Ebola : en avoir peur ou pas ? L’affaire de Marbourg (Allemagne, 1967)

Bonjour

Alerte : le virus Ebola est de retour en Afrique. A l’heure où sont écrites ces lignes, près d’une centaine de morts ont été recensées  en Guinée. La capitale Conakry est touchée.  Des cas ont été officiellement diagnostiqués au Libéria. D’autres sont fortement suspectés en Sierra Leone. Des mises en quarantaine sont décrétées ici ou là,  et on recherche activement les personnes ayant été en contact avec les malades.

L’affaire prend de l’ampleurLe Sénégal a fermé sa frontière terrestre avec la Guinée et y a suspendu la tenue des marchés hebdomadaires. Le Maroc renforce son dispositif de contrôle sanitaire aux frontières, en particulier à l’aéroport de Casablanca, principale plateforme aéroportuaire pour l’Afrique du Nord et de l’Ouest. C’est une « mesure de précaution » a précisé le ministère marocain de la Santé. L’aéroport Mohammed-V de Casablanca  dispose de liaisons quotidiennes avec Conakry. L’Arabie saoudite vient d’annoncer  la suspension de l’octroi des visas pour le pèlerinage de La Mecque aux fidèles en provenance de Guinée et du Liberia.

MSF en action

Les inquiétudes sont sanitaires et économiques. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se dit fortement préoccupée par cette épidémie qui représente selon elle « une sérieuse menace régionale ». Elle vient d’appeler la communauté internationale à l’aide.  Pour sa part l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) annonce qu’elle renforce ses équipes dans les zones infectées du sud de la Guinée. Elle explique tenter de prévenir, localement, les mouvements de panique.

« Nous mettons tout en œuvre pour traiter les patients avec dignité, tout en protégeant la communauté et leur famille d’une éventuelle contamination » explique Marie-Christine Ferir, coordonatrice d’urgence de MSF. Nous voulons à tout prix éviter que la population panique. C’est pourquoi il est essentiel de transmettre toutes les informations nécessaires pour comprendre la maladie et comment s’en protéger. »

Conakry-Paris

La principale menace sanitaire est que l’épidémie s’étende progressivement au sein des pays  touchés et dans les zones frontalières. Mais curieusement personne n’envisage aujourd’hui à l’OMS  que le virus Ebola puisse être, depuis Conakry par exemple,  transporté en quelques heures et par voie aérienne en un autre point de la planète.

Depuis 1976 et le cas de Yambuku (République démocratique du Congo), près de la rivière Ébola qui lui donna son nom, on a recensé une vingtaine de flambées  épidémiques de fièvre hémorragiques dues à différents sous-types de cet agent pathogène. Toutes ont été observées en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Elles ont à chaque fois fait plusieurs dizaines ou centaines de victimes avec des taux de mortalité compris entre 50 et 90%. Il n’existe ni vaccin ni médicament permettant de prévenir ou de traiter cette maladie.

Contagion durable

Fièvre, vomissements, diarrhées, éruptions cutanées, hémorragies internes et externes. Si elles ne meurent pas les victimes restent contagieuses tant que le virus est présent dans leur sang et leurs sécrétions.

Devons-nous, aujourd’hui en Europe, avoir peur d’Ebola ? Toutes ces flambées épidémiques ont été initialement observées  dans les villages africains isolés, à proximité immédiate des forêts ombrophiles tropicales.  Le virus se transmet à l’homme à partir des animaux sauvages et se propage ensuite dans les populations par transmission interhumaine.

Contacts indirects

Les différentes études menées sur ce thème ont démontré que le virus peut être transmis à la suite de contacts directs (peau lésée ou muqueuses) avec du sang, des sécrétions, des organes ou des liquides biologiques de personnes infectées. Mais il peut aussi s’agir de contacts indirects par l’intermédiaire d’environnements contaminés par ce type de liquides.

Jusqu’à présent  l’histoire et l’expérience montrent qu’à la différence notable du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et des grippes il n’existe aucun cas connu de diffusion internationale massive des virus des fièvres hémorragiques. C’est  pourquoi aucune restriction des voyages en provenance de Guinée n’est actuellement envisagée.   « La fièvre Ebola n’est pas une maladie qui, normalement, fait un nombre élevé de victimes  contrairement à  la grippe ou d’autres maladies transmissibles »  insiste  l’OMS depuis son siège aseptisé de Genève.

Pas d’alerte aux frontières

C’est l’absence de transmission immédiate par voie atmosphérique (par aérosol) qui fait que le virus Ebola n’inquiète pas outre mesure les autorités sanitaires internationales.  Et c’est ce qui explique qu’aucune procédure particulière d’alerte aux frontières n’est prévue en cas de flambées épidémiques africaines.

On oublie peut-être trop rapidement  l’affaire de Marbourg (1967) qui avait créé début de panique en Europe. C’était en  1967 lorsque des chercheurs se contaminèrent  en préparant un vaccin à partir de cultures de cellules rénales de singes verts  importés d’Ouganda. Trente-et-un salariés de Behring furent atteints et sept en moururent. On donna ensuite au virus le nom de la ville où il fut pour la première fois identifié. Depuis, le virus de Marbourg continue de sévir épisodiquement sur le sol africain.

Pas de rapatriement sanitaire

Cet épisode allemand démontre que l’exportation du virus Ebola depuis le sol  africain n’a rien d’impossible. Rappel : l’incubation peut varier de deux à vingt-et-un jours. A noter :  la plupart des entreprises privées spécialisées de rapatriement sanitaire refusent de prendre en charge des malades suspects d’être infectés par le virus Ebola.

A demain

L’air pollué (7 millions) tue autant que le tabac (6 millions). Pourquoi ne pas interdire de fumer durant les pics de pollution ?

Bonjour

Jeudi 27 mars 2014. Paris pollué. Un peu à la manière de Pékin, en nettement plus modeste. Est-ce un clin d’œil au président chinois en visite dans la capitale française ? Particules fines, ce soir, en la Galerie des glaces de Versailles?

« Airparif », chargé de surveiller la qualité de l’air en Ile-de-France, prévoit pour aujourd’hui un taux de pollution aux particules « au-delà du seuil d’information, qui déclenche des recommandations pour les populations les plus fragiles ».

Venir voter semi-gratis 

Ce nouveau pic n’est toutefois  pas assez élevé pour conduire le gouvernement Ayrault (sur le départ) à décider d’une mesure de circulation alternée comme il le fit le 17 mars dernier. Aussi les observateurs politiques estiment-ils que cet épisode sera sans conséquences sur le résultat du second tour des élections municipales dans la capitale. Quoique. En prévision de ce dépassement, la mairie de Paris a décidé « de rendre gratuit jeudi le stationnement résidentiel pour les 170 000 Parisiens détenteurs d’une carte annuelle, afin de les encourager à ne pas prendre leur véhicule ». Par ailleurs, la mairie de Paris « indique que si le seuil d’alerte venait à être dépassé dans les jours prochains, des mesures complémentaires seraient prises telles qu’une  »certaine gratuité » (sic) pour les Autolib’ et Velib’. » Venir voter semi- gratis?

Le hasard veut que tout ceci survienne au moment même où l’OMS fait savoir urbi et orbi que  la pollution atmosphérique tue désormais de manière prématurée environ 7 millions  de personnes par an dans le monde. Volontairement ou pas, elle oublie de faire la comparaison avec la mortalité due au tabac (« Les comptables de la pollution atmosphériques font une croix sur le tabac. Pourquoi ? »).

