Sexualité, médecine, palpation et prévention: l’affaire du «DSK» obsédé de Tréguier

Bonjour

C’est un triste « fait divers », l’un de ceux qui n’intéressera guère les écrivains 1. Un médecin de Tréguier (Côtes-d’Armor) vient d’être condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc : quatre ans de prison, dont un ferme. Et une interdiction définitive d’exercer associée à une amende de 10 000 €. Le tout pour des agressions sexuelles sur huit de ses patientes. Des faits commis entre 2008 et 2013. Trois patientes victimes devront également être indemnisées à hauteur de 2 000 € et 4 000 €.

L’affaire est rapportée par Ouest-France qui se souvient (Emmanuelle Métivier) de l’audience éprouvante (plus de dix heures) qui avait précédé cette comdamnation. Tout avait commencé en 2014, avec la plainte d’une jeune fille de âgée de 17 ans, interne au lycée Savina de Tréguier. Elle avait consulté le médecin (attaché à cet établissement scolaire) pour une sinusite. Or, selon ses déclarations, ce dernier avait pratiqué une palpation mammaire et lui avait touché le pubis.

« Cette plainte fait boule de neige, dit Ouest-France. L’apprenant, d’autres patientes de ce médecin généraliste et conseiller municipal de Tréguier s’étaient déclarées à leur tour auprès de la gendarmerie, pour des actes qui les avaient gênées ou choquées. Huit se sont portées parties civiles. ‘’Je me suis sentie salie’’, dit une jeune femme au tribunal correctionnel de Saint-Brieuc.

Ce médecin retraité exerçait encore à temps partiel dans un cabinet de Tréguier. Il nie toute agression sexuelle. Ces gestes, avait-il expliqué aux juges, il les avait pratiqués pour des raisons thérapeutiques précises. Non, il n’a pas touché les sexes mais pratiqué des palpations dans les « plis inguinaux » à la recherche d’éventuels ganglions. Seul maigre mea culpa : il a peut-être insuffisamment expliqué ce qu’il faisait.

Déshabillage et pétrissage

Malheureusement pour ce médecin il faut compter avec les déclarations féminines, souvent convergentes : « J’ai senti qu’il profitait de sa fonction pour que je me déshabille et qu’il me palpe les seins », dit une ex-patiente. Une autre, devenue infirmière, déclare : « Je connais la différence entre le palper et le pétrissage. Aucun autre médecin ne m’a jamais fait ça. »

Pétrir ou pas, pour la procureure de la République les gestes de ce médecin n’avaient aucun caractère médical et leur « intention sexuelle » ne fait aucun doute ; « les caractères de surprises et de contrainte sont bien présents » qui  caractérisent l’agression sexuelle. La procureure réclame une peine de trois ans d’emprisonnement dont deux assortis de sursis, ainsi que l’interdiction d’exercer.

Pour la défense, Me Catherine Glon, du barreau de Rennes réfute  « la théorie qui a prévalu à l’instruction selon laquelle mon client s’en prenait aux patientes jolies, jeunes et de passage ». Elle réfute aussi ces éléments aggravants que sont la contrainte et la surprise. « Quand on vient dans un cabinet médical, c’est pour se faire examiner. Il n’y a rien de surprenant à devoir se déshabiller. » Selon elle, c’est parole contre parole. « Que ce que disent ses patientes soit possible, vraisemblable, ne fait pas preuve. »

A peine reconnaît-elle, peut-être, « une obsession de la prévention en pratiquant assez systématiquement des palpations ». Et d’évoquer, sans s’attarder, une rumeur qui, en 2014, faisait de son client « le DSK de Tréguier » – entendre par là une rumeur qui aurait pu servir les intérêts des opposants politiques du médecin, alors candidat aux élections municipales. Dernier  argument de la défense : « Que les experts disent que ses actes ne servaient à rien n’en fait pas des agressions sexuelles. Si on commence à condamner des médecins dans une situation comme celle-là… » Trois points de suspension qui aimeraient en dire long. Peut-être, qui sait, demain, un écrivain…

A demain @jynau

1 Sur ce thème, on conseillera sans hésitation le remarquable ouvrage de Frédérique Toudoire-Surlapierre : « Le fait divers et ses fictions » Minuit (192 pp., 18 €).

Vos urgences sont saturées ? Une idée : dénoncez la situation à votre Agence Régionale de Santé !

Bonjour

Faudrait-il en venir là ? C’est l’une de ces riches informations locales évoquée de temps à autre par Le Quotidien du Médecin (ici Anne Bayle-Iniguez). Une information en provenance de nos territoires impactés. Et, en l’espèce, dans le département trop méconnu de la Mayenne.

