actualité lancé au président de la République (voir « François Hollande sommé de dire si la France autorisera ou pas la GPA »)

Silence du Président

François Hollande n’a pas répondu. Il a laissé dire son entourage qu’il s’était déjà exprimé sur le sujet. Ce qui ne répond en rien à la question de la position française face aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme – des décisions prises au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant » et qui ouvrent toutes grandes les portes à la dépénalisation de la pratique de la GPA en France.

Aujourd’hui 24 juillet Libération ouvre à nouveau ses pages au même débat. Deux pleines et grandes pages pour une seule femme : Irène Théry, sociologue et présidente du groupe de travail « Filiation, origines, parentalité» missionné par la ministre déléguée à la Famille (1).

Silence de la sociologue

Celles et ceux qui connaissent Mme Théry ne seront en rien surpris. Les autres apprendront ainsi ce qu’il en est du fond de son argumentation. Ce document est intitulé  « GPA : pour un débat argumenté et respectueux des personnes » (voir ici). Ce qui tend à laisser penser que la lettre adressée le 13 juillet au président de la République péchait à ces deux endroits. Comprenne qui pourra.

Sur le fond Mme Théry ne répond guère à la question centrale aujourd’hui soulevée.

1 Elle souligne la nécessité « de distinguer une GPA éthique d’une marchandisation du corps des femmes ». Elle reconnaît que cette marchandisation « existe aussi » et qu’il « faut se donner les moyens de la combattre ». Mais elle ne dit pas comment. Et elle ne dit pas, surtout, si le fait de reconnaître une « GPA éthique » ne sera pas, précisément, la facilitation de la marchandisation.

2 Elle annonce que son groupe préconise à l’unanimité « la reconnaissance immédiate en France de la filiation d’enfants nés par GPA à l’étranger, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant ». En quoi l’intérêt supérieur de l’enfant devrait-il primer sur le risque d’une pratique esclavagiste ? Où est-ici le calcul « bénéfice-risque » de Mme Théry ? L’auteure ne nous le dit pas

N’ayons pas peur

« Nous n’avons pas peur du débat à venir, nous avons même grande envie de le poursuivre car nous y avons trouvé aussi le terreau d’un respect mutuel et amical que nous n’attendions pas » écrit Mme Théry. Pourquoi évoquer la peur d’un débat à venir ? Le débat est là. Les termes éthiques en sont connus, les échéances juridiques aussi. Quant à la peur, comme toujours, c’est une assez mauvaise conseillère.

A demain

(1) Le rapport de ce groupe de travail «Filiation, origines, parentalité» paraîtra chez Odile Jacob, le 3 septembre 2014

Alzheimer : Les rêves magnétiques de Neuronix (Le Figaro)

Bonjour,

Faute de traitement médicamenteux efficace et sans danger rien n’interdit d’expérimenter. Et l’expérimentation n’interdit pas, n’a jamais interdit, de rêver. Le rêve est nécessaire à la vie. Mieux il lui est consubstantiel. Les Grecs anciens et Freud, le Pr Michel Jouvet et le poète Yves Bonnefoy (1) l’ont amplement prouvé. L’approche de la mort n’interdit pas la métaphore. Au contraire.

Transcrânien express

On pouvait songer à tout cela, il y a quelques jours, en lisant une pleine page du vieux Figaro ; page signée Delphine Chayet  et ainsi sous-titrée : « L’envoi d’impulsions électriques dans le cerveau à un stade précoce de la maladie semble donner des résultats positifs, bien que limités dans le temps ». Nous sommes ici sur la « piste de la stimulation magnétique ».

Ou plus précisément sur celle de la stimulation magnétique transcrânienne (TMS). Une formulation que Le Figaro ressent comme barbare tout en précisant qu’elle est « médicale indolore et non invasive » ; qu’elle a « fait ses preuves dans le traitement des dépressions sévères résistantes, des idées hallucinatoires chez le schizophrène et des douleurs chroniques ».

Beau tableau de chasse, pour un barbare. Et ce d’autant que « les neurologues et psychiatres, sont persuadés que cette stimulation cérébrale n’a pas encore dévoilé tout son potentiel thérapeutique ». D’où les expérimentations en cours sur les séquelles d’un accident vasculaire cérébral, la maladie de Parkinson et celle d’Alzheimer  « dont les médecins espèrent contenir certains symptômes grâce à cet outil ».