Hécatombes en perspectives

Heureusement certains médias sont là, pour mettre en perspective les hécatombes. Le Monde notamment, qui nous dit : « en 2012, la pollution de l’air a été responsable d’un décès sur huit au niveau mondial, soit environ 7 millions de morts – plus que le tabagisme ». « Plus que le tabagisme » ? Mais encore ? On va sur le site de l’OMS :

« L’épidémie de tabagisme tue près de 6 millions de personnes chaque année. Plus de 5 millions d’entre elles sont des consommateurs ou d’anciens consommateurs, et plus de 600 000, des non-fumeurs involontairement exposés à la fumée. Si aucune mesure n’est prise d’urgence, le nombre annuel de ces décès pourrait atteindre plus de 8 millions d’ici à 2030. Plus de 80% du milliard de fumeurs dans le monde vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Même si elle baisse dans certains pays à revenu élevé ou à revenu intermédiaire supérieur, la consommation totale de produits du tabac augmente au niveau mondial. »

Questions pour Airparif

Rappelons que dans les deux cas il s’agit de morts prématurées par inhalation de substances toxiques. Et que dans les deux cas la puissance publique a le pouvoir de modifier la situation. Surtout dans le cas du tabac, addiction fiscalisée industriellement entretenue (1). Rappelons aussi que le tabac tue la moitié de ceux qui en consomment. Soit une proportion nettement plus élevée que ceux qui respirent une atmosphère polluée. Sans parler de celles et ceux qui fument pendant les pics de pollution.

A ce sujet, une question : pourquoi « Airparif » ne conseille-t-il  pas aux fumeurs d’éviter de fumer lors de la prochaine alerte aux particules fines ? Il faudra aussi parler du « vapoter ». Nous allons interroger « Airparif »  et nous vous tiendrons informés. Si possible avant la prochaine alerte aux fines particules.

A demain

(1)  Les fumeurs et les autres liront avec délice, de l’historien américain Robert N. Proctor   « Golden Holocaust. La conspiration des industriels du tabac ». Paris .Editions des Equateurs, 2014. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj. Préfacé et édité par Mathias Girel. Postface d’Etienne Cagnard, président de la Mutualité Française

Rage dans le Val d’Oise : un animal et des affaires d’importations illégales

L’alerte rabique (08 11 00 06 95) a été lancée il y a moins de vingt-quatre heures (mémoire-blog). Le chaton tricolore de la rue Marguerite avait été importé illégalement du Maroc. Il met en lumière une affaire internationale  de santé publique.

Fête de la Toussaint ou pas le système fonctionne. La cellule d’information du public qui a été mise en place hier par la préfecture du Val d’Oise a commencé ce matin à répondre aux premiers appels.

Quarante pavillons déjà visités

 L’objectif, c’est d’informer le public, et surtout de voir si d’autres personnes ont été contact avec le chat, a expliqué à l’Agence France Presse Gilles Prieto, directeur de cabinet du préfet du Val d’Oise. On cherche à déterminer comment l’animal est arrivé à Argenteuil, et à qui il a pu appartenir auparavant. Cela va sans doute prendre plusieurs jours. » Ou plus. « L’enquête de terrain progresse, nous a expliqué M. Prieto. Les habitants d’une quarantaine de pavillons ont pu être interrogés et des éléments nous laissent penser que l’animal trouvé enragé avait il y a peu été importé du Maroc. » Présomption qui colle avec les résultats du génotypage viral.

Adoption et précaution

L’animal, une femelle âgée d’environ deux mois, avait été trouvé dans la rue Marguerite par des particuliers. Ces derniers  ont aussitôt décidé de l’adopter. Avant de s’inquiéter devant  son « comportement agressif ». Puis le petit chat est mort. « Quand l’animal est décédé, ses propriétaires ont décidé par précaution d’appeler un vétérinaire. Ce dernier a eu un bon réflexe, en contactant l’Institut Pasteur » commente M. Prieto. Rien de plus rassurant que des réflexes vétérinaires en parfait état de fonctionnement.

Seul, le chat ne voyage pas

Aucun autre cas d’animal présentant des symptômes qui pourraient être ceux de la rage n’a pour l’instant été signalé. On postule, à la préfecture du Val d’Oise, que les éventuelles contaminations devraient être limitées. La base de ce postulat concerne les chats : « quand ils sont livrés à eux-mêmes, les chats restent généralement dans un secteur d’un kilomètre » explique encore M. Prieto. Les cinq personnes en cours de traitement par vaccination thérapeutique avaient été griffées par le chaton enragé.

Mais est-ce ce chaton qui a importé le virus rabique rue Marguerite ? N’a-t-il pas au contraire été lui-même contaminé par un autre animal, chat ou pas ? Une chose est certaine : il ne peut s’agir d’un cas autochtone. Le dernier cas autochtone français  recensé est celui d’un renard  abattu en octobre 1996 à  Maubert-Fontaine (Ardennes). « La France a été déclarée officiellement indemne de cette maladie en novembre 2001 par l’Office international des épizooties (OIE) » souligne le ministère français de l’Agriculture.

Jour de Toussaint

Interrogés en ce jour de Toussaint les services parisiens du ministère de l’Agriculture ne semblent guère intéressés. Ils ne peuvent fournir une liste exhaustive des cas de rage animale importés en France une décennie. Nos interlocuteurs nous conseillent d’aller sur le site ministériel – « occurrence « rage ». Ces cas y sont, ou pas, dans un relatif désordre.  On y retrouve la trace d’un cas en Vendée (2011, Maroc) et d’un autre (2008, Seine-et-Marne). Il semble qu’au cours des douze dernières années, dix cas de rage ont été diagnostiqués chez des chiens en France. Chacun de ces cas était directement ou indirectement lié à l’importation irrégulière d’un chien en provenance d’un pays où sévit cette maladie.

Rappel ministériel : « Pour être légalement importés en France à partir de pays extérieurs à l’Union européenne, les carnivores domestiques accompagnant les voyageurs doivent être correctement identifiés, valablement vaccinés contre la rage et répondre aux exigences sanitaires qui sont fixées selon les pays et disponibles auprès des ambassades ou sur le site Internet du ministère en charge de l’Agriculture. »

 Failles à nos frontières

On ajoutera que chaque cas animal importé est immanquablement le symptôme des failles dans les contrôles aux frontières. La France n’est pas la seule concernée. Le 21 octobre les Pays-Bas notifiaient  aux autorités sanitaires internationales deux cas de rage concernent deux chiots de quatre mois de la même portée en provenance de Bulgarie arrivés aux Pays-Bas le 5 octobre.

Le dernier cas humain autochtone connu de rage en France date de 1924  (auquel il faut ajouter un cas mortel en Guyane française, 2008). En 1982 un homme de 40 ans était mort de la rage à Toulon après avoir été mordu par un chien en Afrique de l’Ouest. Puis en 1991, un homme de 28 ans à Nice après une morsure de chien au Mexique. Le risque animal justifie quant à lui  les mesures en vigueur en France de marquage systématique des animaux domestiques.

Entre 50 000 et 100 000 morts par an

En 2005 le ministère français de l’Agriculture émettait une série d’informations pratiques sur le thème « Ne ramenez pas la rage dans vos souvenirs de voyage ». Les contrôles aux frontières (et la rage) étant ce qu’ils sont,  il ne serait pas inutile de réactiver cette initiative.    Pour l’Organisation mondiale de la santé animale la maladie continue d’être un fléau international.  Elle est présente de manière endémique dans de nombreux pays africains, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique. Selon l’OMS plus de cinquante mille personnes continuent d’en mourir chaque année. D’autres sources évoquent le double.

Louis Pasteur est mort en 1895 à à Marnes-la-Coquette (à cette époque en Seine-et-Oise).  En 2013 le virus est/était dans le Val d’Oise. Et, comme on peut le voir ici, il demeure bien vivant sur tous les continents.& Jusqu’à quand?

 

Tabac: schizophrénique, l’OMS redit son veto à la cigarette électronique

L’OMS est engagée dans un bras de fer avec Big Tobacco. Pour autant elle  reste sourde à l’appétence  internationale grandissante pour  le vapotage. Une des raisons : le nicotine est délivrée dans les poumons. Prendre le risque du « non au vapotage » et, ainsi, du « oui au tabac ».

Via Appia, sur les hauteurs luxueuses de Genève le siège de l’OMS a tout d’un palais de verre. C’est aussi une tour d’ivoire. Si l’on excepte les pré-alertes pandémiques le temps s’écoule à un autre rythme que dans le reste du monde. La direction générale et l’immense armée des fonctionnaires internationaux y vivent au rythme des « assemblées mondiales », des manœuvres électorales, de l’angoisse des élections et des reconductions du budget de l’Organisation.