« C’est une affiche de format A4, presque un bout de papier, qui fait parler de lui depuis plusieurs jours à Laval, explique Le Quotidien. Retirée depuis du service des urgences de l’hôpital de la ville, où elle avait été apposée en fin de semaine dernière de façon anonyme, l’affichette s’adressait ‘’aux usagers du service des urgences du CH Laval’’, en leur suggérant d’aller ‘’manifester[leur] colère » contre les délais d’attente ‘’interminables’’ ‘’en écrivant directement à l’ARS, 17, boulevard Doumergue, 44 262 Nantes cedex 2’’ »

Une bouteille dans la Mayenne, en somme ; la conséquence de la saturation du service – 94 passages par jour en moyenne pour des locaux et des effectifs prévus pour 75 – et les fermetures de lits – dont plusieurs dizaines « dans les mois à venir ». « Nous ne demandons pas d’argent mais juste les moyens de faire correctement notre travail pour vous offrir une qualité de soins que vous êtes en droit d’exiger ».

Magnanime direction

Originale, l’initiative a été évoquée par les « médias locaux ». Ce qui n’a pas été du goût d’André-Gwenaël Pors, directeur de l’hôpital de Laval depuis la fin 2013. Selon lui cette affichette n’est qu’un un « tract ». Et qui plus est un tract utilisé début 2018 au moment où le service des urgences connaissait une « grève larvée de deux-trois mois, dans un contexte de préparations des élections professionnelles », explique-t-il au Quotidien. « C’est une initiative individuelle et spontanée (…). C’est peut-être le fait d’un médecin, mais je ne vais pas sanctionner, même si ni la méthode ni le message ne sont très propres », précise-t-il. Où l’on voit qu’une direction hospitalière peut, vis-à-vis de ses employés, fussent-ils médecins, être magnanime.

Reste, au delà du méprisable papier, le fond du problème : la saturation chronique du service, que le directeur prend soin de tempérer sans pour autant la nier.  Les urgences du centre hospitalier de Laval ont reçu en moyenne 96 patients par jour en 2018 (+ 2,7 % par rapport à 2017, avec des pics à 135 passages par jour) – et ce alors que « l’organisation interne, de 20 ans d’âge, est prévue pour 60 patients adultes par jour ». « Ce n’est pas normal », concède le directeur  qui néanmoins conteste le discours syndical relayé par France Bleu : « ‘’On court ver une catastrophe sanitaire ! » la CGT du CH Laval alerte sur la situation des urgences ».

Le directeur réfute l’argumentaire liant saturation du service à fermeture des lits. Pour lui le mal est en ville :  la démographie médicale libérale déclinante en ville et les non-remplacements des départs en retraite qui se succèdent depuis quatre à cinq ans à Laval. Et le « tract » ? Contactés par Le Quotidien les personnels des urgences de Laval ont confirmé le retrait de l’affichette mais n’ont pas souhaité répondre à plus de questions.

A demain

@jynau

 

L’Etat français va-t-il oser à Quimper (Finistère), retirer à Fañch, 18 mois, son petit tilde ?

Bonjour

La France est un pays plus riche que ne le pensent les Français. Riche au point de dépenser l’énergie et l’argent de sa justice sur des sujets qui pourraient faire rire jaune les plus démunis. Ainsi l’affaire Fañch une affaire qui déchire la Bretagne bretonnante et la France jacobine

A la naissance de Fañch le 11 mai 2017, l’officier d’état civil de Quimper (Finistère) avait refusé de retenir l’orthographe bretonne – avant d’être désavoué par l’adjointe au maire. Le procureur était alors intervenu en saisissant le tribunal de Quimper au nom du respect de la langue française. Bien comprendre l’objet de la controverse : le « tilde » surmontant la lettre « n » pour donner « Fañch » – un signe utilisé, dit-on, dans les prénoms bretons.

« Tilde : Signe diacritique en forme de S couché (~).

  1. En espagnol, signe placé au-dessus de la lettre npour indiquer la palatisation. On se sert aussi fréquemment [en espagnol] d’un accent particulier, le tilde (~), qui surmonte la lettre (ñ) et se prononce comme gn.
  2. Signe placé au-dessus d’une voyelle pour indiquer une prononciation nasale.Nous écrivons une voyelle nasalée par la lettre de la voyelle orale correspondante, surmontée d’un signe spécial appelé tilde qui indique l’abaissement du voile du palais (P. Passy, Les Sons du fr., 1917, p. 83). »

Unité du pays

Ce fut, à Quimper, une affaire du tonnerre. Dans son jugement du 13 septembre 2017, le tribunal estimait qu’autoriser le tilde reviendrait « à rompre la volonté de notre Etat de droit de maintenir l’unité du pays et l’égalité sans distinction d’origine ». Le tribunal avait notamment appuyé sa décision sur la circulaire du ministère de la justice du 23 juillet 2014, qui établit une liste limitative de seize signes (accent, tréma, cédille, etc.) pouvant être utilisés dans l’état civil français. Explications de texte :