Ralentir le déclin

 Le Figaro cite  le Pr Emmanuel Haffen, psychiatre au CHU de Besançon. «Le principe de la TMS est de moduler l’activité de régions du cerveau qui fonctionnent anormalement afin d’obtenir une amélioration de certaines fonctions. » On comprend que « l’objectif n’est pas de traiter la cause de la maladie, encore moins de la guérir, mais de ralentir le déclin inéluctable des fonctions cognitives ». Et donc que la stimulation doit intervenir au stade précoce. Le Figaro cite encore, longuement,  Eyal Baror, directeur général de Neuronix  une start-up israélienne « qui propose ce traitement » : «Nous parvenons à stabiliser les patients, voire à les améliorer. Après leurs séances, certaines personnes retrouvent des capacités qu’ils avaient perdues, comme celle d’avoir une conversation ou de retrouver le chemin des toilettes dans la maison. La stimulation électrique est un peu bruyante, mais elle ne fait pas mal et n’a pas d’effet secondaire.»

Peut-être

La cure dure un mois et demi, à raison de cinq séances d’une heure par semaine. Non remboursée par la Sécurité sociale, elle est facturée l’équivalent de 6 000 dollars en Israël. Et en France ? Le Figaro ne le dit pas. Selon les quelques études scientifiques déjà menées, ce traitement, cette cure, se traduirait par une amélioration de quelques points sur l’échelle d’évaluation des performances cognitives, un bénéfice qui se maintiendrait sur plusieurs mois. Le Figaro cite encore Gilles Kemoun, professeur de médecine physique et de réadaptation à Poitiers : « Ces résultats sont comparables à ceux qu’on obtient avec les médicaments. Le fait que la stimulation intervienne à la fois de manière artificielle et naturelle (via les exercices) crée un effet synergique qui augmente peut-être les bénéfices.»

La promesse éphémère

Pour sa part Toni Valero Cabre, chercheur au CNRS exprime la prudence de la Fondation pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer.  Quant au ministère de la Santé et autres institutions publiques en charge de conseiller les citoyens assurés sociaux elles ne se sont pas encore exprimées.

Des recherches prometteuses et des résultats éphémères. Inefficaces et potentiellement toxiques les médicaments sont remboursés par notre collectivité (mémoire blog). Soit plus de trois cent millions d’euros par an. A quel titre les ondes de Neuronix (comme celles de ses concurrents) ne le seraient  pas ? Avons-nous encore les moyens de nous payer nos rêves ?

A demain

(1) A paraître « Yves Bonnefoy, histoire des œuvres et naissance de l’auteur. Des origines au Collège de France » de Daniel Lançon. Une remarquable biographie non romancée

Editions Hermann ; contact.commercial@edition-hermann.fr

Le singe et les militants de l’anti-genre

Bonjour

Bien malin qui peut comprendre ce qui se trame dans la France d’aujourd’hui. Les gazettes nous rapportent qu’ils étaient quelques dizaines (quelques centaines) de milliers à manifester hier. A manifester contre quoi ? A manifester au nom de qui ?  Un nouveau terme est apparu sur les banderoles : « genre ». Nul ne sait précisément en donner une définition. Il semble, au mieux, cristalliser des angoisses collectives. On espère que cette cristallisation ne conduira pas à voir, une nouvelle fois, émerger le pire.

Arrières

Dans un entretien néo-préventif au Journal du Dimanche Manuel Valls, ministre de l’Intérieur avait prévenu les manifestants : « Attention, on ne revient pas sur les choix du Parlement et du peuple. C’est vrai pour le mariage pour tous comme pour l’IVG. Il est hors de question de revenir en arrière ». Les manifestants lisent-ils ce quotidien dominical ? Et comment perçoivent-ils Mr Valls ? Et souhaitent-ils, dans leur majorité « revenir en arrière » ?

Question au ministre de l’Intérieur : « Ce gouvernement joue-t-il avec le feu en multipliant les réformes sociétales » ? Réponse : « Non. Le mariage pour tous était un engagement du président de la République. Cette réforme a abouti après un long débat. Il est clos. Il appartient souvent à la gauche de mener des réformes de société ». Mais plus qu’un retour sur le « mariage pour tous » les slogans d’hier, au travers du « genre » s’en prenaient à la « PMA » et à la « GPA ».