On traite aussi parfois, via Appia, de santé voire de prévention. L’OMS est ainsi engagée dans une action affichée comme volontariste contre les multinationales du tabac. Dans le jargon onusien c’est « L’Initiative pour un monde sans tabac ». Une action qui n’est ni sans panache ni sans résultat. Pour autant qui dit monde « sans tabac » ne dit pas, via Appia, monde seulement débarrassé des goudrons et des fumées cancérigènes. Il faut y associer la nicotine inhalée. Et ceci est loin d’être un détail, qui conduit à la schizophrénie : non au vapotage, au risque de dire oui au tabac.

Cinq ans bras croisés

Dans un précédent billet de ce blog nous rappelions la position de l’organisation onusienne : « L’OMS n’a connaissance d’aucune preuve scientifique étayant l’affirmation des entreprises qui commercialisent la cigarette électronique, selon laquelle celle-ci pourrait aider les gens à cesser de fumer. En réalité, à notre connaissance, aucune étude rigoureuse avalisée par des spécialistes, n’a été effectuée démontrant que la cigarette électronique est une thérapie sûre et efficace de remplacement de la nicotine, faisait-on savoir au siège genevois de l’Organisation en septembre 2008. L’OMS n’écarte pas la possibilité que la cigarette électronique puisse être utile comme moyen de sevrage. La seule façon de le savoir est de réaliser des tests. »

Cinq ans plus tard des millions de personnes ont commencé à tester et/ou à adopter la cigarette électronique. Souvent avec nicotine, parfois sans. Parfois dans l’optique du sevrage tabagique, parfois non. Parfois en association avec la cigarette de tabac, parfois pas. Toujours avec en arrière-plan la volonté plus ou moins nette de briser une addiction, un servitude qui n’avait plus rien de volontaire.

Sécurité toujours non démontrée

Durant ces cinq ans qu’a fait, sur ce front majeur de santé publique, l’OMS ? Rien de notable. Sauf réunir ses experts pour rédiger le document qui vient d’être rendu publique depuis la via Appia. Juillet 2013 : l’OMS déconseille le recours à la cigarette électronique. Pour justifier sa position que met-elle  met en évidence ? Tout simplement le manque de données scientifiques, relatives à la sécurité d’emploi et à l’efficacité de ce produit, en tant que méthode de sevrage. On trouvera son argumentaire Questions/Réponses (en anglais) concernant sur ce qu’elle appelle « les systèmes électroniques de délivrance de nicotine ». Ce qui donne « electronic cigarettes or electronic nicotine delivery systems» ou ENDS) – ce qui ne manque pas d’humour.

Pour l’essentiel : « la sécurité des ENDS n’a pas été scientifiquement démontrée ». En substance : les risques potentiels qu’elles posent pour la santé des utilisateurs restent indéterminés. En outre, des tests scientifiques indiquent que les produits varient largement en concentration de nicotine et d’autres substances chimiques et il n’existe aucun moyen pour les consommateurs de savoir ce qui est réellement délivré par le produit qu’ils ont acheté. En substance, toujours : Comme les ENDS ne génèrent pas la fumée associée à la combustion du tabac il est communément admis par les consommateurs que leur utilisation est plus sûre que le tabac à fumer. Cette «sécurité»  illusoire peut être attrayante pour les consommateurs. Pour autant les produits chimiques utilisés dans les cigarettes électroniques ne sont pas tous connus et il n’y a pas de données adéquates quant à leurs émissions.

La livraison nicotinique au poumon

L’usage de la cigarette électronique  est-elle une méthode efficace pour arrêter de fumer du tabac? Pour l’OMS cette efficacité n’a pas été scientifiquement démontrée. Elles  sont souvent considérées comme substituts de tabac, des alternatives de fumer ou des aides de renoncement au tabac. « Mais nous savons que les produits de désaccoutumance au tabac, pour être utilisés efficacement et en toute sécurité, doivent être utilisés conformément aux instructions élaborées pour chaque produit par des essais scientifiques. » Ce qui n’est pas le cas des ENDS.

Or aucune des aides substitutives autorisées (timbres et chewing-gums) ne « libère de la nicotine dans les poumons ». Par voie de conséquence les mécanismes biologiques par lesquels le sevrage tabagique pourrait être atteint (via la livraison de nicotine dans les poumons) sont inconnus. Et cette « livraison nicotinique au poumon » pourrait être dangereuse. Par conséquent, indépendamment des effets de la nicotine, il est d’une importance capitale, globale, mondiale d’étudier cette question.

Impacts désastreux

D’ici là l’OMS estime non pas de sa responsabilité mais bien de celle des Etats de déconseiller l’usage des cigarettes électroniques. Pour l’avenir il conviendrait que l’innocuité et l’efficacité de ces dispositifs soient évaluées par des organismes nationaux  réglementaires compétents.

Rien semble-t-il n’est prévu sur ce sujet en France où, assure-t-on de source officielle, près d’un million de personnes sont d’ores et déjà concernées. Directement concernées. Auxquelles il convient d’ajouter leurs proches.  Rien n’est prévu non plus pour évaluer les impacts désastreux des encouragements officiels répétés ayant pour effet de décourager celles et ceux qui envisagent, parfois non sans courage, de passer au vapotage.

 

 

 

 

 

 

 

 

2013 : le coronavirus « moyen-oriental » et le Sras de 2003

C’est aujourd’hui une équation majeure de santé publique. C’est aussi l’une des plus délicates à aborder d’un point de vue politique et médiatique. L’OMS se tait. Publications allemande et française dans The Lancet. Etat actualisé du dossier à la veille du « petit pèlerinage » vers l’Arabie saoudite

On ne plaisante plus. Le nouveau coronavirus qui circule depuis plusieurs mois dans la Péninsule arabique est désormais connu sous le nom de MERS-CoV(Middle East respiratory syndrome coronavirus). Une précision géographique que n’avait pas connue, il y a précisément dix ans, le Sras asiatique. Pourquoi ?  L’OMS fait état d’une soixantaine de cas recensés dont plus de la moitié ont connu une issue fatale. Il a été formellement identifié en Arabie saoudite, au Qatar, aux Emirats Arabes Unis et en Jordanie. Il l’a également été chez des personnes de retour de ces pays en Tunisie, au Maroc, en France, en Italie, au Royaume-Uni et Allemagne. L’OMS souligne que des transmissions locales ont été observées dans plusieurs pays, dont la France. La transmission interhumaine n’est donc plus une simple hypothèse.

Anatomie et physiopathologie du cas de Munich

En dépit de recherches intenses, de nombreuses incertitudes demeurent quant aux mécanismes grâce auxquels ce nouveau virus parvient à tuer une proportion élevée des personnes qu’il infecte. Un groupe de chercheurs allemands publient dans The Lancet Infectious Diseases la première description complète d’un cas mortel. Le Pr Christian Drosten (Institut de virologie du Centre médical universitaire  de Bonn) et ses collègues se sont attachés à comprendre ce qui s’est passé chez un homme âgé de 73 ans hospitalisé  pour une détresse respiratoire compliquée d’un insuffisance rénale puis d’un choc septique terminal. En voyage à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis), ce malade est mort dix jours après son hospitalisation à la  Klinikum Schwabing de Munich.

Le MERS-CoV a été détecté dans les échantillons de fluide bronchique, les concentrations virales les plus élevés étant retrouvées dans les échantillons provenant des voies respiratoires inférieures. Ce virus était également présent dans les échantillons urinaires et dans les selles. Il n’a pas été retrouvé dans le sang. L’analyse comparée des génomes a permis d’établir l’existence de liens de parentés avec les MERS-CoV circulant actuellement au Qatar et aux Emirats Arabes Unis.

Cibles rénales ?