« (…) les voyelles et consonne accompagnées d’un signe diacritique connues de la langue française sont : à – â – ä- é – è – ê – ë – ï – î – ô -ö – ù – û – ü- ÿ-ç. Ces signes diacritiques peuvent être portés tant sur les lettres majuscules que sur les minuscules. Les ligatures « æ » (ou « Æ ») et « œ » (ou « Œ »), équivalents de « ae » (ou « AE ») et « oe » (ou OE) sont admises par la langue française. Tout autre signe diacritique attaché à une lettre ou ligature ne peut être retenu pour l’établissement d’un acte de l’état civil. »

Tout semblait jugé. C’était compter sans la cour d’appel de Rennes qui vient de faire savoir qu’à sa connaissance le tilde « n’est pas inconnu de la langue française ». Qu’il figure dans plusieurs dictionnaires bien connus et respectables (Académie française, le Petit Robert ou encore le Larousse de la langue française). Qu’il est aussi utilisé par l’Etat dans des décrets de nomination dans les patronymes de personnes nommées par le président de la République. Et qu’à ce titre  le petit Fañch, 19 mois déjà, pouvait garder son tilde -un signe qui ne porte atteinte ni au principe de rédaction des actes publics en français ni à l’article 2 de la Constitution (sic).

Rebondissement immédiat avec la colère du parquet général de Rennes qui, jeudi 22 novembre, a formé un pourvoi en cassation. « En l’état des textes, le tilde n’est pas reconnu comme un signe diacritique de la langue française », estime Jean-François Thony le procureur général près la cour d’appel de Rennes. « Pourvoi en cassation formé ce jour par @PG_CA_Rennes », a ainsi communiqué   la première présidence de la cour d’appel de Rennes.

Où l’on voit, avec ou sans tilde, que la justice française sait tweeter.

A demain

@jynau

Un pays qui «se cabre», un ras-le-bol qui «sourd»: les deux verbes inquiétants du jour

Bonjour

21 novembre 2018. Tous les médias reprennent les mots prononcés, hier depuis Bruxelles, par Emmanuel Macron en réponse aux manifestations des Gilets Jaunes:

 « Nous sommes un pays qui se cabre car nous n’aimons pas le changement imposé, mais qui sait mener des transformations profondes quand le sens de l’histoire est là et que le projet est plus grand que lui. C’est une réalité que de dire que nous ne sommes pas un pays qui s’ajuste au fil de l’eau avec des réformes savamment pesées et la capacité d’un consensus permanent. Soyons lucides sur nous-mêmes. Nous ne sommes pas un régime parlementaire qui évolue par petites touches.

« Les transitions sont dures, parce qu’elles supposent de changer les habitudesEn aucun cas la transition écologique ne saurait se faire au détriment de la transition sociale, et ne saurait se faire au détriment des plus fragiles. »

 Cabrer (emploi transitif) : le sujet désigne une personne quand l’objet  désigne un animal, en particulier un cheval. Dresser, faire dresser sur les membres postérieurs : « Les gardes mobiles cabrent leurs chevaux devant les barricades des longues haies » Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 203.

Par analogie, en aviation : cabrer un avion. En relever la partie antérieure, soit pour lui faire prendre une ligne de vol ascendante, soit pour faire diminuer sa vitesse : « Notre radio et nos deux pilotes (…), s’amusent de leur appareil, comme d’un jouet magnifique; ils le cabrent jusqu’à l’impossible ». Morand, Air indien,1932, p. 233.

Question : qui, aujourd’hui, cabre la France ?

Même jour, cette citation du Monde (Patrick Roger) : « A Plounéour-Ménez (Finistère), 1 250 habitants, le maire, Jean-Michel Parcheminal, a revêtu, seul, un gilet jaune sous son écharpe tricolore. ‘’Pour le symbole, pour leur montrer ma solidarité. En tant qu’élu, nous vivons leurs souffrances. Ce n’est quand même pas normal que nos enfants n’arrivent pas à vivre décemment de leur travail, assure cet ancien militant des gauches syndicales et politiques. On sent aujourd’hui sourdre un ras-le-bol général. Les taxes sur le carburant n’ont été que le déclencheur d’un malaise profond, qui s’exprime en dehors de toute organisation, de manière spontanée. Cela n’a rien à voir avec ce qu’on a connu avec les Bonnets rouges [en 2013, en réaction à la mise en place de l’écotaxe pour les véhicules de transport de marchandises] ».