Fractures

Le gouvernement rétorque que ces deux possibilités ne figurent pas dans le projet de loi « sur la famille » à venir sous peu devant le Parlement. Les opposants font valoir la possibilité d’amendements. Ils rappellent les ambiguïtés sur ce point des soutiens à ce même gouvernement – voire même de ses membres. De fait les polémiques passées autour du « mariage pour tous » ont amplement et publiquement témoigné de la ligne de fracture qui sépare ici les « forces de gauche ». Une opposition  personnalisée notamment par les affrontements entre Elisabeth Badinter et Sylviane Agacinski (voir ici le dossier du Nouvel Observateur). Manuel Valls affirme ce matin 3 février sur RTL que le gouvernement s’opposera à tous les amendements sur ce sujet. Ce que ne disait pas, il y a quelques jours au même micro la ministre Dominique Bertinotti, ministre chargée de la Famille  (mémoire blog).

Mais ceci n’est qu’une grille de lecture. En arrière-plan, rarement abordée, il y a la question de l’indisponibilité du corps humain (« mon corps ne m’appartient pas ») inscrite dans le fil du marbre de la loi française. Il y a aussi la question de l’usage de technique thérapeutiques développées depuis un bon quart de siècle (celles de la procréation médicalement assistée) à des fins qui ne le sont plus. Sur ce point les médecins spécialisés et les biologistes de la reproduction restent pour la plupart étrangement silencieux. On les a connu plus prolixes sur des débats de société qui concernaient leur savoir et leur pouvoir, tous deux croissants.

Singe et gène

Une autre grille de lecture des évènements auxquels nous assistons serait sans doute celle, traditionnelle,  qui oppose les forces du Progrès à celles de la Réaction. Les Lumières contre l’obscurité religieuse. Elle est fréquemment utilisée mais peine à tout embrasser. Une autre grille est celle, originale et pertinente, offerte par le sociologue Sébastien Lemerle dont les Presses Universitaires de France viennent de publier un essai documenté, parfois provocateur, toujours stimulant (1).

L’auteur ne craint pas de se mettre parfois en danger. Il met en lumière l’existence, en France, d’un puissant discours « biologisant » ; un discours qui trouve pour partie son pouvoir dans l’œuvre puissamment vulgarisatrice des éditions Odile Jacob. Un discours qui n’est pas sans conséquences sur notre perception du monde vivant et sur ce qu’est (ou n’est pas) l’identité humaine. Le titre : « Le singe, le gène et le neurone ». A coup sûr, on en reparlera.

A demain.

(1) « Le singe, le gène et le neurone ». Sébastien Lemerle. Presses Universitaires de France. Collection Science, Histoire & Société. 22 euros

Affaire de la Première Dame : les cachets, le blues et La Lanterne

Bonjour. Nous avons vu il y a quelques jours  le blues (mémoire-blog). Ou plus précisément le gros coup de blues.  Mais le post-blues ?  Les symptômes, les diagnostics différentiels, la thérapeutique et les pronostics ? On plaisante bien évidemment. Mais bien tristement. Comment traiter autrement cette mise en scène publique d’une affaire dont les principaux intéressés (et leurs proches) ne cessent d’affirmer (dans les médias) qu’elle est privée ? On peut accuser la presse bien sûr, comme on peut accuser un auteur de feuilleton de tenir ses lecteurs en haleine. Comme on peut accuser le système du page-turner et le concept de storytelling. Et s’en repaître.

Coquillettes et jambon sans télévision

Quelles sont les nouvelles du strict point de vue médical ? Valérie Trierweiler a quitté samedi 18 janvier l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Elle vient de tweeter :

« Merci du fond du cœur à tous ceux qui ont envoyé des messages de soutien et de rétablissement via twitter, SMS ou courriels. Très touchée. »

Elle y aura séjourné pendant près de huit jours. « Plus d’une semaine cloîtrée dans une chambre de la Salpêtrière, cernée de vigiles et d’infirmières, avec son iPhone pour seule compagnie ! Très abattue, la tension en berne, elle s’est nourrie de jambon-coquillettes de l’hôpital, ce qui la changeait des petits plats délicats de l’Elysée. Elle n’a vu presque personne, à part ses fils, dont le plus jeune tous les jours, sa mère et son frère de temps en temps » nous apprend Paris Match qui semble s’être procuré le plat unique proposé durant la semaine à l’AP-HP.

S’évanouir sous les flashes

Paris-Match qui affirme qu’il n’y a pas d’écran-plat à La Pitié : « Mardi, c’est de son lit qu’elle a regardé la conférence de presse du Président de la République sur le mini-écran de son iPhone, car elle n’a ni télé, ni iPad. C’est peu de dire qu’elle est déçue par la façon expéditive qu’il a eu d’éluder le problème. Elle avait songé un moment à assister à cette conférence. Les médecins l’en ont dissuadée. Trop affaiblie. Pas besoin de s’évanouir au milieu des flashes et des micros. » Sans doute les médecins de la Pitié ont-ils eu raison.