La grande question de santé publique internationale concerne les similitudes virologiques pouvant exister ou non entre le MERS-CoV et leSRAS-CoV. Ce dernier avait, entre mars et juillet 2003 provoqué à partir de Hong Kong une épidémie mondiale de syndrome respiratoire aigu sévère; soit au total plus de 8.000 cas probables ou confirmés et 774 décès dans 25 pays à travers cinq continents. Seule une coopération internationale exemplaire avait permis de contenir l’extension de ce phénomène, en l’absence de thérapeutique efficace.

Benoît Guery (CHU de Lille) et Sylvie van der Werf (Institut Pasteur de Paris) commentent l’hypothèse allemande selon laquelle les reins des personnes infectées pourraient être la cible principale de ce virus. Sa présence dans les urines est-elle ou non un facteur de mauvais pronostic comme en témoigne le cas allemand avec apparition rapide d’un choc septique et d’une défaillance multi-viscérale fatale ?

Généalogies virales

Les virologues allemands ont également comparé les résultats des analyses effectuées du génome viral avec ceux des quatre autres génomes déjà connus de ce virus et établi l’existence de liens de parentés avec les MERS-CoV circulant actuellement au Qatar et aux Emirats Arabes Unis. Ils datent l’émergence de cette nouvelle souche virale à la mi-2011, soit un avant son premier isolement en Jordanie.

Pour les spécialistes français, ce que l’on sait de la chronologie de l’épidémie de Sras peut laisser penser que l’on est aujourd’hui dans la phase initiale de l’épidémie de MERS-CoV. Le moment est venu selon eux d’élaborer des essais thérapeutiques pour tenter de garder une longueur d’avance sur le génie pathologique de ce nouveau virus. Pour l’heure, l’interféron-alpha (associé ou non à la ribavirine) semble être un candidat prometteur comme en témoignent deux publications récentes. D’autres options sont à l’étude comme des inhibiteurs de la protéase principale ou des anticorps monoclonaux. « Une recherche collective devrait tirer ici les leçons du SRAS et user des données disponibles pour garder une  longueur d’avance sur l’épidémie, soulignent les Prs Guéry et van der Werf. Un protocole thérapeutique unique, fondé sur celui décrit dans le cadre ISARIC/WHO, est nécessaire pour identifier quelles sont les meilleures stratégies d’intervention. »

Extension imminente ?

Les autorités saoudiennes craignent désormais officiellement une extension imminente de l’épidémie: des milliers de pèlerins sont attendus à partir du 9 juillet à La Mecque pour le «petit pèlerinage», en attendant le «grand», en octobre. Aucune restriction aux voyages internationaux n’a été annoncée. Pour l’heure, l’OMS demande aux autorités sanitaires nationales «de rester vigilantes».  Mais encore ? Un dépistage du MERS-CoV est recommandé chez tous les voyageurs récemment revenus du Moyen-Orient et chez lesquels on observe les signes d’une infection respiratoire et intestinale.

Ce billet reprend en partie une chronique publiée sur Slate.fr

 

Cigarette électronique, scandale de santé publique ? On s’en rapproche

Les données s’accumulent : la e-cigarette peut aider à faire passer le goût du tabac. Pourtant rien ne bouge. Ou rien ne semble bouger. L’OMS a pris position il y a cinq ans et, depuis, attend. En France on « déconseille » tout en attendant la revue bibliographique  demandée par Marisol Touraine au Pr Bertrand Dautzenberg. Une passivité  étonnante quant on connaît l’inquiétude des responsables politiques et des institutions sanitaires face à tout ce qui  peut/pourra être présenté comme un scandale de santé publique. Qui trace  les frontières de l’assuétude volontaire ? 

 

Rappelons le cadre général. Les autorités sanitaires françaises « déconseillent » la cigarette électronique. D’autres pays l’interdisent (le Canada et l’Australie notamment). En France environ un demi-million de personnes ont recours à ce dispositif et le marché se développe. Rien ne permet de dire que ce procédé de substitution au tabac est dangereux pour la santé.  Rien ne permet d’affirmer le contraire. On ne dispose d’aucune donnée épidémiologique  de pharmaco-surveillance et de risques/bénéfices

 Comment des autorités sanitaires peuvent-elles se borner à déconseiller ce procédé ? Soit il est nocif soit il ne l’est pas. Dans le premier cas il doit être interdit. Dans le second, au vu des dégâts considérables dus au tabagisme il doit être évalué et le cas échéant recommandé voire remboursé. Combien de temps avant de trancher ?  Et que se passerait-il dès lors qu’une action en justice serait engagée par des victimes contre l’Etat ? Soit pour avoir laissé en vente un produit dont il est amplement  établi qu’il est nocif. Soit pour ne pas avoir tout mis en œuvre pour briser le cercle d’une dépendance vis-à-vis d’une substance  hautement toxique dont il a le monopole de la distribution et qui est massivement taxé. L’assuétude est-elle ici véritablement volontaire ?

Un phénomène paradoxal

Nous vivons (peut-être) un tournant dans la –déjà- longue histoire de la lutte contre le tabagisme. Un tournant surprenant et paradoxal puisqu’il il ne trouve pas son origine dans une initiative scientifique ou  dans une volonté médicale. Car l’invention de la  cigarette électronique (il y a dix ans, en Chine)  ne s’inscrivait pas, au départ, dans une démarche thérapeutique.

Aujourd’hui une enquête conclut que la cigarette électronique aiderait près de neuf fumeurs sur dix à réduire leurs envies irrépressibles  de fumer. Elle indique aussi  qu’elle aiderait trois fumeurs sur quatre à cesser de consommer du tabac sur des périodes plus ou moins longues.

Cette première enquête a été menée par des chercheurs de l’University of East London. Ses résultats sont publiés dans la revue scientifique Addiction. Question : la e-cigarette (vaping  pour les anglophones) constitue-t-elle un réelle et crédible solution de substitution ?  On trouvera ici un résumé (en anglais) de ce travail. Cette étude a été faite entre septembre 2011 et mai 2012. En pratique elle a concerné 1.347 personnes vivant dans trente-trois pays européens et âgées en moyenne de 43 ans. Parmi elles  70% d’hommes.

E-cigarette : une alternative à la « cigarette non électronique »

 Toutes ont répondu à un questionnaire mis en ligne. Il portait sur leur âge, leur sexe, leur origine ethnique, leur niveau d’éducation ainsi que sur leur pratique tabagique actuelle ou passée. Et encore sur les motifs les incitant à consommer des produits du tabac.  Pour ce qui est de l’e-cigarette, le questionnaire portait sur sa durée d’utilisation, le produit et le type de cartouche, les saveurs préférées, l’importance de l’utilisation (en ml, bouffées et fréquence), les motivations, la dépendance à l’égard de la e-cigarette ainsi que sur les tentatives pour en réduire l’utilisation. Sans oublier  la satisfaction liée à son utilisation.

Il ressort de ce travail que les cigarettes électroniques sont utilisées principalement comme une forme de remplacement de la cigarette. Dans la plupart des cas, leur utilisation permet de réduire et l’envie de fumer et la consommation de tabac. Les auteurs relèvent aussi, point important, l’expression d’un sentiment général : ceux qui y ont recours estiment tous être en meilleure santé. Ce qui constitue, on le sait, la meilleure des publicités.

L’Organisation mondiale de la Santé  (OMS) se refuse quant à elle à considérer les cigarettes électroniques comme des dispositifs inoffensifs permettant d’avancer vers un sevrage tabagique. Elle explique  ne pas disposer de « preuve scientifique » de leur efficacité et de leur innocuité.

« Aucune étude rigoureuse avalisée par de spécialistes »

 « L’OMS n’a connaissance d’aucune preuve scientifique étayant l’affirmation des entreprises qui commercialisent la cigarette électronique, selon laquelle celle-ci pourrait aider les gens à cesser de fumer. En réalité, à notre connaissance, aucune étude rigoureuse avalisée par des spécialistes, n’a été effectuée démontrant que la cigarette électronique est une thérapie sûre et efficace de remplacement de la nicotine, faisait-on savoir au siège genevois de l’Organisation en septembre 2008. L’OMS n’écarte pas la possibilité que la cigarette électronique puisse être utile comme moyen de sevrage. La seule façon de le savoir est de réaliser des tests. »

Et l’OMS de préconiser que ces tests soient effectués et financés par les fabricants. Or ces derniers s’y refusent: pour des raisons financières (coût des essais cliniques) ils  se contentent  du statu quo actuel. Ceci n’est pas une fatalité. Pourquoi la puissance publique ne met-elle pas en place, de sa propre autorité, les essais cliniques qui s’imposent ? Pourquoi l’initiative n’est-elle pas prise – par exemple- à l’échelon d’une Union européenne officiellement en guère contre le tabac et le cancer ?