Sourdre (au figuré) : Naître, se manifester. «  En un instant toutes ses émotions de jeunesse lui sourdirent au cœur ». Balzac, Fille yeux d’or, 1835, p. 363.

A demain

@jynau

Bras de fer du tonnerre à Saint-Brieuc : cent-vingt médecins défient leur direction hospitalière

Bonjour

Comment « manager » un hôpital contre son corps médical ? Phénomène sans précédent au centre hospitalier de Saint Brieuc (Côtes d’Armor) :  près de cent-vingt médecins, dont les quarante-huit membres de la commission médicale d’établissement (CME), viennent de démissionner de leur fonction administrative dans les différentes commissions (médicale, matériel, gardes et astreintes, lutte contre les infections nosocomiales) de l’établissement. Tous ont écrit et signé un courrier que le président de la CME a remis sur le bureau de la direction. « C’est près d’un tiers des personnels médicaux de l’hôpital qui signifie ainsi leur désapprobation. Tous continuerons en revanche leur activité de soins » résume Le Quotidien du Médecin (Martin Dumas Primbault).

Pourquoi ? A cause, dit-on, de « plusieurs décisions controversées de la direction ». A commencer par le non-remplacement de quarante-deux CDD au sein de différents services de l’établissement  (1 247 lits et places répartis sur deux sites principaux). Mais celle qui agace le plus les médecins, c’est le projet de création d’un nouveau pôle ambulatoire qui coûterait 25 millions d’euros, explique au « Quotidien » le Dr Christian Brice, urgentiste au sein de l’hôpital. « À côté de cela, aucun autre projet proposé par la communauté médicale n’avance », se désole le praticien encarté à l’Association des médecins urgentistes de France. Dans son service, huit postes ont été supprimés dont celui de l’agent de sécurité chargé de protéger les personnels des violences aux urgences.

Objectif de la démission groupée : « rompre tout lien médico-administratif » avec une direction privilégiant une transmission verticale. Pour sa part la direction a pris acte de la démission des médecins qu’elle attribue à « un contexte de déficit important depuis l’année dernière, situation que l’établissement n’avait pas connue depuis de nombreuses années ». Elle se propose aussi de « faire évoluer le management de l’établissement et relever les enjeux de l’hôpital de demain ».

Une grave crise du management

L’affaire est également traitée par Medscape France : « Médecins du CH de Saint-Brieuc : les vraies raisons de leur démission » (Philippe Anaton). Où l’on apprend que les démissionnaires ne remettent pas en cause les projets de restructuration portés par le centre hospitalier. Bien au contraire. Dans un communiqué expliquant leur geste, la communauté médicale de Saint-Brieuc dit ainsi approuver, par exemple, « le projet de bâtiment ambulatoire, projet qui a été mené en concertation avec les soignants ».

La communauté médicale de Saint-Brieuc n’a pas non plus démissionné pour protester contre un manque de personnel. « La démission collective des médecins de Saint-Brieuc est le résultat d’une crise du management vieille de dix-huit mois, analyse Medscape. Cette crise a débuté en mai 2017, suite à une réunion médicale exceptionnelle organisée par le président de la CME, Benoit Moquet, et la vice-présidente, le Dr Cinthia Garignon. Cette réunion avait pour but de répondre à un malaise grandissant dans la communauté médicale. Quatre-vingt médecins réunis avait alors exprimé leur défiance vis-à-vis de la direction de l’établissement (…) »

Nouvelle crise aujourd’hui, et nouvelle mobilisation des médecins qui ont de nouveau fait part de leur inquiétude quant à l’évolution de leur établissement et du GHT des Côtes d’Armor auquel il appartient. La direction a proposé de nouveau une médiation, rejetée du revers de la main par la communauté médicale. « Plutôt qu’une médiation, nous demandons qu’un véritable diagnostic soit porté sur le mode de gouvernance de cet établissement », écrivent les médecins dans leur communiqué. Comment mieux dire ?

Si l’on en croit l’Agence de Presse Médicale, la direction aurait indiqué avoir « entendu les attentes exprimées par la communauté médicale et souhaite retrouver rapidement la voie d’un travail collaboratif en confiance ». Pour autant la situation est plus bloquée que jamais. Et voici Paris qui s’inquiète : une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales a été ouverte.

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Vapoter devant et derrière les barreaux : qui s’inspirera de la belle expérience de Caen ?  

Bonjour

Une première en France. Au début de l’été elle était racontée par Ouest-France (Jean-Luc Loury). Elle l’est aujourd’hui par La Vape du Cœur : une association loi 1901 « ayant pour but de venir en aide aux personnes majeures rencontrant des difficultés financières, fumeuses ou ex-fumeuses ». Et ce « en leur distribuant du matériel pour la vape (vaporisateurs personnels ou e-cigarettes, e-liquides et accessoires) afin qu’elles puissent accéder gratuitement à un substitut au tabac fumé ». L’un des prolongements de la révolution des volutes.