« Jeudi, Valérie Trierweiler déclarait à son fils qu’elle voulait coûte que coûte quitter l’hôpital pour aller se ressourcer à la Lanterne, croit savoir l’hebdomadaire qui connaît le poids des mots et qui a dû tenter beaucoup pour prendre quelques photos. Elle allait mieux. Mais curieusement, vendredi en fin de matinée, son fils n’était plus le bienvenu à son chevet. Aux abonnés absents, elle semblait s’être endormie très profondément. Son fils explose, s’inquiète auprès du médecin. On lui répond que sa mère a besoin de repos. »

Mises en abyme médiatiques

Question à la nouvelle direction générale de l’AP-HP : peut-on écouter aux portes des chambres de La Pitié ? « La veille au soir, jeudi vers 21 h 15, celui qui demeure encore son compagnon officiel lui rend visite pendant une demi-heure. Ils ne se sont pas sautés dans les bras, on n’en est plus là. Il lui aurait dit avoir « besoin de temps ». C’est là qu’ils auraient convenu d’un séjour pour elle à La Lanterne « en attendant ». En attendant quoi ? C’est tout le problème. »

Rappelons que nous sommes ici dans une mise en abyme sans issue. Avant d’être Première Dame Valérie Trierweiler  était journaliste à Paris Match. Elle l’est restée après, prenant tous les risques inhérents à la confraternité (1), cette haine vigilante.

Bodygyards

Paris Match, parlant aujourd’hui de la Première Dame : « après dix-neuf mois à se couler dans la fonction non-définie de Première Dame sous les yeux des Français et sous la loupe de la presse mondiale, après moult apparitions publiques, après les chauffeurs, assistantes, bodyguards, robes de couturiers, il doit être difficile de redescendre dans le quotidien. Redevenir anonyme ? Impossible ! Valérie n’a jamais voulu lâcher son job d’origine : ses articles pour Paris Match. Un ancrage. Une sorte d’assurance ? L’appartement de la rue Cauchy dans le 15ème où le couple habitait avant l’élection est au nom de François Hollande. Sera-t-il encore son domicile à elle ? On imagine l’inquiétude. » Comment ne pas l’imaginer ?

Abyme médiatique, toujours : « Il lui faudra du temps, des années, pour encaisser le choc le plus violent de sa vie : la tromperie de celui qui fut son compagnon depuis huit ans. Le pire : lire dans la presse que l’histoire avec Julie Gayet aurait commencé avant l’élection… Valérie oscille entre l’abattement et la rage. »

Des « cachets » mais pas de TS

Abymes encore : « Dès la publication des photos de «Closer», après une conversation musclée – les aveux – avec François Hollande, elle aurait pris quelques somnifères, histoire de trouver un peu de répit dans un sommeil qui n’arrivait pas ; elle a peut-être avalé un comprimé de trop. Mais ça n’est pas cette mère de trois garçons, bosseuse, très ancrée dans le réel qui va faire une tentative de suicide. Le lendemain, elle se réveille à l’Elysée, nauséeuse, mal en point, on le serait à moins. « Les services » de l’Elysée lui conseillent de se faire hospitaliser, afin de prendre du champ. »

Paris-Match assure que la Présidence aurait souhaité ne pas ébruiter son hospitalisation. Mais c’est par le cabinet de Valérie Trierweiler que l’information a fuité. Et c’est alors que l’on a appris que le Palais de l’Elysée (où se trouve ce cabinet) confirmait le diagnostic de « gros coup de blues ».

« Centre Emotion »

On complètera le dossier avec Le Journal du Dimanche, titre appartenant au même groupe que Paris Match. Laurent Valdiguié et Marie-Christine Tabet y étoffent le chapitre, essentiel ici, des antécédents. Sur les circonstances on découvre que l’hospitalisation aurait été justifiée par la prise de « quelques cachets mais sans qu’il y ait tentative de suicide ». « Une installation à La Lanterne (ancien pavillon de chasse devenu propriété de la République) aurait été envisagée (avec assistance médicalisée). « Mais il a finalement été décidé de l’hospitaliser à La Pitié-Salpêtrière, l’hôpital du conseiller santé du président Olivier Lyon-Caen, dans le service du Pr Roland Jouvent, un spécialiste de la dépression. » Professeur de psychiatrie, auteur d’un ouvrage chez Odile Jacob (« Le  cerveau magicien ») le Dr Roland Jouvent est, au Cnrs, le directeur du « Centre Emotion » .