Rester dans la situation actuelle n’est ni compréhensible, ni acceptable. Cet immobilisme pousse à poser la question des raisons qui pourraient le justifier. Et l’on en vient immanquablement à cette autre question: pourquoi  la même puissance publique  ne se mobilise-t-elle pas pour prendre en charge l’incitation  des fumeurs à en finir avec leur mortifère assuétude. Et pour les soutenir dans une telle démarche.

On n’ose bien sûr imaginer que la fiscalisation massive des produits du tabac puisse être un argument pouvant jouer dans les arbitrages réalisés en haut lieu.

Un milliard de morts prématurées à redouter selon l’OMS

« Première cause de mortalité évitable en France, le tabagisme actif est considéré comme responsable de 90 % des cancers du poumon et de 73 000 décès prématurés chaque année dans notre pays (Catherine Hill. Épidémiologie du tabagisme In La Revue du Praticien, 20 mars 2012). Il tue un adulte sur dix sur la planète où il constitue la deuxième cause de mortalité, explique-t-on de source officielle (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé –Inpes).  En 2011, plus de cinq millions de personnes mourront dans le monde des suites d’un infarctus, d’un accident vasculaire cérébral, d’un cancer, d’une pneumopathie ou d’une autre maladie liée au tabac. Il faut y ajouter les 600 000 personnes qui décéderont – dont plus d’un quart d’enfants – à cause du tabagisme passif. Selon l’OMS, le tabac, qui a fait 100 millions de morts au XXe siècle, pourrait en faire un milliard au XXIe siècle. Le tabagisme est ainsi l’épidémie évitable la plus importante que doit affronter la communauté sanitaire mondiale. »

L’Inpes table sur 73 000 mors prématurées par an en France et l’OMS sur un milliard pour le siècle en cours. Et personne ne s’intéresse à la e-cigarette.

(A suivre, donc).

 

 

A(H7N9) : une veillée d’arme « exceptionnelle »

Pandémie ou pas ? Les informations en provenance de Chine ne permettent pas encore de trancher. Les médias n’ont pas les éléments pour réagir comme ils le firent lors de l’émergence du H5N1 ou du H1N1. Ou ils en ont trop.

Les organisations internationales (OIE, OMS, FAO, OMC) prennent position sur les tarmacs sanitaires et médiatiques. Une bien drôle de guerre, comme un balcon en forêt. Sans troupes allemandes certes ; mais avec un possible virus pandémique chinois.

Et, chez Gallimard, hasard ou fatalité, un ouvrage majeur de l’historien (EHESP) Patrick Zylberman (1)

 

En ce début d’avril 2013 le citoyen (journaliste ou pas) qui s’intéresse à l’actuel bouillonnement virologique A(H7N) a trois sources d’information (gratuites) à sa disposition. Soit l’OMS, que l’on retrouve ici. Soit l’OIE, ici-même. Et encore la FAO, en cliquant ici.

Trois sources on ne peut plus prolixes mais, au final, bien peu de certitudes en provenance de Chine. Une Chine qui fait pourtant preuve d’une transparence remarquable pour qui se souvient des brouillards du SRAS. Ainsi ce que transmet à Genève la Commission de la santé et de la planification familiale chinoise a notifié à l’OMSdix cas confirmés en laboratoire d’infection humaine par le virus grippal A(H7N9) supplémentaires.

un homme de 70 ans originaire du Jiangsu et tombé malade le 29 mars 2013; un homme de 74 ans originaire du Jiangsu et tombé malade le 2 avril 2013; un homme de 65 ans originaire du Zhejiang et tombé malade le 3 avril 2013; une femme de 76 ans originaire de Shanghai et tombée malade le 1er avril 2013; une femme de 81 ans originaire de Shanghai et tombée malade le 4 avril 2013; un homme de 74 ans originaire de Shanghai et tombé malade le 11 avril 2013; une femme de 83 ans originaire de Shanghai et tombée malade le 2 avril 2013; un homme de 68 ans originaire de Shanghai et tombé malade le 4 avril 2013; un homme de 31 ans originaire du Jiangsu et tombé malade le 31 mars 2013 et un homme de 56 ans originaire du Jiangsu et tombé malade le 3 avril 2013.

Soit, à ce jour, un nombre de cas d’infection par le virus grippal A(H7N9) confirmés en laboratoire en Chine de 38 au total, parmi lesquels 10 décès, 19 cas sévères et 9 cas bénins. « Plus de 760 contacts proches des cas confirmés font l’objet d’une surveillance étroite, ajoute Pékin. Le gouvernement chinois enquête activement sur cet événement et a relevé le niveau de surveillance. Des analyses rétrospectives sur des prélèvements provenant de cas récemment signalés d’infection respiratoire sévère pourraient révéler des cas supplémentaires, passés inaperçus précédemment. Un groupe de travail intergouvernemental spécial a été formellement établi et sa coordination a été confiée à la Commission nationale de la santé et de la planification familiale, au Ministère de l’agriculture et à d’autres ministères clés. Le secteur de la santé animale a intensifié ses investigations sur les sources et les réservoirs possibles du virus. » À l’heure actuelle l’OMS assure  ne disposer d’aucune preuve d’une transmission interhumaine en cours.

Tamiflu toujours en question

L’OMS nous rassure autant que faire se peut : le siège suisse est en contact avec les autorités nationales et suit de près cet événement. Il coordonne la réponse internationale et organise la coopération avec les centres collaborateurs OMS de référence et de recherche pour la grippe et d’autres partenaires pour s’assurer de la disponibilité des informations et de la mise au point de matériels destinés au diagnostic et au traitement de la maladie et au développement de vaccins. Mais le fait est là : aucun vaccin n’est actuellement disponible pour ce sous-type de virus grippal. Les résultats d’essais préliminaires fournis par le Centre collaborateur de l’OMS en Chine laissent à penser qu’il est sensible aux inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir et zanamivir). La multinationale Roche doit être en première ligne pour assurer les précieuses livraisons. Et ce alors même que comme le rappelle le BMJ le dossier du Tamiflu continue à poser question.

FAO n’est pas en reste qui insiste aujourd’hui « sur la nécessité d’adopter des mesures de biosécurité drastiques ». « Contrairement à d’autres souches, y compris celle de la grippe aviaire H5N1, hautement pathogène, ce nouveau virus est difficile à détecter chez les volailles parce que les animaux montrent peu – voire aucun – signe de maladie » souligne-t-on à Rome.  Où l’on n’oublie pas le langage diplomatique indispensable avec une telle puissance : « la FAO félicite la Chine pour avoir fait rapidement état des cas observés chez l’homme et pour avoir informé l’opinion publique en détail sur la nature du virus et avoir pris d’autres mesures de précaution. Grâce à ces informations, la FAO et la communauté scientifique internationale peuvent analyser la séquence virale dans l’espoir de mieux comprendre le comportement du virus et son incidence potentielle chez les êtres humains et chez les animaux. »

Soit, en pratique, six recommandations

1 Tenir toutes les volailles et tous les animaux d’élevage à l’écart des zones d’habitation. Un contact direct avec des animaux infectés peut mettre les personnes en danger. Cette séparation entre animaux et êtres humains est cruciale dans la mesure où la grippe A(H7N9) déclenche peu, voire aucun, signe de maladie chez les volatiles.

2 Tenir les oiseaux sauvages éloignés des volailles et des autres animaux, séparer les différentes espèces de volailles et d’animaux. Pour séparer les espèces et limiter les risques de transmission, il est possible d’utiliser des écrans, des clôtures ou des filets.