C’est l’histoire de l’opération « Vape en milieu carcéral » lancée en mars dernier par le CHU Caen Normandie, en coopération avec cette association. Au départ un appel à projets lancé par l’ARS de Normandie dans le cadre d’un programme de réduction des risques en milieu pénitentiaire. Puis un travail élaboré par le Dr Marie Van der Schueren, responsable du service de tabacologie du CHU de Caen et Lidwine Troncy cadre de santé de l’US-DSS (unité sanitaire-dispositif de soins somatiques).

Objectif : permettre un accès à la vape aux détenus fumeurs dans le cadre d’un sevrage tabagique au sein des deux établissements de Caen (Maison d’arrêt et Centre pénitentiaire) ; un projet qui concerne également tout le personnel des deux établissements « permettant ainsi de créer un climat favorable à la mise en place du dispositif ».

En pratique c’est La Vape du Cœur, par le biais de son représentant Xavier Guyou, qui a apporté son expertise et formé les divers intervenants et détenus fumeurs au bon usage de la vape. M. Guyou parle par expérience. « Il y a encore quelques années, ce chauffeur routier fumait jusqu’à 70 cigarettes par jour. ‘’Je me réveillais la nuit pour fumer. Jusqu’au jour où mon gamin de 9 ans m’a demandé pourquoi je toussais autant le matin. J’ai jeté mon dernier paquet et je me suis mis à vapoter’’ a-t-il raconté à Ouest-France  En dix-huit mois, il a appris à ‘’défumer’’ et il se passe aujourd’hui de nicotine, ‘’mais je ne veux pas arrêter la cigarette électronique’’. »

Bons de cantine

A Caen les dispositifs ont été achetés grâce au financement octroyé par l’ARS pour ce projet. Les matériels utilisés, pour répondre aux exigences particulières (pas de rechargement possible par port micro USB) étaient des batteries «Spinner 2 », et des « Kanger T2 » pour les atomiseurs. Résultats :

« Avant d’intégrer les « ateliers Vape », 82 personnes détenues étaient déjà suivies en consultations d’aide au sevrage tabagique par les infirmiers de l’US-DSS (la majorité bénéficiant de substituts nicotiniques). 48 personnes avaient acheté une vape, via les bons de cantine, mais le modèle vendu par l’administration pénitentiaire est aujourd’hui dépassé.

Au total 193 personnes détenues ont, depuis le 15 mai participé à ces ateliers. L’ensemble des participants a été équipé, et formé à l’utilisation de la vape ; 165 hommes et 28 femmes. Et 70 personnes, non suivies initialement, ont été prises en charge à l’aide d’un traitement de substitution nicotinique à l’issue des ateliers – en combinaison avec l’usage de la vape (majoritairement avec des patchs à la dose de 25mg/16 heures ou 21mg/24 heures de nicotine). »

Après ces premiers mois de mise en place les résultats sont « déjà encourageants ». Une présentation de ce projet inédit, en partenariat avec La Vape du Cœur, sera faite par le Dr Van der Schueren, à l’occasion du 12e congrès de la Société Francophone de Tabacologie, le 29 novembre à Montpellier. Le Dr Van der Schueren espère que cette expérience sera étendue à d’autres établissements du même type. Elle n’est pas la seule.

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Le spritz de Campari : comment faire un succès alcoolisé à partir d’une tache d’huile d’Italie ?

Bonjour

Loi Evin ou pas, avez-vous observé le nombre des publicités agressives réclamant de consommer au plus vite des boissons alcooliques anisées d’origine industrielle ? C’est là une convergence publicitaire qui fait suite à celle incitant à la consommation intensive de bières durant la Coupe du monde de football. Autre sujet d’actualité, dans l’ombre du mojito, le « spritz », raconté par l’AFP et repris dans les pages d’été de nombre de quotidiens.

Prosecco, de l’eau de Seltz et association alcoolisée plus ou moins amère : Campari (Spritz bitter) ou Aperol,(Spritz dolce ou Aperol Spritz). Sans oublier une rondelle de citron, d’orange ou d’orange sanguine ainsi – le cas échéant – qu’une olive.

A chaque marque il faut une histoire. Elle commencerait, ici, à l’occupation autrichienne dans le nord-est de l’Italie, au XIXe siècle. Quand un vin n’était pas très bon (ou qu’il faisait chaud) les soldats, dit-on, l’allongeaient avec de l’eau pétillante. Puis vient l’Aperol® , en 1919, à Padoue : alcool, oranges amères, gentiane et rhubarbe remplacent le vin : l’ancêtre du Spritz est né. Puis, en 2003, le puissant groupe milanais Campari s’empare de la marque Aperol®, alors inconnue en dehors du nord-est de l’Italie.