Paris Match dit qu’à l’Elysée, « on est déjà tenté de tourner la page… » Page-turner.  A demain.

(1) Il s’agit d’un ouvrage mal compris au moment de sa sortie, durant l’été 2012. Un ouvrage qui ne tardera plus à être redécouvert. Signé du journaliste (ancien du Monde)  Laurent Greilsamer il est intitulé « La Favorite » et il est édité chez Fayard. Voici la recension qu’en faisait Didier Pourquery dans les colonnes du Monde datée du 27 août 2012 :

« Portrait au vitriol d’une hyper Première Dame

Faut-il qu’elle ait énervé Laurent Greilsamer, pour qu’il lui consacre un tel essai ! Ceux qui connaissent un peu le biographe d’Hubert Beuve-Méry, René Char et Nicolas de Staël, ex-directeur adjoint du Monde cravaté de demi-teinte, ne s’attendaient certes pas à une charge pareille. (…) cette Favorite  est une chronique au vitriol des cent jours de Valérie Trierweiler comme première dame ; un pamphlet, et de la plus belle eau ; une « adresse à », écrite à la deuxième personne du singulier.

L’auteur écrit à une consœur revendiquée (« première journaliste de France. No comment », écrit-il) avec le tutoiement de rigueur entre confrères. Sauf qu’il s’agit là d’une journaliste un peu particulière, autoproclamée chroniqueuse à Paris Match… « Cela s’appelle une sinécure et c’est toi qui l’as imposée », glisse Greilsamer.

Tout le livre est sur ce ton qui brosse le portrait d’une angoissée, aveuglée par son ambition, sa jalousie, ses réflexes, sa volonté de contrôle. « As-tu conscience de jouer à la Pompadour, roturière des Lumières ? Eclairée et détestée ? », lui demande l’auteur. Si cet ouvrage s’intitule La Favorite, c’est qu’il situe ces cent jours-là dans l’Histoire, notamment autour de l’affaire du tweet du 12 juin : « Tu devrais relire Michelet, suggère le pamphlétaire, son récit de la guerre que livra la duchesse d’Etampes, favorite de François Ier, à Diane de Poitiers, favorite d’Henri II. Médite cette histoire (…). Veux-tu vraiment harceler Ségolène jusqu’à ce que mort s’ensuive ? »

Portrait d’une amoureuse intranquille aux côtés de « son homme », le soir du 6 mai, « la télé-réalité, c’est vous », note le confrère qui prend parfois des accents empathiques : « Pourquoi ne parviens-tu pas à être apaisée ? Pourquoi cette douleur, cette angoisse qui n’est jamais loin, tapie, là, juste derrière ? »

Laurent Greilsamer, dans ses imprécations et ses faux conseils souvent drôles (« Tu répéteras cent fois : moi première dame de France, je ne perdrai pas mes nerfs »), montre comment peu à peu son personnage perd pied et ne s’appartient plus. Personnage de roman, Valérie Trierweiler l’est, à n’en pas douter.

Et c’est une vertu de ce livre de faire prendre conscience qu’après le quinquennat Sarkozy où le président était éminemment romanesque (souvenons-nous du livre de Yasmina Reza et du film La Conquête), François Hollande, lui, est d’une autre étoffe. Laurent Binet semble en avoir fait l’amère expérience (il a écrit Rien ne se passe comme prévu, le récit de la campagne du candidat Hollande).

Sa compagne en revanche est une vraie héroïne de fiction, pétrie de contradictions, de doutes et d’angoisses, poussée à l’action par ses affects, ses coups de tête et de colère. Poussée en avant aussi par le souvenir de ses origines qui l’inclineraient à chercher une revanche.

L’affaire du tweet qui la symbolise sera-t-elle bientôt oubliée ? Pas sûr, estime Laurent Greilsamer : « Chère Valérie, as-tu finalement compris que ces 135 signes ont d’emblée conféré une couleur équivoque au nouveau quinquennat ? (…) Seras-tu l’aimant qui attire l’impopularité autour du président ? »

En tout cas, cette « hyper-première dame » et sa communication estivale, après un bref passage par la case « fantôme », est restée un sujet de conversation pour les Français pendant leurs vacances ; la rentrée pour elle sera particulièrement délicate à négocier. Dans quel registre jouera-t-elle ? Ce livre féroce nous donne quelques pistes pour en juger.

La Favorite, Laurent Greilsamer, Fayard, 112 p., 8 €.