3 Signaler tout animal malade ou mort aux autorités vétérinaires (ou de santé publique) locales. Si ce n’est pas possible, informer vos voisins et les représentants de la collectivité. Il est important que tous les signes de maladie ou de morts subites et inexpliquées de volailles, d’oiseaux d’élevage, d’oiseaux sauvages ou d’autres animaux soient rapportés aux autorités pour permettre à ces dernières d’y remédier et de stopper la propagation du virus.

4 Se laver souvent les mains pour tuer le virus. Et se laver systématiquement les mains après avoir été en contact avec des oiseaux, volailles ou autres animaux, après avoir préparé et cuisiné des produits d’origine animale, et avant de manger.

Consommer des produits carnés bien cuits. Ne jamais consommer d’animaux malades ou morts de maladie, et ne jamais les donner ou les vendre. Ces animaux ne doivent pas non plus servir à alimenter d’autres animaux.

6 Demander immédiatement conseil à un médecin si vous avez de la fièvre après avoir été en contact avec des volailles, des oiseaux d’élevage, des oiseaux sauvages ou d’autres animaux.

S’il est confirmé que cette grippe d’origine animale menace la santé humaine, l’élimination des animaux atteints apparaît comme la solution appropriée à condition d’être réalisée de manière humaine et que les éleveurs concernés touchent des compensations appropriées

Le CDC chinois – aidé d’un maillage dense d’un réseau de surveillance des maladies respiratoires – a rapidement procédé à une analyse virale détaillée et a conclu qu’il s’agissait d’une nouvelle forme du virus H7N9, différente de celle connue jusqu’alors. Ce virus avait déjà sévit en effet dans le pays entre 2003 et 2009 – avec un maximum de 6 décès annuels en 2006 – pour un total de 25 morts. En 2008, un virus H7N9 avait été isolé en Mongolie mais n’avait pas été considéré comme très pathogène  Ce virus est doté d’un potentiel pandémique puisque la population humaine n’a pas été exposée massivement par le passé aux virus H7 ou N9 et ne possède donc pas des anticorps dirigés contre ce virus.

Pour sa part le site Medscape rappelle, en France, que  tout a commencé à la mi-mars, avec dans un premier temps la détection de trois cas de décès d’origine inconnue à Shanghai et dans la province de Anhui. Ces personnes jeunes (45 et 48 ans) ou moins jeunes (83 ans) étaient mortes des suites d’une infection respiratoire basse foudroyante. Seule une d’entre elles étaient en contact avec de la volaille.  Ces trois premiers cas viennent de faire font l’objet d’une publication dans The New England Journal of Medicine.

 Editorial de Nature

« Le gène de la protéine N de ce virus est similaire à celui d’une souche H11N9 isolée en Corée en 2011, en Chine en 2010 et en république tchèque en 2005, toutes des souches aviaires, précise Medscape. Celui de la protéine H a déjà été isolé lui aussi dans des souches aviaires. Il semble donc que le virus soit purement aviaire, contrairement au virus H1N1 qui était le fruit d’un réarrangement entre des virus aviaires, porcins et humains. Le séquençage montre aussi que le virus H7N9 a acquis une mutation spécifique qui lui permet de se fixer au niveau des cellules pulmonaires humaines par le biais d’un récepteur. C’est l’absence de contacts précédents chez l’homme – donc d’antigénicité contre ce virus – qui fait tout le potentiel pathogène de ce virus. Reste que pour l’instant il semble peu transmissible d’homme à homme mais c’est une donnée qu’il va falloir particulièrement surveiller dans les jours à venir.

A l’heure actuelle, aucun vaccin pré-pandémique H7N9 n’a été développé. Pour autant six vaccins  spécifiquement dirigés contre H7 (H7N2, H7N7, H7N3, H7N1) sont en cours de développement.Le 2 avril, un éditorial est paru dans la revue Nature (2) soulignant le potentiel pandémique de ce virus.

Quête obsessionnelle médiatique du malheur

L’OIE annonce elle aussi qu’elle est aujourd’hui « pleinement engagée » dans l’effort mondial collectif pour gérer ce nouveau risque. L’OIE rappelle que lors de la crise précédente (et sans précédent) due au virus H5N1 elle a géré des banques régionales de vaccins. Aujourd’hui elle « souhaite faire profiter la communauté mondiale de son expérience dans ce domaine ». En sachant que la  disponibilité d’un vaccin efficace pour protéger les volailles du virus A(H7N9) en quantités appropriées « pourrait prendre quelques temps ». Du maniement international de l’euphémisme en quelque sorte. Une part importante, essentielle, du travail de cette organisation consiste, dans le même temps, à élaborer par les normes indispensables pour se protéger de l’introduction de maladies et d’agents pathogènes par le biais des échanges commerciaux d’animaux et de leurs produits. Le tout « sans pour autant instaurer des barrières sanitaires injustifiées ». Qui fait ici la part de ce qui est juste et de ce qui ne l’est plus ? L’OIE ne nous le dit pas.

« Selon l’information disponible aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation assez exceptionnelle nous a déclaré le Directeur général de l’OIE, Dr Bernard Vallat.  J’entend par  exceptionnel  ce qui n’est pas habituel : un influenza d’origine aviaire qui infecterait l’homme sans symptôme chez les oiseaux. »

Fatalité ou hasard ? « Tout concourt aujourd’hui à exalter la logique du pire sur laquelle s’appuie l’intelligence de la terreur biologique » nous prévient Patrick Zylberman l’historien dans l’avant-propos de ses Tempêtes. Une logique du pire qui n’est pas sans faire songer à cette quête médiatique obsessionnelle du malheur qui caractérise les temps que nous traversons, souvent en compagnie de journalistes, historiens de l’instant.

(1) Zylberman P. Tempêtes microbiennes. Essai sur la politique de sécurité sanitaire dans le monde transatlantique, Paris Editions Gallimard, Collection NRF Essais, 2013. Nous y reviendrons

(2) http://www.nature.com/news/novel-bird-flu-kills-2-in-china-1.12728

 

Prothèses mammaires : qui savait quoi et depuis quand ?

L’affaire aura bientôt un mois. Les enquêtes journalistiques foisonnent. Le ministre s’est tu. La justice est saisie. L’OMS se réveille. Les questions demeurent. Pas de données nouvelles sur le risque cancéreux

La presse vit de plumes et goûte les miroirs. Rien de nouveau depuis les premières livraisons de la Gazette (1631-1915) du Dr Théophraste Renaudot. (1586-1653). Elle ne déteste pas non plus la mise en abyme, la presse citant la presse. Ainsi en ce 14 janvier cette dépêche de l’AFP. Elle traite d’un témoignage « simultanément diffusé » le même jour sous couvert d’anonymat par France 2 et Le Monde ; le témoignage d’un décidemment bien mystérieux inspecteur de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). C’est cet « anonyme »  qui aurait découvert l’existence de matières premières suspectes dans les prothèses PIP. Et l’agent inspecteur de raconter derrière son masque les  circonstances rocambolesque de sa découverte. Une affaire bien banale au fond mais qui prend ici des allures de secret d’Etat.  