« Quand nous l’avons achetée, cette marque vendait quelques millions de litres dans trois villes du nord-est de l’Italie : Venise, Padoue et Trévise, où en moyenne chaque habitant buvait cinq spritz par jour », explique Bob Kunze-Concewitz, le patron de Campari – qui compte dans son large portefeuille de spiritueux la marque du même nom, mais aussi des vodkas ou des whiskys.

« ‘’Nous nous sommes rendu compte de son vrai potentiel et nous avons conçu grâce à l’Italie, notre laboratoire, un modèle de développement très précis’’. A chaque fois, le groupe entre dans un quartier d’une ville (choisie pour son potentiel) et collabore avec deux ou trois bars, en offrant une formation intense aux barmen et des événements pour faire déguster le breuvage. Petit à petit, selon une ‘’stratégie de tache d’huile’’, le spritz séduit des consommateurs. »

Puis Campari s’est ensuite attaqué à l’immense secteur international de la grande distribution. « Le groupe a mis le paquet sur la publicité pour casser cette image de boisson juste pour la période estivale. Ensuite, les internautes ont pris le relais. Sur les réseaux sociaux, #Spritz compte plus d’un million de publications Instagram, rapporte l’AFP. Aperol est désormais la marque la plus importante du groupe (13 % des ventes). Elle a connu une croissance de 19,5 % en 2017, avec des hausses de 27 % en France ou 51 % aux États-Unis, et même supérieure à 100 % dans de nouveaux marchés comme la Russie, le Mexique ou le Brésil. Au premier semestre 2018, les ventes ont encore progressé de 24,7 %. Aperol vise une croissance encore à deux chiffres dans les prochaines années. »

Face à Instagram et à la « stratégie de la tache d’huile » que reste-t-il, aujourd’hui, de la loi Evin ?

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Miracle breton : Emmanuel Macron accorde sa bénédiction à la maternité de Guingamp

Bonjour

C’était avant l’affaire Benalla. Avant même que la France ne soit championne du monde. C’était fin mai : Guingamp (Côtes d’Armor) se révoltait contre la fermeture programmée de sa maternité. Plus de 2 000 personnes s’étaient rassemblées dans les rues de la cité bretonne. Mouvement soudé contre la fermeture décidée par l’Agence Régionale de Santé (ARS). Une vingtaine d’élus étaient dans le cortège. Parmi eux  Noël Le Graët, 76 ans, ancien maire de Guingamp et président de la Fédération française de football. Noël ne savait pas encore qu’il serait sous peu chaudement félicité, à Moscou, par un président Macron rayonnant.

L’ARS de Bretagne venait d’annoncer la fermeture de la maternité à compter du 31 janvier 2019 – après cette date seul le suivi des grossesses et des jeunes mères pourrait se faire sur place. Pourquoi ? A cause du manque de pédiatres et d’anesthésistes. « Ces difficultés fragilisent la prise en charge et la capacité de l’établissement à assurer dans l’avenir la sécurité des futures mamans et des nouveau-nés 24 heures sur 24 », indiquait l’ARS dans un communiqué.

« Nous n’acceptons pas cette décision ! tonnait Philippe Le Goff, maire de Guingamp. Lorsque l’on sait qu’une maternité comme la nôtre fait 500 accouchements par an, on a besoin de ce service. » « Notre attente est que les conseillers régionaux s’opposent à ce plan régional de santé, renchérissait Cinderella Bernard, conseillère départementale. C’est primordial pour que l’ARS revienne sur sa décision. »

Emmanuel Macron en piste

Puis, soudain, les symptômes du miracle. Fin juin Agnès Buzyn annonçait que le dossier de la maternité serait réexaminé – et ce à la demande d’Emmanuel Macron après une visite présidentielle providentielle en sol breton.

« Ce qui a été acté par l’ARS, c’est que de toute façon la réorganisation de la maternité ne doit pas survenir avant février 2019 et qu’on a dans cet intervalle de temps tout intérêt à retravailler avec les acteurs locaux, les acteurs soignants des établissements concernés pour voir quelle serait la meilleure organisation de la filière de périnatalité sur ce territoire », expliquait la ministre.

Puis, coup de théâtre, survint, dans le paysage, l’humoriste-comédien Jean-Marie Bigard – avec sa promesse d’organiser un spectacle caritatif, le 20 août, pour venir en aide à la maternité. Lien de causalité ou pas, le miracle républicain n’a plus tardé : « La maternité restera ouverte au-delà du 1er février 2019 », faisait savoir il y a quelques jours à l’AFP le cabinet de la ministre de la Santé. Une information qui  –  serait-ce la fatalité – venait confirmer les dires de Yannick Kerlogot, député de la circonscription (LREM). Titulaire d’une maîtrise d’histoire M. Kerlogot  avait, jadis, consacré son mémoire de recherche aux écoles primaires de Guingamp.