 C’était le 17 mars 2010 au deuxième jour de sa mission dans la désormais célèbre entreprise de la Seyne-sur-Mer (Var).  « Selon Le Monde daté dimanche-lundi, les étiquettes placées sur les fûts suspects portaient la mention « SILOP pour silopren, une huile de silicone non autorisée pour un usage médical » et dont il n’était nulle part fait mention dans les documents examinés la veille, nous raconte l’AFP. Sur France 2, l’inspecteur, dont seules les mains apparaissent à l’écran, poursuit le récit: « Les personnels de production me disent qu’ils ne savent pas ce que sont ces étiquettes, je demande les factures et on ne les sort pas ». « Je monte voir M. Mas [le directeur]et je lui demande ce que sont ces matières premières. Il me dit:

 – On avait prévu de faire du développement+.
– Quel développement?
– Je ne sais plus.
Selon Le Monde – qui précise que « l’épisode est aussi résumé dans le rapport d’inspection que l’agence a remis à la justice et dont il a pris connaissance » – c’est en retournant sans prévenir sur un site déjà visité la veille et où il n’était plus attendu, que cet inspecteur a mis au jour la supercherie.
Le premier jour, le contrôle n’a dévoilé aucune anomalie, écrit le journal.
Mais la deuxième fois, « à travers la clôture, j’ai vu des fûts avec des étiquettes qui faisaient référence à un nom qu’on n’avait jamais vu. On a eu du mal à se faire ouvrir la porte. Et cinq minutes après, on rentre sur le site et les étiquettes avaient disparu… Stupeur », reprend l’inspecteur sur France 2 (…)
Il est décidé de prolonger la mission de l’agence: « On n’a plus confiance du tout. Notre crainte c’est que les stocks disparaissent et soient remis sur le marché dès qu’on aura le dos tourné », se souvient l’inspecteur cité par Le Monde. M. Mas a reconnu ultérieurement devant les enquêteurs que la fraude était organisée depuis des années.
La découverte de l’Afssaps a provoqué l’ouverture d’une enquête judiciaire pour « tromperie aggravée » et devrait donner lieu à un premier procès d’ici la fin 2012. Dans l’intervalle, le scandale s’est étendu au monde entier et concerne des dizaines de milliers de femmes. »

Le Monde a titré cet interminable témoignage : «Prothèses PIP : l’incroyable récit d’une supercherie » et explique que pendant près de vingt ans, Jean-Claude Mas a déjoué tous les contrôles en s’assurant de la complicité de ses salariés. « Déjouer tous le contrôles » ? Certes. On pourrait tout aussi bien expliquer que pendant vingt ans les contrôles et les contrôleurs n’ont pas été suffisamment efficaces pour mettre en évidence ce pourquoi ils étaient les premiers faits, les seconds rémunérés. Faire de M. Mas un lointain cousin de Lupin Arsène n’est pas sans risque. C’est pourtant ce qui est fait : « Il faut au moins lui reconnaître cela, à Jean-Claude Mas, l’ex-patron de Poly implant prothèse (PIP), prince déchu des prothèses mammaires. Un talent de persuasion, un art de la supercherie à rendre jaloux les rois du boniment. Pendant plus de vingt ans, cet ancien visiteur médical passé par le négoce en vin et l’assurance avant de se reconvertir dans les seins en silicone a réussi à embobiner ses salariés en leur faisant croire que son gel maison, non agréé, était « le meilleur » pour doper les poitrines de ces dames, et surtout de « bien meilleure qualité » que le Nusil, le gel médical des Américains. Avec le même aplomb, il a juré durant des années aux inspecteurs venus le contrôler qu’il n’utilisait que du silicone homologué. »

Or voici qu’il parle à la presse le roi des boniments, le prince déchu des prothèses issu du bas-fond des vins négociés. Il vient d’accorder un entretien téléphonique à la chaîne M6 qui l’a diffusé le 17 janvier et dont l’AFP nous donne la quintessence : « ‘’Jamais je n’ai nié que j’ai utilisé un gel non homologué », dit-il joint au téléphone, affirmant par la même occasion que son gel « était meilleur que les autres ». L’entrepreneur réaffirme que son gel n’a pas d’effet néfaste sur la santé: « Il y a l’Afssaps qui a fait un rapport, tous les experts sont unanimes, il n’y a aucun lien possible entre ce gel et des patientes… le cancer, le machin, pourquoi pas les maladies auto-immunes, hein… », poursuit-il. L’homme s’énerve aussi quand il est interrogé sur la décision du gouvernement de recommander aux porteuses de PIP en France de se les faire retirer, s’en prenant au ministre de la Santé Xavier Bertrand. « Qui c’est qui a demandé d’explanter les patientes, et pourquoi? Parce que les experts étaient absents. Parce que M. Bertrand n’est pas, que je sache, un scientifique (…) c’est pas croyable alors qu’il savait que ce gel n’est pas toxique. Vous savez qu’il y a 500.000 patientes maintenant qui se posent des questions! », semble s’étrangler Jean-Claude Mas. »

Faut-il rappeler que M. Mas (« qui n’a pas fait d’apparition publique depuis que le scandale a éclaté » souligne l’AFP) a déjà déclaré avoir trompé de manière délibérée (et pendant des années) TÜV Rheinland (l’organisme allemand certificateur de ses prothèses) sur le contenu du gel de silicone ? « Je savais que ce gel n’était pas homologué, mais je l’ai sciemment fait car le gel PIP était moins cher » avait-il dit aux gendarmes chargés de l’enquête pour « tromperie aggravée ».. Faut-il également rappeler qu’aucun lien n’a été établi à ce stade entre ces implants et la vingtaine de cas de cancer diagnostiqués chez les femmes porteuses de prothèses PIP ? Et faut-il enfin rappeler que la recommandation d’explanter de manière systématique les 30 000 femmes concernées a été formulée par Xavier Bertrand ministre de la santé contre l’avis du collège d’experts constitué pour évaluer au mieux le risque carcinogène.

« L’imposture aurait encore pu durer si les prothèses n’avaient commencé à rompre par dizaines. En 2007, PIP reçoit des appels d’Angleterre, des fax de Colombie, ajoute Le Monde. L’année suivante, trois chirurgiens marseillais s’inquiètent à leur tour d’une recrudescence d’incidents et se retournent vers le fabricant. Nous avons déjà évoqué sur ce blog la situation marseillaise et l’alerte (précoce ? tardive ?) lancée auprès de l’Afssaps par des chirurgiens de la bientôt célèbre clinique Phénicia.

Ce que nous ne savions pas c’est qu’après les premières récriminations la société de M. Mas « s’était contenté -comme dit Le Monde– d’envoyer  une nouvelle paire de seins à la patiente, deux autres au chirurgien, ainsi que  1000 euros ’en dédommagement des frais d’explantation et d’implantation’’ ». Ce que nous ne savons pas (et que la presse tarde à découvrir) c’est la nature exacte des relations commerciales et monétaires entre l’ensemble des chirurgiens esthétiques et l’ensemble des firmes productrices ainsi que les conséquences précises de la concurrence (semble-t-il assez vive) qui règne au sein des deux groupes.  

Dans sa livraison datée du 5 janvier Le Nouvel Observateur  fournit quelques lumières. Sous le titre « Dans la jungle des prothèses mammaires » Jacqueline de Linares et Bérénice Rocfort-Giovanni soulignent qu’un détail rassurait les femmes : les prothèses PIP étaient made in France, low cost certes mais tentantes car certifiées CE. Pas question d’implants chinois ou de matériel de contrebande.  

Pour le reste les enquêtes journalistiques piétinent. Elles moulinent le grain désormais offert. Après les procès verbaux de l’enquête de gendarmerie, l’inspecteur de l’Afssaps parlant sous un masque ce sont les anciens employés de M. Mas qui racontent à qui mieux-mieux (toujours sous couvert de l’anonymat) ce à quoi ils ont participé durant des années. Libération (sous la signature d’Olivier Bertrand) y revient longuement le 16 janvier ; avec force détails. Il est vrai que l’auteur a eu l’opportunité de pouvoir « consulter en intégralité » leurs auditions par  les gendarmes de la section de recherche de Marseille ainsi que « les trois interrogatoires de Jean-Claude Mas ». Le journalisme d’investigation (ici sanitaire) réclame toujours un peu de chance. On y découvre bien des secrets partagés entre patron et salariés avant une (tardive) rébellion des seconds.

Libération toujours complète (le 17 janvier) son dossier. Après s’être procuré (c’est l’une des formules en usage) le rapport de l’inspection de l’Afssaps menée chez PIP en mars 2010. Rien de véritablement nouveau. Dix jours seulement après cette inspection (en avril) les prothèses PIP sont interdites. Certes, mais pourquoi pas plus tôt ? Il faudra encore attendre pour le savoir. Enfin Le Figaro (du 18 janvier) croit savoir que l’éventail des poursuites va s’élargir : des avocats de plaignantes visent désormais TÜV Rheinland.