La maternité bretonne devra dans un premier temps user de son sursis de deux ans pour « redresser la barre » (sic). « Il s’agira d’augmenter le nombre de naissances » (sic) souligne le cabinet de la ministre des Solidarités et de la Santé. Il faudra aussi « renforcer la sécurité des parturientes ».

À l’annonce de cette nouvelle, l’humoriste-comédien pro-Guingamp s’est empressé d’exprimer sa joie sur les réseaux sociaux. « On a gagné !!! Notre mobilisation a payé et la maternité est sauvée pour le moment !! @OuestFrance @LeTelegramme @EAGuingamppic.twitter.com/Ot98ZxODKW »

Qui, longtemps après les écrouelles, dira la puissance des présidents, des humoristes, des comédiens ?

A demain

 

Guingamp (Côtes d’Armor) : pourquoi cette cité devrait-elle faire le deuil de sa maternité ?

Bonjour

Couperet politique programmé. Après Châteaudun, Guingamp. Dans les deux cas, fin annoncée des accouchements. Plus de 2 000 personnes se sont rassemblées samedi 26 mai dans la cité bretonne des Côtes-d’Armor. Mouvement soudé contre la fermeture de la maternité prévue en janvier 2019 par l’Agence régionale de la santé (ARS), a indiqué la gendarmerie – information illustrée par Ouest-France et relayée par l’AFP. Une vingtaine d’élus ont rejoint le cortège dont Noël Le Graët, 76 ans, ancien maire de Guingamp et aujourd’hui président de la Fédération française de football. »

L’ARS de Bretagne vient d’annoncer la fermeture de la maternité à compter du 31 janvier 2019 – avec la « mise en place d’une filière périnatale au CH de Guingamp ». Pourquoi ? A cause « du manque de renforts médicaux notamment sur ‘’certaines professions médicales telles que la pédiatrie et l’anesthésie’’. « Ces difficultés fragilisent la prise en charge et la capacité de l’établissement à assurer dans l’avenir la sécurité des futures mamans et des nouveau-nés 24 heures sur 24 », indique l’ARS dans son communiqué.

Formules en bois

« Début mai, les Guingampais avaient déjà défilé pour leur maternité, rappelle Le Télégramme. Une manifestation de personnels de santé, d’habitants, d’élus qui redoutaient la fermeture de leur maternité. Malgré cela, cette semaine, le couperet est tombé : l’Agence Régionale de Santé a annoncé la fermeture du service pour la fin janvier 2019 au motif qu’il manque de renforts médicaux sur certaines professions telles que pédiatrie et anesthésie. Un argument qui ne passe pas à Guingamp. « Les élus ont fait un recours pour que le tribunal annule la décision, parce qu’elle est injuste et non fondée, explique Morgane Jaouannet, sage-femme au CH de Guingamp. Et je pense qu’on aura gain de cause, il ne faut pas lâcher l’affaire ! » « Aujourd’hui, on n’accepte cette décision ! explique Philippe Le Goff, maire de Guingamp. Lorsqu’on sait qu’une maternité comme celle de Guingamp fait 500 accouchements par an, on a besoin de ce service à Guingamp. » « Notre attente est que les conseillers régionaux s’opposent à ce plan régional de santé, renchérit Cinderella Bernard, conseillère départementale. C’est primordial pour que l’ARS revienne sur sa décision. »

Fatalité ? Une enquête publiée par Le Monde en février dernier  soulignait que deux tiers des maternités avaient fermé en France en quarante ans, passant de plus de 1 700 en 1972 à près de 500 actuellement. Certes. Mais il s’agissait de fermetures de très petites maternités. Aujourd’hui il s’agit de « manque de renforts médicaux ». Pourquoi ? Et pourquoi ces formules en bois des ARS, bretonnes ou pas ?

A demain

 

Les urgences en surchauffe partout en France.  L’AP-HP « craque » et ne fait plus rêver

 

Bonjour

17 mars 2018. La manchette du Monde : « Pourquoi les hôpitaux parisiens craquent ». A lire: une longue litanie de plaintes, de dysfonctionnements, d’absurdité. AP-HP, historique et prestigieuse entité ne fait plus rêver. « Confrontée à un déficit de 200 millions d’euros et à un plan d’économies drastique elle est à bout de souffle. Personnel soignant comme chefs de service dénoncent un manque constant de moyens, un découragement et une perte de sens. »

Tonalité atypique, une ombre de mea culpa, Martin Hirsch, directeur général serait-il sur le point de renoncer ? Il reconnaît,au sein du personnel, « un sentiment de lassitude et de souffrance » et en appelle à une transformation profonde de l’hôpital. Extrait de l’entretien accordé au quotidien vespéral :

« Après trois ans d’affilée de réduction du déficit, l’année 2017 a été atypique, avec une activité stable et des dépenses que nous n’avons pas ajustées à temps. Le plan que nous mettons en place repose d’abord sur des économies sur les médicaments auxquelles tous adhèrent, et sur un gel de 0,5  % de la masse salariale que tous redoutent. C’est dur, mais cela ne met pas en péril l’AP-HP ni la prise en charge des malades. Pour que cela ne pèse pas là où les besoins sont les plus forts, nous organisons, avec les présidents de communauté médicale, une revue des services que nous aurions dû réorganiser plus tôt, pour le faire vite.

« Un malaise chez les soignants ? Incontestablement, et nous en avons conscience. Il traduit ce que j’appelle la  » mue douloureuse  » de l’hôpital, avec un sentiment qui va de la lassitude à la souffrance, mais qui ne remet pas en cause l’attachement au service public. (…)

« La contrainte budgétaire ne sera supportable que si des transformations profondes se font. Le gouvernement a lancé des chantiers  » pour en finir avec les rafistolages « . J’invite donc cette maison à dire le projet qu’elle veut porter. Un ensemble aussi grand doit-il continuer à être organisé comme les autres ? Ne peut-on pas garder les avantages de la taille sans ses lourdeurs ? De même que j’ai annoncé qu’on quittait le siège de l’AP-HP, je considère que nous ferions une erreur historique en ne proposant pas des évolutions majeures de nos organisations et des cadres de travail des personnels. (…)»

Deux morts problématiques à Rennes et Reims

Pour le reste, partout en France, les services d’urgence font face à une affluence inhabituelle. Tous les quotidiens régionaux en parlent. Les plans  » Hôpital en tension  » sont déclenchés.  Une sexagénaire, se plaignant de douleurs abdominales, est décédée lundi 12 mars aux urgences du CHU de Rennes une heure après son admission. La patiente, conduite en Samu, attendait sur un brancard de pouvoir être auscultée par un médecin.

Des pompiers, présents à proximité, ont lancé l’alerte, voyant que la femme ne respirait plus. Le décès a provoqué doutes et interrogations dans ce service sous tension. « Le personnel est souvent dans une impasse et doit pallier le plus urgent. Nous dénonçons depuis longtemps le manque de moyens pour une bonne prise en charge des patients » a déclaré Fabrice Lerestif, du syndicat FO à Ouest-France.

 Selon la direction du CHU, citée par le quotidien régional, l’équipe soignante, au complet à ce moment-là, devait assumer la prise en charge de « près de 100 patients présents dans le service dont 70 admis les cinq heures précédentes ». Le personnel faisait également face « à la présence simultanée d’urgences avec mise en jeu du pronostic vital, nécessitant une prise en charge immédiate ».

Une autopsie permettra de déterminer les causes du décès. Le procureur de la République de Rennes a ouvert une enquête pour faire la lumière sur les causes et les circonstances du décès, précisant toutefois selon Le Télégramme, qu’aucune plainte n’a pour l’heure été déposée par la famille.

Abandon et délabrement

Une enquête en recherche des causes de la mort a été ouverte au lendemain du décès d’une septuagénaire, le 6 mars, aux urgences du CHU de Reims (Marne), après une longue attente. «J’ai ouvert une enquête en recherche des causes de la mort (…) pour savoir si oui ou non il y a possiblement une infraction pénale susceptible d’être reprochée», a déclaré Matthieu Bourrette, le procureur de la République de Reims, confirmant une information du journal L’Union.

La septuagénaire, résidant dans une maison de retraite de la ville, est décédée aux urgences de ce CHU il y a une semaine, après plus de 2h30 d’attente. Elle a succombé à un arrêt cardiaque. «Elle n’a pas été examinée, personne ne s’est intéressée à elle, même pas sur le plan administratif», dénonce Me Emmanuel Ludot, avocat du fils de la défunte. Elle était «totalement abandonnée» dans un «état de délabrement», a-t-il insisté.

« Depuis janvier, les médecins décomptent sur Internet, le nombre de patients qui passent la nuit dans un brancard, faute de lits suffisants. Dans la région, plusieurs établissements participent, rapporte Sud-Ouest. Une sorte de diagnostic. Ou du moins un état des lieux, réalisé par le SAMU-Urgences de France (SUdF). C’est ce que propose le No bed challenge ou NBC. Non pas un nouveau défi improbable et dangereux mais un recensement du nombre de patients qui ont passé la nuit au service d’urgences faute de lits disponibles. »

A demain