« Dans un dossier où l’aspect financier est très présent, TÜV est en ligne de mire, écrit Marie-Amélie Lombard-Latune.  ‘’On va là où les poches sont profondes…’’ , résume un avocat. Jean-Claude Mas apparemment insolvable, PIP déclaré en faillite, son assureur Allianz tentant de se dégager de sa garantie, les «poches» ne sont pas si nombreuses. TÜV, solide groupe allemand, en fait partie. D’où les différentes procédures civiles ou pénales qui le visent aujourd’hui. Silencieux jusqu’à présent, l’organisme de certification n’a pourtant pas l’intention de porter la responsabilité du scandale PIP, société contre laquelle il a lui-même porté plainte. Selon les auditeurs de TÜV – qui venaient en principe à deux lors de la visite du site à La Seyne-sur-Mer (Var) pendant un ou deux jours.  PIP était passé maître dans l’art de la dissimulation: le personnel était ‘’briefé’’, le système informatique truqué, les documents papier soigneusement triés. Le contrôle se limitait à vérifier le process qualité au regard des normes européennes, assure-t-on chez TÜV, où l’on répète que l’objectif d’un tel audit n’est pas de rechercher une fraude. Une faille évidente dans la surveillance sanitaire des prothèses, de vastes débats en perspective devant les tribunaux. Dès les auditeurs de TÜV tournaient les talons, le patron de PIP fêtait, dit-on, l’événement au restaurant. »

A restaurant ! Ainsi, après s’être longtemps tu, on dit décidemment bien des choses. C’est aussi le cas de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui depuis son siège de Genève vient pour la première fois de s’exprimer sur le sujet. L’institution onusienne conseille désormais officiellement à toutes les femmes qui dans le monde portent des prothèses mammaires PIP (elles ont entre 300 000 et 400 000 dit-on) de consulter leur médecin ou chirurgien si elles suspectent une rupture, éprouvent une douleur ou bien pour « tout autre souci ». Un bien large spectre.

« Des informations supplémentaires sont nécessaires sur les risques associés à ces implants et sur la comparaison avec les autres implants disponibles sur le marché, sur la distribution, l’utilisation et la surveillance » estime d’autre part l’OMS qui découvre cette pratique. La pose chirurgicale des implants mammaires a commencé à se développer à l’échelon international au lendemain de la seconde guerre mondiale. L’OMS é été crée en avril 1948.

Fin 2011 : prothèses mammaires et grippe aviaire

Quand l’année 2012 apportera-t-elle une réponse aux deux questions de santé publique sur lesquelles 2011 s’achève ?  

Sur son blog, qui jouxte, celui-ci Antoine Flahault achève l’année 2011 en traitant d’un sujet sanitaire majeur qui n’a pas eu l’heur de séduire durablement les médias français d’information générale : la menace inhérente aux manipulations expérimentales du trop célèbre A/H5N1 dit aviaire. Quelques heures après la publication de ce billet et du premier commentaire qu’il devait susciter l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se déclarait « profondément inquiète » par ces recherches. Rappelons  que laboratoire néerlandais dirigé par Ron Fouchier au centre médical universitaire Erasmus de Rotterdam avait annoncé en septembre être parvenu à obtenir une mutation de cet agent pathogène susceptible de lui permettre de  se transmettre nettement plus facilement entre des mammifères et notamment des humains. Aux Etats-Unis l’Université du Wisconsin  a également produit une communication similaire à propos de ce virus. Les deux recherches ont été financées par les Instituts nationaux américains de la santé (NIH). L’OMS prend note que  » ces annonces « ont suscité des inquiétudes sur les possibles risques et mauvais usages associés à ces recherches », indique aujourd’hui  l’organisation sanitaire onusienne dans un communiqué mis en ligne en anglais sur son site. L’OMS  est « également profondément inquiète des conséquences potentiellement négatives  de tels travaux ». Et dans un subtil balancement jésuite elle considère que les études menées dans des conditions appropriées doivent continuer «  afin d’accroître les connaissances « nécessaires pour réduire les risques posés par le virus H5N1 ».

 Que sait l’OMS que nous ignorons ?

Quelques heures après cette prise de position les dépêches des agences de presse internationales nous apprenaient, depuis Pékin, qu’un chauffeur d’autobus de Shenzen (grande ville du sud de la Chine proche de Hong Kong) venait de mourir des suites d’une infection causée par le A/H5N1). C’est le premier cas mortel officiellement recensé en Chine depuis dix-huit mois.  Point inquiétant : cet homme de 39 ans n’avait apparemment pas eu de contact avec des volatiles avant de tomber malade ; et il n’était pas sorti de la ville avant d’être pris de fièvre  le 21 décembre et de mourir dix jours plus tard d’une pneumonie virale. Il avait testé positif pour le A/H5N1 de la grippe aviaire a indiqué le département de la Santé de Shenzen, (plus de dix millions d’habitants). Aucune des 120 personnes placées en observation avec lesquelles il a été contact n’est tombée malade précise le quotidien officiel de la province du Guangdong. Il y a dix jours, 17.000 poulets ont été abattus dans un élevage de Hongkong. Les autorités locales avaient alors suspendu pour vingt-et-un jours le commerce de poulets vivants ainsi que leur importation en Chine continentale.

Retour en France.

En cette dernière journée de l’année 2011 France on découvre que vingt cas de cancers ont désormais été déclarés à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) chez des femmes porteuses de prothèses mammaires fabriquées par la désormais trop célèbre société PIP.  Selon ce nouveau bilan on dénombre trois cas de lymphome, dont un lymphome rarissime, quinze cas d’adénocarcinome mammaire, un cas d’adénocarcinome du poumon, ainsi qu’une leucémie. « Aucune imputabilité n’a été établie à ce jour entre ces cas de cancer et le port des implants PIP »  précise l’Afssaps qui ajoute que le nombre de cancers du sein rapporté à ce jour chez les femmes porteuses de prothèses PIP « reste inférieur au taux observé dans la population générale ». Ces prothèses seraient-elles protectrices ? A partir de quand les 30 000 femmes potentiellement concernées devraient-elles raisonnablement s’inquiéter ? Quand seront-elles rassurées ? Qui, en 2012, fera le premier l’indispensable cours de pédagogie sur ce qu’est et n’est pas une relation de causalité ? Qui parlera au plus grand nombre du hasard statistique et de la fatalité qui ne l’est pas ?  

Osons écrire ici que ces informations seraient peut-être plus utiles que celle qui, terrible vacuité médiatique des fins d’années, tourne en boucle sur les ondes et les écrans : le fondateur de la société PIP, Jean-Claude Mas (72 ans et visé en France par deux enquêtes judiciaires « pour tromperie aggravée » et « homicide involontaire ») apparaîtrait comme « consultant » dans l’organigramme d’une nouvelle société, France Implant Technologie (FIT), créée par ses enfants en juin 2011.   

 Vérité britannique ?

Faudrait-il attendre la vérité épidémiologique d’outre Manche où environ 42.000 femmes portent des implants PIP ? A quelques heures du réveillon les autorités britanniques ont annoncé l’ouverture d’une enquête sur les « données utilisées pour évaluer les risques des implants mammaires PIP, fabriqués en France » et ce après avoir reçu des informations « incohérentes » sur ces prothèses. « Je suis inquiet et mécontent de la cohérence et de la qualité des informations qui ont été transmises par les fournisseurs  des implants PIP au Royaume-Uni, vient de déclarer le ministre britannique de la Santé, Andrew Lansley. Nous avons reçu hier vendredi 30 décembre  des informations de la part de l’un des grands cabinets privés de chirurgie esthétique, qui n’avaient pas été révélées jusqu’à présent (…) et qui sont incohérentes avec les informations fournies jusqu’alors ». Le ministre a chargé un groupe d’experts d’étudier ces données et de se pencher sur « la réglementation en terme de qualité et de sécurité dans le secteur privé de la chirurgie esthétique. Leur rapport est attendu la semaine prochaine. A 2012, donc.

Avec tous nos vœux.